La paralysie obstétricale du
plexus brachial
Julien BENAÏM
La naissance d'un bébé au
bras paralysé va poser au praticien et aux parents de nombreux problèmes.
En effet, si le diagnostic de paralysie obstétricale du plexus brachial (POPB)
est le plus souvent aisé, le pronostic peut être difficile à porter
et l'attitude thérapeutique est loin d'être consensuelle ; de plus le
contexte est devenu depuis quelques années systématiquement médico-légal.
Quelques mots d'histoire
L'étiologie obstétricale de la paralysie
néonatale du membre supérieur a été évoquée pour la
première fois par W. Smellie en 1764 (14). Duchenne de Boulogne en 1872, puis
Erb en 1874 décrivent la forme supérieure C5-C6 de POPB (paralysie de
Duchenne-Erb).
A l'époque les praticiens considéraient
que la paralysie était la conséquence d'une compression du plexus brachial
dans la région sus-claviculaire par les doigts de l'accoucheur, les forceps,
un hématome, ou par traction axillaire.
Plus tard en 1885, Augusta Klumpke,
première femme interne de Paris, montra que le signe de Claude Bernard-Horner
(CBH) était lié à l'avulsion de C8-D1 entrainant une atteinte du
sympathique cervical. Elle épousa Déjerine et depuis la forme inférieure
de POPB (C8-D1) est souvent nommée paralysie de Déjerine-Klumpke. Vu la
situation topographique de ces racines (sous-claviculaire) l'étiologie compressive
a commencé à paraître plus discutable.
Ce n'est qu'en 1903 que W. Thornburn
(14) affirma que la paralysie résultait d'un étirement et non d'une compression
du plexus brachial. Engelhard, en 1906, montra sur des fœtus décédés
dont il avait disséqué le plexus que seul l'étirement du plexus brachial,
en particulier lors de la traction inférieure de la tête lors des accouchements
par le sommet, ou lors des mouvements latéraux du
510 J. BENAÏM
corps lors des accouchements par le siège
entrainait l'atteinte neurologique.
Quelques données générales
La paralysie peut intéresser :
• la partie
supérieure du plexus brachial (C5-C6, Duchenne-Erb), entraînant un
déficit des muscles de l'épaule et de la flexion du coude ;
• si la partie
moyenne du plexus est lésée (C7) le patient a de plus une paralysie
du triceps, des extenseurs du poignet et des doigts : la main est tombante ;
• la paralysie
peut-être totale associant généralement une sévère
lésion de la partie inférieure du plexus brachial (C7-D1) et une atteinte
de gravité variable de la partie supérieure du plexus brachial ;
• l'atteinte
des éléments inférieurs du plexus entraîne une paralysie
des muscles de la main et des troubles sensitifs de celle-ci. L'atteinte de D1 accompagne
souvent une lésion du sympathique cervical laquelle induit un syndrome de Claude
Bernard-Horner (CBH) caractérisé par une enophtalmie, un myosis, un ptôsis,
une anhidrose de l'hémi-face ipsi-latérale.
L'étirement du plexus peut entraîner
deux types de lésion de morbidité différente :
• les nerfs
peuvent être partiellement étirés ou rompus en aval du trou de conjugaison,
entraînant la formation d'un névrome : lésions plexulaires ;
• les racines
peuvent être arrachées de la moelle épinière : avulsions radiculaires
non réparables directement.
Quel est le contexte étiologique ?
L'incidence généralement reconnue est
de l'ordre de 1 pour 2 000. Dans les accouchements par le sommet celle-ci
est de l'ordre de 0,14 à 1,6 pour 1 000, tandis que dans les accouchements
par le siège elle est de 8,6 à 24,5 pour 1 000(5).
La comparaison de 130 patients opérés
et de 138 702 bébés nés en Hollande en 1992 (14) apporte un
éclairage intéressant sur celui-ci.
