Fertilité et grossesses des femmes
exposées in utero au distilbène à propos de 59 cas
G. PORCU, V. ROGER, J. BANET, L. PIECHON,
L. SERTHELON, B. BLANC, M. GAMERRE, L. BOUBLI,
J.-M. GRILLO
Le diéthylstilbestrol, mis au
point par E.C. Dodds, a été commercialisé en 1941 aux Etat-Unis,
1950 en France sous le nom de Distilbène* et Stilboestol-Borne*.
Le traitement est alors indiqué
dans toutes les menaces de fausses couches, leur prévention puis dans les diabètes
gestationnels, la toxémie gravidique, les antécédents de stérilité
etc.
En 1970, A.Herbst publie dans la revue
Cancer l'observation de 7 cas de cancer du vagin à cellules claires chez des
filles de 15 à 22 ans, toutes exposées in utero au Distilbène
(1).
En 1977, R. Kaufmann fait la première
description des anomalies utérines suspectées d'être liées à
l'exposition in utero au Distilbène (2).
En 1983, La commission de Pharmacovigilance
du ministère de la Santé estime que le nombre de femmes traitées
pendant leur grossesse entre 1950 et 1977 est d'environ 200 000. 160 000 enfants
sont nés dont 80 000 filles en France, 1,5 million dans le monde (3)(4).
La même année, le Distilbène
sera interdit chez la femme enceinte en France et ses indications obstétricales
disparaissent du Vidal (5).
Ainsi, toutes les femmes nées
entre 1950 et 1977 sont susceptibles d'avoir été exposées au Distilbène.
Donc la recherche de cet antécédent
doit être systématique dans l'interrogatoire gynécologique. L'exposition
avant 12 semaines de grossesse doit amener une vigilance encore plus poussée.
354 G.
PORCU, V. ROGER, J. BANET, L. PIECHON, L. SERTHELON, B.
BLANC, M. GAMERRE... En
1988, Le Collège national des Gynécologues Obstétriciens analyse
le devenir obstétrical de 57 patientes exposées in utero au Distilbène.
Les résultats rejoignent largement ceux des observations américaines (6)
(7) (8) (9).
La fertilité spontanée de ces patientes
est diminuée et leur pronostic obstétrical défavorable.
Nous rapportons notre expérience
sur la prise en charge de 59 patientes exposées in utero au Distilbène
suivies dans les deux maternités publiques de Marseille.
1. L'étude
A. Les patientes exposées
Les patientes observées dans cette étude
ont consulté l'une des deux maternités soit pour infertilité,
soit dans le cadre de la surveillance de leur grossesse.
59 patientes ont été répertoriées
sur cette période.
Parmi ces patientes, l'on retrouvait
comme anomalies liées à l'exposition in utéro au Distilbène
:
• adénose
cervico-vaginale : 7 cas sur 59 ;
• endométriose
: 3 cas sur 59 ;
• anomalies
structurelles cervico-vaginales : 8/59
- hypoplasie cervicale
: 3 ;
- béance cervico-isthmique
: 5 ;
- anomalies utérines
: 27 cas sur 59 ;
- hypoplasie : 18
;
- utérus en T
: 5 ;
- distension utérine
et sténose médio-cavitaire : 2 ;
- anomalies des cornes
: 1 ;
- utérus bicorne,
unicervical : 1 ;
- association d'anomalies
: 15/25 ;
- hypoplasique en
T : 7 ;
- utérus en T
et sténose médio-cavitaire : 3 ;
- les anomalies des
trompes : 5 cas.
A.1. Les patientes infertiles
29 patientes exposées in utero
au Distilbène ont été prises en charge au CPMA entre 1996 et 2001.
FERTILITé
ET GROSSESSES DES FEMMES EXPOSéES IN UTERO
AU DISTILBèNE... 355
22 patientes consultaient pour infertilité
primaire, 7 pour infertilité secondaire. Parmi ces 7 patientes, deux avaient
fait une fausse couche du premier trimestre et l'on comptait 13 grossesses extra-utérines
pour les 5 autres.
