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Titre: Conduite à tenir devant une plaie urinaire en cours d'opération gynécologique
Année: 2002
Auteurs: - Dargent D.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Chirurgie gynécologique

CONDUITE A TENIR DEVANT UNE PLAIE URINAIRE
AU COURS D'UNE OPERATION GYNECOLOGIQUE

D.DARGENT


Les gynécologues opèrent de plus en plus, ne serait-ce qu'en raison de l'augmentation de l'espérance de vie qui, chaque année, leur offre une nouvelle clientèle. Mais les urologues voient de moins en moins de fistules et autres complications urinaires consécutives à un acte chirurgical portant sur les organes génitaux féminins. Et pourtant les rapports anatomiques entre les organes génitaux féminins et les organes urinaires n'ont pas changé (à ma connaissance). Ces rapports font du risque urinaire un des risques majeurs de la chirurgie gynécologique (ce risque est attaché à la chirurgie gynécologique comme le péché originel est attaché à la nature humaine disait fort joliment Frank Novak). Mais les gynécologues d'aujourd'hui savent mieux reconnaître et réparer les plaies et contusions qui, inévitablement, surviennent à l'occasion des opérations qu'ils pratiquent. J'ai donc bien conscience, dans les lignes qui suivent, d'enfoncer des portes ouvertes.

PLAIES DU DÔME VÉSICAL

Le problème des plaies du dôme vésical est le plus facile. Ces plaies sont l'apanage de la chirurgie par voie haute (laparotomie et laparoscopie). Elles sont plus fréquentes dans les opérations itératives. Il faut en particulier se méfier des opérations faites par laparotomie ou par laparoscopie chez une femme antérieurement opérée par incision de Pfannenstiel. Le surjet qui, dans cette incision aussi classique que démodée, ferme de haut en bas le péritoine pariétal antérieur a tendance à attirer vers le haut le dôme vésical.
Les plaies du dôme vésical peuvent se voir aussi dans les opérations où le péritoine est détaché du détrusor comme dans l'hystérectomie faite d'avant en arrière dans le cadre de l'opération de Hudson (ou oophorectomie radicale) pratiquée pour extirper des masses pelviennes cancéreuses fixées à l'utérus et au fond du Douglas.
La réparation d'une plaie du dôme vésical se fait avec un fil résorbable tressé (vicryl ou autre) ou non tressé (PDS ou autre). La ligne sur laquelle les points sont alignés peut être indifféremment verticale, horizontale ou oblique car la compliance du dôme vésical est très grande. On peut indifféremment faire un plan ou deux plans. Ma préférence va au monoplan en aiguillant toute la paroi sauf la muqueuse (comme pour la suture intestinale).
La suture doit être faite dès la plaie découverte. Il faut, en fin d'intervention, en contrôler l'étanchéité en distendant la vessie avec du sérum physiologique éventuellement additionné de bleu de méthylène. Un drainage doit être mis en place. Si les urines sont sanglantes il faut veiller soit à faire des lavages réguliers soit à mettre en place une sonde à double canal permettant les lavages continus. Dès que les urines sont claires la sonde peut être retirée.

