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Titre: La prévention de l'asthme et des maladies allergiques
Année: 2003
Auteurs: - Rance F.
Spécialité: Pédiatrie
Theme: Asthme

La prévention de l'asthme
et des maladies allergiques

Fabienne RANCé, Jacques de BLIC,
Pierre SCHEINMANN

Les maladies allergiques sont un problème majeur de santé publique dans les pays industrialisées. La prévalence de l'asthme, de la dermatite atopique et de la rhino-conjonctivite allergique chez l'enfant a considérablement augmenté au cours des trente dernières années. La prévalence cumulée est estimée à
7-10 % pour l'asthme, 15-20 % pour la dermatite atopique et la rhino-conjonctivite allergique (1). Les maladies allergiques sont source de morbidité. L'asthme, la maladie chronique la plus fréquente de l'enfant, est responsable d'un absentéisme scolaire non négligeable. Le développement de programme de prévention est donc largement justifié.

À la lumière des données récentes de la littérature, que peut-on raisonnablement recommander aux familles d'allergiques en terme de prévention du développement des maladies allergiques ? La prévention est abordée après une mise au point sur les points suivants : allergènes et manifestations atopiques, âge des premières sensibilisations et autres facteurs favorisant le développement des maladies allergiques.

Allergènes et manifestations atopiques

Il est primordial de déterminer s'il existe un lien direct (ou indirect) entre les allergènes de l'environnement (D. pteronyssinus, epithelias de chat...) et le déclenchement de l'asthme. L'équipe berlinoise (2) a suivi prospectivement pendant 7 années une cohorte de 1 314 nouveau-nés dont la moitié était issu de familles atopiques (définie par deux membres de la famille au premier degré souffrant d'atopie et/ou des IgE cordales supérieures à 0,9 kU/L). Un dosage de la charge allergénique par analyse de la poussière puis méthode ELISA pour les allergènes majeurs des acariens

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(Der p 1, Der f 1) et du chat (Fel d 1) fut réalisé à l'âge de 3 ans et le matelas prélevé uniquement à l'âge de 5 ans. La concentration la plus forte ne dépassait pas quelques centaines de nanogrammes d'allergènes majeurs par gramme de poussière. Les auteurs ont montré une association forte entre la sensibilisation établie par le dosage des IgE spécifiques pour les acariens ou le chat et le wheezing. L'association est statistiquement significative dès l'âge de 3 ans. A l'âge de 7 ans, les enfants sensibilisés aux allergènes domestiques présentaient une réactivité bronchique supérieure à celle des enfants non sensibilisés. Une relation forte entre l'exposition allergénique et la sensibilisation était objectivée aux âges de 3 et 7 ans. La relation était plus forte pour les acariens que le chat. Les particularités entre les allergènes seront discutées ultérieurement. En revanche, l'analyse n'a pas observée de relation dose/réponse entre l'exposition allergique et l'asthme maladie clinique et le wheezing. De même, aucune relation n'a pu être démontrée entre l'exposition allergénique à l'âge de 6 mois et la réactivité bronchique à l'âge de 7 ans ou avec le VEMS. On peut donc énoncer que les facteurs déclenchant de l'atopie sont partiellement différents de ceux qui conduisent à l'asthme et aux sifflements.

La relation sensibilisation aux acariens et asthme pourrait refléter la susceptibilité d'un individu asthmatique à développer une sensibilisation à des allergènes perannuels sans pour autant refléter un risque accru d'asthme par exposition aux mêmes allergènes. Il existe donc des facteurs indépendants de l'exposition allergénique tel que la génétique, ainsi que d'autres facteurs de l'environnement qui interviennent dans le développement des différents phénotypes de l'asthme et qui influencent des anomalies de structure des voies aériennes et du parenchyme pulmonaire (3-6). En revanche, il est clairement défini que l'exposition aux allergènes majore les symptômes et la consommation médicamenteuse quand la sensibilisation est établie et l'asthme exprimé.

