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2003 > Pédiatrie > Obésité  Telecharger le PDF

Le pédiatre doit prévenir l'obésité de l'enfant

R. Assathiany

Toutes les études épidémiologiques mettent en évidence une augmentation importante de la prévalence de l'obésité de l'enfant, qui a doublé depuis les années 80. Si les complications de l'obésité sont généralement modérées dans l'enfance, elles engagent le pronostic vital à l'âge adulte par les anomalies cardio-vasculaires de constitution précoce. L'obésité de l'enfant peut également persister à l'âge adulte, entraînant une augmentation de la mortalité, et de la morbidité.

Cette augmentation de la prévalence de l'obésité est probablement multifactorielle.

Le traitement de l'obésité constituée est difficile souvent décevant, ce qui est également un argument pour en prévenir l'apparition. Le pédiatre se doit de dépister, voire de prévenir la survenue de l'obésité chez tous les enfants ; les courbes de corpulence figurant dans les carnets de santé sont d'une grande aide, et doivent être régulièrement remplies.

Pourquoi ?

En raison de l'augmentation importante de la prévalence de l'obésité infantile En France, actuellement il y aurait 10 à 12 % d'enfants obèses, entre 5 et 12 ans. Ce chiffre est 3 à 4 fois plus élevé que les études faites chez les enfants nés en 1955 qui montraient une prévalence de 3 % (1).

La prévalence de l'obésité massive augmente de façon considérable : elle est passée de 0,4 % en 1980, à 1,9 % en 1996, soit multipliée par 5 (2) Aux USA, la situation est nettement plus préoccupante, où l'on considère que 25 % des enfants âgés de 6 à 17 ans ont un Indice de Masse Corporelle dépassant le 85e percentile (3).

Cette augmentation de l'obésité se rencontre pratiquement dans tous les pays : en Europe, elle semble épargner relativement les pays du Nord, alors qu'elle touche les pays méridionaux (Grèce, Italie, Espagne) et les pays de l'Europe de l'Est (Hongrie).

Pourquoi cette augmentation de la prévalence de l'obésité ?

Les raisons en sont multiples : on peut invoquer les modifications de l'alimentation, ainsi que l'augmentation de la sédentarité

L'alimentation

• les rythmes alimentaires, qui sont déstructurés avec une tendance au grignotage qui remplace les véritables repas ;

• la composition des repas, dont la teneur en lipides est trop importante, et la quantité de calories trop élevée ;

• les messages publicitaires, surtout télévisés, entraînent les enfant à consommer des aliments facultatifs, hypercaloriques (barres de chocolats, chips, boissons sucrées...).

La sédentarité

Les jeux d'extérieur ont considérablement diminué, en raison de l'urbanisation excessive, de l'insécurité, de la circulation automobile intense.

Toutes les études faites ont montré une relation entre l'importance de l'usage des jeux vidéo, et surtout de la télévision, et l'obésité. Une étude récente illustre parfaitement ces propos ; elle concerne les familles à bas revenus vivant à New York ; à l'âge d'1 an, 81 % des enfants regardent la télévision, 25 % plus de 2 heures par jour ; à l'âge de 4 ans ces chiffres sont respectivement 97 % et 57 %. La prévalence de l'obésité chez ces enfants est liée de façon significative aux nombres d'heures passées devant la télévision ; elle augmente également significativement si l'enfant a un poste de télévision dans sa chambre. Ces constatations sont encore plus nettes au sein des minorités ethniques défavorisées(4).

En raison des complications nous allons citer les complications de l'obésité pouvant survenir dans l'enfance, rappelées dans une revue récente (5), pour insister sur les complications tardives qui en font toute la gravité.

Les complications survenant dans l'enfance :

Les complications métaboliques

• l'insulinorésistance est fréquente, d'intensité variable, avec une hyperinsulinémie à jeun, fréquente et une intolérance au glucose, plus rare ;

• une dyslipidémie est également fréquente (élévation des triglycérides, du LDL cholestérol).

Les complications endocriniennes

• chez les filles, la puberté est souvent avancée, alors qu'elle est souvent retardée chez les garçons.