Ainsi dans cette série :
• sur les 130
enfants opérés : 102 sont nés par le sommet et 28 par le siège ;
LA
PARALYSIE OBSTéTRICALE DU PLEXUS BRACHIAL 511
• les bébés
nés par le sommet et opérés d'une POPB sont plus souvent :
ƒ nés de mère multipare
;
ƒ macrosomiques ;
ƒ sujets à une
souffrance fœtale ;
ƒ nés par extraction.
• les bébés
nés par le siège et opérés d'une POPB ont une plus haute incidence
de souffrance fœtale.
• un tiers
des POPB a eu une précédente grossesse compliquée par un diabète,
une suspicion de macrosomie, une obésité.
• deux tiers
des bébés avec une POPB ont une mère multipare, et la moitié
d'entre eux ont une macrosomie, un accouchement difficile ou instrumental
;
• après
un siège deux tiers des patients ont une atteinte C5C6 liée presque
toujours à une avulsion partielle ou complète de C5 et/ou C6. Les
lésions totales sont rares ;
• après
un sommet la lésion la plus commune est l'atteinte C5C6C7 liée
à une rupture partielle ou totale plexulaire, suivie de près par les lésions
totales ;
• les lésions
totales sont liées en fait presque exclusivement (43/45) à un accouchement
par le sommet, avec de façon équivalente soit une lésion plexulaire
soit une avulsion radiculaire. Il est possible que l'écartement tête-épaule
entraîne des lésions plus importantes et plus extensives. Les racines
C5 et C6 étant fermement attachées aux apophyses transverses, l'étirement
dans la dystocie des épaules crée une rupture de C5 et C6 et une avulsion
des racines inférieures ;
• dans les accouchements
difficiles par le siège, l'hyper-extension cervicale et par conséquent
l'élongation de la moelle cervicale entraîne un arrachement des racines
fixées en amont dans le trou de conjugaison (mécanisme central de l'avulsion
radiculaire) ;
• la paralysie
persistante du phrénique se voit surtout après accouchement par
le siège ;
• la rare POPB
bilatérale n'a été observée qu'après accouchement par
le siège ;
• Les fractures
de la clavicule et de l'humérus se voient également, quel que soit le
mode de délivrance. 512 J. BENAÏM
Comment examiner cliniquement ces nouveau-nés
?
Interrogatoire
Lorsque l'enfant est vu à la naissance celui-ci
est limité à l'anamnèse obstétricale. Pendant la période
post-natale on interrogera la famille sur l'étendue de la paralysie initiale
et de son évolution, sur d'éventuelles difficultés respiratoires,
fractures ou signe de CBH.
Examen
• observation de la position
de la tête et du cou (la tête se détourne de la lésion sauf
si le sterno-cléido-mastoidien est rétracté) et du bras ;
• l'analyse
de l'attitude du membre supérieur est riche d'enseignements.
On note ainsi :
• dans la paralysie
supérieure : une adduction et rotation interne du bras, une extension du
coude, une pronation de l'avant-bras, et une flexion du poignet et des doigts ;
• dans la paralysie
totale : une complète atonie du membre avec des doigts qui peuvent être
fléchis passivement. L'épaule peut-être surélevée par le
trapèze (muscle innervé par le nerf spinal externe qui ne dépend
pas du plexus brachial) ;
• palpation
de la clavicule, de l'humérus, et des cotes : une fracture peut entraîner
une pseudo-paralysie liée à la douleur ou parfois une vraie paralysie
liée à la compression du plexus par la fracture ou par un hématome.En
cas de doute une radiographie est pratiquée ;
• observation
de l'abdomen pour rechercher indirectement une éventuelle asymétrie des
mouvements diaphragmatiques avec en cas de doute réalisation d'une radioscopie
pour confirmer une atteinte phrénique laquelle peut nécessiter une plicature
du diaphragme ;
• étude
des yeux : recherche du signe de CBH ;
• bilan moteur
: le nouveau-né ne coopérant pas, celui-ci est de réalisation très
délicate mais son intérêt est fondamental. Il a pour but l'évaluation
de la force des muscles du membre supérieur. Dans les centres spécialisés,
différentes échelles de cotation sont utilisées, la cotation étant
déterminée par la force de la contraction musculaire et l'amplitude du
mouvement qu'elle LA
PARALYSIE OBSTéTRICALE DU PLEXUS BRACHIAL 513
engendre. Pour cela l'enfant est déshabillé,
et couché sur une surface plane et libre sur laquelle il peut se mouvoir et
se tourner. Les mouvements spontanés et provoqués sont analysés en
position couchée sur le dos, sur le coté, et assise. La main de l'examinateur
palpe les corps musculaires pour déceler une légère contraction n'entraînant
pas de mouvement.
