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Titre: La paralysie obstétricale du plexus brachial
Année: 2003
Auteurs: - Benaim J.
Spécialité: Obstétrique
Theme: Traumatime obstétrical

La paralysie obstétricale
du plexus brachial

Julien BENAÏM

La naissance d'un bébé au bras paralysé va poser au praticien et aux parents de nombreux problèmes. En effet, si le diagnostic de paralysie obstétricale du plexus brachial (POPB) est le plus souvent aisé, le pronostic peut être difficile à porter et l'attitude thérapeutique est loin d'être consensuelle ; de plus le contexte est devenu depuis quelques années systématiquement médico-légal.

Quelques mots d'histoire

L'étiologie obstétricale de la paralysie néonatale du membre supérieur a été évoquée pour la première fois par W. Smellie en 1764 (14). Duchenne de Boulogne en 1872, puis Erb en 1874 décrivent la forme supérieure C5-C6 de POPB (paralysie de Duchenne-Erb).

A l'époque les praticiens considéraient que la paralysie était la conséquence d'une compression du plexus brachial dans la région sus-claviculaire par les doigts de l'accoucheur, les forceps, un hématome, ou par traction axillaire.

Plus tard en 1885, Augusta Klumpke, première femme interne de Paris, montra que le signe de Claude Bernard-Horner (CBH) était lié à l'avulsion de C8-D1 entrainant une atteinte du sympathique cervical. Elle épousa Déjerine et depuis la forme inférieure de POPB (C8-D1) est souvent nommée paralysie de Déjerine-Klumpke. Vu la situation topographique de ces racines (sous-claviculaire) l'étiologie compressive a commencé à paraître plus discutable.

Ce n'est qu'en 1903 que W. Thornburn (14) affirma que la paralysie résultait d'un étirement et non d'une compression du plexus brachial. Engelhard, en 1906, montra sur des fœtus décédés dont il avait disséqué le plexus que seul l'étirement du plexus brachial, en particulier lors de la traction inférieure de la tête lors des accouchements par le sommet, ou lors des mouvements latéraux du

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corps lors des accouchements par le siège entrainait l'atteinte neurologique.

Quelques données générales

La paralysie peut intéresser :

•   la partie supérieure du plexus brachial (C5-C6, Duchenne-Erb), entraînant un déficit des muscles de l'épaule et de la flexion du coude ;

•   si la partie moyenne du plexus est lésée (C7) le patient a de plus une paralysie du triceps, des extenseurs du poignet et des doigts : la main est tombante ;

•   la paralysie peut-être totale associant généralement une sévère lésion de la partie inférieure du plexus brachial (C7-D1) et une atteinte de gravité variable de la partie supérieure du plexus brachial ;

•   l'atteinte des éléments inférieurs du plexus entraîne une paralysie des muscles de la main et des troubles sensitifs de celle-ci. L'atteinte de D1 accompagne souvent une lésion du sympathique cervical laquelle induit un syndrome de Claude Bernard-Horner (CBH) caractérisé par une enophtalmie, un myosis, un ptôsis, une anhidrose de l'hémi-face ipsi-latérale.

L'étirement du plexus peut entraîner deux types de lésion de morbidité différente :

•   les nerfs peuvent être partiellement étirés ou rompus en aval du trou de conjugaison, entraînant la formation d'un névrome : lésions plexulaires ;

•   les racines peuvent être arrachées de la moelle épinière : avulsions radiculaires non réparables directement.

Quel est le contexte étiologique ?

L'incidence généralement reconnue est de l'ordre de 1 pour 2 000. Dans les accouchements par le sommet celle-ci est de l'ordre de 0,14 à 1,6 pour 1 000, tandis que dans les accouchements par le siège elle est de 8,6 à 24,5 pour 1 000(5).

La comparaison de 130 patients opérés et de 138 702 bébés nés en Hollande en 1992 (14) apporte un éclairage intéressant sur celui-ci.

