Traitement androgénique substitutif
chez l'homme en 2003 : choix de la préparation et surveillance
Jacques BUVAT
L'androgénothérapie vise
à soulager les symptômes du déficit androgénique et à prévenir
les risques qui y sont liés en restaurant des taux circulants de testostérone
dans les limites de la normale pour l'homme eugonadique jeune. Une androgénothérapie
efficace doit donc améliorer la composition corporelle en augmentant la masse
et la force musculaires, en diminuant la masse grasse, et particulièrement
la graisse abdominale et viscérale, et en augmentant ou au moins en stabilisant
la densité minérale osseuse pour prévenir le risque d'ostéoporose.
Elle doit aussi restaurer libido et fonction érectile. Enfin elle doit stimuler
plusieurs paramètres qui touchent à la qualité de vie : énergie
physique et psychologique, humeur, souvent altérée chez l'homme hypogonadique,
et sensation de bien-être.
L'androgénothérapie idéale
serait délivrée par une présentation d'utilisation facile et bien
acceptée, permettant de libérer la testostérone selon une pharmacocinétique
prédictible et la plus proche possible de la physiologie. Au mieux celle-ci
reproduirait le rythme circadien de cette hormone, encore qu'il n'ait jamais été
démontré que ce rythme ait une importance physiologique. Elle induirait
aussi des profils circulants juxta-physiologiques des principaux métabolites
actifs de la testostérone, non seulement la dihydrotestosterone mais aussi
l'œstradiol, responsable d'une bonne part de ses effets sur l'os, et peut-être
aussi sur le système vasculaire sinon le système nerveux.. Elle serait
enfin bien tolérée, et pas trop coûteuse.
240 J. BUVAT
Préparations disponibles
Le tableau 1 montre les préparations commercialisées
avec la durée moyenne de la couverture androgénique procurée par
chaque administration, et leurs principaux inconvénients.
Androgénothérapie orale
Les
androgènes de synthèse 17b-alkylés (methyltestosterone et fluoxymesterone)
ne sont plus disponibles en France. Ils ont été abandonnés dans la
mesure où il existait un risque d'hépatotoxicité aux concentrations
requises pour exercer un effet substitutif chez l'homme. La Mesterolone n'est plus
non plus disponible en France mais le reste en Belgique et dans d'autres pays européens.
Cet autre androgène de synthèse n'est pas hépatotoxique mais son
activité est relativement faible, et il n'est pas aromatisable ce qui ne lui
permet donc pas d'exercer un effet thérapeutique complet sur l'os.
L'androgène oral de référence
est aujourd'hui l'undécanoate de testostérone (Pantestone®,
Andriol®). La dissolution de la testostérone dans l'acide oléique
lui permet d'être absorbée principalement par voie lymphatique, et, gagnant
de ce fait le canal thoracique, d'éviter le premier passage hépatique
et l'inactivation Tableau
1 : Préparations androgéniques disponibles
TRAITEMENT
ANDROGéNIQUE SUBSTITUTIF CHEZ L'HOMME EN
2003 241
qui en résulterait. Cependant l'absorption
est fortement dépendante des repas et la prise doit donc se faire impérativement
au cours de ceux-ci. De plus la pharmacocinétique de la testostérone ainsi
administrée laisse à désirer. La figure 1 montre que si une première
prise de 80 mg d'undécanoate de testostérone (2 capsules) est bien suivie
d'une augmentation franche de la testostérone circulante pendant environ 5h,
la même prise n'obtient plus qu'un augmentation beaucoup plus modérée
après 4 semaines d'utilisation régulière, du fait d'un mécanisme
d'induction enzymatique, et après 8 semaines le pic ne dépasse plus que
peu de temps la limite inférieure de la norme. Cette pharmacocinétique
nécessite de multiplier les prises, au moins 2, et mieux 3 par jour pour essayer
de couvrir les 24 heures. Malgré tout, la testostérone se situera au dessous
du niveau physiologique une partie du nychtémère. De plus la nécessité
de prises multiples est facteur de mauvaise compliance, qui augmenterait les périodes
non couvertes par l'androgénothérapie.