On analyse ainsi :
• pour l'épaule
: l'antépulsion, l'abduction, l'adduction, les rotations interne et externe
;
• pour le coude
la flexion et l'extension
• la flexion
et l'extension du poignet ;
• la flexion
et l'extension des doigts et du pouce.
Ce bilan moteur est déterminant
pour le suivi et les indications thérapeutiques. Il est effectué dès
que possible, puis tous les trois mois la première année ou jusqu'à
ce qu'une indication chirurgicale soit posée.Sa réalisation très
difficile chez le nouveau-né, nécessite patience, expérience et doigté.
Il est souvent seulement possible d'analyser les réactions à un stimulus
douloureux ou de rechercher des signes d'auto-mutilation qui chez l'enfant témoignent
d'un trouble sensitif.
Quel est l'apport des examens para-cliniques ?
Deux examens, en dehors des radiographies osseuses
et diaphragmatiques sont utiles dans cette pathologie : l'électromyographie
et la myélographie cervicale.
L'électromyographie
Cet examen comprend deux temps :
• Le premier
consiste à étudier l'innervation musculaire à l'aide d'une
électrode concentrique intramusculaire (examen de détection) ;
• le second
temps consiste à étudier la conduction nerveuse des fibres nerveuses
motrices et sensitives : étude des potentiels d'action moteurs, des potentiels
sensitifs et des potentiels d'action des nerfs médian et cubital. Ce temps
permet d'analyser l'état de ces fibres nerveuses et en particulier leur dégénérescence
wallérienne.
Cette exploration neurophysiologique
permet d'analyser à la fois : 514 J. BENAÏM
• la nature de l'atteinte
(neurapraxie avec bloc de conduction totalement régressif en quelques semaines
ou mois ou axonotmésis avec dégénérescence wallérienne)
;
• sa gravité
(totale ou partielle) ;
• sa topographie
: radiculaire (avulsion) ou plexulaire ;
• l'existence
d'un processus de réinnervation ;
• mettre en
évidence de co-contractions musculaires (4) ; lors de la repousse nerveuse
des erreurs sont fréquentes, celles destinées au biceps peuvent venir
innerver le triceps. La contraction du biceps et du triceps étant alors simultanée,
la flexion active du coude est impossible et cette co-contraction biceps-triceps
peut simuler une paralysie du biceps et orienter à tort vers une indication
chirurgicale ;
• l'analyse
de la valeur fonctionnelle d'un muscle que l'on envisage de transférer.
Cette exploration neurophysiologique
est pour Birch (5) et pour nous un examen clef pour toute indication chirurgicale.
Ainsi devant des potentiels de nerf de taille conservée ou peu diminuée
et des tracés riches sans activité spontanée on peut évoquer
un bloc de conduction ou une atteinte plexulaire favorable et écarter l'indication
chirurgicale. Sa valeur, très opérateur- dépendante, nécessite
sa réalisation par un praticien spécialisé.
La myélographie cervicale
Elle cherche à mettre en évidence
un ou plusieurs pseudo-méningocèles, qui peuvent témoigner d'un
arrachement radiculaire.
Comment classer la pathologie de ces bébés
?
La classification anatomique comprend quatre
formes :
• la forme supérieure
C5C6, plus ou moins C7 ;
• la forme intermédiaire
C7, plus ou moins C8D1 ;
• la forme inférieure
C8D1 ;
• la forme totale
C5D1.
A la naissance deux formes prédominent
(9) : la forme supérieure et la forme totale.
