Les XXIIe JTA
> Présentation
> Programme
> Comité scientifique
> Intervenants
> Contacter les JTA

En pratique
> S'inscrire
> Renseignements
> Hébergement
> Programme social
> Post-congrès

Les archives
> Andrologie
> Biologie
> Gynécologie
> Infertilité
> Médecine foetale
> Néonatologie
> Nutrition
> Obstétrique
> Pédiatrie
> Périnatalité
> Périnéologie
> Phlébologie
> Psychosomatique

Rechercher

Titre: Effet sur l’endomètre des estrogènes et des antiestrogènes
Année: 2002
Auteurs: - Bergeron Ch.
Spécialité: Gynécologie
Theme: endomètre

Effet sur l'endomètre des estrogènes et des antiestrogènes

Christine Bergeron

Laboratoire Pasteur-Cerba, 95066 Cergy Pontoise Cedex 9

Pendant la période de la reproduction, l'endomètre subit des modifications morphologiques et physiologiques caractérisées par une croissance, une différenciation sécrétoire et en l'absence de fécondation, une menstruation et une régénération. Prolifération, différenciation et menstruation impliquent surtout les deux tiers supérieurs de la muqueuse qui correspondent à la partie fonctionnelle de la muqueuse. Le tiers inférieur correspond à la partie basale où les modifications morphologiques sont mimines. Cette partie est responsable de la régénération de la muqueuse.
Ces modifications cycliques ont pour finalité de créer un environnement adapté pour la nidation et se produisent sous l'influence des estrogènes et de la progestérone sécrétés par l'ovaire de manière cyclique. L'aspect morphologique de l'endomètre est un témoin de l'intégrité de l'axe hypothalamus, hypophyse et ovaire et permet de confirmer qu'une femme infertile a eu une ovulation. Au moment de la ménopause, l'absence d'estrogènes conduit à une involution progressive de l'endomètre pour aboutir à un endomètre atrophique. En cas de persistance d'imprégnation estrogénique, d'origine endogène ou iatrogène, sans progestérone associé après la ménopause, l'endomètre présente un aspect prolifératif, voire hyperplasique ou néoplasique dans un petit nombre de cas.

I. Mécanismes d'action des estrogènes

L'action des hormones stéroides sur l'épithélium, le stroma et l'endothélium de l'endomètre se fait par l'intermédiaire de récepteurs spécifiques qui sont des protéines présentes dans le noyau des cellules endométriales et ont une affinité spécifique pour les estrogènes et la progestérone. Ils sont localisés par immunohistochimie au niveau des noyaux des glandes et du stroma. On ne les trouve pas dans l'endothélium des vaisseaux. Le type classique de récepteurs aux estrogènes est appelé ERalpha et correspond à une protéine de 595 acides aminés. Le deuxième type de récepteur appelé ERbêta correspond à une protéine de 485 acides aminés. La synthèse des ERalpha et ERbêta est sous la dépendance des estrogènes via les ERalpha. On ne connaît pas le rôle exact des ERbêta. Les récepteurs de la progestérone existent aussi sous deux formes PRA (94 KDA) et PRB (114 KDA) qui se lient avec la progestérone de manière similaire. Les ERalpha et les ERbêta et les PRA et PRB sont les plus élevés durant la période préovulatoire et la période post ovulatoire précoce, durant lesquelles le niveau sérique des estrogènes est le plus élevé. La progestérone inhibe la synthèse des deux types de récepteurs des estrogènes. Le récepteur PRB est la molécule la plus active et est régulé de manière plus importante par les estrogènes que le PRA. Le PRB inhibe la synthèse du PRB mais non du PRA tandis que le PRA inhibe la synthèse des PRA et des PRB. Les récepteurs des estrogènes ERalpha et ERbêta diminuent puis disparaissent pendant la phase sécrétoire à la fois dans l'épithélium et le stroma. Le PRB disparaît également dans la composante épithéliale pendant la phase sécrétoire mais le PRA persiste dans le stroma.
Les estrogènes jouent un rôle important dans la prolifération des cellules endométriales mais ne sont pas capables d'induire une prolifération sur des cellules endométriales en culture. L'action mitogénique des estrogènes se fait donc probablement de façon paracrine par l'intermédiaire de facteurs de croissance, comme le facteur de croissance épidermique, le facteur de croissance pour l'insuline I et II et le facteur de croissance transformant que l'on détecte dans l'endomètre par immunohistochimie. Les cellules endométriales ont des récepteurs pour le facteur de croissance épidermique dont la synthèse est sous la dépendance des estrogènes. L'oncoprotéine HER-2/neu est une protéine transmembranaire qui est considérée comme un récepteur de facteur de croissance. Cette oncoprotéine a été identifiée dans l'endomètre normal mais son lien avec les récepteurs des estrogènes n'est pas clair. Elle est localisée uniquement dans les cellules épithéliales et il n'existe pas de variation cyclique. Elle reste élevée pendant la phase sécrétoire alors qu'il n'existe plus de récepteurs des estrogènes et de la progestérone dans l'épithélium de l'endomètre. La pS2 est une protéine estrogénodépendante qui a été localisée dans le sein Cette protéine est également présente dans l'endomètre et peut être détectée par immunohistochimie exclusivement dans l'épithélium. Elle semble être également induite par les estrogènes car elle est sécrétée à un niveau maximum pendant la phase proliférative. Sa fonction exacte reste mal définie. On identifie également des oncogènes qui sont probablement en cause dans la stimulation de la croissance de la muqueuse endométriale par un mécanisme paracrine. Ces oncogènes sont régulés par les estrogènes.