Il faut cependant souligner qu'en dépit de
cette pharmacocinétique imparfaite, plusieurs études contrôlées
contre placebo ont montré que le traitement au long cours par undécanoate
de testostérone obtenait bien l'effet androgénique escompté en termes
d'amélioration de la composition corporelle et de la densité minérale
osseuse, au moins chez les sujets ayant une production androgé
Figure 1. Testostérone plasmatique après
prise de 80 mg d'undécanoate de testostérone pendant la 1re
(0 week), la 4e (4 weeks), puis la 8e (8 weeks) semaine d'administration.
Les pointillés délimitent les limites de la normale pour l'homme
eugonadique (D'après J Buvat et M Buvat-Herbaut 1985 modifié)
242 J. BUVAT
nique résiduelle comme ceux qui présentent
les syndromes de Klinefelter ou de déficit androgénique lié à
l'âge.
Dans sa présentation actuelle l'undécanoate
de testostérone pose aussi le problème de sa conservation. Sa stabilité
n'est assurée que 3 mois à température ambiante, ce qui nécessite
un stockage au frigidaire. Ce problème est en passe d'être résolu
avec la disponibilité prochaine d'une nouvelle formulation dans laquelle l'acide
oléique a été remplacé par de l'huile de ricin et du laurate
de propyléne glycol. La durée de conservation de cette nouvelle formulation
sera de 3 ans à température ambiante et sa pharmacocinétique permet
de conclure à une bioéquivalence des deux préparations (1)
La déhydroépiandrosterone
n'a pas d'activité androgénique propre, et ne peut exercer d'effet hormonal
qu'après la double conversion qu'elle subit dans l'organisme en testostérone
et œstradiol. Elle n'a pas d'indication chez l'homme. La quantité de testostérone
qu'elle peut fournir après conversion est infime par rapport aux besoins en
testostérone de l'homme adulte, et aucune étude avec groupe témoin
n'a pu jusqu'ici démontrer quelqu'avantage que ce soit dans ce sexe.
Androgénothérapie parentérale
Les injections d'esters de testostérone
à libération retardée ont longtemps constitué la principale
préparation utilisée pour l'androgénothérapie. Elles restent
très employées du fait de leur coût modique. En France on ne dispose
plus que de l'énanthate de testostérone (Androtardyl®). L'estérification
de la testostérone en 17b par un acide carboxylique augmente sa liposolubilité
et donc sa demi-vie. Injecté par vois intramusculaire, l'énanthate de
testostérone permet d'augmenter les taux circulants de testostérone pendant
2 à 4 semaines. Cependant la figure 2, qui montre la pharmacocinétique
de la testostérone résultant d'injections répétées, illustre
les inconvénients de ce mode d'administration. Quel que soit l'espacement des
injections, on ne peut éviter une première phase de taux franchement supraphysiologiques
pendant les quelques jours suivant l'injection, suivie d'un déclin rapide
jusque retomber au dessous de la limite inférieure de la normale, pendant les
quelques jours précédant la nouvelle injection. Faites toutes les 2 semaines,
ce qui correspond à l'espacement permettant l'androgénisation la plus
régulière, on ne peut exclure un certain surdosage pour l'ensemble de
la période. De plus l'instabilité des taux circulants se traduit souvent
pour l'homme par une fluc TRAITEMENT
ANDROGéNIQUE SUBSTITUTIF CHEZ L'HOMME EN
2003 243
Figure 2. Pharmacocinétique de la testostérone
plasmatique après injection d'Enanthate de Testostérone toutes les
2, 3 ou 4 semaines. Les pointillés indiquent les limites de la normale
pour l'homme eugonadique (D'après Kliesh et al, 1996 - Modifié).
tuation cyclique désagréable de son
état émotionnel comme de ses formes physique et sexuelle. Enfin si certains
apprécient de n'avoir à penser à leur traitement que 2 fois par mois,
d'autres sont rebutés par le caractère souvent douloureux des injections.
Les
injections de gonadotrophines chorioniques sont également susceptibles
d'augmenter les taux circulants de testostérone en stimulant sa secrétion
par les cellules de Leydig, à condition que le déficit androgénique
ait une origine centrale (hypogonadisme hypogonadotrope, avec taux de LH normal
ou bas) et non périphérique (hypogonadisme hypergonadotrope avec LH haute
et fonction leydigienne épuisée). Elles ont l'avantage d'augmenter de
façon préférentielle la testostérone biodisponible, et sont
parfois utilisées pour traiter des déficits androgéniques fonctionnels,
ou du sujet âgé avec taux de LH normal, pendant des périodes courtes.
