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Titre: L'incontinence anale neurogène du post-partum
Année: 2003
Auteurs: - Benaim J.
Spécialité: Périnéologie
Theme: Traumatime obstétrical

L'incontinence anale
neurogène du post-partum

Julien BENAÏM et Solange NINOU-ELBAUM

L'incontinence anale (IA) peut être définie comme la perte du contrôle sphinctérien anal, interdisant la possibilité de retarder l'émission de gaz ou de selles liquides ou solides jusqu'à un moment ou à l'arrivée en un lieu, socialement acceptables (1).

L'incontinence anale du post-partum entraîne un réel handicap social et médical. Le traumatisme obstétrical constitue, une des causes les plus communes d'incontinence anale. L'accouchement peut entraîner :

•   une lésion du sphincter anal strié et/ou lisse ,

•   une atteinte neurologique : la neuropathie périnéale d'étirement (NPE) liée à une lésion mécanique du nerf honteux interne (NHI) lors des efforts de poussée et du passage du bébé dans la filière pelvi-génitale.

Ces deux processus peuvent être associés. La NPE très rarement isolée, vient en règle générale compliquer la déchirure sphinctérienne, aggraver le tableau fonctionnel ainsi que le pronostic chirurgical des réparations sphinctériennes.

Cette IA peut venir compléter une incontinence urinaire d'effort et des troubles de la statique pelvienne.

L'approche de l'IA du post-partum pour être optimale se doit donc d'analyser et d'évaluer tous ces facteurs. Dans ce propos nous essaierons de préciser notre mode d'exploration multi-disciplinaire — inclus dans le cadre d'une démarche périnéologique — de cette pathologie et plus précisément l'apport de l'électromyographie dans le diagnostic, le suivi et le pronostic de ces IA avec NPE. Notre équipe s'articule autour de praticiens très spécialisés dans ce domaine, la synthèse revenant au périnéologue.

La fréquence réelle de cette incontinence reste à préciser mais semble généralement sous-estimée, les patients évitant d'aborder spontanément le sujet.

Selon les séries de 5 à 40 % des femmes présentent au décours de leur accouchement une IA fécale, aux gaz ou aux liquides (2,

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9). Dans une série de 202 patients (10), 13 % des 79 primipares et 23% des 48 multipares ayant accouché par voie basse ont présenté une IA et/ou une impériosité fécale six semaines après l'accouchement (besoins impérieux de déféquer dans 85 % des cas, incontinence des gaz dans 46 % des cas, incontinence des selles liquides dans 8 % des cas).

La continence anale résulte de mécanismes complexes ou interviennent les sphincters strié et lisse et leur innervation végétative, sensorielle et motrice.

Le canal anal joue le rôle de barrière de pression. Au repos de 50 à 80 % de la pression est due au sphincter lisse, en contraction maximale permanente. Son action est complétée par la présence des replis muqueux,des expansions des plexus hémorroïdaires (10 à15 % de la pression de repos) et par la contraction tonique permanente du sphincter strié anal (SSA) pour 20 % de la pression de repos. Celui-ci peut volontairement doubler la pression intra-canalaire pendant une minute; son activité augmente pendant les efforts physiques, la toux.

La sensibilité du canal anal très discriminative (gaz, solides, liquides) est assurée par le NHI.

Les réflexes recto-anal inhibiteur et recto-anal contracteur (l'arrivée des matières entraîne une relaxation du sphincter lisse modulée par le para-sympathique et une contraction du sphincter strié à la partie basse du canal anal ) permettent conjointement à la compliance rectale de différer la défécation. Celle-ci est déclenchée par l'augmentation de pression intra-rectale liée au réflexe recto-anal contracteur et par la manœuvre de Vasalva qui induisent un réflexe recto-anal inhibiteur. L'ouverture de l'angle ano-rectal et l'inversion du gradient de pression permettent l'évacuation des selles; puis les sphincters se contractent rétablissant le gradient de pression.

L'examen clinique

L'interrogatoire est essentiel pour préciser les antécédents, en particulier obstétricaux, et analyser la nature des troubles (simple incontinence aux gaz, suintement anal ou soiling, incontinence aux matières liquides et/ou solides, urgences défécatoires), leur association avec une incontinence urinaire, leur fréquence et leur retentissement personnel, social et professionnel.

