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Titre: Traitement androgénique substitutif chez l'homme en 2003 : choix de la préparation et surveillance
Année: 2003
Auteurs: - Buvat J.
Spécialité: Andrologie
Theme: Androgènes

Traitement androgénique
substitutif chez l'homme
en 2003 : choix
de la préparation et surveillance

Jacques BUVAT

L'androgénothérapie vise à soulager les symptômes du déficit androgénique et à prévenir les risques qui y sont liés en restaurant des taux circulants de testostérone dans les limites de la normale pour l'homme eugonadique jeune. Une androgénothérapie efficace doit donc améliorer la composition corporelle en augmentant la masse et la force musculaires, en diminuant la masse grasse, et particulièrement la graisse abdominale et viscérale, et en augmentant ou au moins en stabilisant la densité minérale osseuse pour prévenir le risque d'ostéoporose. Elle doit aussi restaurer libido et fonction érectile. Enfin elle doit stimuler plusieurs paramètres qui touchent à la qualité de vie : énergie physique et psychologique, humeur, souvent altérée chez l'homme hypogonadique, et sensation de bien-être.

L'androgénothérapie idéale serait délivrée par une présentation d'utilisation facile et bien acceptée, permettant de libérer la testostérone selon une pharmacocinétique prédictible et la plus proche possible de la physiologie. Au mieux celle-ci reproduirait le rythme circadien de cette hormone, encore qu'il n'ait jamais été démontré que ce rythme ait une importance physiologique. Elle induirait aussi des profils circulants juxta-physiologiques des principaux métabolites actifs de la testostérone, non seulement la dihydrotestosterone mais aussi l'œstradiol, responsable d'une bonne part de ses effets sur l'os, et peut-être aussi sur le système vasculaire sinon le système nerveux.. Elle serait enfin bien tolérée, et pas trop coûteuse.

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Préparations disponibles

Le tableau 1 montre les préparations commercialisées avec la durée moyenne de la couverture androgénique procurée par chaque administration, et leurs principaux inconvénients.

Androgénothérapie orale

Les androgènes de synthèse 17b-alkylés (methyltestosterone et fluoxymesterone) ne sont plus disponibles en France. Ils ont été abandonnés dans la mesure où il existait un risque d'hépatotoxicité aux concentrations requises pour exercer un effet substitutif chez l'homme. La Mesterolone n'est plus non plus disponible en France mais le reste en Belgique et dans d'autres pays européens. Cet autre androgène de synthèse n'est pas hépatotoxique mais son activité est relativement faible, et il n'est pas aromatisable ce qui ne lui permet donc pas d'exercer un effet thérapeutique complet sur l'os.

L'androgène oral de référence est aujourd'hui l'undécanoate de testostérone (Pantestone®, Andriol®). La dissolution de la testostérone dans l'acide oléique lui permet d'être absorbée principalement par voie lymphatique, et, gagnant de ce fait le canal thoracique, d'éviter le premier passage hépatique et l'inactivation

Tableau 1 : Préparations androgéniques disponibles

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qui en résulterait. Cependant l'absorption est fortement dépendante des repas et la prise doit donc se faire impérativement au cours de ceux-ci. De plus la pharmacocinétique de la testostérone ainsi administrée laisse à désirer. La figure 1 montre que si une première prise de 80 mg d'undécanoate de testostérone (2 capsules) est bien suivie d'une augmentation franche de la testostérone circulante pendant environ 5h, la même prise n'obtient plus qu'un augmentation beaucoup plus modérée après 4 semaines d'utilisation régulière, du fait d'un mécanisme d'induction enzymatique, et après 8 semaines le pic ne dépasse plus que peu de temps la limite inférieure de la norme. Cette pharmacocinétique nécessite de multiplier les prises, au moins 2, et mieux 3 par jour pour essayer de couvrir les 24 heures. Malgré tout, la testostérone se situera au dessous du niveau physiologique une partie du nychtémère. De plus la nécessité de prises multiples est facteur de mauvaise compliance, qui augmenterait les périodes non couvertes par l'androgénothérapie.