PLAIES DE LA BASE VÉSICALE

Les plaies de la base vésicale sont beaucoup plus préoccupantes que les plaies du dôme car elles peuvent aboutir, quand elles surviennent dans le cours d'une hystérectomie, à une fistule vésico-vaginale. On les observe aussi bien dans les hystérectomies par voie haute (laparotomie ou laparoscopie) que dans les hystérectomies par voie basse. La fréquence relative de ce type d'accident est diversement appréciée. L'exemple de l'hystérectomie laparoscopique, la dernière apparue sur le marché, démontre que, plutôt que la voie d'abord, c'est l'expérience du chirurgien qui compte avant tout.
La plaie de la base vésicale, quelle que soit la voie d'abord utilisée pour réaliser l'opération, survient au moment où la vessie est séparée de la face antérieure du vagin. On ne la voit jamais dans l'hystérectomie supra-vaginale (ou sub-totale). C'était un argument important de ceux qui défendaient l'hystérectomie sub-totale dans le cadre de l'hystérectomie par laparotomie. C'est à nouveau le cas depuis que la voie laparoscopique est devenue à la mode. Les plaies de la base vésicale sont l'apanage des hystérectomies totales. On les dit moins fréquentes dans l'hystérectomie extra-fasciale que dans l'hystérectomie intra-fasciale. C'est une donnée contestable et contre laquelle je m'inscris, personnellement, en faux. Le risque est plus grand dans les hystérectomies élargies. Dans ce type d'hystérectomie on extirpe le tiers supérieur du vagin. Celui-ci est fixé à la base vésicale par le septum vésico-vaginal qui est épais, spécialement aux trois angles du trigone : orifices urétéraux et col vésical.
Contrairement aux plaies du dôme vésical qui, dans la plupart des cas, sont des plaies franches intéressant toutes les couches de la paroi vésicale, la plaie du dôme est en général une plaie contuse. L'ouverture de la muqueuse ne se fait qu'après une fausse route plus ou moins longue au sein de la paroi vésicale. Cette ouverture de la muqueuse, très souvent, ne survient qu'en fin d'intervention. Le chirurgien accuse volontiers l'aide car c'est l'extrémité des valves qui semble être responsable de l'ouverture de la vessie alors qu'en réalité cette ouverture s'est faite bien avant.
La prévention des plaies de vessie, quelle que soit la voie d'abord utilisée, réside dans la correcte exposition du septum vésico-vaginal. Il faut tirer franchement, dans le rayon de midi, soit sur le péritoine vésical quand on opère par en haut, soit sur la lèvre supérieure de l'incision vaginale quand on opère par en bas. L'utérus, dans le même temps, est tiré en sens inverse. Cette traction et cette contre traction mettent en évidence un rideau conjonctif (les opérateurs vaginalistes parlent de "cloison supra-vaginale"). Ce rideau a une forme triangulaire. C'est au centre du rideau qu'il faut, avec les ciseaux manipulés convexité tangente à la vessie et extrémité perpendiculaire à l'utérus, ouvrir le septum en son centre. Quand on a fait la manœuvre correctement on découvre un tissu cellulaire lâche qui cède sous la pression des ciseaux fermés puis du doigt puis de la valve. Les antécédents de césarienne, quelle que soit la voie d'abord utilisée pour faire l'hystérectomie, augmentent évidemment le risque vésical au cours de ce temps de l'intervention. Il faut s'en méfier terriblement. La prudence impose même de faire, chez toute femme ayant un tel antécédent de terminer par une épreuve d'étanchéité.