On les prescrit à la dose de 5 000 UI IM 2 fois par semaine. Après 6 à
8 semaines, un espacement des injections à une fois par
244 J. BUVAT
semaine suffit dans certains cas à maintenir
une couverture androgénique suffisante. Le fait que ce traitement stimule la
secrétion d'œstradiol en même temps que celle de testostérone expose
dans quelques cas à la survenue d'une gynécomastie. Ce traitement bénéficiera
peut-être d'un regain d'intérêt avec la mise à disposition de
la gonadotrophine chorionique recombinante. Une étude récente de Liu et
al. a montré que chez l'homme âgé son utilisation prolongée
augmentait la masse maigre et diminuait la masse grasse, sans cependant d'autre
modification significative des paramètres androgéniques dans la limite
des 3 mois de l'étude (2).
Les implants de testostérone ne sont
pas disponibles en France. Ils ont été largement utilisés dans les
pays anglo-saxons, avec l'avantage de maintenir des taux normaux et stables de testostérone
pendant les 16 à 24 semaines suivant l'insertion, et d'être peu coûteux.
Cependant leur insertion nécessite un mini-geste chirurgical, avec une possibilité
de complications locales. Mais leur principal inconvénient est la difficulté
de supprimer la source d'androgènes au cas où une pathologie sensible
aux androgènes serait diagnostiquée pendant la période d'activité
de l'implant.
Androgénothérapie transdermique et percutanée
Ces voies d'administration de la testostérone
ont l'avantage d'éviter le premier passage hépatique et donc l'inactivation
de l'hormone qui suivrait sa prise orale, et procurent des taux circulants proches
de la physiologie tant en testostérone qu 'en ses métabolites actifs.
De plus ce type d'administration peut être facilement interrompu si nécessaire,
et expose peu au risque d'utilisation abusive.
Les patchs de testostérone
ne sont toujours pas disponibles en France, bien que certains y soient en cours
de développement. Ces systèmes sont beaucoup moins discrets chez l'homme
que chez la femme, puisque leur surface peut atteindre 60 cm2 et qu'il
peut être nécessaire d'en mettre 2, voire 3, pour obtenir un taux circulant
suffisant de testostérone. De plus contrairement aux patchs utilisés chez
la femme, les patchs de testostérone doivent être changés chaque
jour. Les premiers patchs disponibles l'ont été aux USA sous la forme
de patchs scrotaux. Si ceux-ci permettent théoriquement de mieux mimer la physiologie
en augmentant la concentration intra-bourse en testostérone, leur utilisation
est peu pratique puisque leur adhérence nécessite un rasage régulier
TRAITEMENT
ANDROGéNIQUE SUBSTITUTIF CHEZ L'HOMME EN
2003 245
Figure 3. Évolution de la testostérone
plasmatique après application au temps 0 de différents types de
patchs (D'après Cunnigham [3], modifié). Figure
4. Pharmacocinétique de la testostérone après application quotidienne
d'un patch corporel de première génération (TTS) comparée à
la pharmacocinétique après injection d'Enanthate de testostérone
au temps 0 (IM) et à la variation circadienne normale de la testostérone.
(D'après Place et Nichols 1991, modifié)
246 J. BUVAT
des bourses. Les patchs corporels, apparus
secondairement, sont plus commodes d'emploi et peuvent être placés sur
toutes les zones glabres du corps de surface suffisante. Ceux de première génération
(Androderm®) sont à l'origine d'effets indésirables locaux (érythème,
irritation) beaucoup plus fréquemment que ceux de deuxième génération
(Testoderm®). Les taux étaient respectivement de 27 et 7 % dans une étude
comparative (3). Le taux d'abandon des patchs corporels de première génération
est de 10 à 15 % pour cette raison.
La figure 3 illustre la pharmacocinétique
caractéristique de la testostérone après application d'un patch,
quel que soit son type. Cette application est suivie après 1 à 4 h
d'un pic de libération de testostérone durant 6 à 8 h, à son
tour suivi d'une décroissance progressive. De cette façon, à condition
d'avoir posé le patch le soir, la testostérone circulante observe un rythme
nychtéméral proche de la variation circadienne physiologique avec son
maximum matinal (figure 4). De plus tant les testostérones totale et biodisponible
que leurs métabolites actifs dihydrotestostérone (DHT) et œstradiol se
situent strictement dans les limites de la norme pendant les 24 h suivant l'application.
