Infection par le VHC et grossesse
Françoise DEGOS
La prévalence de l'infection par
le VHC est de 1 % en France, sans prédominance masculine comme le VHB, et les
modes de contamination en particulier la toxicomanie, expliquent que les problèmes
liées au portage chronique du VHC soient fréquents chez les femmes en
age de procréation (1).
1. Données virologiques
Le virus de l'hépatite C (VHC) est un virus
à ARN, enveloppé, appartenant à la famille Flaviridae. Ce
virus a été identifié en 1989 par biologie moléculaire. La visualisation
du VHC par microscopie électronique n'est que récente. Le VHC présente
une hétérogénéité génétique importante. Le taux
élevé de mutations apparaissant au cours de la réplication virale
est caractéristique des virus à ARN. Cette hétérogénéité
génétique est à la base d'une classification en « génotypes
» des différentes souches de VHC.
2. Données épidémiologiques, cliniques
et virologiques
La principale voie de transmission du VHC est
sanguine, expliquant les contaminations par transfusion ou par partage de seringue
chez les toxicomanes. La transmission par voie sexuelle est extrêmement rare,
mais possible.
L'hépatite aiguë C est le
plus souvent asymptomatique. Les lésions hépatiques sont dues à la
réction immunitaire de l'hôte dirigée contre le virus.
Le risque de passage à la chronicité
de l'infection par le VHC est élevé, de l'ordre de 80 %. L'hépatite
chronique C a une activité INFECTION
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modérée. Elle est associée à
une augmentation modérée, souvent fluctuante, des aminotransférases
sériques. Parfois, les valeurs des aminotransférases ne dépassent
pas les valeurs normales.
Le diagnostic sérologique d'infection par
le VHC est simple. Les anticorps anti-VHC sont détectés dans le sérum
des patients à partir de réactifs utilisant des techniques immunoenzymatiques.
En cas d'hépatite aiguë C,
la fenêtre sérologique, c'est-à-dire le temps nécessaire pour
développer une réponse anticorps anti-VHC détectable, est en moyenne
de 50 jours. Dans ce cas, la détection sérique de l'ARN VHC est indispensable.
L'ARN VHC est le seul marqueur direct d'infection par le VHC. Sa détection
fait toujours appel à des techniques de biologie moléculaire délicates.
De ce fait ce test doit être réalisé par des laboratoires entrainés.
Le diagnostic d'hépatite aiguë
C repose sur la détection des anticorps anti-VHC et/ou du génome
du VHC (ARN VHC).
Le diagnostic d'hépatite chronique
C repose sur les arguments suivants: lésions histologiques d'hépatite
chronique, absence d'autre cause de maladie chronique du foie, présence d'anticorps
anti-VHC, détection de l'ARN VHC par PCR.
3. Hépatite C, procréation et grossesse
L'hépatite chronique C n'est pas une contre-indication
à une grossesse. Cependant, la grossesse ne peut être autorisée qu'en
dehors des traitements anti-viraux habituels (Interféron A, Ribavirine). Toute
femme traitée par ribavirine doit avoir un moyen de contraception efficace.
La grossesse est formellement contre-indiquée pendant le traitement et pendant
les quatre mois suivant l'arrêt du traitement. Il faut signaler que, chez un
homme, le délai indispensable après la fin d'un traitement par Ribavirine,
avant de procréer, est de sept mois.
Il existe peu de données concernant
l'hépatite aiguë C survenant chez la femme enceinte. Il n'existerait pas
de particularité clinique.
L'infection chronique par le VHC n'a
pas d'influence délétère sur la grossesse. De même, l'hépatite
chronique C n'est généralement pas aggravée par la grossesse. Une
étude cas-contrôle a pourtant montré une aggravation relativement
importante des lésions histologiques par la grossesse (2).
Chez la femme atteinte d'hépatite
chronique C, il est fréquent de noter une normalisation des aminotransférases,
pendant la seconde moitié de la grossesse, alors que, simultanément, la
multiplication virale augmente (3). Cette diminution d'activité de l'hé
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patite pourrait refléter la relative immunodépression
survenant au cours de la grossesse normale. Une augmentation de la prévalence
des cholestases symptomatiques a été observée chez les femmes enceintes
avec infection chronique par le VHC. Durant le post-partum, un « rebond »
des aminotransférases sériques, avec des valeurs transitoirement supérieures
à celles observées avant la grossesse, est fréquent (4). Une aggravation
a priori transitoire des lésions histologiques peut suivre ce rebond.