Une constipation ou une dyschésie qui peuvent masquer une réelle IA sont systématiquement recherchées.

   L'INCONTINENCE ANALE NEUROGèNE DU POST-PARTUM   479

La déchirure antérieure du SSA, découverte la plus fréquente, entraîne cliniquement une impériosité fécale avec urgences défécatoires pouvant entraîner un IA fecale. Si le sphincter lisse est atteint, on note de plus une incontinence fecale passive.

Cet interrogatoire minutieux permettra de coter cette IA en utilisant tout au long du suivi clinique une des échelles publiées. Pour notre part, nous nous servons du Cleveland Clinic Scoring System.

Le périnée est ensuite examiné à la recherche :

•   de lésions morphologiques cicatricielles (antécédents de chirurgie hémorroïdaire ou de fistule anale) ;

•   de troubles sensitifs (hypoesthésie cutanée périnéale; mauvaise perception de la pression intra-vaginale, ou rectale ) ;

•   de troubles réflexes (réflexe bulbo-anal) ;

•   de troubles moteurs: tonicité et contraction volontaire du SSA.

Un bilan gynécologique et proctologique, avec en particulier une étude de la statique pelvienne est effectué.

Les explorations para-cliniques

Celles-ci, très « opérateur- dépendantes », gagnent à être pratiquées par des praticiens spécialisés en pathologie périnéale car la conjonction des données cliniques et des résultats de ces examens aboutit à un plan thérapeutique dont la qualité naît de la fiabilité des résultats de ces explorations.

La manométrie ano-rectale

Elle permet d'apprécier :

•   l'état fonctionnel du sphincter lisse (pression de repos, réflexe recto-anal inhibiteur) ;

•   l'état fonctionnel du sphincter strié (pression à la contraction volontaire et durée de celle-ci ; réflexe recto-anal contracteur ; réflexe de garde à la toux) ;

•   la sensibilité rectale ;

•   la synergie abdomino-périnéale.

L'échographie endo-anale

Examen-clé qui permet de mettre en évidence une rupture du sphincter lisse et/ou strié et d'analyser son extension en hauteur et en pourcentage de la circonférence. Cet examen permet aussi d'analyser le noyau central du périnée et la cloison recto-vaginale.

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Les exploration radiologiques

La défécographie a pour but la recherche de troubles de la statique rectale qui peuvent à eux seuls être à l'origine de l'IA : procidence rectale interne, descente périnéale pouvant entraîner une NPE. En effet, une descente périnéale de 2 cm peut entraîner un étirement des NHI de 20 % (5). Parfois, il est nécessaire de demander un examen plus complet avec opacification de l'intestin grêle: colpo-cysto-défécographie, à la recherche d'une entérocèle ou d'une élytrocèle (7).

Un bilan urodynamique

Il peut être nécessaire devant une incontinence urinaire associée.

L'électromyographie

Dans les incontinences urinaires d'effort nous avons pu montrer en 1977 que le pronostic urinaire post-opératoire était intimement lié à l'existence ou non d'une dénervation périphérique du sphincter strié urétral (8). Ainsi dans une série de 204 femmes présentant un prolapsus et une incontinence urinaire d'effort lorsqu'il existait une dénervation périphérique totale ou sévère uni ou bilatérale, ou marquée et bilatérale, l'incontinence urinaire persistait après la pratique d'une chirurgie visant à traiter le prolapsus et l'incontinence urinaire d'effort.

Sangwan et col. ont rapporté en 1996 une série de 15 patientes ayant subi une réparation sphinctérienne (12). Les 8 patientes dont l'examen neurophysiologique était normal ont eu un résultat excellent ou bon alors que parmi les 6 qui avaient une atteinte unilatérale du nerf honteux interne une seule eût un bon résultat. Cet auteur conclut à la nécessité d'avoir les deux nerfs honteux internes normaux pour avoir une continence anale retrouvée en post-opératoire. D'autres auteurs ont conclut dans le même sens (4). Par contre, Fynes et col. après d'autres auteurs ne rejoignent pas ce sentiment et ne retrouvent pas de corrélation entre l'exploration neurophysiologique — limitée à la seule latence distale motrice du NHI — et le résultat post-opératoire sur l'IA (3).