Ceci contraste avec les taux franchement supraphysiologiques de testostérone
totale (figure 4) et surtout de façon encore plus marquée et prolongée
de testostérone biodisponible et d'œstradiol faisant suite à une injection
d'énanthate de testostérone (4). Ces pharmacocinétiques différentes
peuvent expliquer l'observation, dans une étude comparative patchs versus injections,
d'une fréquence beaucoup plus élevée de taux d'hématocrite dépassant
la limite supérieure de la normale avec les injections (44 % sous énanthate
de testostérone contre seulement 17 % sous patchs [4]). Or les seules
complications sérieuses observées en pratique sous androgénothérapie,
proviennent justement de l'effet stimulant de la testostérone sur l'érythropoïèse.
Révélées par la surveillance de l'hématocrite, elles correspondent
à une polyglobulie iatrogène résultant d'un surdosage et exposant
au risque plusieurs fois vérifié de thrombose coronarienne ou cérébrale.
Le gel de testostérone
(Androgel®) est disponible depuis peu en France, après plus de 2 ans d'expérience
aux USA. Après application, la testostérone pénètre dans la
peau d'où elle diffuse dans la circulation générale. Sa présentation
sous forme de sachets unidose de 25 et 50 mg et son absorption rapide rendent son
utilisation facile. Par rapport au patch le gel offre l'avantage d'une parfaite
discrétion. Dans une étude comparative (5), le taux d'effets indésirables
locaux était beaucoup inférieur à celui résultant des
TRAITEMENT
ANDROGéNIQUE SUBSTITUTIF CHEZ L'HOMME EN
2003 247
patchs (irritation cutanée chez respectivement
5,5 et 66 %), mais les patchs utilisés étaient des patchs corporels de
première génération et le taux aurait probablement été
moindre avec des patchs de deuxième génération. La possibilité
d'un transfert transcutané de la testostérone à la partenaire sexuelle,
analogue à celui qui avait été rapporté avec le gel de DHT,
a été envisagée. Cette éventualité parait très improbable
suite aux expérimentations pratiquées par le groupe de Nieschlag (6).
On recommande toutefois, au cas où un rapport sexuel suivrait de moins de 2
h l'application du gel, de le faire précéder d'une douche par précaution.
La
figure 5 montre la pharmacocinétique de la testostérone après application
au long cours de 50 ou 100 mg par jour de gel. L'application du gel n'induit pas
comme le patch une variation d'allure circadienne des taux circulants de testostérone.
Le pic de testostérone est plus précoce, et bref. Il n'a cependant jamais
été démontré que la variation circadienne de la testostérone
avait un avantage physiologique. Dans l'étude correspondante (7), après
application de gel les taux circulants moyens de testostérone non seulement
totale mais également libre, et ceux de leurs deux métabolites actifs
DHT et œstradiol se situaient dans les limites de la norme tout au long du nycthémére
pendant les 6 mois étudiés, à l'exception du taux de DHT qui dépassait
la limite supérieure de la norme avec la dose 100 mg (la dose de départ
préconisée en France est 50 mg). En moyenne les taux de testostérone
observés après gel s'avérèrent dose-dependants et significativement
supérieurs à ceux procurés par l'application quotidienne de 2 patchs
corporels à 2,5 mg de testostérone, suggérant une meilleurs absorption
à partir du gel. Une adaptation de la dose de gel à 75
Figure 5. Pharmacocinétique de la testostérone
après application de 50 ou de 100 mg d'un gel de testostérone, 30 (day
30), 90 (day 90) et 180 jours (day 180) après le début du traitement.
(D'après Swerdloff et al., [7], modifié).
248 J. BUVAT
mg apparut souhaitable chez environ 25 % des
sujets après 3 mois d'utilisation, soit que la testostérone était
trop basse sous 50 mg, soit qu'elle était trop élevée sous 100 mg.
Dans cette étude ouverte, les principaux effets androgéniques attendus
furent observés dans chacun des 3 sous-groupes traités par gel ou par
patchs (augmentation de la masse maigre et de la force musculaire, amélioration
de l'humeur et de chacun des paramètres sexuels mesurés) à l'exception
de la diminution de la masse grasse qui ne fut observée que dans les sous-groupes
gel (5). Comme les taux circulants de testostérone, les améliorations
cliniques s'avérèrent significativement plus importantes sous gel que
sous patchs pour la plupart des paramètres, avec un effet dose-réponse.