Durant les huit premières semaines,
Narakas ( 13) a classé les bébés en cinq groupes :
• type 1
: C5C6 qui récupère en une à huit semaines ;
LA
PARALYSIE OBSTéTRICALE DU PLEXUS BRACHIAL 515
• type 2 : C5C6
avec récupération de la flexion du coude en quelques semaines tandis que
celle de l'épaule est plus tardive et plus partielle ; lorsque s'associe à
ce tableau une atteinte C7, l'extension du poignet et des doigts ne récupère
pas et nécessite une chirurgie de transfert tendineux ;
• type 3 : lésion
plexulaire supérieure, arrachement de C7 et étirement des éléments
inférieurs du plexus brachial avec un signe de CBH transitoire : récupération
de la main en un à trois semaines, de la flexion du coude en 16 à 40 semaines,
très partiellement de l'épaule en 10 à 40 semaines et du poignet
en 40 à 60 semaines ;
• type 4
: avulsion de C8D1 avec un CBH persistant et une atteinte de C5C6C7 qui peut régresser
;
• type 5
: avulsion ou lésion majeure de tout le plexus : peu pas de récupération
tardive, persistance d'un CBH, paralysie des rhomboïdes, de l'angulaire de
l'omoplate et du grand dentelé.
Quel est le pronostic ?
Si la plupart des patients récupèrent
avec peu ou pas de séquelles fonctionnelles, quelques-uns ont une récupération
insuffisante entraînant un handicap fonctionnel, des limitations et des
déformations articulaires.
Le pronostic spontané de la POPB
est source de désaccord entre les praticiens en raison d'une part de
critères de récupération hétérogènes et d'autre part
de recrutements très différents.
Ainsi pour Eng la récupération
est excellente dans 70 % des cas mais dans près de 20 % des cas persistent
des séquelles modérées et dans près de 10 % des cas une
atteinte sévère (7).
Bager a montré que sur 52 patients
la moitié a récupéré totalement à 6 mois tandis que pour
l'autre moitié il persistait à 15 mois un déficit fonctionnel (2).
Michelow et col. sur 66 patients (28
paralysie supérieure et 38 paralysie totales) ont constaté une récupération
spontanée dans 92 % des cas et dans 8 % des cas une absence de récupération
et la nécessité d'opérer le bébé (12).
Tous les auteurs s'accordent à
considérer que lorsque l'amélioration du tableau est précoce, en
quelques semaines, le devenir est satisfaisant. Mais certains patients récupèrent
plus tardivement, en quelque mois et de façon satisfaisante. Globalement une
récupération de la flexion active du coude, à 3 mois est le
signe d'un bon pronostic ; mais dans 12,8 % cas cette assertion est erronée.
La 516 J. BENAÏM
prise en compte de la récupération
des mouvements d'extension du coude, du poignet et des doigts permet d'améliorer
ce score avec seulement 5 % d'erreur (12).
Par ailleurs, Bellew et col. en 2000 (3) ont montré
que ces enfants présentaient plus de problèmes comportementaux que des
enfants normaux et ce d'autant que la paralysie était sévère.
Comment traiter ces patients ?
La prise en charge thérapeutique est avant
tout médicale rééducative, rarement chirurgicale.
Le traitement rééducatif
Une mobilisation articulaire passive douce
précoce est fondamentale pour prévenir les rétractions musculo-tendineuses
de l'épaule, du coude, du poignet et des doigts, lesquelles peuvent s'installer
rapidement surtout à l'épaule. Cette mobilisation gagne à être
enseignée par le médecin-rééducateur ou par le kinésithérapeute
aux parents qui peuvent ainsi la pratiquer après chaque toilette. Il importe,en
particulier de leur apprendre à maintenir l'omoplate en position anatomique
pendant la mobilisation du bras.Cette pratique ne suffit pas parfois à éviter
la rétraction en adduction-rotation interne de l'épaule, en particulier
lorsque l'atteinte est sévère et génère un déséquilibre
musculaire majeur.