   L'INCONTINENCE ANALE NEUROGèNE DU POST-PARTUM   481

Qu'en est-il ?

Le but de l'exploration neuro-physiologique périnéale est d'explorer les voies motrices, sensitives et végétatives impliquées dans le contrôle de la fonction sphinctérienne anale. Il permet de mettre en évidence une atteinte des nerfs honteux internes, de préciser sa gravité et d'en suivre l'évolution.

Cet examen comprend plusieurs temps :

•   un examen de détection musculaire qui consiste à étudier l'activité spontanée, volontaire et réflexe des quadrants du SSA à l'aide d'une aiguille concentrique insérée dans celui-ci.

Cet examen permet d'analyser :

•   les caractéristiques des potentiels d'unité motrice qui reflètent l'état de l'unité motrice: complexe axones destinés au sphincter- fibres musculaires sphinctériennes ;

•    la richesse de des tracés lors de la contraction volontaire qui reflètent le nombre d'axones fonctionnels dans les NHI.

Lors d'une dénervation périphérique aiguë on note au bout de trois semaines l'apparition d'une activité spontanée caractéristique (fibrillations et potentiels lents) qui signe l'atteinte axonale.

Lors d'une dénervation chronique cette activité est généralement absente et les potentiels unitaires sont de taille et de durée habituellement accrue,en raison du processus de réinnervation collatérale.

Lors d'un processus réinnervatif les potentiels unitaires sont initialement rares, de taille très diminuée,de durée et polyphasisme très accrus ; au fur et à mesure de la repousse nerveuse leur nombre et leur taille augmentent tandis que leur durée diminue et leur forme se simplifie.

La richesse des tracés de contraction volontaire maximale (authentifiée par l'analyse de la fréquence de pulsation des potentiels qui distingue une contraction infra-maximale d'un véritable tracé appauvri de dénervation périphérique) permet d'apprécier la profondeur de la dénervation : totale en l'absence de toute activité volontaire, sévère en cas de tracé élémentaire, marquée en cas de tracé intermédiaire pauvre, modérée en cas de tracé intermédiaire riche. L'absence de toute activité volontaire peut aussi signifier que l'aiguille est dans une zone sphinctérienne cicatricielle, dépourvue de fibres musculaires; l'étude doit alors s'étendre aux régions voisines du S.S.A.

Cet examen analyse les quatre quadrants du sphincter et permet de préciser l'uni ou la bi-latéralité de l'atteinte.

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Dans l'attente des résultats de l'étude prospective que nous menons, nous considérons actuellement, comme pour le sphincter strié uréthral, que la valeur fonctionnelle du sphincter est altérée (dans le sens ou le pronostic post-opératoire sur l'IA est réservé ) lorsque la dénervation est totale, sévère ou marquée et bilatérale. Notre étude pourrait nous renseigner sur l'effet d'une dénervation périphérique modérée uni ou bilatérale sur le pronostic post-opératoire de l'IA.

Cet examen est généralement bien supporté si le patient est informé et rassuré.

C'est une technique d'interprétation difficile qui nécessite un apprentissage et reste opérateur-dépendant. Son intérêt nous paraît fondamental en matière d'IA du post-partum.

Une étude de la conduction nerveuse des NHI par plusieurs méthodes

•   L'étude des réponses réflexes sacrées clitoroido-anales :

   la stimulation sus-clitoroidienne entraine un influx qui est conduit par le nerf clitoridien aux fibres sensitives du NHI, à la mœlle sacrée puis qui revient par les fibres motrices du NHI et stimule le SSA qui se contracte.

   Cette technique permet donc d'analyser les fibres motrices et sensitives du N.H.I.

•   L'étude de la latence distale motrice du NHI :

   A l'aide d'une électrode adaptée (électrode de Saint Marks Hospital) placée dans le rectum, la partie distale du NHI est stimulée ; le recueil d'effectue soit au niveau de la partie proximale de cette électrode située dans la région anale soit dans un autre muscle périnéal.

