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2003 > Pédiatrie > Réanimation néonatale  Telecharger le PDF

À faire et à ne pas faire dans la prise en charge des nouveau-nés en salle de naissance

F. Gold

Entre 3 et 6 % des nouveau-nés ont des difficultés d'adaptation à la vie extra-utérine, et requièrent de ce fait une assistance en salle de naissance. En France, c'est Gilbert HUAULT qui a le premier, en 1969, formalisé la conduite à tenir face à un nouveau-né en détresse dans les premières minutes de vie. Depuis, plusieurs autres protocoles ont successivement introduit les connaissances nouvelles dans la pratique des soins à la naissance. A ce jour, le protocole le plus performant dans ce domaine est celui qui a été rédigé en 1987 conjointement par l'Académie Américaine de Pédiatrie et l'Association américaine de Cardiologie, et dont la dernière mise à jour remonte à septembre 2000.

En une trentaine d'années, de nombreuses choses ont changé dans la réanimation du nouveau-né en salle de naissance, et cette pratique est devenue progressivement à la fois plus simple et plus efficace que dans sa version initiale. Pour ne pas être cantonné à un simple survol dans le volume imparti, on se limitera dans les pages suivantes à 3 points d'actualité : faut-il ou non réanimer les enfants qui naissent aux limites de la viabilité extra-utérine ? Faut-il ou non contrôler les pressions que l'on administre lors d'une assistance ventilatoire en salle de naissance ? Faut-il ou non compléter l'oxygénothérapie que peuvent nécessiter dès les premiers temps de la vie un certain nombre de nouveau-nés par un dispositif de Pression Expiratoire Positive (PEP) ?

Réanimer ou non un nouveau-né à la limite de la viabilité extra-utérine

Il s'agit là d'un problème d'actualité particulièrement brûlant. Poids de naissance et âge gestationnel influent de façon indépendante sur le pronostic vital et fonctionnel ; mais seul l'âge gestationnel étant dans l'état actuel des choses une donnée prénatale précise, il convient de raisonner en fonction du terme de la naissance.

Trois types de considérations se conjuguent habituellement dans la prise de décision : des considérations biologiques et médicales, des considérations culturelles, et des considérations médico-légales.

Considérations biologiques et médicales

Il est généralement admis que la limite biologique de viabilité extra-utérine, qui est directement conditionnée par la maturation pulmonaire de l'enfant, se situe aux alentours de 22 à 23 SA. Dans le Livre des Records, on trouve même des résultats nord-américains rapportant une survie à 19 SA (et une survie à 320 g). On possède actuellement d'assez nombreuses données, tant en terme de mortalité qu'en terme de morbidité, sur le devenir des enfants nés à la limite de la viabilité à la fin des années 90 dans les pays à haut développement médico-technique ; en France, les données récentes les plus pertinentes sont celles de l'étude EPIPAGE, encore à l'heure actuelle en cours (le bilan à 5 ans de la cohorte d'enfants nés en 1997 ayant lieu ces temps-ci).

L'ensemble de ces données peut être résumé par le fait que le terme de 25 SA représente, semble-t-il, un tournant tant sur le plan de la survie que sur le plan des séquelles : c'est en effet à partir de cet âge gestationnel qu'on peut espérer un taux de survivants qui dépasse 50 %, en même temps qu'un taux de séquelles moyennes et graves inférieur à 50 % chez les survivants.

Il est également important de souligner que, contrairement à ce qui est souvent énoncé, les manœuvres entreprises ne se déclinent pas forcément en tout ou rien : c'est ainsi par exemple qu'un certain nombre d'équipes ont choisi, au-dessous d'un âge gestationnel donné qui se situe le plus souvent entre 24 et 26 SA, de n'entreprendre, face à une situation de détresse immédiate de l'enfant, qu'une réanimation respiratoire bien conduite : si celle-ci s'avère efficace, les manœuvres sont poursuivies et complétées ;

dans le cas contraire, aucune réanimation cardio-circulatoire (notamment massage cardiaque externe et injection de tonicardiaque) n'est entreprise, et l'enfant est accompagné au décès.

Enfin, il paraît certain que même aux limites de la viabilité tous les bébés ne sont pas équivalents. On a notamment avancé l'existence d'état fœtal compromis, qui peut amener à une certaine réserve quant aux manœuvres à entreprendre. C'est ainsi par exemple que D.G. BATTON et collaborateurs ont souligné le caractère péjoratif de la constatation des éléments suivants : malformation congénitale, infection intra-utérine congénitale, hémoculture positive, exposition anténatale à une drogue, anémie anténatale, RCIU sévère, acidose fœtale sévère, score d'Apgar inférieur à 5 à la 5e minute de vie ; le pronostic étant au contraire beaucoup plus favorable (75 % de survie à 23 SA dans cette série !) en l'absence de tout élément péjoratif de la liste ci-dessus énoncée.