En conséquence, l'éviction des allergènes ne peut être retenue en prévention primaire ; elle est indispensable dans la prévention secondaire et tertiaire.

Âge d'apparition des premières sensibilisations

L'âge d'apparition des premières sensibilisations est importante dans l'histoire naturelle des allergies chez l'enfant. Les sensibilisations dès les premières années de vie sont observées chez les

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enfants qui développeront ultérieurement un syndrome asthme (7, 8). Illi et al. (2) ont observé que l'asthme à l'âge de 7 ans était significativement plus fréquent chez les enfants sensibilisés précocement et durablement en comparaison avec les enfants non sensibilisés (15 % versus 4 %, p < 0,0001). Les sensibilisations précoces sont généralement dirigées contre les allergènes alimentaires (œuf de poule, lait de vache). Les sensibilisations aux allergènes respiratoires sont plus tardives et exceptionnellement observées avant l'âge de deux ans (9). L'allergie alimentaire chez le jeune enfant, de même que la simple sensibilisation alimentaire, constituent un facteur de risque majeur pour le développement ultérieur de la rhinite et ou de l'asthme (7, 8). Le travail incontournable de Burr et al. a été réalisé chez 497 nouveau-nés suivis jusqu'à l'âge de 7 ans (8). Les auteurs ont montré que la simple positivité des prick-tests à l'œuf au cours de la première année de vie était fortement associée au développement d'un asthme (2,25 fois plus fréquent), d'une rhinite et d'une sensibilisation aux acariens à l'âge de 7 ans (51 % versus 16,6 %) (8). Ainsi, la simple sensibilisation à l'œuf relevée avant l'âge de un an constitue le marqueur le plus précoce d'un terrain atopique prédisposant ultérieurement aux symptômes respiratoires.

En revanche, les sensibilisations aux aéro-allergènes précoces (avant l'âge de deux ans), transitoires (non relevées à l'âge de 6 ans) et sans association avec des sensibilisations alimentaires ne constituent pas d'arguments pronostics spécifiques (2, 4). A l'âge de 7 ans, le risque de développer un syndrome asthme est majoré chez les enfants sensibilisés dès le plus le jeune âge et dont la sensibilisation persiste jusqu'à l'âge de 7 ans (2, 4). Les sensibilisations précoces et transitoires n'ont pas de répercussions sur le risque d'asthme. D'autres facteurs doivent être pris en considération comme le terrain atopique familial, la notion d'asthme familial et notamment maternel (10). A l'âge de 7 ans, une sensibilisation alimentaire isolée, sans association à une sensibilisation aux pneumallergènes ne confère pas non plus de risque accru d'asthme à l'âge scolaire. De plus, les allergènes perannuels sont associés à l'asthme bien plus que les allergènes saisonniers.

Les résultats observés chez les enfants souffrant de dermatite atopique sont démonstratifs (11). A l'âge de 11 ans, 58 % des enfants sensibilisés dès l'âge de 2 ans sont asthmatiques versus 22 % dans le groupe des enfants sensibilisés après cet âge. De plus, l'asthme n'a jamais été enregistré chez les enfants « non sensibilisés ».

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Il semble donc que la sensibilisation soit une étape intermédiaire dans le développement de l'asthme et des allergies. Les facteurs génétiques apparaissent essentiels avec en particulier le rôle de l'asthme parental principalement lié à l'héritage maternel. En conséquence, la période intra-utérine pourrait influencer l'apparition des signes d'atopie. L'hypothèse soulevée est un développement de l'asthme et de l'atopie chez l'enfant en parallèle, ce d'autant qu'il existe des influences périnatales ou génétiques déterminantes. Il ne s'agit pas d'étapes successives dans l'évolution de l'atopie. A l'inverse, l'asthme pourrait déterminer le type et l'intensité de la sensibilisation allergénique.