Ainsi dans cette série :

•   sur les 130 enfants opérés : 102 sont nés par le sommet et 28 par le siège ;

   LA PARALYSIE OBSTéTRICALE DU PLEXUS BRACHIAL   511

•   les bébés nés par le sommet et opérés d'une POPB sont plus souvent :

ƒ   nés de mère multipare ;

ƒ   macrosomiques ;

ƒ   sujets à une souffrance fœtale ;

ƒ   nés par extraction.

•   les bébés nés par le siège et opérés d'une POPB ont une plus haute incidence de souffrance fœtale.

•   un tiers des POPB a eu une précédente grossesse compliquée par un diabète, une suspicion de macrosomie, une obésité.

•   deux tiers des bébés avec une POPB ont une mère multipare, et la moitié d'entre eux ont une macrosomie, un accouchement difficile ou instrumental ;

•   après un siège deux tiers des patients ont une atteinte C5C6 liée presque toujours à une avulsion partielle ou complète de C5 et/ou C6. Les lésions totales sont rares ;

•   après un sommet la lésion la plus commune est l'atteinte C5C6C7 liée à une rupture partielle ou totale plexulaire, suivie de près par les lésions totales ;

•   les lésions totales sont liées en fait presque exclusivement (43/45) à un accouchement par le sommet, avec de façon équivalente soit une lésion plexulaire soit une avulsion radiculaire. Il est possible que l'écartement tête-épaule entraîne des lésions plus importantes et plus extensives. Les racines C5 et C6 étant fermement attachées aux apophyses transverses, l'étirement dans la dystocie des épaules crée une rupture de C5 et C6 et une avulsion des racines inférieures ;

•   dans les accouchements difficiles par le siège, l'hyper-extension cervicale et par conséquent l'élongation de la moelle cervicale entraîne un arrachement des racines fixées en amont dans le trou de conjugaison (mécanisme central de l'avulsion radiculaire) ;

•   la paralysie persistante du phrénique se voit surtout après accouchement par le siège ;

•   la rare POPB bilatérale n'a été observée qu'après accouchement par le siège ;

•   Les fractures de la clavicule et de l'humérus se voient également, quel que soit le mode de délivrance.

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Comment examiner cliniquement ces nouveau-nés ?

Interrogatoire

Lorsque l'enfant est vu à la naissance celui-ci est limité à l'anamnèse obstétricale. Pendant la période post-natale on interrogera la famille sur l'étendue de la paralysie initiale et de son évolution, sur d'éventuelles difficultés respiratoires, fractures ou signe de CBH.

Examen

•   observation de la position de la tête et du cou (la tête se détourne de la lésion sauf si le sterno-cléido-mastoidien est rétracté) et du bras ;

•   l'analyse de l'attitude du membre supérieur est riche d'enseignements.

On note ainsi :

•   dans la paralysie supérieure : une adduction et rotation interne du bras, une extension du coude, une pronation de l'avant-bras, et une flexion du poignet et des doigts ;

•   dans la paralysie totale : une complète atonie du membre avec des doigts qui peuvent être fléchis passivement. L'épaule peut-être surélevée par le trapèze (muscle innervé par le nerf spinal externe qui ne dépend pas du plexus brachial) ;

•   palpation de la clavicule, de l'humérus, et des cotes : une fracture peut entraîner une pseudo-paralysie liée à la douleur ou parfois une vraie paralysie liée à la compression du plexus par la fracture ou par un hématome.En cas de doute une radiographie est pratiquée ;

•   observation de l'abdomen pour rechercher indirectement une éventuelle asymétrie des mouvements diaphragmatiques avec en cas de doute réalisation d'une radioscopie pour confirmer une atteinte phrénique laquelle peut nécessiter une plicature du diaphragme ;

•   étude des yeux : recherche du signe de CBH ;