Il faut cependant souligner qu'en dépit de cette pharmacocinétique imparfaite, plusieurs études contrôlées contre placebo ont montré que le traitement au long cours par undécanoate de testostérone obtenait bien l'effet androgénique escompté en termes d'amélioration de la composition corporelle et de la densité minérale osseuse, au moins chez les sujets ayant une production androgé

Figure 1. Testostérone plasmatique après prise de 80 mg d'undécanoate de testostérone pendant la 1re (0 week), la 4e (4 weeks), puis la 8e (8 weeks) semaine d'administration.
Les pointillés délimitent les limites de la normale pour l'homme eugonadique
(D'après J Buvat et M Buvat-Herbaut 1985 modifié)

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nique résiduelle comme ceux qui présentent les syndromes de Klinefelter ou de déficit androgénique lié à l'âge.

Dans sa présentation actuelle l'undécanoate de testostérone pose aussi le problème de sa conservation. Sa stabilité n'est assurée que 3 mois à température ambiante, ce qui nécessite un stockage au frigidaire. Ce problème est en passe d'être résolu avec la disponibilité prochaine d'une nouvelle formulation dans laquelle l'acide oléique a été remplacé par de l'huile de ricin et du laurate de propyléne glycol. La durée de conservation de cette nouvelle formulation sera de 3 ans à température ambiante et sa pharmacocinétique permet de conclure à une bioéquivalence des deux préparations (1)

La déhydroépiandrosterone n'a pas d'activité androgénique propre, et ne peut exercer d'effet hormonal qu'après la double conversion qu'elle subit dans l'organisme en testostérone et œstradiol. Elle n'a pas d'indication chez l'homme. La quantité de testostérone qu'elle peut fournir après conversion est infime par rapport aux besoins en testostérone de l'homme adulte, et aucune étude avec groupe témoin n'a pu jusqu'ici démontrer quelqu'avantage que ce soit dans ce sexe.

Androgénothérapie parentérale

Les injections d'esters de testostérone à libération retardée ont longtemps constitué la principale préparation utilisée pour l'androgénothérapie. Elles restent très employées du fait de leur coût modique. En France on ne dispose plus que de l'énanthate de testostérone (Androtardyl®). L'estérification de la testostérone en 17b par un acide carboxylique augmente sa liposolubilité et donc sa demi-vie. Injecté par vois intramusculaire, l'énanthate de testostérone permet d'augmenter les taux circulants de testostérone pendant 2 à 4 semaines. Cependant la figure 2, qui montre la pharmacocinétique de la testostérone résultant d'injections répétées, illustre les inconvénients de ce mode d'administration. Quel que soit l'espacement des injections, on ne peut éviter une première phase de taux franchement supraphysiologiques pendant les quelques jours suivant l'injection, suivie d'un déclin rapide jusque retomber au dessous de la limite inférieure de la normale, pendant les quelques jours précédant la nouvelle injection. Faites toutes les 2 semaines, ce qui correspond à l'espacement permettant l'androgénisation la plus régulière, on ne peut exclure un certain surdosage pour l'ensemble de la période. De plus l'instabilité des taux circulants se traduit souvent pour l'homme par une fluc

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Figure 2. Pharmacocinétique de la testostérone plasmatique après injection d'Enanthate
de Testostérone toutes les 2, 3 ou 4 semaines. Les pointillés indiquent les limites
de la normale pour l'homme eugonadique (D'après Kliesh et al, 1996 - Modifié).

tuation cyclique désagréable de son état émotionnel comme de ses formes physique et sexuelle. Enfin si certains apprécient de n'avoir à penser à leur traitement que 2 fois par mois, d'autres sont rebutés par le caractère souvent douloureux des injections.