Influence de l'allergène sur le déclenchement
des manifestations atopiques

La sensibilisation est étroitement corrélée au type d'allergène. Ainsi, la sensibilisation aux acariens de la poussière de maison est dépendante de la charge allergénique. Une augmentation de la concentration en acariens est associée à des sensibilisations aux acariens plus fréquentes (12). En revanche, les études sont différentes pour l'allergène du chat (13-15). Platts-Mills et al. ont évalué chez 227 enfants âgés de 12 à 14 ans les IgE spécifiques, les IgG et les IgG4 dirigés contre les épithélias de chat, les acariens ainsi que les symptômes d'asthme et l'hyper-réactivité bronchique (15). La fréquence des sensibilisations aux acariens est dépendante de la concentration en allergènes ; elle s'accompagne d'une élévation des IgG anti Der f 1. Les faibles expositions aux allergènes du chat s'accompagnent d'une production faible d'IgE et d'IgG et également de sensibilisation rare pour cet allergène. A des taux d'expositions modérées, il existe une réponse immunitaire de type allergique. Aux fortes charges allergéniques pour le chat, les sensibilisations sont rares mais le taux d'IgG4 pour Fel d 1 est très élevé. En résumé, chez les enfants exposés à de fortes concentrations d'allergènes, le risque de développer une sensibilisation est 4 fois plus important lorsque qu'il s'agit des allergènes acariens en comparaison avec les épithelias de chat (OR 4.0, IC 99 % 1.49-10.00). L'exposition aux allergènes du chat produirait une réponse immunitaire de type IgG et IgG4 qui n'induit pas un risque de sensibilisation et d'asthme. Il n'est donc pas évident que la meilleure prévention anti-chat soit de ne pas avoir de chat. Néanmoins, nous ne disposons pas de données rationnelles pour expliquer le fait que certains enfants soient plus

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sensibles que d'autres. On a pu impliquer la petite taille des allergènes du chat ainsi que leur caractère volatil dans l'atmosphère qui favoriseraient une pénétration facile dans l'appareil respiratoire à l'opposé des allergènes des acariens plus lourds, plus volumineux, restant au ras du sol et de la literie en dehors des périodes de grands ménages. La réponse immunitaire de type IgG4 correspondrait, non pas à une réponse immunitaire Th1 qui favorise l'immunité cellulaire retardée et les pneumopathies d'hypersensibilités, mais à une réponse Th2 de type modifiée qui facilite la tolérance immunitaire comme cela est observée dans l'immunothérapie spécifique. La réponse Th2 modifiée pourrait être favorisée par un déficit en cytokines IL12 et une production accrue d'IL10 (16, 17). La théorie « hygiéniste » pourrait correspondre à ce profil Th2 modifié. La présence de chats et de chiens au domicile très tôt dans la vie de l'enfant aurait ainsi un effet protecteur pour le développement des allergies en évitant le développement de sensibilisation ou de pathologies respiratoires. L'hypothèse retenue pour les allergènes inhalés et aussi ingérés est un effet dose-dépendant. Les évictions drastiques, impossible à conduire en pratique, mettront l'enfant en contact avec des concentrations faibles à modérées d'allergènes facilitant la réponse IgE. A l'inverse, l'exposition à de fortes concentrations d'allergènes favorise la tolérance, avant l'installation de la maladie asthmatique et des allergies. Le constat est similaire avec les allergènes alimentaires comme le montrent les travaux conduits chez le fœtus et en période néonatale (18, 19).