•   bilan moteur : le nouveau-né ne coopérant pas, celui-ci est de réalisation très délicate mais son intérêt est fondamental. Il a pour but l'évaluation de la force des muscles du membre supérieur. Dans les centres spécialisés, différentes échelles de cotation sont utilisées, la cotation étant déterminée par la force de la contraction musculaire et l'amplitude du mouvement qu'elle

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engendre. Pour cela l'enfant est déshabillé, et couché sur une surface plane et libre sur laquelle il peut se mouvoir et se tourner. Les mouvements spontanés et provoqués sont analysés en position couchée sur le dos, sur le coté, et assise. La main de l'examinateur palpe les corps musculaires pour déceler une légère contraction n'entraînant pas de mouvement.

On analyse ainsi :

•   pour l'épaule : l'antépulsion, l'abduction, l'adduction, les rotations interne et externe ;

•   pour le coude la flexion et l'extension

•   la flexion et l'extension du poignet ;

•   la flexion et l'extension des doigts et du pouce.

Ce bilan moteur est déterminant pour le suivi et les indications thérapeutiques. Il est effectué dès que possible, puis tous les trois mois la première année ou jusqu'à ce qu'une indication chirurgicale soit posée.Sa réalisation très difficile chez le nouveau-né, nécessite patience, expérience et doigté. Il est souvent seulement possible d'analyser les réactions à un stimulus douloureux ou de rechercher des signes d'auto-mutilation qui chez l'enfant témoignent d'un trouble sensitif.

Quel est l'apport des examens para-cliniques ?

Deux examens, en dehors des radiographies osseuses et diaphragmatiques sont utiles dans cette pathologie : l'électromyographie et la myélographie cervicale.

L'électromyographie

Cet examen comprend deux temps :

•   Le premier consiste à étudier l'innervation musculaire à l'aide d'une électrode concentrique intramusculaire (examen de détection) ;

•   le second temps consiste à étudier la conduction nerveuse des fibres nerveuses motrices et sensitives : étude des potentiels d'action moteurs, des potentiels sensitifs et des potentiels d'action des nerfs médian et cubital. Ce temps permet d'analyser l'état de ces fibres nerveuses et en particulier leur dégénérescence wallérienne.

Cette exploration neurophysiologique permet d'analyser à la fois :

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•   la nature de l'atteinte (neurapraxie avec bloc de conduction totalement régressif en quelques semaines ou mois ou axonotmésis avec dégénérescence wallérienne) ;

•   sa gravité (totale ou partielle) ;

•   sa topographie : radiculaire (avulsion) ou plexulaire ;

•   l'existence d'un processus de réinnervation ;

•   mettre en évidence de co-contractions musculaires (4) ; lors de la repousse nerveuse des erreurs sont fréquentes, celles destinées au biceps peuvent venir innerver le triceps. La contraction du biceps et du triceps étant alors simultanée, la flexion active du coude est impossible et cette co-contraction biceps-triceps peut simuler une paralysie du biceps et orienter à tort vers une indication chirurgicale ;

•   l'analyse de la valeur fonctionnelle d'un muscle que l'on envisage de transférer.

Cette exploration neurophysiologique est pour Birch (5) et pour nous un examen clef pour toute indication chirurgicale. Ainsi devant des potentiels de nerf de taille conservée ou peu diminuée et des tracés riches sans activité spontanée on peut évoquer un bloc de conduction ou une atteinte plexulaire favorable et écarter l'indication chirurgicale. Sa valeur, très opérateur-
dépendante, nécessite sa réalisation par un praticien spécialisé.

La myélographie cervicale

Elle cherche à mettre en évidence un ou plusieurs pseudo-méningocèles, qui peuvent témoigner d'un arrachement radiculaire.

Comment classer la pathologie de ces bébés ?

La classification anatomique comprend quatre formes :

•   la forme supérieure C5C6, plus ou moins C7 ;

•   la forme intermédiaire C7, plus ou moins C8D1 ;

•   la forme inférieure C8D1 ;

•   la forme totale C5D1.