   Cette technique permet de mesurer le temps de conduction du segment distal des fibres motrices du NHI. Elle est très diffusée, surtout dans le monde anglo-saxon mais nous semble de peu d'intérêt dans les IA du post-partum comme nous le verrons.

•   L'étude des potentiels évoqués somesthésiques :

   La stimulation clitoroïdienne avec recueil cortical permet d'explorer les voies lemniscales.

•   L'étude des potentiels évoqués moteurs :

   Une stimulation magnétique corticale permet d'étudier la voie pyramidale.

•   La réponse cutanée sympathique : permet d'étudier l'innervation sympathique des tissus cutanés.

   L'INCONTINENCE ANALE NEUROGèNE DU POST-PARTUM   483

Ces trois dernières techniques sont peu utilisées en matière d'IA du post-
partum.

Quelques notions de neurologie périphérique nous semblent utiles à rappeler.

Le SSA est un muscle strié, innervé par le NHI. La NPE entraîne une dénervation périphérique du SSA et ainsi altère la valeur fonctionnelle de celui-ci. Le but de l'examen neurophysiologique est d'évaluer cette NPE et ainsi la valeur fonctionnelle du SSA.

Très schématiquement :

...Il existe deux sortes de neuropathies périphériques (NP) :

•   les NP axonales : la lésion est axonale et entraîne une dégénéréscence wallérienne. La vitesse de conduction des axones restants est habituellement conservée ;

•   les NP myéliniques liées à une démyélinisation. La vitesse de conduction est alors diminuée.

...Dans les étirements tronculaires l'atteinte est surtout axonale.

Dans les compressions tronculaires l'atteinte est surtout myélinique.

...Un muscle perd de son endurance et de sa force lorsque son nerf présente :

•   un bloc de conduction ;

•   une atteinte axonale entraînant une perte de fibres nerveuses, car alors l'influx nerveux n'arrive plus aux fibres musculaires concernées. Dans les atteintes myéliniques sans bloc de conduction la force musculaire est généralement conservée.

...En l'état actuel des techniques neuro-physiologiques, étant donné les particularités anatomiques du périnée, l'examen qui permet le mieux d'apprécier l'innervation du SSA et en tout cas de mettre en évidence une atteinte axonale du NHI et de la quantifier est l'électromyographie de détection. La détermination des temps de conduction peut permettre de mettre en évidence une atteinte myélinique comme dans le syndrome d'Alcock mais ne permet pas d'évaluer la profondeur de la NPE, de la perte de fibres nerveuses et donc la valeur fonctionnelle du SSA.

...Dans plusieurs travaux dont celui de Fynes et col. (3 ) seule a été étudiée la latence distale motrice du NHI. Ces travaux concluent, comme on pouvait s'y attendre, qu'il n'existe pas de corrélation entre ce temps de conduction distal des fibres motrices du NHI ( Pudendal-nerve terminal motor latency : le PNTML des auteurs anglo-saxons ) et le pronostic post-opératoire des IA post-obstétricales Cela est normal car ce temps de conduction ne permet pas d'évaluer le nombre de fibres nerveuses fonctionnelles

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mais seulement la vitesse de conduction des fibres nerveuses les plus rapides. Seules les études ayant pris en compte les tracés d'E.M.G. ont pu corréler le pronostic post-opératoire de l'IAet les données neurophysiologiques(1)i.

Que nous apporte la lecture de la littérature ?

Série de Sultan et coll. (11)

•   un tiers des femmes ont à l'échographie une lésion du sphincter anal après un premier accouchement. Un tiers de celles-ci présentera une IA.Parmi celles qui présentent une IA la plupart retrouvent une continence normale en quelques mois ;

•   la fréquence de l'IA croît avec la multiparité. Le traumatisme sphinctérien ne semble pas s'aggraver lors des accouchements successifs mais il semble que la NPE par contre, a une atteinte cumulative ;

•   certaines femmes avec une nette déchirure sphinctérienne après le premier accouchement présentent une récurrence ou une détérioration de leur IAaprès un second accouchement. La conduite à tenir lors des accouchements suivants est difficile. Dans cette situation certains obstétriciens préconisent une tentative d'accouchement par voie basse avec césarienne en cas de difficultés ; d'autres pratiquent une césarienne de principe ;

•   dans le cas de défects asymptomatiques la conduite thérapeutique est encore plus difficile car le ou les accouchements suivants peuvent déclencher une IA dans les suites de l'accouchement ou à la ménopause ;

•   un facteur prédictif d'aggravation lors du second accouchement est la taille du défect (supérieure au quart de la circonférence du sphincter) et ce que les troubles aient ou non régressé après le premier accouchement.