Influence de l'âge sur les mesures d'éviction
des allergènes

L'éviction des allergènes est-elle possible pendant la grossesse et dans la période néonatale précoce ? Un environnement appauvri en allergène acariens est réalisable sous couvert de mesures associant housses spécifiques pour le matelas, utilisation d'aspirateurs munis de filtres spéciaux, modification des sols pour du linoléum, application de benzyl benzoate sur tapis et meubles capitonnés, lavage une fois par semaine des éléments de la literie et des jouets d'enfants. Pourtant, l'efficacité de ces mesures permettant d'obtenir des concentrations d'allergènes de l'ordre du nanogramme par gramme de poussière conduites pendant par la période prénatale (débutées dès la 16e semaine de gestation) et post-natale semblent peu significatives. (20). Les résultats obtenus

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chez des bébés nés de deux parents atopiques montrent que les enfants qui ont bénéficié d'une prévention ont moins de problèmes respiratoires durant la première année de vie, en particulier moins de d'épisodes sévères. Néanmoins, il n'existe pas de différence significative entre les groupes en ce qui concerne les sensibilisations aux allergènes inhalés ou ingérés (20). En définitive, la prévention la plus efficace serait de ne pas avoir de parents atopiques. Cette mesure apparaît plus efficace que de limiter la charge allergénique au domicile. De plus, les mesures environnementales limitant les repaires aux acariens ne protège pas du développement de l'eczéma ou des allergies alimentaires (21).

Autres facteurs favorisant le développement
de l'asthme et des maladies allergiques

Les allergènes ne représentent pas les seuls facteurs favorisant l'asthme et les maladies allergiques. Selon les études, parfois contradictoires, l'atopie représente un élément peu important dans le déclenchement de l'asthme et des maladies allergiques. Ces données suggèrent que l'inflammation liée à l'exposition allergénique n'est pas à l'origine des altérations sévères et définitives observées au niveau du tractus des voies aériennes. Les infections virales respiratoires basses, répétées et surtout sévères, vont entraîner des réponses inflammatoires infiniment plus intenses que celles déclenchées par les allergènes. Les viroses survenant en période de croissance de l'arbre aérien pourraient induire une hyper-réactivité bronchique dirigée contre les irritants inhalés. Ces irritants inhalés en permanence (allergènes perannuels comme les acariens) ajoutent alors de manière permanente leurs effets inflammatoires à ceux provoqués par les viroses. La multiplication d'interactions accroît considérablement le risque de développement de sifflements permanents. Les effets à long terme seraient facilités par le déficit en début de vie de production d'interféron gamma (Th1) qui a un rôle de défense anti-virale capitale, en particulier contre le VRS.

La nécessité de plusieurs agents déclenchant du syndrome asthme est soulignée par une étude récente étudiant les effets de l'ozone chez des enfants vivant en Californie du Sud et pratiquant du sport à des degrés divers (22). Le risque d'asthme ne varie pas en fonction du niveau d'ozone dans ces régions très ensoleillées. En revanche, l'enfant grand sportif qui habite une zone très polluée

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en ozone a un risque accru de développer un asthme. L'exercice physique intense entraîne une hyper-ventilation accompagnée d'une respiration buccale qui, ajoutée à l'ozone, va concourir à majorer l'hyper-réactivité bronchique. D'après les auteurs, l'intensité de l'exercice physique est bien à l'origine du développement de la maladie asthmatique et non l'asthme induit par l'exercice.

Récemment, d'autres facteurs environnementaux ont été impliqués dans le développement de l'asthme chez l'enfant d'âge scolaire. L'exposition microbienne favorisée par un mode vie rural et à la ferme, objectivée par la mesure du taux d'endotoxines dans la poussière des matelas où dorment les enfants, favorise le développement d'une tolérance aux allergènes de l'environnement (23). Elle diminue donc le risque allergique. Les nourrissons qui bénéficient au cour de leur première année de vie d'un apport en lait de vache de ferme et qui vivent à la ferme jusqu'à l'âge de 5 ans ont significativement moins d'asthme, de rhino-conjonctivite pollinique et de sensibilisations à l'âge de 13 ans en comparaison avec les enfants « des villes » (24). Il semblerait que vivre dans des conditions de propreté favorise les manifestations allergiques.