A la naissance deux formes prédominent (9) : la forme supérieure et la forme totale.

Durant les huit premières semaines, Narakas ( 13) a classé les bébés en cinq groupes :

•   type 1 : C5C6 qui récupère en une à huit semaines ;

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•   type 2 : C5C6 avec récupération de la flexion du coude en quelques semaines tandis que celle de l'épaule est plus tardive et plus partielle ; lorsque s'associe à ce tableau une atteinte C7, l'extension du poignet et des doigts ne récupère pas et nécessite une chirurgie de transfert tendineux ;

•   type 3 : lésion plexulaire supérieure, arrachement de C7 et étirement des éléments inférieurs du plexus brachial avec un signe de CBH transitoire : récupération de la main en un à trois semaines, de la flexion du coude en 16 à 40 semaines, très partiellement de l'épaule en 10 à 40 semaines et du poignet en 40 à 60 semaines ;

•   type 4 : avulsion de C8D1 avec un CBH persistant et une atteinte de C5C6C7 qui peut régresser ;

•   type 5 : avulsion ou lésion majeure de tout le plexus : peu pas de récupération tardive, persistance d'un CBH, paralysie des rhomboïdes, de l'angulaire de l'omoplate et du grand dentelé.

Quel est le pronostic ?

Si la plupart des patients récupèrent avec peu ou pas de séquelles fonctionnelles, quelques-uns ont une récupération insuffisante entraînant un handicap fonctionnel, des limitations et des déformations articulaires.

Le pronostic spontané de la POPB est source de désaccord entre les praticiens en raison d'une part de critères de récupération hétérogènes et d'autre part de recrutements très différents.

Ainsi pour Eng la récupération est excellente dans 70 % des cas mais dans près de 20 % des cas persistent des séquelles modérées et dans près de 10 % des cas une atteinte sévère (7).

Bager a montré que sur 52 patients la moitié a récupéré totalement à 6 mois tandis que pour l'autre moitié il persistait à 15 mois un déficit fonctionnel (2).

Michelow et col. sur 66 patients (28 paralysie supérieure et 38 paralysie totales) ont constaté une récupération spontanée dans 92 % des cas et dans 8 % des cas une absence de récupération et la nécessité d'opérer le bébé (12).

Tous les auteurs s'accordent à considérer que lorsque l'amélioration du tableau est précoce, en quelques semaines, le devenir est satisfaisant. Mais certains patients récupèrent plus tardivement, en quelque mois et de façon satisfaisante. Globalement une récupération de la flexion active du coude, à 3 mois est le signe d'un bon pronostic ; mais dans 12,8 % cas cette assertion est erronée. La

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prise en compte de la récupération des mouvements d'extension du coude, du poignet et des doigts permet d'améliorer ce score avec seulement 5 % d'erreur (12).

Par ailleurs, Bellew et col. en 2000 (3) ont montré que ces enfants présentaient plus de problèmes comportementaux que des enfants normaux et ce d'autant que la paralysie était sévère.

Comment traiter ces patients ?

La prise en charge thérapeutique est avant tout médicale rééducative, rarement chirurgicale.

Le traitement rééducatif

Une mobilisation articulaire passive douce précoce est fondamentale pour prévenir les rétractions musculo-tendineuses de l'épaule, du coude, du poignet et des doigts, lesquelles peuvent s'installer rapidement surtout à l'épaule. Cette mobilisation gagne à être enseignée par le médecin-rééducateur ou par le kinésithérapeute aux parents qui peuvent ainsi la pratiquer après chaque toilette. Il importe,en particulier de leur apprendre à maintenir l'omoplate en position anatomique pendant la mobilisation du bras.Cette pratique ne suffit pas parfois à éviter la rétraction en adduction-rotation interne de l'épaule, en particulier lorsque l'atteinte est sévère et génère un déséquilibre musculaire majeur.