Ces données sont illustrées dans la figure 6.
Le
gel de dihydrotestostérone (Andractim®) est disponible en France depuis
beaucoup plus longtemps. On ne l'utilise plus pour la substitution androgénique
au long cours depuis qu'il a été confirmé qu'une partie des effets
physiologiques de la testostérone dépendait de son aromatisation en œstradiol.
Ce gel pourrait donc ne protéger qu'insuffisamment de l'ostéoporose.
Cependant l'uti Figure
6. Effets de l'application quotidienne d'un gel de testostérone (soit 50 mg<,
soit 100 mg = / jour) et de celle de 2 patchs corporels de 1ère génération
à 2,5 mg chaque jour (p) sur différents symptômes de déficit
androgénique pendant les 90 premiers jours de traitement. Les échelles
utilisées pour mesurer l'humeur, le désir sexuel et la satisfaction des
érections vont de 0 à 7. (D'après Wang et coll. [5], modifié).
TRAITEMENT
ANDROGéNIQUE SUBSTITUTIF CHEZ L'HOMME EN
2003 249
lisation d'un androgéne non aromatisable
comme la DHT peut aussi avoir des avantages : par exemple dans des situations mettant
en jeu une hyperaromatisation comme les gynécomasties (utilisation locale sur
la poitrine) ou certains hypogonadismes associés à des hépatopathies
(Syndrome de Silvestrini et Corda). Certains auteurs évoquent même la
possibilité d'avantages en cas de déficit androgénique lié à
l'age (8). Plusieurs études ont en effet montré que chez le sujet âgé
le gel de DHT augmentait la masse maigre et stimulait la fonction sexuelle, la diminution
de la masse grasse étant plus inconstante. Le fait le plus intriguant est que
dans ces études la DHT n'augmentait pas, voire diminuait légèrement,
le volume prostatique et le taux de PSA. Au contraire la testostérone ramène
ces paramètres au niveau qu'ils ont chez les sujets eugonadiques alors qu'il
tendent à être diminués chez les hypogonadiques. Pourtant la DHT
est le principal androgène requis pour la croissance de la prostate. On sait
cependant que les œstrogènes agissent de façon synergique avec les androgènes
pour faciliter la croissance prostatique. On a donc formulé l'hypothèse
selon laquelle sous gel de DHT, la croissance prostatique ne pourrait pas être
stimulée du fait d'une absence de synergie avec les œstrogènes. Si cette
hypothèse était vérifiée, la DHT pourrait avoir sur la testostérone
l'avantage spécifique d'exposer moins au risque prostatique.
Selective Androgen Receptor Modulators (SARMs)
On désigne sous le nom de SARMs des composés
stéroïdiens ou non susceptibles d'exercer des effets sur certains tissus
cibles des androgènes, et pas sur d'autres. On espère pouvoir disposer
un jour de molécules capables d'effets androgéniques puissants sur les
muscles, les os et peut-être le cerveau, mais seulement minimes sur la prostate
et les lipides. De telles molécules sont en cours de développement, et
pourraient constituer l'androgénothérapie de l'avenir. On a déjà
identifié un androgène susceptible d'être aromatisé, mais pas
5a réduit, la 7a methyl-nortestostérone (MENT), qui exerce des effets
androgéniques puissants sur les muscles et les centres gonadotropes, mais
moindres sur la prostate (8). Le MENT améliore la fonction sexuelle et l'humeur
des hommes hypogonadiques, et est actuellement testé comme traitement de l'hypogonadisme,
ainsi que comme contraceptif masculin. 250 J. BUVAT
Choix du traitement androgénique
Les préparations aujourd'hui disponibles
en France permettent d'adapter le traitement androgénique à la plupart
des patients, et de tenir compte des préférences pour la voie orale, injectable
ou percutanée. On gardera en mémoire le risque de couverture insuffisante
lors d'un traitement au long cours par undecanoate de testostérone, particulièrement
en cas d'hypogonadisme complet, sans sécrétion androgénique rélictuelle,
et le risque plus élevé de surdosage avec l'énanthate de testostérone
injectable, ce dernier ayant cependant l'avantage du coût très réduit.