La prévention de l'asthme et des maladies allergiques

Il faut différencier la prévention primaire qui vise à diminuer l'incidence des nouveaux cas d'allergie, la prévention secondaire qui essaie de réduire l'évolution et la durée de l'allergie quand elle est installée, et la prévention tertiaire dont l'objectif est de limiter les invalidités fonctionnelles liées à la maladie.

Les facteurs déclenchant des crises d'asthme quand la maladie est installée sont en définitive différents de ceux qui initient la maladie asthmatique. Il est donc difficile de recommander des mesures de prévention primaire efficace et unanimement reconnue. Nous devons attendre les résultats d'études méthodologiquement irréprochables qui évaluent les effets des mesures d'éviction précoce des allergènes respiratoires. L'étude d'Arshad et al. (25) menée dans l'île de Wight mesure les effets des mesures d'éviction des allergènes respiratoires et alimentaires dans l'apparition des manifestations atopiques. Les premiers résultats sont encourageants mais la cohorte est restreinte à un petit nombre d'enfants suivis. D'autre part, les résultats encourageants des premières et

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deuxièmes années de vie sont moins probants les années suivantes.

Un fait établi était que l'allaitement maternel diminuait l'incidence de l'eczéma, des allergies alimentaires et de l'asthme s'il était poursuivi au moins 4 à 6 mois et s'associait à une diversification retardée après l'âge de 4 mois (26-28). L'étude récente de Sears et al. sur la base d'une cohorte de 1 037 nouveau-nés suivis jusqu'à l'âge de 26 ans comportant 49 % de nouveau-nés allaités au moins 4 semaines apparaît conflictuelle (29). Dans cette étude, les enfants allaités sont plus souvent sensibilisés au chat, aux acariens et aux pollens de graminées (tests cutanés Ž 2 mm). En cas d'allaitement maternel, le risque de développer une sensibilisation est multiplié par 1,94 à l'âge de 13 ans et le risque d'être asthmatique multiplié par 2,40 à l'âge de 9 ans. Aucun mécanisme plausible peut expliquer un risque accru d'asthme en cas d'allaitement. Cette étude argumente plutôt les difficultés de reconnaissance des différents phénotypes de l'asthme chez l'enfant et aussi de l'interprétation des études épidémiologiques. Nous disposons, par contre, de bien d'autres facteurs clairement établis pour promouvoir l'allaitement maternel (infectieux, psychologiques...). Enfin, les régimes d'éviction conduits chez la mère pendant la grossesse ou l'allaitement n'apportent pas d'effet protecteur sur le développement des allergies (30). Les probiotiques pourraient représenter une voie intéressante pour la prévention primaire des maladies allergiques. Néanmoins, à l'heure actuelle, s'ils diminuent la fréquence des manifestations atopiques, ils sont incapables de réduire l'incidence des sensibilisations (31). D'autres études sont nécessaires avant une large utilisation des probiotiques.

La prévention secondaire est bien évidement indispensable chez tous les nourrissons quand l'allergie est installée. L'éviction des allergènes est efficace pour le traitement de l'allergie alimentaire, de l'asthme allergique et de la rhino-conjonctivite quand l'allergène a été identifié et l'éviction réalisable. Nous pouvons également retenir l'efficacité de la cétirizine (32). Les enfants souffrants de dermatite atopique, âgés entre 12 à 24 mois, sensibilisés aux acariens et/ou aux pollens de graminées, traités pendant 18 mois par la cétirizine et suivis pendant 36 mois, ont significativement moins d'asthme que les enfants sous placebo (p = 0,005 et 0,002) (32). L'immunothérapie spécifique représente une autre voie de prévention de l'asthme particulièrement intéressante. L'immunothérapie précoce, par voie sous cutanée, réduit le risque d'asthme chez les enfants qui présentent uniquement une rhinite (33). Elle protégerait de la survenue d'autres sensibilisations chez

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les enfants mono-sensibilisés aux acariens ou aux pollens (33). L'immunothérapie spécifique pourrait donc être proposée précocement pour modifier l'histoire naturelle de la maladie allergique inflammatoire.