Les attelles d'abduction du bras sont à proscrire car elle sont source de rétraction de l'appareil abducteur de l'humérus et du sus-épineux en particulier. Par contre, en cas de flexum du coude le port, durant le sommeil, d'une attelle d'extension statique ou dynamique est régulièrement efficient. Les attelles de jour sont à éviter car elles peuvent dissuader l'enfant d'utiliser sa main. On peut seulement prescrire le port d'attelles de poignet, quelques heures par jour, dans les poignets tombants. Des attelles de nuit sont utiles dans les rétractions du pouce en flexion-adduction.

Dès que possible un travail actif manuel et bimanuel, analytique et fonctionnel est entrepris.

La pratique de la natation est à encourager dès que possible.

Malgré cela il persiste souvent des séquelles neuro-orthopédiques :

•   décollement de l'omoplate ;

•   signe du clairon : abduction du bras lors du mouvement main-bouche par défaut de rotation externe du bras ;

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•   latéralisation constante du coté sain ;

•   raccourcissement du membre, proportionnel à la gravité de l'atteinte ;

•   déformations de l'épaule dues aux co-contractions musculaires, aux déséquilibres musculaires, et à la croissance :

ƒ   défaut de rotation externe de l'épaule présente chez 30% des patients qui récupèrent en plus de trois semaines et 65% de ceux qui récupèrent incomplètement (Hoeskma et al. 2000). Un traitement chirurgical (désinsertion du sous-scapulaire, allongement de ce muscle, ostéotomie de dérotation humérale), peut-être indiqué si malgré la rééducation il persiste un déficit de rotation externe de plus de 30° ;

ƒ   sub-luxation postérieure ou luxation postérieure de la tête humérale ;

ƒ   déformations complexes de l'articulation scapulo-humérale ;

•   paralysie de la flexion du coude : possibilités de transfert musculaire pour obtenir une flexion active ;

•   déformations du coude : flexum, contracture en supination (traitement par déroutage du biceps, ou ostéotomie du radius) ;

•   troubles cognitifs à type d'apraxie, d'agnosie.

Le traitement chirurgical

Pratiqué par des équipes spécialisées, il consiste à aborder le plexus brachial par voie sus-claviculaire avec ou sans ostéotomie de la clavicule.

Un bilan lésionnel est effectué. En présence d'un névrome plexulaire, il est habituellement pratiqué une résection-greffe avec des greffons de nerf saphène externe ou de nerfs sensitifs des avant-bras. En cas d'arrachement radiculaire, des neurotisations (apport de fibres nerveuses à partir de nerfs sains non-plexulaires ou plexulaires) peuvent être effectuées sur la partie proximale des nerfs lésés. Ainsi on peut greffer le nerf spinal externe sur le nerf sus-scapulaire ou des nerfs inter-costaux sur le musculo-cutané. On peut aussi utiliser une racine persistante comme C5 pour greffer le tronc secondaire antéro-interne destiné à la main.

La stratégie chirurgicale résulte de la confrontation entre les données lésionnelles les données cliniques, para-cliniques et les possibilités thérapeutiques chirurgicales. La variété des atteintes anatomiques étant grande, chaque cas est évalué spécifiquement. Ainsi :

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•   dans les paralysies hautes s'il s'agit d'une atteinte plexulaire le névrome est réséqué et greffé ; en cas d'arrachement radiculaire des neurotisations sont pratiquées ;

•   dans les atteintes totales on associe ces neurotisations à des greffes à partir des racines supérieures sur les troncs secondaires et en particulier sur le tronc secondaire antéro-interne pour essayer de retouver une certaine fonction de la main.

Ce traitement serait plus efficace pendant la première année et est en tout cas souhaitable le plutôt possible (1,8).

Quelles sont les indications du traitement chirurgical ?