Série de Fynes et coll. (3)

Ces auteurs rapportent le suivi d'une série de 59 femmes nullipares lors de leurs deux premiers accouchements par voie naturelle.

Après le premier accouchement ils constatent à l'échographie :

•   39 patientes sans défect sphinctérien ; après le deuxième accouchement, 37 d'entre elles gardent un sphincter normal

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tandis que les deux autres ont une déchirure sphinctérienne symptomatique ;

•   20 Patientes avec un défect sphinctérien anal :

ƒ   7 asymptomatiques ;

ƒ   13 symptomatiques dont 5 asymptomatiques lors de la 2e grossesse.

Lors de la 2e grossesse de ces 20 patientes porteuses d'une lésion sphinctérienne :

•   12 sont asymptomatiques ;

•   8 sont symptomatiques (14%).

Après le deuxième accouchement :

•   les 8 patientes symptomatiques le restent ;

•   parmi les 12 patientes asymptomatiques 5 deviennent symptomatiques.

En fin d'étude sur 59 patientes :

•   37 pas de défect (63 %) ;

•   7 défects asymptomatiques (12 %) ;

•   15 défects symptomatiques (25 %).

Les risques identifiés dans l'étude pour l'apparition de lésions sphinctériennes sont :

•   la primiparité ;

•   le caractère instrumental de l'accouchement ;

•   une deuxième partie du travail prolongée ;

•   la réalisation d'une analgésie péri-durale.

Pour l'apparition de lésions du NHI les facteurs favorisants notés sont :

•   la multiparité ;

•   la macrosomie ;

•   l'accouchement instrumental.

Leur pratique est la suivante :

•   les femmes doivent être interrogées systématiquement sur leur continence anale après leur premier accouchement ;

•   les femmes qui ont une IA ou celles qui présentent des facteurs de risque doivent être explorées cliniquement, et par la pratique d'une échographie anale, d'une manométrie ano-rectale et d'une exploration neurophysiologique périnéale.

Pour les femmes présentant une IA persistante et un large défect sphinctérien (plus d'un quart de la circonférence) une réparation sphinctérienne précoce et une césarienne pour l'accouchement suivant sont prônés. En cas de NPE une rééducation avec bio-feedback est prescrite en premier.

Pour les femmes asymptomatiques avec une lésion sphinctérienne occulte ou après une réparation réussie d'un périnée com

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plet compliqué, la décision est plus difficile. Ces auteurs ont identifié un sous-groupe particulier de femmes avec une lésion sphinctérienne occulte (augmentation de la pression manométrique à la contraction volontaire de moins de 20 mm de Hg ou lésion supérieure à un quadrant) avec un haut risque d'IA après un deuxième accouchement.

Pour les femmes avec IA et lésion sphinctérienne étendue doit être proposée une réparation sphinctérienne et une césarienne pour les accouchements futurs.

Les femmes qui présentent des facteurs de risque lors de leur premier accouchement doivent être explorées.

Les femmes présentant une lésion sphinctérienne occulte gagneraient à être explorées puis informées afin de pouvoir participer avec l'obstétricien au choix du mode d'accouchement pour les naissances à venir.

•   le facteur prédictif d'une aggravation lors du deuxième accouchement est la taille du défect, que les troubles aient ou non régressé après le premier accouchement. Celui-ci devient symptomatique si sa taille est supérieure au quart de la circonférence sphinctérienne ;

•   si la patiente a subi une réparation sphinctérienne ou si elle présente une IA très gênante une césarienne est fortement conseillée ;

•   une femme sur trois a une lésion sphintérienne après le premier accouchement ; un tiers de ces femmes aura une IA ;

•   les facteurs de risques majeurs sont :

ƒ   un accouchement à terme ;

ƒ   un bébé de plus de 4 kg ;

ƒ   l'usage de forceps ;

ƒ   une présentation occipito-postérieure.