Les injections de gonadotrophines chorioniques sont également susceptibles d'augmenter les taux circulants de testostérone en stimulant sa secrétion par les cellules de Leydig, à condition que le déficit androgénique ait une origine centrale (hypogonadisme hypogonadotrope, avec taux de LH normal ou bas) et non périphérique (hypogonadisme hypergonadotrope avec LH haute et fonction leydigienne épuisée). Elles ont l'avantage d'augmenter de façon préférentielle la testostérone biodisponible, et sont parfois utilisées pour traiter des déficits androgéniques fonctionnels, ou du sujet âgé avec taux de LH normal, pendant des périodes courtes. On les prescrit à la dose de 5 000 UI IM 2 fois par semaine. Après 6 à 8 semaines, un espacement des injections à une fois par

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semaine suffit dans certains cas à maintenir une couverture androgénique suffisante. Le fait que ce traitement stimule la secrétion d'œstradiol en même temps que celle de testostérone expose dans quelques cas à la survenue d'une gynécomastie. Ce traitement bénéficiera peut-être d'un regain d'intérêt avec la mise à disposition de la gonadotrophine chorionique recombinante. Une étude récente de Liu et al. a montré que chez l'homme âgé son utilisation prolongée augmentait la masse maigre et diminuait la masse grasse, sans cependant d'autre modification significative des paramètres androgéniques dans la limite des 3 mois de l'étude (2).

Les implants de testostérone ne sont pas disponibles en France. Ils ont été largement utilisés dans les pays anglo-saxons, avec l'avantage de maintenir des taux normaux et stables de testostérone pendant les 16 à 24 semaines suivant l'insertion, et d'être peu coûteux. Cependant leur insertion nécessite un mini-geste chirurgical, avec une possibilité de complications locales. Mais leur principal inconvénient est la difficulté de supprimer la source d'androgènes au cas où une pathologie sensible aux androgènes serait diagnostiquée pendant la période d'activité de l'implant.

Androgénothérapie transdermique et percutanée

Ces voies d'administration de la testostérone ont l'avantage d'éviter le premier passage hépatique et donc l'inactivation de l'hormone qui suivrait sa prise orale, et procurent des taux circulants proches de la physiologie tant en testostérone qu 'en ses métabolites actifs. De plus ce type d'administration peut être facilement interrompu si nécessaire, et expose peu au risque d'utilisation abusive.

Les patchs de testostérone ne sont toujours pas disponibles en France, bien que certains y soient en cours de développement. Ces systèmes sont beaucoup moins discrets chez l'homme que chez la femme, puisque leur surface peut atteindre 60 cm2 et qu'il peut être nécessaire d'en mettre 2, voire 3, pour obtenir un taux circulant suffisant de testostérone. De plus contrairement aux patchs utilisés chez la femme, les patchs de testostérone doivent être changés chaque jour. Les premiers patchs disponibles l'ont été aux USA sous la forme de patchs scrotaux. Si ceux-ci permettent théoriquement de mieux mimer la physiologie en augmentant la concentration intra-bourse en testostérone, leur utilisation est peu pratique puisque leur adhérence nécessite un rasage régulier

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Figure 3. Évolution de la testostérone plasmatique après application au temps 0
de différents types de patchs (D'après Cunnigham [3], modifié).

Figure 4. Pharmacocinétique de la testostérone après application quotidienne d'un patch corporel de première génération (TTS) comparée à la pharmacocinétique après injection d'Enanthate de testostérone au temps 0 (IM) et à la variation circadienne normale de la testostérone. (D'après Place et Nichols 1991, modifié)

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des bourses. Les patchs corporels, apparus secondairement, sont plus commodes d'emploi et peuvent être placés sur toutes les zones glabres du corps de surface suffisante. Ceux de première génération (Androderm®) sont à l'origine d'effets indésirables locaux (érythème, irritation) beaucoup plus fréquemment que ceux de deuxième génération (Testoderm®). Les taux étaient respectivement de 27 et 7 % dans une étude comparative (3). Le taux d'abandon des patchs corporels de première génération est de 10 à 15 % pour cette raison.