L'exposition au Distilbène était soit
connue par les patientes soit diagnostiquée sur les anomalies présentes
à l'hystérosalpingographie. 13 des 25 patientes présentaient une
anomalie utérine, 3 une anomalie tubaire et 5 patientes présentaient une
association de lésions.
10 patientes avaient un passé
de prise en charge en I.A.C soldée par un échec.
A.2. Les patientes avec un passé
obstétrical
30 patientes ont été suivies
du fait des antécédents gynéco-obstétricaux chargés, conséquences
de l'imprégnation in utero par le Distilbène.
Deux patientes présentaient un
antécédent de grossesse extra-utérine. Dans l'histoire obstétricale
des 28 autres, l'on notait 16 cas d'avortements spontanés du premier trimestre,
8 avortements tardifs après 15 semaines d'aménorrhée et 15 patientes
présentaient plus de 2 avortements dans leurs antécédents.
B. Prise en charge des patientes infertiles
Quinze grossesses ont été obtenues dans
le centre chez 14 patientes.
Une grossesse a été obtenue
par stimulation de l'ovulation, trois par IAC dont deux grossesses extra-utérines.
Parmi ces patientes, une avait bénéficié
d'une plastie d'agrandissement.
54 cycles de fécondation in
vitro avec transfert d'embryons ont été réalisés chez 25
patientes.
Dix grossesses ont été obtenues
en FIVETE. La moyenne d'âge des patientes qui ont obtenu une grossesse est
de 31,2 ans (extrêmes de 25 à 37 ans). La moyenne d'âge des patientes
pour qui la tentative a échoué est de 31,1 ans (extrêmes de 21 à
40 ans).
Chez une patiente, la tentative a été
réalisée après une plastie d'agrandissement. cette patiente a obtenu
une première grossesse après la FIV, la deuxième a été
spontanée mais s'est soldée par une fausse couche.
356 G.
PORCU, V. ROGER, J. BANET, L. PIECHON, L. SERTHELON, B.
BLANC, M. GAMERRE... Le
nombre moyen d'ovocytes fécondables est de 9,2 dans la population des patientes
qui ont obtenu une grossesse et de 6,9 chez celles dont la tentative a échoué.
De même, le nombre moyen d'embryons obtenus est de 6.4 dans l population qui
a conçu contre 4.5 dans la population dont la tentative n'a pas réussi.
Si l'on observe les cohortes embryonnaires dans
chacune des 2 populations, la qualité embryonnaire est comparable (type A respectivement
10 et 13 ; type B respectivement 38 et 42 ; type C respectivement 7 et 12 ; type
D respectivement 22 et 16).
Si l'on compare les épaisseurs
des endomètres le jour du déclenchement, il apparaît que la valeur
moyenne est de 11.9 mm chez les patientes qui ont obtenu une grossesse contre 8.01
mm chez celles qui n'ont pas été enceintes.
Etonnement, sans que ce résultat
ne soit significatif, les taux d'oestradiol le jour du déclenchement sont plus
élevés dans la population qui n'a pas obtenu de grossesse que dans l'autre
(1637,36 versus 1545,47).
Le taux de grossesse par transfert
est de 18,51 %. Le taux de grossesse clinique par transfert est de 14,8 % en raison
de 2 grossesses biochimiques. Le taux de grossesses cliniques évolutives est
de 12,5 %.
120 embryons ont été transférés,
11 sacs ovulaires ont été diagnostiqués chez 10 patientes, le taux
d'implantation est de 9,16 %.
C. Devenir des grossesse obtenues spontanément
et en AMP
Parmi les grossesses obtenues par l'aide médicale
à la procréation, 2 se sont soldées par une fausse couche spontanée
du premier trimestre, 3 grossesses étaient extra-utérines et deux dernières
biochimiques.
Une patiente a présenté un
avortement tardif à 19SA, malgré un cerclage après rupture prématurée
des membranes.
7 grossesses ont évolué au-delà
du second trimestre sur les 15 obtenues dont une gémellaire.
Parmi les 30 grossesses spontanées,
deux se sont spontanément interrompues au premier trimestre et 28 grossesses
ont évolué au-delà du second trimestre.