L'épisiotomie ne s'est pas avérée protectrice ; l'épisiotomie médiane est un facteur de risque important (6).

Traitement

Le traitement de l'IA est rarement standardisé car il doit être adapté au tableau clinique mais aussi au mode de vie de chaque patient. Les différentes possibilités thérapeutiques peuvent être associées pour un résultat optimal, différent selon les patients en fonction de leur âge, de leur vie, le but du traitement étant de leur permettre une vie sociale, familiale et professionnelle s'il y a lieu. C'est souvent un véritable plan thérapeutique qui va être proposé

   L'INCONTINENCE ANALE NEUROGèNE DU POST-PARTUM   487

et expliqué à la patiente par le périnéologue car les résultats n'étant pas le plus souvent immédiats la prise en charge thérapeutique est longue et nécessite l'adhésion de la patiente à celle-ci pour l'obtention du meilleur résultat.

Les possibilités thérapeutiques sont médicales, rééducatives, et chirurgicales.

Le traitement est toujours d'abord médical et rééducatif, la chirurgie n'étant indiquée qu'en seconde intention.

Traitement médical

Il revient à traiter :

Une dyschésie

En effet celle-ci est un facteur d'échec chirurgical, à court terme par lâchage de la suture musculaire ou infection locale, et à long terme par le risque d'une NPE secondaire.

Une colopathie fonctionnelle

Avec tentative d'obtention d'un transit régulier.

Une constipation

Dont le traitement initial est fondamental, avant toute exploration paraclinique, car on peut voir régresser de fausses IA sur fécalome ou mettre à jour une IA plus marquée que celle constatée initialement.

Le périnéologue s'attachera aussi à conseiller la patiente. Ainsi, en matière d'IA certains sports sont à déconseiller comme les courses à pied prolongées, la gymnastique de type aérobic, la musculation des abdominaux en course courte et toutes les activités physiques qui augmentent fortement la pression abdominale. On peut être amené à proposer une modification du poste de travail pour éviter le port de charges lourdes. Les rapports sexuels anaux sont à déconseiller. Toute cette prise en charge est indiquée aussi bien en première intention thérapeutique qu'après un traitement chirurgical.

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Traitement rééducatif

Effectué par un rééducateur formé et habitué aux techniques de rééducation endo-cavitaires ce traitement comprend trois grands axes thérapeutiques : le travail manuel, le biofeedback et l'electrostimulation adaptée aux données de l'électromyographie.

Traitement chirurgical

Le traitement chirurgical de première intention est la réparation sphinctérienne directe.

Les résultats favorables de cette chirurgie sont à court terme de 60 à 97 % dans la littérature. A long terme les résultats se détériorent nettement avec 50 % de résultats favorables.

Dans la série de Malouf et col. (6) concernant 55 patientes opérées pour IA (32 après un premier accouchement, 23 en milieu de vie) les résultats sont les suivants :

•    à 15 mois 79 % ont retrouvé une bonne continence aux matières et aux liquides.

   Ces auteurs ont noté une bonne corrélation entre les résultats et l'aspect échographique post-opératoire.

•   à 5 ans 46 patientes ont été revues :

ƒ   8 patientes ont du être réopérées :

-   une colostomie ;

-   six myorraphies postérieures dont deux ont du être suivies d'une colostomie et une de la mise en place d'un sphincter artificiel ;

-   une patiente dont la colostomie n'a pas pu être fermée en raison d'un défect sphinctérien persistant à l'échographie et des pressions anales diminuées ;

ƒ   les 38 autres patientes ont pu être interrogées :

-   27 (71 %) se disent améliorés ;

-   5 (13 %) se disent non améliorés ;

-   6 (16 %) se disent aggravés.

Il est à noter que dans cette série aucune patiente n'a retrouvé une continence totale à long terme et que 14 patientes décrivent après la réparation sphinctérienne un trouble de l'évacuation qui devient incomplète dans 5 cas, forcée dans 7 cas, manuelle dans un cas, ou qui ne s'opère qu'après lavement dans un cas.