La figure 3 illustre la pharmacocinétique caractéristique de la testostérone après application d'un patch, quel que soit son type. Cette application est suivie après 1 à 4 h d'un pic de libération de testostérone durant 6 à 8 h, à son tour suivi d'une décroissance progressive. De cette façon, à condition d'avoir posé le patch le soir, la testostérone circulante observe un rythme nychtéméral proche de la variation circadienne physiologique avec son maximum matinal (figure 4). De plus tant les testostérones totale et biodisponible que leurs métabolites actifs dihydrotestostérone (DHT) et œstradiol se situent strictement dans les limites de la norme pendant les 24 h suivant l'application. Ceci contraste avec les taux franchement supraphysiologiques de testostérone totale (figure 4) et surtout de façon encore plus marquée et prolongée de testostérone biodisponible et d'œstradiol faisant suite à une injection d'énanthate de testostérone (4). Ces pharmacocinétiques différentes peuvent expliquer l'observation, dans une étude comparative patchs versus injections, d'une fréquence beaucoup plus élevée de taux d'hématocrite dépassant la limite supérieure de la normale avec les injections (44 % sous énanthate de testostérone contre seulement 17 % sous patchs [4]). Or les seules complications sérieuses observées en pratique sous androgénothérapie, proviennent justement de l'effet stimulant de la testostérone sur l'érythropoïèse. Révélées par la surveillance de l'hématocrite, elles correspondent à une polyglobulie iatrogène résultant d'un surdosage et exposant au risque plusieurs fois vérifié de thrombose coronarienne ou cérébrale.

Le gel de testostérone (Androgel®) est disponible depuis peu en France, après plus de 2 ans d'expérience aux USA. Après application, la testostérone pénètre dans la peau d'où elle diffuse dans la circulation générale. Sa présentation sous forme de sachets unidose de 25 et 50 mg et son absorption rapide rendent son utilisation facile. Par rapport au patch le gel offre l'avantage d'une parfaite discrétion. Dans une étude comparative (5), le taux d'effets indésirables locaux était beaucoup inférieur à celui résultant des

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patchs (irritation cutanée chez respectivement 5,5 et 66 %), mais les patchs utilisés étaient des patchs corporels de première génération et le taux aurait probablement été moindre avec des patchs de deuxième génération. La possibilité d'un transfert transcutané de la testostérone à la partenaire sexuelle, analogue à celui qui avait été rapporté avec le gel de DHT, a été envisagée. Cette éventualité parait très improbable suite aux expérimentations pratiquées par le groupe de Nieschlag (6). On recommande toutefois, au cas où un rapport sexuel suivrait de moins de 2 h l'application du gel, de le faire précéder d'une douche par précaution.

La figure 5 montre la pharmacocinétique de la testostérone après application au long cours de 50 ou 100 mg par jour de gel. L'application du gel n'induit pas comme le patch une variation d'allure circadienne des taux circulants de testostérone. Le pic de testostérone est plus précoce, et bref. Il n'a cependant jamais été démontré que la variation circadienne de la testostérone avait un avantage physiologique. Dans l'étude correspondante (7), après application de gel les taux circulants moyens de testostérone non seulement totale mais également libre, et ceux de leurs deux métabolites actifs DHT et œstradiol se situaient dans les limites de la norme tout au long du nycthémére pendant les 6 mois étudiés, à l'exception du taux de DHT qui dépassait la limite supérieure de la norme avec la dose 100 mg (la dose de départ préconisée en France est 50 mg). En moyenne les taux de testostérone observés après gel s'avérèrent dose-dependants et significativement supérieurs à ceux procurés par l'application quotidienne de 2 patchs corporels à 2,5 mg de testostérone, suggérant une meilleurs absorption à partir du gel. Une adaptation de la dose de gel à 75

Figure 5. Pharmacocinétique de la testostérone après application de 50 ou de 100 mg d'un gel de testostérone, 30 (day 30), 90 (day 90) et 180 jours (day 180) après le début du traitement. (D'après Swerdloff et al., [7], modifié).

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mg apparut souhaitable chez environ 25 % des sujets après 3 mois d'utilisation, soit que la testostérone était trop basse sous 50 mg, soit qu'elle était trop élevée sous 100 mg. Dans cette étude ouverte, les principaux effets androgéniques attendus furent observés dans chacun des 3 sous-groupes traités par gel ou par patchs (augmentation de la masse maigre et de la force musculaire, amélioration de l'humeur et de chacun des paramètres sexuels mesurés) à l'exception de la diminution de la masse grasse qui ne fut observée que dans les sous-groupes gel (5). Comme les taux circulants de testostérone, les améliorations cliniques s'avérèrent significativement plus importantes sous gel que sous patchs pour la plupart des paramètres, avec un effet dose-réponse. Ces données sont illustrées dans la figure 6.