35 grossesses au total ont été
suivies jusqu'à l'accouchement. FERTILITé
ET GROSSESSES DES FEMMES EXPOSéES IN UTERO
AU DISTILBèNE... 357
D. Le suivi obstétrical
La majorité des patientes ont pu bénéficier
d'une échographie très précoce vers 6-7 semaines (22/35).
Un repos a été imposé
d'emblée avec un arrêt de travail.
27 des 35 patientes ont bénéficié
d'une surveillance par une sage-femme à domicile.
Le cerclage
5 patientes ont été cerclées
au cours de leur grossesse, elles présentaient toutes une béance ou des
antécédents d'avortement tardif (16-23 SA).
Mis en place à 14-15 SA, il a
été retiré à 37 SA le plus souvent (1 patiente a été
décerclée à 32 SA pour une RPM, une patiente a expulsé à
19 SA malgré le cerclage).
L'hospitalisation
30/35 patientes ont été hospitalisées
pendant leur grossesse, 26 d'entre elles pour une menace d'accouchement prématuré.
La durée d'hospitalisation a alors varié entre 4 et 100 jours. La majorité
des patientes a été hospitalisée plus d'un mois (15 cas).
L'hospitalisation a été justifiée
pour la surveillance d'une dysgravidie pour 3 patientes. Le bilan biologique normal
et l'absence de retentissement fœtal ont fait écourter le séjour.
Une patiente a présenté
un placenta praevia. Elle a été admise à 28 SA et cesarisée
en urgence pour hémorragie à 32SA.
La prématurité
19 enfants sont nés à terme
et 16 prématurément (45,7%).
Le degré de prématurité
est
• 26-28 SA :1
;
• 28-32 SA :
1 ;
• 32-34 SA :4
;
• 34-37 SA :
10 dont les jumeaux.
La majorité des accouchements
a eu lieu après la 34e semaine et la fréquence de la grande
prématurité est faible.
7 patientes ont accouché après
rupture prématurée des membranes et 3 de ces patientes présentaient
une béance cervico-isthmique. 358 G.
PORCU, V. ROGER, J. BANET, L. PIECHON, L. SERTHELON, B.
BLANC, M. GAMERRE... Autres
conséquences obstétricales
4 cas de RCIU sont notés sur 35 (11,43 %)
et 4 mamans ont présenté des chiffres tensionnels supérieurs à
140/90 avec un bilan biologique normal.
Quatre enfants se sont présentés
par le siège.
La grossesse s'est déroulée
sous aspirine à faible dose (60 à 100mg) pour 11 des patientes.
Les modalités d'accouchement
23 des 35 patientes ont accouché
par voie basse.
Parmi les 12 césariennes, 4 ont
été réalisées pour une présentation caudale, 2 pour une
anomalie du RCF, 1 pour RCIU, 1 pour RPM à 32 SA, 1 pour placenta praevia hémorragique,
la dernière pour gemellité et premier jumeau en siège.
On note deux cas de DDT et stagnation
de la dilatation.
• le poids fœtal
18 enfants sont nés
avec un poids supérieur à 2500g. (2500-3000 :5 ; 3000-3500 : 6 ; >3500
: 6)
• la morbidité
fœtale
sur les 16 enfants
prématurés, 11 ont présenté une détresse respiratoire.
1 enfant est mort à 27SA dans un contexte de chorio-amniotite.
• la délivrance
Le taux d'anomalies placentaires est
anormalement élevé :
• 4 placenta
praevia/35 (11.4%)
• 4 cas de placenta
accreta (11.4%)
• 3 des 4 placenta
accreta étaient des placenta praevia.
Les suites de couches
1 patiente sur 35 a présenté
une psychose puerpérale (2.8%)
2. Discussion
A. Retentissement de DES sur la fonction de reproduction
Bibbo rapporte un taux de grossesse de 18 % chez
les femmes exposées au Distilbène contre 33 % chez les femmes non exposées
(10). FERTILITé
ET GROSSESSES DES FEMMES EXPOSéES IN UTERO
AU DISTILBèNE... 359
Les répercussions des anomalies utérines
sont indéniables. Une première étude, celle de Kaufman, bien que
présentant plusieurs biais, évalue le risque de stérilité en
fonction de l'anomalie rencontrée.