4. Transmission materno-fœtale
Aucune donnée ne permet, actuellement, d'évaluer
le risque de transmission materno-fœtale du VHC au cours d'une hépatite aiguë
C.
Chez les femmes atteintes d'hépatite
chronique C, la transmission du VHC a probablement lieu au moment de l'accouchement.
Le rôle du mode d'accouchement (par voie naturelle ou par césarienne)
sur le risque de transmission du VHC au nouveau né reste discuté et certaines
études suggèrent une risque moindre de transmission en cas d'accouchement
par césarienne (5), mais ce fait n'est pas retrouvé par tous les auteurs
(6). Pour le moment il n'existe pas de recommandation admise par tous sur ce sujet.
Chez les femmes enceintes infectées par le VHC, sans coinfection avec le virus
de l'immunodéficience humaine (VIH), la transmission materno-fœtale du VHC
survient dans moins de 10 % des cas (7, 8). Le risque de transmission materno-fœtale
dépend de la charge virale. Ce risque existe lorsque la charge virale est supérieure
à 106 copies/ml. Cependant, il faut souligner que ce risque est faible, si
on l'oppose au risque élevé de transmission materno-fœtale du VHB, chez
les femmes enceintes avec réplication virale B. Chez les femmes enceintes coinfectées
par le VHC et le VIH, le risque de transmission materno-fœtale du VHC est augmenté,
de l'ordre de 15-20 %(5).
5. Infection du nouveau-né
Les enfants contaminés à la naissance
ont une augmentation asymptomatique et modérée des aminotransférases
sériques. Il semble que les marqueurs de multiplication du VHC (PCR) deviennent
spontanément négatifs dans un tiers des cas. Pour les autres enfants,
l'évolution de l'hépatite C est généralement très lente,
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bénigne dans la plupart des cas, mais
le recul manque encore pour être précis sur ce sujet. Sauf exception,
aucun traitement n'est proposé.
6. Diagnostic biologique
A. Diagnostic de l'infection maternelle
Les mêmes critères sont utilisés
dans tous les cas : augmentation des aminotransférases sériques, lésions
histologiques d'hépatite chronique, absence d'autre cause de maladie chronique
du foie, présence d'anticorps anti-VHC, détection de l'ARN VHC par PCR.
B - Diagnostic post-natal de l'infection materno-fœtale
Le diagnostic d'infection par le VHC chez l'enfant
repose essentiellement sur la détection de l'ARN VHC quelques semaines après
sa naissance. Cet examen devra être répété. La recherche des
anticorps anti-VHC chez l'enfant n'est d'aucune utilité avant le sixième
mois, les anticorps anti-VHC détectés étant des anticorps d'origine
maternelle. Par contre, l'existence d'anticorps anti-VHC chez l'enfant au-delà
de six mois doit faire craindre une authentique infection materno-fœtale.
7. Traitement
Mère
Il faut rappeler que les traitements anti-viraux
sont contre-indiqués au cours de la grossesse et de l'allaitement.
Bien qu'on ne puisse exclure la présence
du VHC dans le lait maternel, l'allaitement maternel n'est pas contre-indiqué
par les pédiatres et les hépatologues.
Prévention de la transmission materno-fœtale du
VHC
Il n'existe pas, actuellement, d'immunoprophylaxie
permettant d'éviter une éventuelle transmission materno-fœtale du VHC.
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Les règles d'hygiène qui doivent
être recommandées sont le non partage des instruments pouvant mettre en
contact le sang du sujet infecté avec le sang de l'enfant (objets de toilette,
et en particulier les objets contondants).
Conclusion
La prévalence de l'infection par le VHC chez
les femmes enceintes est d'au moins 1 %, et les problèmes liés à
cette prise en charge sont fréquents. L'évolution de l'hépatite chronique
C pourrait être modifiée par la grossesse qui serait susceptible d'aggraver
les lésions histologiques. Le risque de transmission de la mère à
l'enfant est inférieur à 10 % en l'absence de co-infection par le
VIH, Le pronostic de l'infection néonatale par le VHC chez l'enfant semble
pour le moment relativement bénin, mais des études à long termes
sont indispensables pour déterminer précisément le devenir à
long terme de ces enfants.
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