Les attelles d'abduction du bras sont
à proscrire car elle sont source de rétraction de l'appareil abducteur
de l'humérus et du sus-épineux en particulier. Par contre, en cas de flexum
du coude le port, durant le sommeil, d'une attelle d'extension statique ou dynamique
est régulièrement efficient. Les attelles de jour sont à éviter
car elles peuvent dissuader l'enfant d'utiliser sa main. On peut seulement prescrire
le port d'attelles de poignet, quelques heures par jour, dans les poignets tombants.
Des attelles de nuit sont utiles dans les rétractions du pouce en flexion-adduction.
Dès que possible un travail
actif manuel et bimanuel, analytique et fonctionnel est entrepris.
La pratique de la natation est à
encourager dès que possible.
Malgré cela il persiste souvent
des séquelles neuro-orthopédiques :
• décollement
de l'omoplate ;
• signe du
clairon : abduction du bras lors du mouvement main-bouche par défaut de
rotation externe du bras ; LA
PARALYSIE OBSTéTRICALE DU PLEXUS BRACHIAL 517
• latéralisation
constante du coté sain ;
• raccourcissement du
membre, proportionnel à la gravité de l'atteinte ;
• déformations
de l'épaule dues aux co-contractions musculaires, aux déséquilibres
musculaires, et à la croissance :
ƒ défaut de
rotation externe de l'épaule présente chez 30% des patients qui récupèrent
en plus de trois semaines et 65% de ceux qui récupèrent incomplètement
(Hoeskma et al. 2000). Un traitement chirurgical (désinsertion du sous-scapulaire,
allongement de ce muscle, ostéotomie de dérotation humérale), peut-être
indiqué si malgré la rééducation il persiste un déficit
de rotation externe de plus de 30° ;
ƒ sub-luxation
postérieure ou luxation postérieure de la tête humérale ;
ƒ déformations
complexes de l'articulation scapulo-humérale ;
• paralysie
de la flexion du coude : possibilités de transfert musculaire pour obtenir
une flexion active ;
• déformations
du coude : flexum, contracture en supination (traitement par déroutage
du biceps, ou ostéotomie du radius) ;
• troubles
cognitifs à type d'apraxie, d'agnosie.
Le traitement chirurgical
Pratiqué par des équipes spécialisées,
il consiste à aborder le plexus brachial par voie sus-claviculaire avec ou
sans ostéotomie de la clavicule.
Un bilan lésionnel est
effectué. En présence d'un névrome plexulaire, il est habituellement
pratiqué une résection-greffe avec des greffons de nerf saphène
externe ou de nerfs sensitifs des avant-bras. En cas d'arrachement radiculaire,
des neurotisations (apport de fibres nerveuses à partir de nerfs sains
non-plexulaires ou plexulaires) peuvent être effectuées sur la partie
proximale des nerfs lésés. Ainsi on peut greffer le nerf spinal externe
sur le nerf sus-scapulaire ou des nerfs inter-costaux sur le musculo-cutané.
On peut aussi utiliser une racine persistante comme C5 pour greffer le tronc secondaire
antéro-interne destiné à la main.
La stratégie chirurgicale
résulte de la confrontation entre les données lésionnelles les données
cliniques, para-cliniques et les possibilités thérapeutiques chirurgicales.
La variété des atteintes anatomiques étant grande, chaque cas est
évalué spécifiquement. Ainsi : 518 J. BENAÏM
• dans les paralysies
hautes s'il s'agit d'une atteinte plexulaire le névrome est réséqué
et greffé ; en cas d'arrachement radiculaire des neurotisations sont pratiquées
;
• dans les atteintes
totales on associe ces neurotisations à des greffes à partir des racines
supérieures sur les troncs secondaires et en particulier sur le tronc secondaire
antéro-interne pour essayer de retouver une certaine fonction de la main.
Ce traitement serait plus efficace
pendant la première année et est en tout cas souhaitable le plutôt
possible (1,8).
Quelles sont les indications du
traitement chirurgical ?