Considérations culturelles

L'avis des parents, qu'il est bien entendu souhaitable de recueillir dans tous les cas, et qui a et aura probablement une importance de plus en plus grande sur les décisions qui sont prises, dépend à l'évidence beaucoup du contexte culturel dans lequel on exerce. C'est ainsi par exemple que, dans un entretien récent avec un pédiatre néonatologiste de l'état américain de l'Alabama, il m'a été rapporté que d'une façon générale dans le sud des Etats-Unis le choix des parents se fait presque toujours en faveur d'une réanimation maximale dès le terme de 22-23 SA, c'est à dire dès qu'est franchie la limite de viabilité biologique. Ceci n'est à l'évidence pas le cas partout, comme en atteste par exemple le choix publié par le centre hollandais de Leiden au printemps 2001 de ne plus prendre en charge les nouveau-nés âgés de moins de 25 SA révolues.

Considérations médico-légales

L'attitude la plus cohérente au sein d'un établissement, en même temps que la plus protectrice sur le plan médico-légal, consiste à disposer localement d'un document écrit détaillant, ici et maintenant, quelle attitude est suivie par l'équipe obstétrico-pédiatrique, médicale et soignante, après réflexion sur le sujet et ceci aussi bien dans les cas où les circonstances de la naissance avaient déjà été envisagées en prénatal que dans les accouchements pré maturissimes inopinés. Un tel document a l'énorme avantage de démontrer à tout expert extérieur, et éventuellement à tout magistrat, que la situation avait été anticipée et qu'un accord était intervenu, au moins pour un certain temps, sur le sujet. Ce protocole doit bien entendu préciser dans quelles conditions l'avis des parents est recueilli et pris en compte.

Contrôler ou non les pressions d'insufflation en cas d'assistance respiratoire manuelle

La Ventilation en Pression Positive (VPP) est probablement le geste le plus important de tous ceux qui sont pratiqués en salle de naissance. Les recommandations qui le concernent ont progressivement évolué au cours du temps.

Initialement et pendant très longtemps, La VPP avec masque et ballon

Quel que soit l'outil utilisé (Ambu bébé ou Laerdal bébé, notamment), la VPP s'est appuyée sur la règle dite des doigts, énonçant que la pression d'insufflation exercée sur les voies aériennes était grossièrement de 5 cm d'eau par doigt de compression (par exemple, une pression sur le ballon avec 3 doigts de la main administrant une pression voisine de 15 cm sur les voies aériennes). Cette règle empirique contrastait avec les pratiques anglo-saxonnes et notamment nord-américaines, qui ont toujours eu recours à un matériel voisin mais doté d'un orifice de sortie au niveau des valves d'insufflation permettant, par l'intermédiaire d'une simple connexion sur un manomètre type brassard à tension, de connaître en permanence la pression (en mmHg) a priori exercée sur les voies aériennes de l'enfant ; c'est ainsi par exemple que les pressions suivantes étaient habituellement utilisées : pour déplisser pour la première fois les alvéoles pulmonaires de l'enfant : + 30 à + 40 ; pour assister un appareil pulmonaire déjà précédemment ouvert lors des premiers cris du nouveau-né : +15 à + 20 ; en cas de détresse respiratoire précoce du nouveau-né : + 20 à + 40).

Des études françaises récentes

Et notamment une étude précise de 1996, ont montré qu'il n'existait en réalité pas de corrélation fiable entre le nombre de doigts utilisés et la pression d'insufflation obtenue. On a au contraire clairement mis en évidence que la pression d'insufflation dépendait surtout : du débit d'admission des gaz dans le ballon, de la fréquence adoptée pour la VPP, et surtout de l'opérateur ! Il est donc désormais clair qu'une VPP avec masque et ballon sans contrôle de la pression d'insufflation est totalement aveugle !

Il est donc désormais recommandé d'utiliser un appareillage

Qui permet de mesurer les pressions administrées sur les voies aériennes de l'enfant. Par chance, un insufflateur pneumatique de maniement aisé et de coût peu élevé (appareil Néopuff, Société Fischer-Paykel) permet désormais une VPP contrôlée, sécurisée, sous une FiO2 connue. C'est donc à l'évidence à ce type de procédure qu'il faut désormais recourir.

3. Oxygéner avec ou sans Pression Expiratoire Positive en cas de détresse respiratoire précoce

L'oxygénothérapie est une des techniques les plus couramment mises en œuvre dans les premières minutes et heures de vie. Ses modalités pratiques sont toutefois remises en cause du fait des progrès dans la connaissance de la physiologie pulmonaire.