Le gel de dihydrotestostérone (Andractim®) est disponible en France depuis beaucoup plus longtemps. On ne l'utilise plus pour la substitution androgénique au long cours depuis qu'il a été confirmé qu'une partie des effets physiologiques de la testostérone dépendait de son aromatisation en œstradiol. Ce gel pourrait donc ne protéger qu'insuffisamment de l'ostéoporose. Cependant l'uti

Figure 6. Effets de l'application quotidienne d'un gel de testostérone (soit 50 mg<,
soit 100 mg = / jour) et de celle de 2 patchs corporels de 1ère génération à 2,5 mg chaque jour (p)
sur différents symptômes de déficit androgénique pendant les 90 premiers jours de traitement.
Les échelles utilisées pour mesurer l'humeur, le désir sexuel et la satisfaction des érections
vont de 0 à 7. (D'après Wang et coll. [5], modifié).

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lisation d'un androgéne non aromatisable comme la DHT peut aussi avoir des avantages : par exemple dans des situations mettant en jeu une hyperaromatisation comme les gynécomasties (utilisation locale sur la poitrine) ou certains hypogonadismes associés à des hépatopathies (Syndrome de Silvestrini et Corda). Certains auteurs évoquent même la possibilité d'avantages en cas de déficit androgénique lié à l'age (8). Plusieurs études ont en effet montré que chez le sujet âgé le gel de DHT augmentait la masse maigre et stimulait la fonction sexuelle, la diminution de la masse grasse étant plus inconstante. Le fait le plus intriguant est que dans ces études la DHT n'augmentait pas, voire diminuait légèrement, le volume prostatique et le taux de PSA. Au contraire la testostérone ramène ces paramètres au niveau qu'ils ont chez les sujets eugonadiques alors qu'il tendent à être diminués chez les hypogonadiques. Pourtant la DHT est le principal androgène requis pour la croissance de la prostate. On sait cependant que les œstrogènes agissent de façon synergique avec les androgènes pour faciliter la croissance prostatique. On a donc formulé l'hypothèse selon laquelle sous gel de DHT, la croissance prostatique ne pourrait pas être stimulée du fait d'une absence de synergie avec les œstrogènes. Si cette hypothèse était vérifiée, la DHT pourrait avoir sur la testostérone l'avantage spécifique d'exposer moins au risque prostatique.

Selective Androgen Receptor Modulators (SARMs)

On désigne sous le nom de SARMs des composés stéroïdiens ou non susceptibles d'exercer des effets sur certains tissus cibles des androgènes, et pas sur d'autres. On espère pouvoir disposer un jour de molécules capables d'effets androgéniques puissants sur les muscles, les os et peut-être le cerveau, mais seulement minimes sur la prostate et les lipides. De telles molécules sont en cours de développement, et pourraient constituer l'androgénothérapie de l'avenir. On a déjà identifié un androgène susceptible d'être aromatisé, mais pas 5a réduit, la 7a methyl-nortestostérone (MENT), qui exerce des effets androgéniques puissants sur les muscles et les centres gonadotropes, mais moindres sur la prostate (8). Le MENT améliore la fonction sexuelle et l'humeur des hommes hypogonadiques, et est actuellement testé comme traitement de l'hypogonadisme, ainsi que comme contraceptif masculin.

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Choix du traitement androgénique

Les préparations aujourd'hui disponibles en France permettent d'adapter le traitement androgénique à la plupart des patients, et de tenir compte des préférences pour la voie orale, injectable ou percutanée. On gardera en mémoire le risque de couverture insuffisante lors d'un traitement au long cours par undecanoate de testostérone, particulièrement en cas d'hypogonadisme complet, sans sécrétion androgénique rélictuelle, et le risque plus élevé de surdosage avec l'énanthate de testostérone injectable, ce dernier ayant cependant l'avantage du coût très réduit. Au contraire le gel de testostérone, préparation aujourd'hui la plus séduisante par sa pharmacocinétique proche de la physiologie, a l'inconvénient de n'être pas pour l'instant remboursée par la Sécurité sociale.