Schématiquement deux écoles
s'opposent sur les modalités de l'indication chirurgicale :
• une purement
clinique menée par Gilbert(9) : l'absence de flexion active du coude
à trois mois implique un traitement chirurgical ;
• l'autre, à
laquelle nous adhérons, menée par Birch (5), à la fois clinique
et neuro-physiologique qui permet d'appréhender le substratum anatomique
lésionnel et donc de mieux pondérer les indications chirurgicales.
Ainsi pour Gilbert et col. (9) doivent
être opérées au troisième mois :
• les paralysies
totales avec C.B.H. à un mois ;
• les atteintes
C5C6 totales sans signe de récupération chez les enfant nés par siège
;
• les atteintes
C5C6 avec absence totale de biceps.
Cette attitude est la plus commune
actuellement.
Pour Birch (5) l'examen clinique et
l'exploration neurophysiologique permettent de différencier plusieurs tableaux
:
• les atteintes
neurapraxiques (purement myéliniques sans dégénérescence
wallérienne) dues à un bloc de conduction parfois prolongé mais réversible,
à traiter médicalement. Celles-ci en l'absence d'examen neurophysiologique
pourraient parfois entrer dans les indications chirurgicales de Gilbert et col.
;
• les atteintes
axonales limitées d'évolution spontanée favorable ;
• les atteintes
axonales étendues avec dégénéréscence wallérienne
massive des fibres nerveuses des structures plexulaires lésées et les
arrachements radiculaires qui sont tous deux à opérer.
D'autres travaux sur le sujet
sont intéressants :
• Narakas
(13) divise les patients en trois groupes : LA
PARALYSIE OBSTéTRICALE DU PLEXUS BRACHIAL 519
ƒ ceux qui récupèrent
pendant les trois premières semaines ont une récupération complète
;
ƒ ceux qui récupèrent
après la troisième semaine continuent de s'améliorer ensuite mais
nécessiteront souvent une chirurgie secondaire orthopédique ;
ƒ ceux qui n'ont pas
commencé à récupérer au deuxième mois, et qui nécessitent
une exploration du plexus brachial.
• Waters (15)
étudiant très soigneusement une série de 66 patients conclut :
ƒ plus tôt le
biceps récupère, meilleur est le pronostic ;
ƒ les paralysies restant
totales à trois mois avec un CBH doivent être opérées ;
ƒ la persistance d'une
paralysie du biceps à 5 mois implique une indication chirurgicale.
• D'autres auteurs
comme Clarke et Curtis (6) considèrent que l'étude du biceps à trois
mois, seule, est inadaptée pour indiquer la chirurgie car dans leur série
(48 cas) la moitié des patients sans flexion active du coude à trois mois
récupèrent bien.
Ces auteurs utilisent une échelle
d' évaluation complète de la fonction musculaire : Active Movement Scale.
Celle-ci cote la flexion et l'extension du coude, l'extension du poignet des doigts
et du pouce. Chaque mouvement est chiffré de 0 à 2 (0,6 correspondent,
par exemple, à un mouvement non-gravitaire de plus de la moitié de l'amplitude
globale du mouvement) :
• si le score
qui va donc de 0 à 10 est inférieur à 3,5, la chirurgie est proposée
(5,2 % d'erreurs d'indication contre 12 % si la cotation du biceps est seule prise
en compte ) ;
• si le score
est meilleur, le patient est suivi. La chirurgie est alors indiquée lorsqu'à
l'âge de 9 mois la flexion active du coude contre la gravité ne dépasse
pas la moitié du mouvement total. Pour évaluer celle-ci le test du cookie
est proposé : un biscuit est mis dans la main, du coté atteint, pendant
que l'examinateur maintient la main du coté sain, et le bras atteint contre
le tronc. Si l'enfant ne peut pas mettre le biscuit à la bouche avec une flexion
du cou inférieure à 45°, le plexus est exploré ;
• en outre,
la chirurgie est proposée pour les atteintes totales avec CBH.
Quels sont les résultats de
cette chirurgie ?