Les complications digestives

• les lithiases biliaires sont plus fréquentes que dans la population générale ;

• une stéatose hépatique, de diagnostic échographique, avec une élévation des transaminases, peut se rencontrer chez 25 % des enfants obèses.

HTA

• elle est rare, si la technique est correcte (brassard de largeur suffisante, mesure de la tension artérielle au repos).

Les complications orthopédiques

• citons le genu valgum, la survenue possible d'épiphysiolyse de la tête fémorale, et des troubles de la statique vertébrale.

6. Les complications respiratoires

• augmentation de la fréquence de l'asthme et de l'hyperréactivité bronchique ;

• possibilité d'apnées du sommeil.

Les complications neurologiques

• une hypertension intracranienne a été décrite, d'origine mécanique.

Les complications psychosociales

• il existe une discrimination envers les enfants obèses, et une stigmatisation qui apparaît tôt dans la vie de l'enfant.

Les complications survenant à l'âge adulte

Elles font toute la gravité de l'obésité, comme en témoigne le titre d'un éditorial récent des Archives de Pédiatrie, « L'obésité de l'enfant : une maladie qui met en jeu le pronostic vital » (6).

L'obésité persistante à l'âge adulte

Toutes les études épidémiologiques montrent qu'un grand nombre d'enfants obèses le resteront à l'âge adulte ; une étude longitudinale concernant 2 617 enfants, faite en Louisiane sur une durée moyenne de 17 ans (1973-1996), révèle que sur 186 enfants obèses, 144 (77 %) le sont restés à l'âge adulte ; à l'opposé, seulement 7 % des enfants de poids normal sont devenus des adultes obèses (7).

Les éléments prédictifs de la persistance de l'obésité à l'âge adulte sont :

• la précocité du rebond d'adiposité, survenant avant l'âge de 5-6 ans ;

• l'existence d'une obésité persistant à l'adolescence ;

• la présence d'un ou deux parents obèses.

L'association de l'obésité de l'adulte à une mortalité et une morbidité augmentées est établie de longue date : pathologie cardio-vasculaire, respiratoire, survenue de cancers.

Mais, fait encore plus grave, l'augmentation de la morbiditépersiste à l'âge adulte, même si le poids s'est normalisé

Une étude de suivi a montré chez des adultes ayant été obèses lors de l'adolescence, un risque de mortalité multiplié par 2 par maladie coronarienne, et multiplié par 13 par accident vasculaire cérébral, ces constatations étant indépendantes du poids à l'âge adulte (8).

Un travail récent donne une explication possible à ces complications cardivasculaires tardives et redoutables (9)

L'étude fine par des méthodes non invasives (ultrasons) chez 48 enfants ayant une obésité sévère a montré l'existence d'anomalies vasculaires :

• au niveau artériel : une diminution de la compliance, une augmentation de la rigidité ;

• au niveau de l'endothélium : des anomalies de la fonction endothéliale.

Ces anomalies pourraient être les premières anomalies constitutives de l'artériosclérose.

Il existe une corrélation entre ces anomalies vasculaires et une élévation de l'insulinémie à jeun, donc probablement avec l'insulinorésistance dont nous avons vu la fréquence, et une corrélation inverse avec le HDL-cholestérol dont le rôle protecteur contre l'athérosclérose semble déjà apparaître.

Parce qu'il est plus facile de prévenir que de traiter

Le pédiatre peut intervenir précocement, en amont, avant la constitution de l'obésité, dont le traitement est difficile et décevant. Il est probablement plus facile de rectifier de mauvaises habitudes chez des enfants, quand elles ne sont pas encore totalement fixées.

Comment ?

En encourageant l'allaitement maternel

Qui aurait en plus de toutes ses vertus connues, le mérite de prévenir l'obésité de l'enfance, comme l'a montré une étude épidémiologique allemande sur près de 10 000 enfants, avec un effet protecteur fonction de la durée de l'allaitement maternel (10). Une étude plus récente, faite en Ecosse chez plus de 32 000 enfants âgés de 3,5 ans, confirme ces résultats (11).