Schématiquement deux écoles s'opposent sur les modalités de l'indication chirurgicale :

•   une purement clinique menée par Gilbert(9) : l'absence de flexion active du coude à trois mois implique un traitement chirurgical ;

•   l'autre, à laquelle nous adhérons, menée par Birch (5), à la fois clinique et neuro-physiologique qui permet d'appréhender le substratum anatomique lésionnel et donc de mieux pondérer les indications chirurgicales.

Ainsi pour Gilbert et col. (9) doivent être opérées au troisième mois :

•   les paralysies totales avec C.B.H. à un mois ;

•   les atteintes C5C6 totales sans signe de récupération chez les enfant nés par siège ;

•   les atteintes C5C6 avec absence totale de biceps.

Cette attitude est la plus commune actuellement.

Pour Birch (5) l'examen clinique et l'exploration neurophysiologique permettent de différencier plusieurs tableaux :

•   les atteintes neurapraxiques (purement myéliniques sans dégénérescence wallérienne) dues à un bloc de conduction parfois prolongé mais réversible, à traiter médicalement. Celles-ci en l'absence d'examen neurophysiologique pourraient parfois entrer dans les indications chirurgicales de Gilbert et col. ;

•   les atteintes axonales limitées d'évolution spontanée favorable ;

•   les atteintes axonales étendues avec dégénéréscence wallérienne massive des fibres nerveuses des structures plexulaires lésées et les arrachements radiculaires qui sont tous deux à opérer.

D'autres travaux sur le sujet sont intéressants :

•   Narakas (13) divise les patients en trois groupes :

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ƒ   ceux qui récupèrent pendant les trois premières semaines ont une récupération complète ;

ƒ   ceux qui récupèrent après la troisième semaine continuent de s'améliorer ensuite mais nécessiteront souvent une chirurgie secondaire orthopédique ;

ƒ   ceux qui n'ont pas commencé à récupérer au deuxième mois, et qui nécessitent une exploration du plexus brachial.

•   Waters (15) étudiant très soigneusement une série de 66 patients conclut :

ƒ   plus tôt le biceps récupère, meilleur est le pronostic ;

ƒ   les paralysies restant totales à trois mois avec un CBH doivent être opérées ;

ƒ   la persistance d'une paralysie du biceps à 5 mois implique une indication chirurgicale.

•   D'autres auteurs comme Clarke et Curtis (6) considèrent que l'étude du biceps à trois mois, seule, est inadaptée pour indiquer la chirurgie car dans leur série (48 cas) la moitié des patients sans flexion active du coude à trois mois récupèrent bien.

Ces auteurs utilisent une échelle d' évaluation complète de la fonction musculaire : Active Movement Scale. Celle-ci cote la flexion et l'extension du coude, l'extension du poignet des doigts et du pouce. Chaque mouvement est chiffré de 0 à 2 (0,6 correspondent, par exemple, à un mouvement non-gravitaire de plus de la moitié de l'amplitude globale du mouvement) :

•   si le score qui va donc de 0 à 10 est inférieur à 3,5, la chirurgie est proposée (5,2 % d'erreurs d'indication contre 12 % si la cotation du biceps est seule prise en compte ) ;

•   si le score est meilleur, le patient est suivi. La chirurgie est alors indiquée lorsqu'à l'âge de 9 mois la flexion active du coude contre la gravité ne dépasse pas la moitié du mouvement total. Pour évaluer celle-ci le test du cookie est proposé : un biscuit est mis dans la main, du coté atteint, pendant que l'examinateur maintient la main du coté sain, et le bras atteint contre le tronc. Si l'enfant ne peut pas mettre le biscuit à la bouche avec une flexion du cou inférieure à 45°, le plexus est exploré ;

•   en outre, la chirurgie est proposée pour les atteintes totales avec CBH.

Quels sont les résultats de cette chirurgie ?

