Troubles des règles de l'adolescente
: les progestatifs à l'honneur
Charles SULTAN, Claire JEANDEL et Françoise
PARIS
L'apparition des premières règles
chez l'adolescente, qui se situe à 12-6 mois en France, ne traduit pas pour
autant, la fin de la maturation hypothalamo-hypophyso-ovarienne.
Dans la majorité des cas, il faut
attendre 12 à 18 mois pour que les cycles soient réguliers et que s'établisse
l'ovulation. C'est dire que les troubles de l'installation des règles qui surviennent
dans l'année / les années qui suivent la ménarche sont d'origine
fonctionnelle : leur persistance au-delà de l'âge de 14-15 ans impose
une prise en charge active (8). Il peut s'agir (3) de cycles longs (spanioménorrhées),
d'hémorragies utérines fonctionnelles (métrorragies), d'absence prolongée
de règle (aménorrhée) ou de règles douloureuses (dysménorrhées).
1. Les spanioménorrhées (cycles > 40 jours)
Elles sont très fréquentes chez l'adolescente
: il importe de rechercher des signes cliniques d'hyperandrogénie (acné,
hirsutisme), une galactorrhée, mais surtout actuellement, un contexte de stress,
une perte de poids, qui va de pair avec une sélectivité alimentaire ou
une activité physique exagérée. A l'interrogatoire, il sera utile
de faire préciser les antécédents médicaux ou chirurgicaux de
l'adolescente et de rechercher une radiothérapie ou une chimiothérapie,
volontiers occultée. Les investigations complémentaires se limiteront
aux dosages de la prolactine, de la testostérone et de la LH plasmatique et
à la réalisation d'une échographie pelvienne permettant de visualiser
la structure ovarienne. Les causes des spanioménorrhées figurent sur le
tableau 1 par ordre croissant de fréquence. Après avoir éliminé
un SOPK 92 C.
SULTAN, C. JEANDEL et F. PARIS (5)
ou une cause organique, il est légitime de prescrire un progestatif du 16e
au 25e jour de cycle. On choisit dans ce cas, un progestatif dénué
d'effet secondaire, soit dérivé de la progesterone (Duphaston 10 à
la dose de 2 comprimés par jour), soit des dérivés pregnane
(Luteran 5 à raison de 2 comprimés par jour ou de la progesterone
micronisée (Utrogestan 200 mg, 1 comprimé par jour).
2. Les hémorragies utérines fonctionnelles (4)
Ou métrorragies sont moins fréquentes
mais prennent parfois une allure dramatique soit par leur caractère cataclysmique,
soit par leur retentissement sur l'état général. A l'interrogatoire,
il sera nécessaire de connaître la date d'apparition de ces règles
anormales par leur abondance, leur durée, leur fréquence par rapport à
la ménarche, de rechercher une trouble de l'hémostase dans les antécédents
personnels ou familiaux, l'existence de douleurs abdomino-pelviennes. L'examen clinique
recherchera la présence de petechies, d'hématome ; L'examen gynécologique
n'est indiqué que dans la recherche d'une cause organique ou d'une infection
; Le bilan comportera systématiquement une numération formule sanguine,
et selon l'orientation diagnostique une analyse des facteurs de coagulation. Seule,
l'élimination d'un trouble de l'hémostase (20-25 % des cas) ou d'une infection
gynécologique autorise à retenir le caractère fonctionnel
de ces hémorragies utérines (1). Le traitement hormonal, relativement
bien codifié, dépend de l'importance de l'hémorragie.
• mineure :
règles trop abondantes, trop fréquentes (2/mois). Un traitement progestatif
séquentiel (du 16e au 25e jour) doit être entrepris.
La progesterone micronisée ou mieux encore la dihydrogestérone (Duphaston)
est prescrite (car l'inhibition des gonadostimulines n'est pas souhaitée) ;
Tableau 1 : Étiologie des spanioménorrhées
de l'adolescente. 1. Insuffisance
ovarienne partielle
2. Insuffisance gonadotrope incomplète
3. Hyperprolactinémie
4. Hyperandrogénie
• f. tardive
de bloc en 21-hydroxylase
• syndrome
des ovaires micropolykystiques
• hyperandrogénie
ovarienne fonctionnelle ± transitoire
5. Insuffisance lutéale
+++ TROUBLES
DES RèGLES DE L'ADOLESCENTE : LES PROGESTATIFS
à L'HONNEUR 93
• moyenne avec retentissement
sur le taux d'Hb : un traitement progestatif séquentiel est institué d'emblée
, le choix se portera ici vers des progestatifs dérivés norpregnanes
(type Surgestone) dont les effets anti-prolifératifs sur l'endomètre sont
particulièrement marqués. Il sera associé à des produits anti-hémorragiques
et à une supplémentation martiale ;
• majeure avec parfois
nécessité de transfusion sanguine : l'administration d'strogène
conjugué permet l'arrêt de l'hémorragie (1 ampoule de Premarin 20
mg IV, 2 ou 3 fois, à 4 heures d'intervalle). Un relais par une prescription
d'stroprogestatif est indiqué immédiatement
3. L'aménorrhée primitive (6)
Ou secondaire doit être prise en compte dès
l'âge de 14 ans et demi : dans notre étude épidémiologique portant
sur l'âge de la menarche en France, 95 % des adolescentes ont eu à
14 ans leurs premières règles. L'examen clinique représente une étape
décisive dans l'orientation diagnostique d'une aménorrhée de l'adolescente.
