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Titre: Fertilité et grossesses des femmes exposées in utero au distilbène à propos de 59 cas
Année: 2003
Auteurs:
Spécialité: Infertilité
Theme: Distilbéne

Fertilité et grossesses
des femmes exposées in utero au distilbène à propos de 59 cas

G. PORCU, V. ROGER, J. BANET, L. PIECHON,
L. SERTHELON, B. BLANC, M. GAMERRE,
L. BOUBLI, J.-M. GRILLO

Le diéthylstilbestrol, mis au point par E.C. Dodds, a été commercialisé en 1941 aux Etat-Unis, 1950 en France sous le nom de Distilbène* et Stilboestol-Borne*.

Le traitement est alors indiqué dans toutes les menaces de fausses couches, leur prévention puis dans les diabètes gestationnels, la toxémie gravidique, les antécédents de stérilité etc.

En 1970, A.Herbst publie dans la revue Cancer l'observation de 7 cas de cancer du vagin à cellules claires chez des filles de 15 à 22 ans, toutes exposées in utero au Distilbène (1).

En 1977, R. Kaufmann fait la première description des anomalies utérines suspectées d'être liées à l'exposition in utero au Distilbène (2).

En 1983, La commission de Pharmacovigilance du ministère de la Santé estime que le nombre de femmes traitées pendant leur grossesse entre 1950 et 1977 est d'environ 200 000. 160 000 enfants sont nés dont 80 000 filles en France, 1,5 million dans le monde (3)(4).

La même année, le Distilbène sera interdit chez la femme enceinte en France et ses indications obstétricales disparaissent du Vidal (5).

Ainsi, toutes les femmes nées entre 1950 et 1977 sont susceptibles d'avoir été exposées au Distilbène.

Donc la recherche de cet antécédent doit être systématique dans l'interrogatoire gynécologique. L'exposition avant 12 semaines de grossesse doit amener une vigilance encore plus poussée.

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En 1988, Le Collège national des Gynécologues Obstétriciens analyse le devenir obstétrical de 57 patientes exposées in utero au Distilbène. Les résultats rejoignent largement ceux des observations américaines (6) (7) (8) (9).

La fertilité spontanée de ces patientes est diminuée et leur pronostic obstétrical défavorable.

Nous rapportons notre expérience sur la prise en charge de 59 patientes exposées in utero au Distilbène suivies dans les deux maternités publiques de Marseille.

1. L'étude

A. Les patientes exposées

Les patientes observées dans cette étude ont consulté l'une des deux
maternités soit pour infertilité, soit dans le cadre de la surveillance de leur grossesse.

59 patientes ont été répertoriées sur cette période.

Parmi ces patientes, l'on retrouvait comme anomalies liées à l'exposition in utéro au Distilbène :

•   adénose cervico-vaginale : 7 cas sur 59 ;

•   endométriose : 3 cas sur 59 ;

•   anomalies structurelles cervico-vaginales : 8/59

-   hypoplasie cervicale : 3 ;

-   béance cervico-isthmique : 5 ;

-   anomalies utérines : 27 cas sur 59 ;

-   hypoplasie : 18 ;

-   utérus en T : 5 ;

-   distension utérine et sténose médio-cavitaire : 2 ;

-   anomalies des cornes : 1 ;

-   utérus bicorne, unicervical : 1 ;

-   association d'anomalies : 15/25 ;

-   hypoplasique en T : 7 ;

-   utérus en T et sténose médio-cavitaire : 3 ;

-   les anomalies des trompes : 5 cas.

A.1. Les patientes infertiles

29 patientes exposées in utero au Distilbène ont été prises en charge au CPMA entre 1996 et 2001.

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22 patientes consultaient pour infertilité primaire, 7 pour infertilité secondaire. Parmi ces 7 patientes, deux avaient fait une fausse couche du premier trimestre et l'on comptait 13 grossesses extra-utérines pour les 5 autres.

L'exposition au Distilbène était soit connue par les patientes soit diagnostiquée sur les anomalies présentes à l'hystérosalpingographie. 13 des 25 patientes présentaient une anomalie utérine, 3 une anomalie tubaire et 5 patientes présentaient une association de lésions.

10 patientes avaient un passé de prise en charge en I.A.C soldée par un échec.

A.2. Les patientes avec un passé obstétrical

30 patientes ont été suivies du fait des antécédents gynéco-obstétricaux chargés, conséquences de l'imprégnation in utero par le Distilbène.