Au contraire le gel de testostérone, préparation aujourd'hui la plus séduisante
par sa pharmacocinétique proche de la physiologie, a l'inconvénient de
n'être pas pour l'instant remboursée par la Sécurité sociale.
Les principales indications du traitement
androgénique sont aujourd'hui l'hypogonadisme du sujet jeune, pour lequel chacune
de ces 3 préparations peut convenir, et le déficit androgénique lié
à l'âge. On considère aujourd'hui cette seconde indication justiciable
d'un traitement androgénique à condition que s'associent chez l'homme
et des symptômes compatibles avec un déficit androgénique, et un
déficit authentifié par 2 dosages distincts de testostérone. En tel
cas le traitement substitutif corrige les symptômes de déficit aussi bien
qu'il le fait chez l'hypogonadique jeune, et sa tolérance ne semble pas nettement
différente aux deux âges, au moins la seule étude comparative disponible,
basée sur l'utilisation du gel (9). Par prudence on évitera chez le sujet
âgé l'énanthate de testostérone, qui expose plus, via la stimulation
de l'hématocrite, au risque de thrombose, y préférant le gel et l'undécanoate.
Les indications du gel de DHT sont
aujourd'hui limitées aux traitements courts, ou locaux (micropénis, gynécomastie),
ainsi qu'à certaines situations où l'on souhaite éviter l'aromatisation
en œstradiol (hépatopathie, prolactinome).
Risques du traitement androgénique (10)
Risques prostatiques
Qu'il s'agisse de la stimulation d'une hypertrophie
bénigne ou de celle d'un cancer méconnu, on dispose aujourd'hui d'assez
de TRAITEMENT
ANDROGéNIQUE SUBSTITUTIF CHEZ L'HOMME EN
2003 251
recul pour estimer ces risques modestes, au
moins dans la limite du maximum de 3 ans qu'ont duré les essais thérapeutiques
avec groupe témoin réalisés avec la meilleure méthodologie.
Particulièrement ni le volume prostatique mesuré échographiquement,
ni les taux de PSA total ou libre n'ont augmenté dans ce délai au-delà
des valeurs de l'homme eugonadique. La prudence reste cependant de mise.
Risques vasculaires
En dépit de l'opinion générale
qui veut que les androgènes soient dangereux pour système cardio-vasculaire
et responsables de l'espérance de vie plus courte des hommes, nombreuses sont
les données récentes qui suggèrent que c'est plutôt l'hypogonadisme
qui est un facteur de risque vasculaire, et que la testostérone peut exercer
des effets bénéfiques pour les artères (particulièrement effets
coronarodilatateur et anti-ischémique). Dans la limite des 3 ans précités,
les essais contrôlés n'ont pas trouvé de surmortalité cardio-vasculaire
sous androgénothérapie, y compris chez le sujet âgé. Certains
risques ont cependant été démontrés en cas de surdosage : rétention
hydrique, facteur de prise de poids, d'hypertension artérielle et de décompensation
d'une insuffisance cardiaques préexistante, et stimulation de l'érythropoïèse,
génératrice de polyglobulie et d'une augmentation de l'hématocrite
exposant au risque de thrombose. Le traitement androgénique peut aussi renforcer
un syndrome des apnées du sommeil préexistant, ce qui serait susceptible
d'augmenter la polyglobulie et le risque de thrombose.
Risques liés à la stimulation
d'une pathologie sensible aux oestrogénes : Ils sont propres aux androgènes
aromatisables : cancer du sein, gynécomastie, et adénomes hypophysaires
à cellules à prolactine, lorsque l'hyperprolactinémie est mal contrôlée
par les agonistes dopaminergiques.
Bilan préalable au traitement androgénique
Il s'agit de faire le point des symptômes
du déficit androgénique, de façon à pouvoir évaluer leur
évolution sous traitement, et de repérer une éventuelle contre-indication,
ou une pathologie justifiant une surveillance plus particulière.
Les symptômes cliniques de déficit
androgénique les plus utiles pour surveiller l'évolution sont :
252 J. BUVAT
• en cas d'hypogonadisme
primaire, le morphotype, initialement gynoïde, la taille, le stade de la pilosité,
le développement musculaire et celui des organes génitaux externes, la
voix ;
• dans tous les cas la
forme physique et psychologique, la sensation de bien être, l'humeur, l'appétit
sexuel, les érections matinales et coïtales, tous paramètres généralement
altérés chez l'hypogonadique non équilibré.