La suture d'une plaie de la base vésicale se fait selon les mêmes règles énoncées pour les plaies du dôme. La technique monoplan est ici encore plus intéressante qu'au niveau du dôme vésical car une suture en plusieurs plans risque de couder les uretères. Il est de toute façon, pour éviter une pareille coudure, recommandé, avant de faire la suture et d'autant plus que la plaie est plus longue, de monter des sondes urétérales qui seront enlevées dès la suture terminée. Un dernier détail est important : la suture, qu'on fasse des points séparés ou un surjet, doit être faite dans le sens transversal pour éviter, précisément, l'effet de torsion des portions intra murales des uretères.
Contrairement aux plaies du dôme qui doivent être suturées dès qu'elles sont reconnues, les plaies de la base vésicale ne doivent être fermées qu'une fois l'intervention complètement achevée. Si on les ferme immédiatement on soumettra les sutures, pendant les temps ultérieurs de l'opération, à des tractions qui les fragilisent. Il est, certes, désagréable de voir l'urine se répandre dans le champ opératoire pendant toute l'intervention. Cet écoulement semble accuser la maladresse de l'opérateur qui n'a qu'une hâte : faire tarir l'écoulement. C'est une erreur à éviter.
L'épreuve d'étanchéité est évidemment obligatoire. Le drainage l'est aussi. La conduite à tenir en cas d'hématurie est celle énoncée plus haut. Mais il est imprudent de supprimer le drainage aussitôt les urines devenues claires. La bonne règle impose, pour les plaies de la base vésicale qui, dans la plupart des cas, sont des plaies contuses, de maintenir le drainage pendant 21 jours (ce qui ne signifie pas nécessairement de garder la patiente à l'hôpital pendant 21 jours). On peut abréger la durée du drainage en faisant au 10ème jour une épreuve d'étanchéité radiologique. La vessie est distendue avec un liquide opaque jusqu'à ce que le besoin de miction soit ressenti. On tire des clichés de profil et dans les deux positions obliques. Si une fuite est constatée le drainage doit être laissé en place plus longtemps.
Quand, malgré les précautions prises, une fistule vésico-vaginale apparaît la première règle est celle de la patience. Ce n'est facile ni pour le chirurgien ni, surtout, pour la malade. Mais il ne faut pas réintervenir avant que les bords de la fistule soient "ourlés". On maintient donc le drainage vésical qui, dans la plupart des cas, draine une partie importante de l'écoulement urinaire et limite la souillure des protections que la patiente doit porter. Et on doit de 10 jours en 10 jours surveiller la cicatrisation du fond du vagin. Il faut en général deux mois pour que cette cicatrisation soit suffisamment stabilisée pour envisager la fermeture.
La fermeture des fistules vésico-vaginales quand elles surviennent dans les suites d'une hystérectomie totale simple, que cette dernière ait été réalisée par la voie haute (laparotomie ou laparoscopie) ou par la voie basse, peut être faite facilement par le gynécologue s'il connaît le procédé de Latsko qui n'est autre qu'un colpocleisis haut. La muqueuse vaginale est avivée autour de l'orifice fistuleux sur une surface circulaire de trois à quatre centimètres de diamètre. Les parois musculaires vaginales avivées sont adossées l'une à l'autre par une série de 4 à 6 points de fil non résorbable alignés transversalement. Un surjet transversal réalisé sur la muqueuse vaginale vient compléter le montage. Les gynécologues sont parfaitement capables de faire cette opération qui est réalisée en une vingtaine de minutes. En cas de fistule sur tissus irradiés les choses sont bien différentes et il est prudent de confier la patiente à un urologue spécialisé.