Deux patientes présentaient un antécédent de grossesse extra-utérine. Dans l'histoire obstétricale des 28 autres, l'on notait 16 cas d'avortements spontanés du premier trimestre, 8 avortements tardifs après 15 semaines d'aménorrhée et 15 patientes présentaient plus de 2 avortements dans leurs antécédents.

B. Prise en charge des patientes infertiles

Quinze grossesses ont été obtenues dans le centre chez 14 patientes.

Une grossesse a été obtenue par stimulation de l'ovulation, trois par IAC dont deux grossesses extra-utérines.

Parmi ces patientes, une avait bénéficié d'une plastie d'agrandissement.

54 cycles de fécondation in vitro avec transfert d'embryons ont été réalisés chez 25 patientes.

Dix grossesses ont été obtenues en FIVETE. La moyenne d'âge des patientes qui ont obtenu une grossesse est de 31,2 ans (extrêmes de 25 à 37 ans). La moyenne d'âge des patientes pour qui la tentative a échoué est de 31,1 ans (extrêmes de 21 à 40 ans).

Chez une patiente, la tentative a été réalisée après une plastie d'agrandissement. cette patiente a obtenu une première grossesse après la FIV, la deuxième a été spontanée mais s'est soldée par une fausse couche.

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Le nombre moyen d'ovocytes fécondables est de 9,2 dans la population des patientes qui ont obtenu une grossesse et de 6,9 chez celles dont la tentative a échoué. De même, le nombre moyen d'embryons obtenus est de 6.4 dans l population qui a conçu contre 4.5 dans la population dont la tentative n'a pas réussi.

Si l'on observe les cohortes embryonnaires dans chacune des 2 populations, la qualité embryonnaire est comparable (type A respectivement 10 et 13 ; type B respectivement 38 et 42 ; type C respectivement 7 et 12 ; type D respectivement 22 et 16).

Si l'on compare les épaisseurs des endomètres le jour du déclenchement, il apparaît que la valeur moyenne est de 11.9 mm chez les patientes qui ont obtenu une grossesse contre 8.01 mm chez celles qui n'ont pas été enceintes.

Etonnement, sans que ce résultat ne soit significatif, les taux d'oestradiol le jour du déclenchement sont plus élevés dans la population qui n'a pas obtenu de grossesse que dans l'autre (1637,36 versus 1545,47).

Le taux de grossesse par transfert est de 18,51 %. Le taux de grossesse clinique par transfert est de 14,8 % en raison de 2 grossesses biochimiques. Le taux de grossesses cliniques évolutives est de 12,5 %.

120 embryons ont été transférés, 11 sacs ovulaires ont été diagnostiqués chez 10 patientes, le taux d'implantation est de 9,16 %.

C. Devenir des grossesse obtenues spontanément et en AMP

Parmi les grossesses obtenues par l'aide médicale à la procréation, 2 se sont soldées par une fausse couche spontanée du premier trimestre, 3 grossesses étaient extra-utérines et deux dernières biochimiques.

Une patiente a présenté un avortement tardif à 19SA, malgré un cerclage après rupture prématurée des membranes.

7 grossesses ont évolué au-delà du second trimestre sur les 15 obtenues dont une gémellaire.

Parmi les 30 grossesses spontanées, deux se sont spontanément interrompues au premier trimestre et 28 grossesses ont évolué au-delà du second trimestre.

35 grossesses au total ont été suivies jusqu'à l'accouchement.

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D. Le suivi obstétrical

La majorité des patientes ont pu bénéficier d'une échographie très précoce vers 6-7 semaines (22/35).

Un repos a été imposé d'emblée avec un arrêt de travail.

27 des 35 patientes ont bénéficié d'une surveillance par une sage-femme à domicile.

Le cerclage

5 patientes ont été cerclées au cours de leur grossesse, elles présentaient toutes une béance ou des antécédents d'avortement tardif (16-23 SA).

Mis en place à 14-15 SA, il a été retiré à 37 SA le plus souvent (1 patiente a été décerclée à 32 SA pour une RPM, une patiente a expulsé à 19 SA malgré le cerclage).

L'hospitalisation

30/35 patientes ont été hospitalisées pendant leur grossesse, 26 d'entre elles pour une menace d'accouchement prématuré. La durée d'hospitalisation a alors varié entre 4 et 100 jours. La majorité des patientes a été hospitalisée plus d'un mois (15 cas).

L'hospitalisation a été justifiée pour la surveillance d'une dysgravidie pour 3 patientes. Le bilan biologique normal et l'absence de retentissement fœtal ont fait écourter le séjour.