Le poids et la tension artérielle
(TA) doivent également être relevés, tandis que les seins doivent
être palpés et qu'un toucher rectal (TR) sera systématiquement pratiqué
après 40 ans.
Les examens biologiques préalables
comportent une Numération Formule (NF), révélant souvent une anémie
modérée, un bilan lipidique, et après 40 ans un taux de Prostatic
Specific Antigen (PSA). Une densitométrie osseuse peut être utile chez
certains sujets âgés.
Contre-indications et situations à risque (11)
Un traitement androgénique est contre-indiqué
en cas de :
• cancer de
la prostate ;
• cancer du
sein ;
• polyglobulie
;
• insuffisance
cardiaque sévère.
ll ne doit être utilisé que
sous surveillance étroite en cas de :
• symptomatologie
prostato-urinaire ;
• syndrome des
apnées du sommeil ;
• hyperlipidémie
;
• hyperprolactinémie
mal contrôlée.
Surveillance (11)
Première consultation après 1 à
3 mois :
• degré
de correction des symptômes de déficit androgénique ;
• tolérance
clinique (poids, TA, TR après 40 ans ) ;
• dosage de
la testostérone plasmatique 12 à 24h après l'application du gel ou
la pose du patch, conduisant s'il y a lieu à modifier la dose. Sous Enanthate
de testostérone le dosage serait fait le matin précédant la nouvelle
injection, conduisant s'il y a lieu à espacer ou rapprocher les injections.
Le dosage de testostérone n'a pas d'utilité en cas de traitement par l'undécanoate
de testostérone ; TRAITEMENT
ANDROGéNIQUE SUBSTITUTIF CHEZ L'HOMME EN
2003 253
• PSA après 40
ans.
Consultations suivantes tous les 6 mois pendant
2 ans puis tous les ans :
• symptomes
de déficit androgénique et tolérance clinique ;
• NF ;
• TR et PSA
après 40 ans ;
• éventuellement
dosage de testostérone ;
• dans certains
cas particuliers, répétition de la densitométrie osseuse après
2 ans.
Conclusions
Le bien fondé du traitement androgénique
substitutif ne se discute pas chez l'hypogonadique jeune. Il va non seulement améliorer
sa qualité de vie mais également prévenir des conséquences sérieuses
comme l'ostéoporose et peut-être des maladies cardio-vasculaires. De plus
on dispose d'assez de recul pour affirmer que ce traitement n'entraîne qu'exceptionnellement
des complications à cette période de la vie. Son indication dans le déficit
androgénique du sujet âgé est encore controversée. Un nombre
maintenant important d'études contrôlées y ont démontré
des bénéfices en termes de qualité de vie et d'amélioration
de la composition corporelle et de la densité osseuse, tandis qu'à condition
d'une sélection prudente des indications et d'une adaptation de la posologie
au minimum nécessaire, la tolérance y est également bonne. Les effets
indésirables s'avérent, dans la limite du maximum de 3 ans qu'ont duré
les meilleures études, prévisibles, et gérables sans difficulté
majeure.
On doit cependant garder à l'esprit
les rebondissements de l'évolution du concept de traitement substitutif de
la ménopause. Voici seulement 5 ans beaucoup juraient encore qu'il protégeait
le système cardio-vasculaire et n'avait pas d'impact sur le risque de cancer
du sein. Il a fallu 30 ans, et les résultats de la première étude
prospective randomisée comparant traitement hormonal substitutif et placebo,
pour réaliser qu'il pouvait en réalité, dans certaines conditions,
au contraire augmenter significativement le risque de thrombose artérielle
ou veineuse, et celui de se voir diagnostiquer un cancer du sein. Chez l'homme aussi
il faudra disposer d'études prospectives et randomisées portant sur de
grandes cohortes avant de conclure à l'innocuité de la supplémentation
androgénique du sujet âgé. Aujourd'hui on peut être rassurant
jusque 3 TRAITEMENT
ANDROGéNIQUE SUBSTITUTIF CHEZ L'HOMME EN
2003 255
ans de traitement. Mais au-delà nous avons
besoin de plus d'informations objectives.
Bibliographie
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