En établissant régulièrement les courbes de la corpulence

Appelée également Indice de Masse Corporelle, qui figurent dans le carnet de santé depuis 1995 ; la surveillance de cette courbe permet de repérer les enfants dont la corpulence augmente, surtout ceux dont l'âge du rebond d'adiposité est précoce, qui sont très à risque d'évoluer vers l'obésité à l'âge adulte.

En identifiant les facteurs de risque

• les antécédents familiaux : Si les 2 parents sont obèses, la probabilité pour un enfant d'être obèse est de 80 % ; elle tombe à 40 % si un seul des parents l'est (12) ;

• les facteurs socio-familiaux : familles monoparentales, enfant unique, mère âgée, milieux défavorisés.

En éduquant le goût des enfants

En évitant le grignotage, en évitant les repas devant la télévision, en favorisant les aliments moins caloriques. L'utilisation d'un cahier de suivi alimentaire, actuellement en cours d'élaboration, pourrait faciliter la surveillance des habitudes alimentaires et de l'hygiène de vie.

En encourageant les activités physiques

Ces 2 derniers points peuvent également être appliqués aux parents, ce qui peut en faciliter l'observance auprès des enfants.

Conclusion

L'obésité est une épidémie selon l'OMS ; l'épidémie actuelle de l'obésité infantile annonce une probable augmentation ultérieure de la morbidité cardiovasculaire, telle une véritable bombe à retardement. Il s'agit là d'un véritable problème majeur de santé publique qui nécessite d'être étudié et résolu dans son intégralité.

Bibliographie

[1] Obésité de l'enfant et de l'adolescence. Diagnostic et prévention. Expertise collective de l'INSERM, éditions INSERM, Paris, 2000.

[2] VOL S, TICHET J, ROLLAND-CACHERA MF. Trends in the prévalence of obesity between 1980 et 1996 among french adults and children. Int J Obesity 1998,22, S210.

[3] TROIANO R P, FLEGAL K M. Overweight children and adolescents: Description, epidemiology, and demographics. Pediatrics 1998 101: 497-504.

[4] DENNISON B A, ERB T A, JENKINS P L. Television viewing and television in bedroom associated with overweight risk among low-income preschool children. Pediatrics 2002 109: 1028-1035.

[5] TOUNIAN P Risques et complications de l'obésité chez l'enfant. Réalités pédiatriques 2000,52,15-20.

[6] TOUNIAN P, GIRARDET J PH. L'obésité de l'enfant : une maladie qui met en jeu le pronostic vital. Arch Pédiatr 2001 ;8 :7-10.

[7] FREEDMAN D S, KHAN L K, DIETZ W H, .SRINIVASAN S R, BERENSON G S. Relationship of childhood obesity to coronary heart disease risk factors in adulthood: The Bogalusa heart study. Pediatrics 2001 108: 712-718.

[8] MUST A, JACQUES PF, DALLAL GE , BAJEMA CJ, and DIETZ WH Long-term morbidity and mortality of overweight adolescents. A follow-up of the Harvard Growth Study of 1922 to 1935. N. Engl. J. Med. 1992 ; 327: 1350-1355.

[9] TOUNIAN P,AGGOUN, Y,DUBERN B, VARILLE V, GUY-GRAND B, SIDI D, GIRADET J PH, BONNET D. Endothelial dysfonction in severely obese children : a prospective study. Lancet 2001; 358 :1400-04.

[10] VON KRIES R, KOLETZKO B, SAUERWALD T, VON MUTIUS E, BARNERT D, GRUNERT V, and VON VOSS H. Breast feeding and obesity: cross sectional study. BMJ 1999; 319: 147-150.

[11] ARMSTRONG J, REILLY J J, and the Child Health Information Team. Breastfeeding and lowering the risk of childhood obesity. Lancet 2002; 359: 2003-04.

[12] GARN SM, LA VELLE M.Two-decade follow-up of fatness in early childhood. Am J Dis Child 1985 ;139 : 181-185.