Une patiente a présenté un placenta praevia. Elle a été admise à 28 SA et cesarisée en urgence pour hémorragie à 32SA.

La prématurité

19 enfants sont nés à terme et 16 prématurément (45,7%).

Le degré de prématurité est

•   26-28 SA :1 ;

•   28-32 SA : 1 ;

•   32-34 SA :4 ;

•   34-37 SA : 10 dont les jumeaux.

La majorité des accouchements a eu lieu après la 34e semaine et la fréquence de la grande prématurité est faible.

7 patientes ont accouché après rupture prématurée des membranes et 3 de ces patientes présentaient une béance cervico-isthmique.

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Autres conséquences obstétricales

4 cas de RCIU sont notés sur 35 (11,43 %) et 4 mamans ont présenté des chiffres tensionnels supérieurs à 140/90 avec un bilan biologique normal.

Quatre enfants se sont présentés par le siège.

La grossesse s'est déroulée sous aspirine à faible dose (60 à 100mg) pour 11 des patientes.

Les modalités d'accouchement

23 des 35 patientes ont accouché par voie basse.

Parmi les 12 césariennes, 4 ont été réalisées pour une présentation caudale, 2 pour une anomalie du RCF, 1 pour RCIU, 1 pour RPM à 32 SA, 1 pour placenta praevia hémorragique, la dernière pour gemellité et premier jumeau en siège.

On note deux cas de DDT et stagnation de la dilatation.

•   le poids fœtal

   18 enfants sont nés avec un poids supérieur à 2500g. (2500-3000 :5 ; 3000-3500 : 6 ; >3500 : 6)

•   la morbidité fœtale

   sur les 16 enfants prématurés, 11 ont présenté une détresse respiratoire. 1 enfant est mort à 27SA dans un contexte de chorio-amniotite.

•   la délivrance

Le taux d'anomalies placentaires est anormalement élevé :

•   4 placenta praevia/35 (11.4%)

•   4 cas de placenta accreta (11.4%)

•   3 des 4 placenta accreta étaient des placenta praevia.

Les suites de couches

1 patiente sur 35 a présenté une psychose puerpérale (2.8%)

2. Discussion

A. Retentissement de DES sur la fonction de reproduction

Bibbo rapporte un taux de grossesse de 18 % chez les femmes exposées au Distilbène contre 33 % chez les femmes non exposées (10).

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Les répercussions des anomalies utérines sont indéniables. Une première étude, celle de Kaufman, bien que présentant plusieurs biais, évalue le risque de stérilité en fonction de l'anomalie rencontrée.

•   utérus en T :RR ¥ 1,49 ;

•   constriction supra-isthmique : RR ¥ 2,26 ;

•   combinaison de 2 anomalies : RR ¥ 2,63.

Palmer s'est intéressé aussi au risque d'infertilité chez les patientes exposées in utero au Distilbène. Il apparaît, sur une cohorte de 1753 femmes exposées comparées à 1050 femmes non exposées, que le risque relatif d'infertilité primaire est de 1.3. L'exposition au Distilbène, de sucroît augmente l'infertilité du fait d'une anomalie utérine (RR = 7,7) ou tubaire (RR = 2,4) (11).

Dans sa population, Pal présente 29 % d'infertilité primaire, la présence d'une anomalie utérine dans 94% des cas, une histoire de grossesse extra-
utérine dans 29 % des cas.

Dans notre population, 75,86 % de nos patientes présentent une infertilité primaire et près de 50 % d'entre elles une anomalie utérine (12).

L'infertilité peut être aussi liée aux anomalies cervicales :

Ces anomalies sont à l'origine de traitements abusifs sur le col comme
l'électrocoagulation, la cryothérapie ou la cônisation. La conséquence en est l'absence ou d'insuffisance de glaire.

Schmidt a décrit 74 % de sténose cervicale après cryothérapie chez 42 filles DES et en 1983, Drapier évoque des anomalies du tissu de soutien à l'origine des cicatrisations anormales à la suite des gestes thérapeutiques (13).

En 1999, Kerjean et coll.ont apprécié la qualité ovocytaire et embryonnaire chez les patientes qui, exposées in utero au Distilbène étaient dans un programme de FIV. Il apparaît que l'exposition n'influence pas la qualité de l'ovocyte ni sa capacité à être fécondé (14).

De même, dans notre étude, le nombre d'ovocytes et d'embryons obtenus sont comparables aux résultats de la population générale si l'on tient compte des statistiques FIVNAT (respectivement 8,6 et 4,54), tout au moins dans la population qui a obtenu une grossesse (15).