•   dans les atteintes supérieures C5C6, à deux ans, les résultats sont bons dans 52 % des cas, moyens dans 40 %, mauvais

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dans 8 % des cas (série de Gilbert : 108 opérés). Les résultats les plus défavorables sont observés chez les patients nés par le siège et présentant une avulsion de C5 et C6 (8) ;

•   dans les atteintes supérieures et moyennes C5C6C7, les résultats à 2 ans pour 61 patients sont, dans cette série chirurgicale, bons dans 36 % des cas, moyens dans 46 %, mauvais dans 18 % de ces cas ;

•   dans les lésions complètes la récupération est très lente. A deux ans, dans cette même série, sur 73 patients opérés, une récupération utile de l'épaule est notée dans 25 % des cas, du coude dans 68 %, de la main dans 35 % des cas.

Au-delà de ces deux années ces patients bénéficient de la poursuite du processus réinnervatif mais aussi des apports de la chirurgie orthopédique (désinsertions et allongements musculaires, transferts musculaires, ostéotomies, traitements des co-contractions...). Ainsi, à 8 ans, les bons résultats passent à 44 % dans les atteintes C5C6, et dans atteintes totales les mains utiles à 76 %.

En pratique

Un déficit moteur d'un membre supérieur est constaté à la naissance. Un examen clinique précoce soigneux est entrepris avec : étude de la motricité et de la sensibilité, bilan orthopédique avec recherche de fractures, examen respiratoire avec recherche d'une paralysie hémi-diaphragmatique, recherche d'un signe de CBH.

Une rééducation est mise en œuvre.

Un bilan clinique est effectué au 30e jour.

Si celui-ci montre un début de récupération, le pronostic est bon et la rééducation est poursuivie.

Par contre si l'atteinte reste totale une exploration neurophysiologique spécialisée est entreprise et permet d'orienter le praticien :

•   paralysie C5C6 ou C5C6C7 avec E.M.G. favorable : rééducation ;

•   paralysie C5C6 ou C5C6C7 avec E.M.G. défavorable (lésion plexulaire majeure ou avulsion radiculaire) : suivi mensuel clinique et éventuellement électrique ; si pas d'évolution, chirurgie entre le troisième et
neuvième mois
;

•   paralysie totale : si pas de récupération de la main et signes cliniques et électriques de gravité : chirurgie précoce.

   LA PARALYSIE OBSTéTRICALE DU PLEXUS BRACHIAL   521

Conclusion

La paralysie obstétricale du plexus brachial est une pathologie complexe nécessitant une approche multidisciplinaire avec une équipe comprenant le médecin-rééducateur, les chirurgiens orthopédiste et plasticien, le kinésithérapeute, l'ergothérapeute et le psychologue. Cette équipe gagnerait à bénéficier de l'apport d'une compétence obstétricale et doit en tout cas informer l'obstétricien de l'évolution de l'enfant. Les parents sont, bien entendu, informés et associés à toutes les étapes de ce traitement.

Devant une telle pathologie, la prévention reste la solution. Mais celle-ci reste difficile, car en particulier :

•   la dystocie des épaules n'est pas toujours prévisible ;

•   la prévision d'une macrosomie est parfois aléatoire car l'estimation du poids du nouveau-né est calculée avec une marge d'erreur de 15 à 20 % ;

•   l'accouchement par le siège reste pourvoyeur de POPB ;

Une expérience conjuguée obstétricale et neurochirurgicale (14) est intéressante à rapporter pour conclure. Pour ces auteurs, un grand nombre de problèmes pendant les grossesses et les accouchements précédents suggère la possibilité de nouveaux problèmes obstétricaux. Pour eux, une femme multipare avec des antécédents de problèmes obstétricaux, dont le fœtus paraît macrosomique nécessite une surveillance particulière avec :

•   en cas de présentation céphalique une conversion de l'accouchement par voie basse en césarienne, à envisager en cas de problème pendant la période d'effacement et de dilatation ;

•   en cas de siège ces auteurs préconisent, en s'appuyant aussi sur l'étude multicentrique menée par Hannah (10), une césarienne pour circonvenir aux risques mécaniques élevés pendant l'accouchement.

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