3.1. Historiquement, de nombreuses techniques ont été et sont encore utilisées pour oxygéner un nouveau-né en salle de naissance

Tuyau d'oxygène débitant 4 à 6 L/mn, dont on convient de considérer qu'approché à une distance de 1,25 cm des voies respiratoires il délivre une FiO2 de 80 %, à une distance de 2,5 cm une FiO2 de 60 %, et à une distance de 5 cm une FiO2 de 40 % d'oxygène ; réservoir annelé arrière du ballon de ventilation, utilisé à peu près selon les mêmes modalités (soulignons au passage que lorsqu'on utilise un ballon auto-dilatable, en l'absence d'insufflation manuelle sur le corps du ballon la sortie des gaz se fait à l'arrière et non par l'avant du système) ; sonde intra-nasale ou sous-nasale d'oxygène qui, reliée sur une source d'oxygène pur (FiO2 = 100 % dans le gaz d'admission), soumet l'enfant à une oxygénothérapie avec une FiO2 d'environ 60 % quand le débit dans la sonde se situe aux alentours d'un L/mn ; enfin et peut-être surtout, enceinte céphalique d'oxygénation (dite hood) qui permet seule d'atteindre des FiO2 de 80-90 % lorsqu'elles sont nécessaires.

Mais il est désormais établi qu'au cours des détresses respiratoires d'origine médicale

(c'est-à-dire toute cause malformative et tout épanchement gazeux intra-thoracique, et notamment tout pneumothorax, étant exclus), le dysfonctionnement respiratoire précoce qui affecte le nouveau-né comporte toujours un élément pathologique concernant le recrutement alvéolaire : recrutement alvéolaire insuffisant en cas de mauvaise adaptation à la vie extra-utérine (asphyxie néonatale) ou d'inhalation méconiale ; dérecrutement alvéolaire précoce en cas de maladie des membranes hyalines ; comblement alvéolaire en cas de trouble de résorption du liquide pulmonaire ou de pneumopathie infectieuse. Ce mécanisme physiopathologie commun à toutes ces détresses respiratoires rend compte du fait que l'oxygénothérapie ne représente qu'une partie du traitement optimal du trouble, une technique permettant une amélioration du recrutement alvéolaire, et donc une augmentation de la CRF, devant compléter l'administration d'oxygène.

Il est donc désormais souhaitable de pratiquertoute oxygénothérapie prolongée en salle de naissance

en l'associant à une contre-pression expiratoire destinée à améliorer le recrutement alvéolaire pulmonaire. L'ensemble des techniques, réunies sous le terme de Ventilation Spontanée en Pression Expiratoire Positive (VS-PEP), utilisées habituellement avec une contre-pression expiratoire de 3 à 6 cm d'eau et le plus souvent 4 cm d'eau, apportent à l'enfant ce bénéfice.

En pratique, la méthode peut être mise en œuvre de plusieurs façons : utilisation d'un appareil simplifié de type Médijet, recours à un appareil plus complet de type Infant Flow Driver, ou utilisation temporaire d'un respirateur sur sa position de fonctionnement VS-PEP. Il faut en effet rappeler que selon les termes de l'article 9 de l'Arrêté du 25 avril 2000 relatif aux locaux de pré-travail et de travail : «La ventilation artificielle avec un appareil adapté au nouveau-né, permettant le contrôle continu des pressions ventilatoires, muni d'alarmes de surpression et de débranchement et permettant également le contrôle continu de la teneur en oxygène du mélange gazeux administré, est disponible rapidement».

Bibliographie

[1] AMERICAN ACADEMY OF PEDIATRICS / AMERICAN HEART ASSOCIATION, Textbook of Neonatal Resuscitation, 1 fascicule 1994 (Rev 3/95), 141 Northwest point blvd Po Box 927, Elk Grove Village, IL 60009-0927, U.S.A.

[2] GANGA-ZANDZOU PS, DIEPENDALE JF, STORME L, RIOU Y, KLOSOWSKI S. RADZA T, LOGIER R, LEQUIEN P, La ventilation à l'Ambu chez le nouveau-né : une simple question de doigté ? Arch Pédiatr 1996 ; 3 : 1270-1272.

[3] GOLD F., BLOND M.H., LIONNET C, Pédiatrie en maternité : Réanimation en salle de Naissance, Masson, Paris, 2002 (2e édition).

[4] MILLET V., LACROZE V., BARTOLI J.M., SAMPERY S., LECLAIRE M., UNAL D. Pression positive continue précoce en salle de travail. Arch Pédiatr 1997 ; 4 : 15-20.

[5] NIERMEYERS S. (éditeur) et al, International Guidelines for Neonatal Resuscitation : an excerpt from the Guidelines 2000 for Cardiopulmonary Resuscitation and Emergency Cardiovascular Care, Pediatrics 2000; 106 (3) : e29.