Les principales indications du traitement androgénique sont aujourd'hui l'hypogonadisme du sujet jeune, pour lequel chacune de ces 3 préparations peut convenir, et le déficit androgénique lié à l'âge. On considère aujourd'hui cette seconde indication justiciable d'un traitement androgénique à condition que s'associent chez l'homme et des symptômes compatibles avec un déficit androgénique, et un déficit authentifié par 2 dosages distincts de testostérone. En tel cas le traitement substitutif corrige les symptômes de déficit aussi bien qu'il le fait chez l'hypogonadique jeune, et sa tolérance ne semble pas nettement différente aux deux âges, au moins la seule étude comparative disponible, basée sur l'utilisation du gel (9). Par prudence on évitera chez le sujet âgé l'énanthate de testostérone, qui expose plus, via la stimulation de l'hématocrite, au risque de thrombose, y préférant le gel et l'undécanoate.

Les indications du gel de DHT sont aujourd'hui limitées aux traitements courts, ou locaux (micropénis, gynécomastie), ainsi qu'à certaines situations où l'on souhaite éviter l'aromatisation en œstradiol (hépatopathie, prolactinome).

Risques du traitement androgénique (10)

Risques prostatiques

Qu'il s'agisse de la stimulation d'une hypertrophie bénigne ou de celle d'un cancer méconnu, on dispose aujourd'hui d'assez de

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recul pour estimer ces risques modestes, au moins dans la limite du maximum de 3 ans qu'ont duré les essais thérapeutiques avec groupe témoin réalisés avec la meilleure méthodologie. Particulièrement ni le volume prostatique mesuré échographiquement, ni les taux de PSA total ou libre n'ont augmenté dans ce délai au-delà des valeurs de l'homme eugonadique. La prudence reste cependant de mise.

Risques vasculaires

En dépit de l'opinion générale qui veut que les androgènes soient dangereux pour système cardio-vasculaire et responsables de l'espérance de vie plus courte des hommes, nombreuses sont les données récentes qui suggèrent que c'est plutôt l'hypogonadisme qui est un facteur de risque vasculaire, et que la testostérone peut exercer des effets bénéfiques pour les artères (particulièrement effets coronarodilatateur et anti-ischémique). Dans la limite des 3 ans précités, les essais contrôlés n'ont pas trouvé de surmortalité cardio-vasculaire sous androgénothérapie, y compris chez le sujet âgé. Certains risques ont cependant été démontrés en cas de surdosage : rétention hydrique, facteur de prise de poids, d'hypertension artérielle et de décompensation d'une insuffisance cardiaques préexistante, et stimulation de l'érythropoïèse, génératrice de polyglobulie et d'une augmentation de l'hématocrite exposant au risque de thrombose. Le traitement androgénique peut aussi renforcer un syndrome des apnées du sommeil préexistant, ce qui serait susceptible d'augmenter la polyglobulie et le risque de thrombose.

Risques liés à la stimulation d'une pathologie sensible aux oestrogénes : Ils sont propres aux androgènes aromatisables : cancer du sein, gynécomastie, et adénomes hypophysaires à cellules à prolactine, lorsque l'hyperprolactinémie est mal contrôlée par les agonistes dopaminergiques.

Bilan préalable au traitement androgénique

Il s'agit de faire le point des symptômes du déficit androgénique, de façon à pouvoir évaluer leur évolution sous traitement, et de repérer une éventuelle contre-indication, ou une pathologie justifiant une surveillance plus particulière.

Les symptômes cliniques de déficit androgénique les plus utiles pour surveiller l'évolution sont :

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•   en cas d'hypogonadisme primaire, le morphotype, initialement gynoïde, la taille, le stade de la pilosité, le développement musculaire et celui des organes génitaux externes, la voix ;

•   dans tous les cas la forme physique et psychologique, la sensation de bien être, l'humeur, l'appétit sexuel, les érections matinales et coïtales, tous paramètres généralement altérés chez l'hypogonadique non équilibré.