• utérus en T :RR
¥ 1,49 ;
• constriction
supra-isthmique : RR ¥ 2,26 ;
• combinaison
de 2 anomalies : RR ¥ 2,63.
Palmer s'est intéressé aussi
au risque d'infertilité chez les patientes exposées in utero au
Distilbène. Il apparaît, sur une cohorte de 1753 femmes exposées
comparées à 1050 femmes non exposées, que le risque relatif d'infertilité
primaire est de 1.3. L'exposition au Distilbène, de sucroît augmente l'infertilité
du fait d'une anomalie utérine (RR = 7,7) ou tubaire (RR = 2,4) (11).
Dans sa population, Pal présente
29 % d'infertilité primaire, la présence d'une anomalie utérine dans
94% des cas, une histoire de grossesse extra- utérine dans 29 % des cas.
Dans notre population, 75,86 % de nos
patientes présentent une infertilité primaire et près de 50 % d'entre
elles une anomalie utérine (12).
L'infertilité peut être aussi
liée aux anomalies cervicales :
Ces anomalies sont à l'origine
de traitements abusifs sur le col comme l'électrocoagulation, la cryothérapie
ou la cônisation. La conséquence en est l'absence ou d'insuffisance de
glaire.
Schmidt a décrit 74 % de sténose
cervicale après cryothérapie chez 42 filles DES et en 1983, Drapier évoque
des anomalies du tissu de soutien à l'origine des cicatrisations anormales
à la suite des gestes thérapeutiques (13).
En 1999, Kerjean et coll.ont apprécié
la qualité ovocytaire et embryonnaire chez les patientes qui, exposées
in utero au Distilbène étaient dans un programme de FIV. Il apparaît
que l'exposition n'influence pas la qualité de l'ovocyte ni sa capacité
à être fécondé (14).
De même, dans notre étude,
le nombre d'ovocytes et d'embryons obtenus sont comparables aux résultats de
la population générale si l'on tient compte des statistiques FIVNAT (respectivement
8,6 et 4,54), tout au moins dans la population qui a obtenu une grossesse (15).
Si l'on tient compte de l'épaisseur
de l'endomètre le jour du déclenchement, celle-ci est de 11,19 en moyenne
chez les patientes qui ont été enceintes. Ce résultat est en accord
avec celui obtenu par PAL (10 mm) et non différent des sujets contrôles.
En revanche, 360 G.
PORCU, V. ROGER, J. BANET, L. PIECHON, L. SERTHELON, B.
BLANC, M. GAMERRE... dans
notre série, les femmes qui n'ont pas été enceintes avaient un endomètre
moins favorable (8,1 mm). Il est difficile de conclure statistiquement du fait de
la faiblesse de la population.
En ce qui concerne les taux d'oestradiol le jour
du déclenchement, ils sont comparables à ceux obtenus dans la population
générale de FIV et peu différents quoique plus élevés chez
les patientes qui n'ont pas été enceintes. Pal retrouve des taux d'œstradiol
comparables entre les patientes DES et les contrôles.
Le taux de grossesse par transfert
est de 18,51 % dans notre population, ce qui est nettement inférieur non seulement
aux résultats obtenus dans le centre sur la population générale (28
%) mais aussi aux résultats nationaux (26,2 %). Si l'on s'attarde au taux de
grossesses cliniques par transfert, les résultats sont encore pires puisque
le taux est de 14,8 %.
Ces résultats sont en accord avec
ceux de la littérature. Pal obtient un taux de grossesses par transfert de
11,8 % et un taux de grossesses cliniques évolutives par transfert de 8 % (versus
40 % pour les contrôles). Karande rapporte un taux de grossesses cliniques
par transfert de 15,9 % (versus 22,1 % pour les contrôles) et un taux
de grossesses cliniques évolutives de 8,8 % (versus 15,9 %) (16).