Si l'on tient compte de l'épaisseur de l'endomètre le jour du déclenchement, celle-ci est de 11,19 en moyenne chez les patientes qui ont été enceintes. Ce résultat est en accord avec celui obtenu par PAL (10 mm) et non différent des sujets contrôles. En revanche,

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dans notre série, les femmes qui n'ont pas été enceintes avaient un endomètre moins favorable (8,1 mm). Il est difficile de conclure statistiquement du fait de la faiblesse de la population.

En ce qui concerne les taux d'oestradiol le jour du déclenchement, ils sont comparables à ceux obtenus dans la population générale de FIV et peu différents quoique plus élevés chez les patientes qui n'ont pas été enceintes. Pal retrouve des taux d'œstradiol comparables entre les patientes DES et les contrôles.

Le taux de grossesse par transfert est de 18,51 % dans notre population, ce qui est nettement inférieur non seulement aux résultats obtenus dans le centre sur la population générale (28 %) mais aussi aux résultats nationaux (26,2 %). Si l'on s'attarde au taux de grossesses cliniques par transfert, les résultats sont encore pires puisque le taux est de 14,8 %.

Ces résultats sont en accord avec ceux de la littérature. Pal obtient un taux de grossesses par transfert de 11,8 % et un taux de grossesses cliniques évolutives par transfert de 8 % (versus 40 % pour les contrôles). Karande rapporte un taux de grossesses cliniques par transfert de 15,9 % (versus 22,1 % pour les contrôles) et un taux de grossesses cliniques évolutives de 8,8 % (versus 15,9 %) (16).

Le taux d'implantation dans notre série est de 9,16 % ce qui est inférieur à celui obtenu dans la population générale mais supérieur à celui de Pal qui est de l'ordre de 4,2 % (versus 13,7 % dans le groupe contrôle) et à celui de Karande (7 % versus 11,2 % pour les contrôles).

Ces résultats confirment le mauvais pronostic en FIV des patientes exposées in utero au Distilbène.

Il existe un échec d'implantation alors que le nombre d'ovocytes, la qualité embryonnaire, les taux d'oestradiol sont comparables à la population générale, de même que l'épaisseur de l'endomètre le jour du déclenchement.

Cet échec d'implantation et le fort pourcentage de grossesses extra-utérines évoque une réelle pathologie implantatoire. La réponse ovarienne et l'épaisseur de l'endomètre montrent qu'il existe une réponse endométriale appropriée au taux d'oestradiol circulant comme ceci avait déjà été démontré par d'autres équipes.

Mais la réponse vasculaire aux oestrogènes circulants peut être anormale (anomalie de la vascularisation et de la compliance des vaisseaux utérins). B.Salle a étudié la receptivité endométriale en étudiant à la fois la croissance endométriale et les variations hémodynamiques vasculaires. L'index de pulsatilité utérine des

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utérus non exposés au Distilbène tend à diminuer en phase lutéale alors que celui des utérus DES est plus faible et identique dans les deux phases du cycle.(17)

La vascularisation des utérus DES est plus faible et reste stable tout au long du cycle menstruel. Cette anomalie peut être liée aux troubles de l'implantation rencontrés dans cette population.

Les artères utérines pourraient être insensibles, par défaut de récepteurs, à l'action vasodilatatrice de l'oestradiol. Il en résulte une diminution des flux sanguins nécessaires à la bonne implantation embryonnaire.

Les fausses couches très précoces et les absences d'implantation seraient aussi plus fonctionnelles que mécaniques.

L'altération de l'immunité humorale et cellulaire découverte sur des modèles animaux pourraient avoir un rôle dans la mauvaise implantation de l'œuf et seraient une autre étiologie aux fausses couches dans cette population (18).

Castelbaum a analysé l'expression des intégrines sur l'endométre en phase lutéale et montre une différence minime entre les patientes exposées et non exposées au Distilbène (19).

Les mécanismes intervenant dans les échecs d'implantation chez les patientes exposées in utero au Distilbène demeurent obscurs. Notre étude comme bien d'autres confirme le pronostic pauvre des techniques de fécondation in vitro chez ces patientes.

B. Évolution des grossesses

Les grossesses extra-utérines

Elles sont plus nombreuses chez les femmes exposées au DES que dans la population générale.

Leur fréquence est estimée à 3,4 % et le risque selon Kaufman est plus important si il existe un utérus en T, un isthme tubuliforme. Elle est de 15 % dans l'enquête du collège des gynécologues français, de 29 % pour Pal, de 88 % pour Karande.