Le poids et la tension artérielle (TA) doivent également être relevés, tandis que les seins doivent être palpés et qu'un toucher rectal (TR) sera systématiquement pratiqué après 40 ans.

Les examens biologiques préalables comportent une Numération Formule (NF), révélant souvent une anémie modérée, un bilan lipidique, et après 40 ans un taux de Prostatic Specific Antigen (PSA). Une densitométrie osseuse peut être utile chez certains sujets âgés.

Contre-indications et situations à risque (11)

Un traitement androgénique est contre-indiqué en cas de :

•   cancer de la prostate ;

•   cancer du sein ;

•   polyglobulie ;

•   insuffisance cardiaque sévère.

ll ne doit être utilisé que sous surveillance étroite en cas de :

•   symptomatologie prostato-urinaire ;

•   syndrome des apnées du sommeil ;

•   hyperlipidémie ;

•   hyperprolactinémie mal contrôlée.

Surveillance (11)

Première consultation après 1 à 3 mois :

•   degré de correction des symptômes de déficit androgénique ;

•   tolérance clinique (poids, TA, TR après 40 ans ) ;

•   dosage de la testostérone plasmatique 12 à 24h après l'application du gel ou la pose du patch, conduisant s'il y a lieu à modifier la dose. Sous Enanthate de testostérone le dosage serait fait le matin précédant la nouvelle injection, conduisant s'il y a lieu à espacer ou rapprocher les injections. Le dosage de testostérone n'a pas d'utilité en cas de traitement par l'undécanoate de testostérone ;

   TRAITEMENT ANDROGéNIQUE SUBSTITUTIF CHEZ L'HOMME EN 2003   253

•   PSA après 40 ans.

Consultations suivantes tous les 6 mois pendant 2 ans puis tous les ans :

•   symptomes de déficit androgénique et tolérance clinique ;

•   NF ;

•   TR et PSA après 40 ans ;

•   éventuellement dosage de testostérone ;

•   dans certains cas particuliers, répétition de la densitométrie osseuse après 2 ans.

Conclusions

Le bien fondé du traitement androgénique substitutif ne se discute pas chez l'hypogonadique jeune. Il va non seulement améliorer sa qualité de vie mais également prévenir des conséquences sérieuses comme l'ostéoporose et peut-être des maladies cardio-vasculaires. De plus on dispose d'assez de recul pour affirmer que ce traitement n'entraîne qu'exceptionnellement des complications à cette période de la vie. Son indication dans le déficit androgénique du sujet âgé est encore controversée. Un nombre maintenant important d'études contrôlées y ont démontré des bénéfices en termes de qualité de vie et d'amélioration de la composition corporelle et de la densité osseuse, tandis qu'à condition d'une sélection prudente des indications et d'une adaptation de la posologie au minimum nécessaire, la tolérance y est également bonne. Les effets indésirables s'avérent, dans la limite du maximum de 3 ans qu'ont duré les meilleures études, prévisibles, et gérables sans difficulté majeure.

On doit cependant garder à l'esprit les rebondissements de l'évolution du concept de traitement substitutif de la ménopause. Voici seulement 5 ans beaucoup juraient encore qu'il protégeait le système cardio-vasculaire et n'avait pas d'impact sur le risque de cancer du sein. Il a fallu 30 ans, et les résultats de la première étude prospective randomisée comparant traitement hormonal substitutif et placebo, pour réaliser qu'il pouvait en réalité, dans certaines conditions, au contraire augmenter significativement le risque de thrombose artérielle ou veineuse, et celui de se voir diagnostiquer un cancer du sein. Chez l'homme aussi il faudra disposer d'études prospectives et randomisées portant sur de grandes cohortes avant de conclure à l'innocuité de la supplémentation androgénique du sujet âgé. Aujourd'hui on peut être rassurant jusque 3

   TRAITEMENT ANDROGéNIQUE SUBSTITUTIF CHEZ L'HOMME EN 2003   255

ans de traitement. Mais au-delà nous avons besoin de plus d'informations objectives.

Bibliographie

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