II. La phase estrogénique du cycle menstruel

La phase estrogénique dite proliférative correspond aux 14 premiers jours du cycle. Les modifications histologiques qui caractérisent cette période ne permettent pas de donner le jour du cycle avec précision et ne dépendent pas d'une possible ovulation. Le stroma, les glandes et les vaisseaux proliférent pendant toute la phase proliférative, avec un pic autour du 10ème jour du cycle, aboutissant à une augmentation du volume de la muqueuse endométriale. Cette prolifération se traduit par une augmentation des mitoses et de la synthèse de l'ADN et de l'ARN cytoplasmique, que l'on met en évidence par une augmentation du marquage de l'intensité de la radiothymidine et une diminuation de la phase de synthèse de l'ADN. Ces modifications sont plus prononcées au niveau de la partie fonctionnelle du fond et du corps de l'utérus qu'au niveau de la partie basale, de l'isthme et des cornes utérines.
Les glandes sont droites et perpendiculaires à la surface au début de la phase proliférative puis deviennent volumineuses et tortueuses durant la phase proliférative intermédiaire et tardive. Elles sont bordées par un épithélium pseudostratifié, fait de cellules cylindriques aux noyaux en forme de cigare avec de nombreuses figures de mitoses et un petit cytoplasme éosinophile. Sur le plan ultrastructural, la phase proliférative se traduit par une augmentation des ribosomes, des mitochondries, du golgi et des lysozomes primaires dans les glandes et les fibroblastes. Ces organites servent à la synthèse de la matrice protéique et des enzymes et à leur storage. Ces enzymes comme la lactate déhydrogénase, l'hexokinase, la pyruvate kinase et la glucose 6 phosphatase sont impliquées dans le métabolisme des hydrocarbones durant la période postovulatoire. Des anticorps contre des antigènes des mucines de type 3 reliés à la chaine A, B, O permettent d'étudier la glycosylation pendant le cycle menstruel. Les glandes de la partie fonctionnelle expriment les antigènes de type 3 de la chaine A, H et T pendant la phase proliférative alors qu'elles n'expriment que les antigènes de la chaine T pendant la phase sécrétoire. Enfin, il existe une augmentation du nombre des cils et des microvillosités au niveau de l'épithélium de surface et les glandes qui sont synthétisées sous l'influence des estrogènes.
Le stroma est fait de cellules peu différenciées rondes et régulières avec un noyau hyperchromatique entouré par une fine bande de cytoplasme. Des agrégats de cellules lymphoides sont souvent présents dans le stroma de la phase proliférative. On identifie des IgA, IgM, IgG qui ne semblent pas jouer un rôle important dans la défense immunitaire locale. En effet, l'endomètre normal synthétise un nombre négligeable d'immunoprotéines, ont peu de cellules de langerhans et n'ont pas de plasmocytes. Toutes ces données semblent confirmer la nature stérile de l'endomètre normal.