L'analyse des résultats confirme que si, à court terme, les bons résultats atteignent 70 à 80 %, ceux-ci s'altèrent avec le temps avec 50 % d'échecs à 5 ans. Les raisons évoquées de cette dégra

   L'INCONTINENCE ANALE NEUROGèNE DU POST-PARTUM   489

dation des résultats sont l'altération de la suture musculaire, l'atteinte neurologique, la dissection musculaire sphinctérienne qui peut léser l'innervation musculaire, l'échec de la réparation du sphincter lisse.

Mais ces auteurs n'ont pas trouver de facteurs prédictifs de l'échec à long terme de la réparation musculaire. mais ils insistent sur la vraisemblance d'une atteinte neurologique non décelée par l'étude de la latence distale motrice du nerf honteux interne « ... pudendal-nerve latencies variable may not be sensitive enough to detect nerve damage » (6). Notre étude s'inscrit dans ce cadre de la recherche de facteurs neurophysiologiques prédictifs d'un échec chirurgical à court ou moyen terme. Notre hypothèse est que cette dégradation de la fonction sphinctérienne est liée à une dénervation sphinctérienne. Il semble, en tout cas évident que la fonction d'un sphincter strié simplement déchiré évoluera différemment de celle d'un sphincter strié à la fois déchiré et dénervé.

En cas d'échec

Lors d'échec de la réparation chirurgicale directe du sphincter :

•   la graciloplastie stimulée ;

•   le sphincter artificiel ;

•   la neuromodulation des racines sacrées.

Ou en cas de dénervation périphérique sévère :

•   la graciloplastie stimulée ;

•   le sphincter artificiel ;

peuvent être discutés en milieu spécialisé.

Indications

Dans les ruptures sphinctériennes externes pures, en cas d'échec de la rééducation, la chirurgie de réparation sphinctérienne donne de bons résultats. Dans les ruptures intéressant les sphincters lisse et strié cette chirurgie donne de moins bons résultats.

En cas de NPE associée, notre sentiment est que l'association rupture sphinctérienne et dénervation périphérique totale, sévère ou marquée et bilatérale du sphincter strié anal rend probable l'échec d'une chirurgie de réparation sphinctérienne classique.Toutes les ressources du traitement médical et des petits moyens ainsi que de la rééducation doivent utilisées avant d'envisager les traitements chirurgicaux de seconde intention.

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Lorsque la NPE est discrète ou modérée, uni ou bilatérale nous pensons entrer alors dans le cadre de ces nombreux patients qui ont un bon résultat à 18 mois qui se dégrade ensuite pour être un échec à 5ans. L'analyse de notre série nous permettra, peut-être de mieux analyser cette possibilité.

Lorsqu'une autre cause d'IA est associée (diarrhée chronique, colon irritable, micro-rectum, recto-colite hémorragique), ou en cas de constipation chronique les résultats sont moins bons. De plus il nous semble nécessaire d'être vigilant chez les femmes multipares qui ont une constipation chronique, et des accouchements traumatiques dans leurs antécédents. Ces femmes peuvent consulter pour des hémorroïdes, souvent consécutives à cette dyschésie ancienne. Il existe dans cette situation un risque d'incontinence post-opératoire par décompensation d'une rupture sphinctérienne avec ou sans NPE méconnue.

Pendant la grossesse des femmes ayant présenté une IA après le précédent accouchement, régressive ou non, un bilan clinique et paraclinique (électromyogramme, échographie endo-anale, manométrie endo-anale) doit être pratiqué afin de pouvoir conseiller la patiente sur le mode d'accouchement (3).

En pratique lors d'une deuxième grossesse chez une patiente ayant eu dans les suites de son premier accouchement une IA lorsque la lésion du sphincter dépasse le quart de la circonférence et s'il existe une NPE, une césarienne peut être proposée. Dans les autres situations une discussion peut être engagée entre l'obstétricien et la patiente pour envisager les avantages, inconvénients et risques respectifs de la césarienne versus une possible aggravation de l'IA (3).

Bibliographie

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   L'INCONTINENCE ANALE NEUROGèNE DU POST-PARTUM   491

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