Le taux d'implantation dans notre série
est de 9,16 % ce qui est inférieur à celui obtenu dans la population générale
mais supérieur à celui de Pal qui est de l'ordre de 4,2 % (versus 13,7
% dans le groupe contrôle) et à celui de Karande (7 % versus 11,2 % pour
les contrôles).
Ces résultats confirment le mauvais
pronostic en FIV des patientes exposées in utero au Distilbène.
Il existe un échec d'implantation
alors que le nombre d'ovocytes, la qualité embryonnaire, les taux d'oestradiol
sont comparables à la population générale, de même que l'épaisseur
de l'endomètre le jour du déclenchement.
Cet échec d'implantation et le
fort pourcentage de grossesses extra-utérines évoque une réelle pathologie
implantatoire. La réponse ovarienne et l'épaisseur de l'endomètre
montrent qu'il existe une réponse endométriale appropriée au taux
d'oestradiol circulant comme ceci avait déjà été démontré
par d'autres équipes.
Mais la réponse vasculaire aux
oestrogènes circulants peut être anormale (anomalie de la vascularisation
et de la compliance des vaisseaux utérins). B.Salle a étudié la receptivité
endométriale en étudiant à la fois la croissance endométriale
et les variations hémodynamiques vasculaires. L'index de pulsatilité utérine
des FERTILITé
ET GROSSESSES DES FEMMES EXPOSéES IN UTERO
AU DISTILBèNE... 361
utérus non exposés au Distilbène
tend à diminuer en phase lutéale alors que celui des utérus DES est
plus faible et identique dans les deux phases du cycle.(17)
La vascularisation des utérus DES est plus
faible et reste stable tout au long du cycle menstruel. Cette anomalie peut être
liée aux troubles de l'implantation rencontrés dans cette population.
Les artères utérines pourraient
être insensibles, par défaut de récepteurs, à l'action vasodilatatrice
de l'oestradiol. Il en résulte une diminution des flux sanguins nécessaires
à la bonne implantation embryonnaire.
Les fausses couches très précoces
et les absences d'implantation seraient aussi plus fonctionnelles que mécaniques.
L'altération de l'immunité
humorale et cellulaire découverte sur des modèles animaux pourraient avoir
un rôle dans la mauvaise implantation de l'œuf et seraient une autre étiologie
aux fausses couches dans cette population (18).
Castelbaum a analysé l'expression
des intégrines sur l'endométre en phase lutéale et montre une différence
minime entre les patientes exposées et non exposées au Distilbène
(19).
Les mécanismes intervenant dans
les échecs d'implantation chez les patientes exposées in utero
au Distilbène demeurent obscurs. Notre étude comme bien d'autres confirme
le pronostic pauvre des techniques de fécondation in vitro chez ces
patientes.
B. Évolution des grossesses
Les grossesses extra-utérines
Elles sont plus nombreuses chez les
femmes exposées au DES que dans la population générale.
Leur fréquence est estimée
à 3,4 % et le risque selon Kaufman est plus important si il existe un utérus
en T, un isthme tubuliforme. Elle est de 15 % dans l'enquête du collège
des gynécologues français, de 29 % pour Pal, de 88 % pour Karande.
Dans notre population générale,
nous notons une fréquence de 25.4 % ce qui est proche du chiffre décrit
dans la littérature.
Les avortements spontanés
La fréquence varie entre 18 et
25 %.
Ces avortements très précoces
seraient dus aux anomalies de la vascularisation utérine.
362 G.
PORCU, V. ROGER, J. BANET, L. PIECHON, L. SERTHELON, B.
BLANC, M. GAMERRE... Pour
les avortements du premier trimestre, Kaufman évoque des anomalies prédictives
à l'hystérosalpingographie comme la forme de la cavité ou l'irrégularité
des bords.
Les avortements tardifs sont certainement liés
non seulement à l'hypoplasie utérine, à l'incompétence cervicale
mais aussi aux anomalies fonctionnelles de l'utérus.