III. Les hyperplasies et les cancers estrogénodépendants

Les hyperplasies sont actuellement divisées en hyperplasies sans ou avec atypie cytologique. Les hyperplasies sans atypie cytologique, qu'elles soient simples ou complexes, sont de loin les plus fréquentes et correspondent à 80% des cas. Elles se développent sur un terrain d'hyperestrogénie au moment de la péri-ménopause. Elles contiennent de nombreux récepteurs aux œstrogènes et à la progestérone, ce qui explique pourquoi elles répondent bien au traitement progestatif. Elles ne sont pas considérées comme des lésions précancéreuses directes. Les hyperplasies avec atypie cytologique sont des lésions précancéreuses directes qui évoluent dans 30% des cas vers un cancer invasif. Elles se développent aussi bien sur un terrain d'hyperestrogénie que sur une atrophie et surviennent à la péri-ménopause ou à la ménopause. Elles contiennent des récepteurs aux œstrogènes et à la progestérone qui sont répartis de manière hétérogène dans la composante glandulaire et le stroma sous-jacent. La biopsie à l'aveugle peut passer à côté d'une hyperplasie avec atypie cytologique car cette lésion est parfois focale. Seule l'hystéroscopie avec biopsie permet de dépister ces lésions focales avec fiabilité. La composante glandulaire de ces hyperplasies a un aspect morphologique comparable à celui d'un cancer bien différencié, la seule différence étant l'absence d'invasion du stroma qui n'est pas toujours facile de mettre en évidence sur une biopsie ou un curetage. Il est donc proposé sur une biopsie ou un curetage, d'appeler les hyperplasies avec atypie et les cancers bien différenciés de l'endomètre, néoplasies endométriales, pour les différencier des hyperplasies sans atypie qui sont des lésions bénignes. Le traitement de l'hyperplasie avec atypie cytologique est l'hystérectomie simple. En effet, ces lésions répondent de manière aléatoire aux progestatifs. De plus, on retrouve, dans 50% des cas, un cancer de l'endomètre invasif adjacent quand on pratique une hystérectomie pour une hyperplasie avec atypie. Il est possible de prescrire un traitement progestatif chez la femme jeune qui désire procréer.
On divise les cancers de l'endomètre en deux entités: le premier type est dit le cancer de la femme "jeune", c'est à dire qu'il survient autour de la ménopause ou après quelques années de ménopause. Il est le plus souvent bien différencié et n'envahit le myomètre que superficiellement. Il est associé à une hyperestrogénie et contient des récepteurs aux estrogènes et à la progestérone. Ces récepteurs sont répartis de manière hétérogène dans la composante néoplasique et sont présents également dans le stroma sous jacent. Le rôle des œstrogènes semble être celui d'un facteur de croissance qui favorise la multiplication d'une population de cellules néoplasiques préexistantes. Le deuxième type de cancer beaucoup plus rare est dit le cancer de la femme "âgée". Il survient chez des femmes de plus de 70 ans qui n'ont le plus souvent jamais pris d'œstrogènes. Il est de mauvais pronostic car il est peu différencié de type séreux ou à cellules claires et envahit le myomètre profondément. C'est un cancer le plus souvent non hormonodépendant.