Dans notre population générale, nous notons une fréquence de 25.4 % ce qui est proche du chiffre décrit dans la littérature.

Les avortements spontanés

La fréquence varie entre 18 et 25 %.

Ces avortements très précoces seraient dus aux anomalies de la vascularisation utérine.

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Pour les avortements du premier trimestre, Kaufman évoque des anomalies prédictives à l'hystérosalpingographie comme la forme de la cavité ou l'irrégularité des bords.

Les avortements tardifs sont certainement liés non seulement à l'hypoplasie utérine, à l'incompétence cervicale mais aussi aux anomalies fonctionnelles de l'utérus.

Le recours à la chirurgie d'agrandissement n'est proposé qu'en cas de striction médio-cavitaire associée à des fausses couches à répétition.

Certaines équipes la propose lorsque l'anomalie est associée à une infertilité sans autres causes.

L'accouchement prématuré

Sa fréquence est de 13 à 17 % et le risque est multiplié par 1,5 à 2.

La fréquence est plus importante si l'exposition a entraîné des anomalies utérines ou une béance cervico-isthmique mais l'étiologie de l'incompétence cervicale est discutée.

Selon Goldstein, elle serait due à une diminution du contingent collagène et à une augmentation des fibres musculaires lisses (20).

Pour Cousins, il n'y aurait qu'une augmentation des fibres musculaires lisses (22).

Pour Ludmir, il s'agirait d'une diminution du contingent collagène et d'une désorganisation des fibres de collagène (23).

La RPM est significativement plus fréquente chez les femmes exposée au DES que chez les non exposées : 7,3 % contre 2,3 %.

Dans notre série, la fréquence de la rupture prématurée des membranes est faible (2,8 %) vraisemblablement liée au repos strict qui est exigé dans chacune des équipes.

La pré-éclampsie

Mittendorf et Williams ont rapporté une fréquence de dysgravidie plus importante dans les utérus Distilbène. Ceci s'explique volontiers par l'anomalie de la vascularisation utérine et les conséquences sur l'invasion trophoblastique des artères sous-endométriales (21).

Dans notre population aucune patiente n'a présenté de pré-éclampsie.

Les autres conséquences obstétricales

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Le RCIU est plus fréquent dans la population de femmes exposées au DES. Elle se situe autour de 11 % dans la littérature.

Cette pathologie est expliquée par les échanges placentaires inadaptés.

La délivrance pathologique

La fréquence des anomalies placentaires est anormalement élevée dans notre population (11,43 %). Elle représente dans la population normale 1/10 000 accouchements (22).

Ces anomalies peuvent trouver une explication dans l'invasion trophoblastique anormale observée dans les utérus Distilbène.

Elle est vraisemblablement aussi liée aux lésions endométriales consécutives aux métroplasties. L'invasion placentaire sur la cicatrice doit favoriser l'adhérence au myomètre voire au-delà.

Il a été également décrit des inversions utérines dans les cas d'exposition in utero au Distilbène et placenta accreta. Nous rappelons que la fréquence dans la population générale des inversions utérines est de 1/100 000 (24)(25).

Ainsi, ces patientes soumises non seulement au risque de cancer, d'infertilité, de pertes fœtales risquent aussi une hémorragie grave de la délivrance.

Il convient, dans la surveillance de ces patientes d'envisager ce risque et de les faire accoucher à proximité non seulement d'un service de radiologie interventionnelle (dans l'éventualité d'une embolisation des artères utérines) et d'un service de réanimation.

Conclusion

On estime qu'un million et demi de femmes ont été exposées in utero au Distilbène. Les conséquences de ce traitement sont considérables. La fertilité spontanée est diminuée mais ces patientes ont aussi un mauvais pronostic en procréation médicalement assistée. Le taux de grossesses extra-utérines est très nettement supérieur à celui de la population générale de même que les taux de fausses couches du premier et second trimestre. Cependant, au prix d'une surveillance obstétricale contraignante, le taux de fausses couches tardives et de grande prématurité peut être réduit. En ce qui concerne la descendance de ces femmes, un récent article semble tout à fait rassurant sur la rémanence de l'effet de la drogue.

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Il convient aussi d'être vigilant en ce qui concerne la délivrance surtout si les patientes ont bénéficié d'une métroplastie. En effet, le pourcentage d'anomalie de l'adhésion placentaire est considérablement élevé dans cette population.

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