Le recours à la chirurgie d'agrandissement
n'est proposé qu'en cas de striction médio-cavitaire associée à
des fausses couches à répétition.
Certaines équipes la propose lorsque
l'anomalie est associée à une infertilité sans autres causes.
L'accouchement prématuré
Sa fréquence est de 13 à
17 % et le risque est multiplié par 1,5 à 2.
La fréquence est plus importante
si l'exposition a entraîné des anomalies utérines ou une béance
cervico-isthmique mais l'étiologie de l'incompétence cervicale est discutée.
Selon Goldstein, elle serait due à
une diminution du contingent collagène et à une augmentation des fibres
musculaires lisses (20).
Pour Cousins, il n'y aurait qu'une
augmentation des fibres musculaires lisses (22).
Pour Ludmir, il s'agirait d'une diminution
du contingent collagène et d'une désorganisation des fibres de collagène
(23).
La RPM est significativement plus fréquente
chez les femmes exposée au DES que chez les non exposées : 7,3 % contre
2,3 %.
Dans notre série, la fréquence
de la rupture prématurée des membranes est faible (2,8 %) vraisemblablement
liée au repos strict qui est exigé dans chacune des équipes.
La pré-éclampsie
Mittendorf et Williams ont rapporté
une fréquence de dysgravidie plus importante dans les utérus Distilbène.
Ceci s'explique volontiers par l'anomalie de la vascularisation utérine et
les conséquences sur l'invasion trophoblastique des artères sous-endométriales
(21).
Dans notre population aucune patiente
n'a présenté de pré-éclampsie.
Les autres conséquences obstétricales
FERTILITé
ET GROSSESSES DES FEMMES EXPOSéES IN UTERO
AU DISTILBèNE... 363
Le RCIU est plus fréquent dans la population
de femmes exposées au DES. Elle se situe autour de 11 % dans la littérature.
Cette pathologie est expliquée par les échanges
placentaires inadaptés.
La délivrance pathologique
La fréquence des anomalies placentaires
est anormalement élevée dans notre population (11,43 %). Elle représente
dans la population normale 1/10 000 accouchements (22).
Ces anomalies peuvent trouver une explication
dans l'invasion trophoblastique anormale observée dans les utérus Distilbène.
Elle est vraisemblablement aussi liée
aux lésions endométriales consécutives aux métroplasties. L'invasion
placentaire sur la cicatrice doit favoriser l'adhérence au myomètre voire
au-delà.
Il a été également décrit
des inversions utérines dans les cas d'exposition in utero au Distilbène
et placenta accreta. Nous rappelons que la fréquence dans la population générale
des inversions utérines est de 1/100 000 (24)(25).
Ainsi, ces patientes soumises non seulement
au risque de cancer, d'infertilité, de pertes fœtales risquent aussi une hémorragie
grave de la délivrance.
Il convient, dans la surveillance de
ces patientes d'envisager ce risque et de les faire accoucher à proximité
non seulement d'un service de radiologie interventionnelle (dans l'éventualité
d'une embolisation des artères utérines) et d'un service de réanimation.
Conclusion
On estime qu'un million et demi de femmes ont
été exposées in utero au Distilbène. Les conséquences
de ce traitement sont considérables. La fertilité spontanée est diminuée
mais ces patientes ont aussi un mauvais pronostic en procréation médicalement
assistée. Le taux de grossesses extra-utérines est très nettement
supérieur à celui de la population générale de même que
les taux de fausses couches du premier et second trimestre. Cependant, au prix d'une
surveillance obstétricale contraignante, le taux de fausses couches tardives
et de grande prématurité peut être réduit. En ce qui concerne
la descendance de ces femmes, un récent article semble tout à fait rassurant
sur la rémanence de l'effet de la drogue. 364 G.
PORCU, V. ROGER, J. BANET, L. PIECHON, L. SERTHELON, B.
BLANC, M. GAMERRE... Il
convient aussi d'être vigilant en ce qui concerne la délivrance surtout
si les patientes ont bénéficié d'une métroplastie. En effet,
le pourcentage d'anomalie de l'adhésion placentaire est considérablement
élevé dans cette population.
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