IV. Action des antiestrogènes sur l'endomètre

Le tamoxifène est un antiestrogène largement utilisé comme traitement adjuvant dans le cancer du sein chez les femmes ménopausées. Mais de nombreuses inconnues persistent dans le mécanisme d'action du tamoxifène au niveau de l'endomètre. Cette molécule a dans la plupart des cas un effet anti-estrogénique au niveau de l'endomètre, mais elle peut avoir un faible effet estrogénique. Cet effet estrogènique s'exerce par l'intermédiaire des ERalpha et ERbêta que l'on détecte au niveau de l'endomètre de patientes traitées par tamoxifène. L'histologie la plus fréquente qui sera mis en évidence sous tamoxifène est une atrophie glandulo-kystique qui correspond à une dilatation des glandes qui sont bordées par un épithélium cubique aplati. Cette modification est fréquente chez les femmes ménopausées sans traitement et ne nécessite pas de prise en charge particulière. L'ERalpha mais aussi l'ERbêta sont mis en évidence dans l'endomètre atrophique des patientes traitées par tamoxifène à des quantités similaires que chez des patientes non traitées. Il a été suggéré que l'ERbêta disparaît plus rapidement que l'ERalpha dans des tissus en prolifération et que l'ERbêta aurait une action anti-proliférative. Ceci pourrait permettre de comprendre l'action estrogénique ou antiestrogénique de molécules comme le tamoxifène, selon le niveau de chacun des récepteurs.
Le polype est la lésion endométriale la plus fréquente sous tamoxifène. L'aspect histologique de ces polypes sous tamoxifène est particulier. Il est constitué le plus souvent de glandes kystiques bordées par un épithélium atrophique comparables de manière caricaturale à un endomètre atrophique et kystique de la ménopause. Le stroma est oedémateux et bien vascularisé. Ces polypes, souvent de grande taille, peuvent saigner ou donner des images échographiques inquiétantes. Les polypes hyperplasiques existent sous tamoxifène mais sont beaucoup moins nombreux que les polypes glandulokystiques. Les ERalpha et surtout les ERbêta dans le stroma des polypes de patientes traitées sont présents à des taux plus faibles que dans les polypes des patientes sans traitement. Cette différence du rapport ERalpha/ERbêta dans le stroma des polypes pourrait avoir une signification pronostique dans la progression de ces lésions, qui reste à démontrer. Les hyperplasies sans atypie cytologique diffuses dans toute la cavité endométriale sont rares et beaucoup moins fréquentes que chez les femmes sous estrogènes isolés. On ne sait pas clairement si les hyperplasies sans atypie cytologique sont plus fréquentes chez les patientes traitées par tamoxifène que chez les femmes du même groupe d'âge sans traitement. Elles sont l'indication d'un traitement médical par des progestatifs. Le cancer endométrial est diagnostiqué plus souvent chez les femmes sous tamoxifène que chez les femmes ayant eu un cancer du sein sans traitement antiestrogénique. L'augmentation du risque de développer un cancer de l'endomètre est évaluée à 2 pour 1000 et est associée à la dose et à la durée du traitement. Les ERalpha et les ERbêta sont présents dans les cancers associés au tamoxifène au même taux que dans les cancers détectés chez des patientes ménopausées sans traitement. Ce cancer est le plus souvent bien différencié et de type endométrioide. Il reste de bon pronostic et ne modifie pas la survie. Quelques formes histologiques plus rares ont été décrites sous tamoxifène, comme des carcinosarcomes ou des cancers séreux qui ont un pronostic plus sévère comme chez les patientes du même âge non traitées.

Bibliographie

1. Bergeron C. Histologie et physiologie de l'endomètre normal. Dans Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Gynécologie, 31-L-10, 1997, 8p.
2. Bergeron C, Nogales FF, Masseroli M, Abeler V, Duvillard P, Müller-Holzner E, Pickartz H, Wells M. A multicentric european study testing the reproducibility of the WHO classification of endometrial hyperplasia with a proposal of a simplified working classification for biopsy and curettage specimens. Am J Surg Path 1999 ; 23 : 1102-1108.
3. Bergman L, Beelen ML, Gallee MP et al. Risk and prognosis of endometrial cancer after tamoxifen for breast cancer. Comprehensive Cancer Centres'ALERT Group. Assessment of liver and endometrial cancer risk following tamoxifen. Lancet 2000:356:881-7.
4. Cohen I, Beyth Y, Altaras MM, Shapira J, Tepper R, Cardoba M et al. Estrogen and progesterone receptor expression in postmenopausal tamoxifen-exposed endometrial pathologies. Gynecol Oncol 1997: 67, 8-15.
5. Corley D, Rowe J, Curtis MT, Hogan WM, Nuomoff JJ, Livolsi VA. Postmenopausal bleeding from unusual endometrial polyps in women on chronic tamoxifen therapy. Obstet Gynecol 1992: 79, 111-116
6. Deligdisch L, Cohen CJ. Histologic correlates and virulence implications of endometrial carcinoma associated with adenomatous hyperplasia. Cancer 1985; 56 (6): 1452-1455.
7. Ferenczy A, Gelfand M. The biologic significance of cytologic atypia in progestogen treated endometrial hyperplasia. Am J Obstet Gynecol 1989; 160: 126-131
8. Kurman RJ, Kaminski PF, Norris HJ. The behavior of endometrial hyperplasia. A long term study of "untreated" hyperplasia in 170 patients. Cancer 1985; 59: 403-412.
9. Lecce G, Meduri G, Ancelin M, Bergeron C, Perrot-Applanat M. Presence of ERbêta in the human endometrium through the cycle : expression in glandular, stromal and vascular cells. J Clin Endocrinol Met 2001,86 (in press).