• dans les
atteintes supérieures C5C6, à deux ans, les résultats sont bons
dans 52 % des cas, moyens dans 40 %, mauvais 520 J. BENAÏM
dans 8 % des cas (série de Gilbert
: 108 opérés). Les résultats les plus défavorables sont observés
chez les patients nés par le siège et présentant une avulsion de
C5 et C6 (8) ;
• dans les atteintes
supérieures et moyennes C5C6C7, les résultats à 2 ans pour 61
patients sont, dans cette série chirurgicale, bons dans 36 % des cas, moyens
dans 46 %, mauvais dans 18 % de ces cas ;
• dans les lésions
complètes la récupération est très lente. A deux ans, dans
cette même série, sur 73 patients opérés, une récupération
utile de l'épaule est notée dans 25 % des cas, du coude dans 68 %, de
la main dans 35 % des cas.
Au-delà de ces deux années
ces patients bénéficient de la poursuite du processus réinnervatif
mais aussi des apports de la chirurgie orthopédique (désinsertions et
allongements musculaires, transferts musculaires, ostéotomies, traitements
des co-contractions...). Ainsi, à 8 ans, les bons résultats passent à
44 % dans les atteintes C5C6, et dans atteintes totales les mains utiles à
76 %.
En pratique
Un déficit moteur d'un membre supérieur
est constaté à la naissance. Un examen clinique précoce soigneux
est entrepris avec : étude de la motricité et de la sensibilité,
bilan orthopédique avec recherche de fractures, examen respiratoire avec recherche
d'une paralysie hémi-diaphragmatique, recherche d'un signe de CBH.
Une rééducation est
mise en œuvre.
Un bilan clinique est effectué
au 30e jour.
Si celui-ci montre un début
de récupération, le pronostic est bon et la rééducation
est poursuivie.
Par contre si l'atteinte reste totale
une exploration neurophysiologique spécialisée est entreprise
et permet d'orienter le praticien :
• paralysie
C5C6 ou C5C6C7 avec E.M.G. favorable : rééducation
;
• paralysie
C5C6 ou C5C6C7 avec E.M.G. défavorable (lésion plexulaire majeure
ou avulsion radiculaire) : suivi mensuel clinique et éventuellement
électrique ; si pas d'évolution, chirurgie entre le troisième
et neuvième mois ;
• paralysie
totale : si pas de récupération de la main et signes
cliniques et électriques de gravité : chirurgie précoce.
LA
PARALYSIE OBSTéTRICALE DU PLEXUS BRACHIAL 521
Conclusion
La paralysie obstétricale du plexus brachial
est une pathologie complexe nécessitant une approche multidisciplinaire
avec une équipe comprenant le médecin-rééducateur, les chirurgiens
orthopédiste et plasticien, le kinésithérapeute, l'ergothérapeute
et le psychologue. Cette équipe gagnerait à bénéficier de l'apport
d'une compétence obstétricale et doit en tout cas informer l'obstétricien
de l'évolution de l'enfant. Les parents sont, bien entendu, informés
et associés à toutes les étapes de ce traitement.
Devant une telle pathologie, la prévention
reste la solution. Mais celle-ci reste difficile, car en particulier :
• la dystocie
des épaules n'est pas toujours prévisible ;
• la prévision
d'une macrosomie est parfois aléatoire car l'estimation du poids du nouveau-né
est calculée avec une marge d'erreur de 15 à 20 % ;
• l'accouchement
par le siège reste pourvoyeur de POPB ;
Une expérience conjuguée
obstétricale et neurochirurgicale (14) est intéressante à rapporter
pour conclure. Pour ces auteurs, un grand nombre de problèmes pendant les grossesses
et les accouchements précédents suggère la possibilité de nouveaux
problèmes obstétricaux. Pour eux, une femme multipare avec des
antécédents de problèmes obstétricaux, dont le fœtus
paraît macrosomique nécessite une surveillance particulière
avec :
• en cas de
présentation céphalique une conversion de l'accouchement par voie basse
en césarienne, à envisager en cas de problème pendant la période
d'effacement et de dilatation ;
• en cas de
siège ces auteurs préconisent, en s'appuyant aussi sur l'étude multicentrique
menée par Hannah (10), une césarienne pour circonvenir aux risques mécaniques
élevés pendant l'accouchement.
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