PLAIES DE L'URETÈRE

Les traumatismes de l'uretère sont plus préoccupants que les traumatismes de la vessie dans la mesure où ils peuvent compromettre la fonction rénale. Ils peuvent survenir à différents moments de différentes opérations gynécologiques. Au cours des annexectomies difficiles (annexes adhérentes ou franchement incluses dans le ligament large) l'uretère pelvien peut être blessé au cours du traitement du ligament infundibulo-pelvien. Dans les hysterectomies elargies le risque de traumatisme urétéral est la préoccupation majeure au cours du décroisement entre l'uretère et l'artère utérine. Dans l'hystérectomie totale simple le risque urétéral est en principe très faible puisque les tractions sur l'utérus ouvrent (quand on opère par en haut) ou ferment (quand on opère par en bas) la crosse de l'artère utérine et étirent la branche afférente de cette crosse, branche sur laquelle portera la dissection, la ligature puis la section. Dans les hystérectomies élargies l'uretère est à nouveau mis en danger dans sa portion dite pré ligamentaire. La section des ligaments vésico-utérins qui est pratiquée avant d'abaisser (ou d'élever quand on opère par en bas) le trigone vésical se fait au ras du point où l'uretère pénètre dans la vessie.
Les sections franches de l'uretère sont, en principe, faciles à dépister et à traiter. S'il s'agit d'une plaie, en général longitudinale ou oblique, n'intéressant pas toute la circonférence on peut, en introduisant en va et vient une sonde double crosse dont l'extrémité supérieure est poussée jusqu'au bassinet et l'extrémité inférieure descendue jusque dans la vessie, faire la suture en quelques points d'un fil résorbable mono filament fin (monocryl 0000 par exemple). S'il s'agit d'une section circonférentielle la conduite à tenir dépend de la distance entre cette section et l'orifice urétéral. Si la distance est supérieure à 2 cm on peut faire, sur une sonde double J une suture aux points séparés de monocryl 4.0. Si la distance est inférieure à 2 cm il faut procéder à une réimplantation. Chacun ici procède en fonction de son expérience personnelle. Je pense que la suture urétérale directe est à la portée de tous les gynécologues. Certains sont même capables de la faire sous cœlioscopie. La réimplantation, en revanche, demande souvent le concours d'un urologue. Quoi qu'il en soit le maintien de la sonde double crosse est obligatoire pour deux mois. Quelques jours après son ablation qui est faite tout simplement par cystoscopie une urographie intraveineuse doit être demandée.
La ligature de l'uretère est un accident rare mais toujours possible. Les contusions et dévitalisations sont plus fréquentes. Elles aboutissent à la même conséquence qui est la fistulisation et/ou la sténose. Les fistules sont faciles à dépister. Les sténoses le sont beaucoup moins.
Quant une fistule urinaire apparaît dans les suites d'une hystérectomie qui, en apparence, s'est bien passée il faut d'abord vérifier que l'écoulement vaginal est bien un écoulement d'urines. On fait pour cela un "test au bleu" : un tampon est installé dans le vagin, un comprimé de bleu de méthylène est donné à la patiente et le tampon est retiré quelques heures plus tard. La réalité de l'écoulement urinaire étant confirmée c'est à l'urographie intraveineuse qu'il faut s'adresser immédiatement. Les tests d'instillation intra vésicale, certes, peuvent mettre en évidence une fistule vésico-vaginale. Mais leur positivité n'indique nullement que l'uretère ou les uretères ne sont pas également concernés. L'urographie intraveineuse, d'un autre côté, en même temps qu'elle permet le diagnostic des fistules urétéro-vaginales, permet le diagnostic des fistules vésico-vaginales.
La conduite à tenir en présence d'une fistule démontrée par l'urographie est relativement simple. Le traitement endoscopique doit toujours être tenté. Il réussit très souvent. En cas d'échec il faut recourir à l'urétérocystonéostomie. Contrairement aux fistules vésico-vaginales les fistules urétéro-vaginales peuvent et doivent être traitées dès leur diagnostic fait.
Les sténoses de l'uretère posent un problème beaucoup plus difficile que les fistules. Elles sont en effet volontiers muettes. L'urographie seule permet de les dépister. Il faut faire cette urographie dans les suites de toutes les opérations à risque. C'est une règle pour les hystérectomies élargies (tout en sachant qu'il ne faut pas faire cette urographie trop précocément car l'atonie-dilatation des voies excrétrices du rein est constante pendant les premières semaines qui suivent une hystérectomie élargie : c'est à la sixième semaine que l'examen doit être demandé). Les novices, quand ils commencent à faire des hystérectomies totales simples laparoscopiques, sont bienvenus également de demander systématiquement une urographie intraveineuse de contrôle.

CONCLUSION

Etait évoquée en introduction de ce papier la collaboration entre gynécologues et urologues dont le champ s'est rétréci depuis que les gynécologues opèrent mieux. Il y aura en fait toujours une nécessité de collaboration. Le traitement des fistules, en principe, appartient aux urologues et spécialement les fistules urétéro-vaginales dont le traitement doit être, en première intention, un traitement endoscopique. Pour les fistules vésico-vaginales après hystérectomie le gynécologue me paraît personnellement plus qualifié puisque le colpocleisis selon Latzko est la bonne réponse et que les gynécologues, en général, maitrisent mieux la chirurgie vaginale.
Concernant l'appel à l'urologue au cours des opérations gynécologiques chacun doit connaître ses propres limites et ne pas hésiter à faire appel à un collègue s'il a des doutes.