La prophylaxie tertiaire est évidemment utile et s'adresse aux enfants qui ont une maladie bien établie. Pour un clinicien, cependant, il est plus facile de démontrer la culpabilité d'un allergène occasionnel que d'un allergène perannuel. C'est le cas pour les acariens, c'est également le cas pour le chat (quand on enlève le chat d'une maison, il faut au moins six mois pour réduire significativement le taux d'allergène chat dans cette maison). Cela est plus évident pour des contacts occasionnels avec un cheval, un rongeur, les pollens, quand l'enfant déclenche des crises seulement quand il va dans un lieu précis (maison de campagne peu occupée par exemple).

Pour terminer, l'implication des allergies croisées entre les allergènes alimentaires et les allergènes inhalés dans l'explosion de la fréquence de l'asthme et des maladies allergiques pourrait constituer une nouvelle voie de recherche (34).

Conclusions pratiques

Les allergènes ont un rôle essentiel chez l'enfant atopique. Une fois que l'asthme et la maladie allergique sont installés (une fois seulement), les allergènes sont capables d'induire des symptômes au niveau de toutes les voies aériennes supérieures et inférieures. L'unicité de l'appareil respiratoire mérite ici d'être soulignée (35).

Les allergènes ne sont pas égaux : certains sont saisonniers et leur taille varie également. Cependant, il ne faut pas se fier aux apparences. Ainsi, pour les pollens, on sait qu'ils sont contenus dans l'anthère, c'est-à-dire le renflement de l'étamine (organe mâle des plantes à fleurs). Les pollens peuvent avoir un diamètre de plusieurs dizaines de microns. Ils ne peuvent donc se déposer que dans le nez. Cependant, les cycles d'humidité et de sécheresse ainsi que les vents vont fragmenter les pollens jusqu'à la libération de particules d'une taille inférieure à 5 microns qui pourront parfaitement gagner les voies aériennes inférieures.

La susceptibilité génétique a certainement une place capitale dans l'apparition de l'asthme et des maladies allergiques (36). Les facteurs environnementaux sont tout aussi essentiels et ils interagissent avec la susceptibilité génétique. Néanmoins, l'asthme et les maladies allergiques sont des maladies complexes. D'après les

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données physiopathologiques et immunologiques actuelles, la persistance de l'asthme et des maladies allergiques à l'âge adulte pourrait être déterminée par des évènements d'apparition très précoce dans la vie de l'enfant. L'augmentation observée en parallèle des affections auto-immunes et allergiques est bien liée à un déficit des mécanismes régulateurs et non à la théorie d'une voie prédominante Th1 ou Th2 anciennement retenue (37).

La prévention primaire de l'asthme et des maladies allergiques est actuellement utopique (38). Les difficultés de la prévention primaire sont certainement associées aux données récentes concernant l'environnement avec un risque d'accru d'allergie dans notre mode de vie « propre » (23, 24). La prévention secondaire est probablement nécessaire. Peut-être l'immunothérapie spécifique trouve-t-elle ici une place de choix. La prévention tertiaire est devenue indiscutable. Un seul élément réunit les différents aspects de la prévention : le tabac qui altère le développement des voies aériennes et favorise certainement la sensibilisation aux allergènes (39). Il reste également à déterminer les effets de la pollution de l'air, non seulement à l'extérieur mais à l'intérieur des bâtiments. La réduction de la charge allergénique ne devrait-elle pas s'accompagner d'une révision des concepts architecturaux des lieux d'habitations ?

Il est donc indispensable de conduire des études randomisées, contrôlées et prospectives sur la prévention de l'asthme et des allergies afin de connaître les effets des mesures de prévention. Il faut également préciser le rôle d'autres facteurs récemment mis en avant comme l'obésité, la diététique (sel, anti-oxydants, oméga-3 et oméga-6...), la flore intestinale et les probiotiques, les infections virales ou bactériennes ainsi que les vaccinations.

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