Il faudra évaluer le développement de la glande mammaire, l'importance
de la pilosité pubienne et rechercher des signes d'hyperandrogénie. L'évaluation
de la taille et du poids est indispensable. L'analyse des antécédents
personnels de l'adolescente et notamment la notion de maladies générales,
d'une chimiothérapie ou d'un traitement radiothérapique antérieur
sont riches d'enseignement. Il faudra également évaluer le degré
de stress, le niveau d'activité physique et l'apport calorique global. Les
investigations complémentaires comportent un dosage de la FSH, prolactine et
testosterone plasmatiques, une échographie pelvienne et la réalisation
systématique d'un caryotype qui orientera le diagnostic (et le traitement)
selon qu'il est normal (XX) ou anormal (X0 ou XY). Compte-tenu du retentissement
de l'hypoestrogénie sur l'acquisition de la masse osseuse à l'adolescence
et quelque soit le contexte qui accompagne cette aménorrhée à caryotype
XX, un traitement stro-progestatif séquentiel (strogène naturel et didroprogesterone)
doit être instauré.
4. La dysménorrhée primaire
Elle qui accompagne 20-25 % des règles de
l'adolescente doit être quantifiée en fonction d'un score clinique (tableau
2). Elle résiste 94 C.
SULTAN, C. JEANDEL et F. PARIS peu
au traitement classique par anti-inflammatoire non stéroidien (7). Rappelons
que la didrogesterone (Duphaston) s'est avérée particulièrement efficace
chez des adolescentes qui présentent une dysménorrhée associée
à des spanioménorrhées.
Au total, les règles sont liées
aux représentations de la féminité, de la fécondité : tous
dérèglements, irrégularités, absences, vont susciter interrogation,
inquiétude, préoccupation. C'est dire combien il faut savoir dédramatiser,
expliquer et surtout rassurer l'adolescente.
De plus, l'arsenal thérapeutique
est suffisamment large, les traitements sont actuellement mieux codifiés (2)
et les conséquences à moyen / long terme sur l'avenir gynécologique
de la femme des troubles des règles sont tels qu'ils justifient, sans conteste,
leur prise en charge chez l'adolescente à partir de l'âge de 15 ans.
Bibliographie
[1] BRAVENDER T. and
EMANS S.J. Menstrual disorders : dysfunctional uterine bleeding. Pediatric
Clinics of North America 1999, 46 ; 3 : 545-553.
[2] COLLE M. Troubles
des règles de l'adolescente : les progestatifs à l'honneur. La puberté
féminine et ses désordres, Eds Eska, 2000 : 203-205.
[3] COUPEY S.M.
AND AHLSTROM P. Common menstrual disorders. Pediatric Clinics of North
America, 1989, 36 ; 3 : 551-571.
[4] CRAVELLO
L., ROGER V., PORCU G., D'ERCOLE C., BLANC B. Les troubles de la
menstruation : les hémorragies fonctionnelles. Reproduction Humaine et Hormones,
1998, XI, 2 : 149-152. Tableau
2 : Définition du score clinique de la dysménorrhée de l'adolescente
|
˙Symptômes |
˙Très important |
˙Important |
˙Modéré |
˙Nul |
|
˙Douleurs pelviennes |
˙3 |
˙2 |
˙1 |
˙0 |
|
˙Lombalgies |
˙3 |
˙2 |
˙1 |
˙0 |
|
˙Céphalées |
˙3 |
˙2 |
˙1 |
˙0 |
Vomissements 3 2 1 0 nausées
Diarrhées, 3 2 1 0 troubles
transit
Asthénie |
˙3 |
˙2 |
˙1 |
˙0 |
˙Irritabilité |
˙3 |
˙2 |
˙1 |
˙0 |
˙Vertiges |
˙3 |
˙2 |
˙1 |
˙0 |
˙Myalgies |
˙3 |
˙2 |
˙1 |
˙0 |
˙Lipothymies |
˙3 |
˙2 |
˙1 |
˙0 |
˙Absentéisme |
˙5 |
˙3 |
˙2 |
˙0 |
TROUBLES
DES RèGLES DE L'ADOLESCENTE : LES PROGESTATIFS
à L'HONNEUR 95
[5] GORDON C.M. Menstrual
disorders in adolescents. Excess androgens and the polycystic ovary syndrome. Pediatric
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[8] Sultan Ch., B.
Blanc : Les troubles du cycle menstruel. Panorama du Médecin, mars 2002,
n° 4838 : 42-43. |