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Titre: L'image en gynécologie Obstétrique
Année: 1994
Auteurs: - Allart J.-P.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Imagerie foetale

Video forum et l'image en gynecologie-obstetrique

Coordination par P. MADELENAT, J.B. DUBUISSON, F. PIERRE et J.P. ALLART.

Progrès de la médecine par l'image

Il est certes difficile de présenter un vidéo forum sous la forme d'un texte.

Pourtant l'esprit dans lequel nous avons voulu cette cession bien particulière avec A. IOAN et M. AZOULAY est très clair : nous avons l'ambition d'amener chaque participant à des réflexions sur la révolution des méthodes d'imagerie en médecine et surtout en gynécologie-obstétrique.

L'image a envahi notre quotidien tant privé, par les médias que professionnel par les documents d'information d'enseignement. La médecine et surtout la gynécologie et la chirurgie coelioscopique n'échappe pas à cette forme d'impérialisme.

1 - POURQUOI L'IMAGE EST-T'ELLE DEVENUE NOTRE OUTIL DE TRAVAIL QUOTIDIEN ET INDISPENSABLE ?

L'image en médecine suscite certes beaucoup d'interrogations mais elle apporte des réponses à des difficultés de communication entre diverses spécialités.

Historique :

Le regard objectif sur les conséquences visibles des maladies a été vraisemblablement aux origines de la médecine moderne. Ce fut au début, la seule source d'information, du fait des acquisitions tardives donc très récentes datant du 19ème siècle, des sciences chimiques et biologiques.

"L'image du corps humain" a subi des développements progressifs qui sont passés par des phases sombres avec des périodes de régression scientifique. Il n'en faut pour preuve que les dogmes et interdits religieux qui gênèrent à la Renaissance le développement d'une approche objective du corps humain et de ses grandes fonctions. (La saignée, les lavements, les représentations des écorchés étaient les seules actes objectifs).

Au 18ème siècle, c'est en France que les ouvrages de gynécologie et d'obstétrique ont été les précurseurs de l'illustration dans les livres de médecine.(Beaudelocque 1796)

Entre les deux guerres mondiales, la photographie a fait son apparition dans les ouvrages de médecine et de chirurgie.(photographie de tumeurs abdominales, de lésions dermatologiques ou schémas réalistes de lésions ovariennes, tubaires ou intestinales dans les "diagnostics urgents de l'abdomen d'Henri MONDOR".

Puis à partir des années 50, la représentation graphique ou figurative a repris son développement peut être fort de l'adage chinois : "un dessin vaut mieux que mille mots".

La médecine devait approcher des pathologies en utilisant tous les sens de l'homme, mais le regard restait quasi accessoire : l'inspection initiait certes la démarche diagnostique, la palpation donnait le sens des pathologies internes, cachées dans les profondeurs du corps, la percution et l'auscultation préfigurait l'utilisation de multiples sortes de vibrations (sonores, ultra sonores, électromagnétiques, magnétiques...)

La chirurgie a ensuite démontré constamment son besoin de représentation graphique et spatiale des objets, de son action : la radioscopie et la radiologie puis l'anatomie pathologique, la pathologie et ses aspect macroscopiques et microscopiques.

La microscopie a amplifié le rôle de l'image dans l'élaboration mentale de l'entité pathologique.

Ainsi certains contingents cellulaires normaux ou tumoraux, objectivés par des techniques de coloration puis par des anticorps fluorescents, ont généré des images très signifiantes d'une beauté souvent surprenante, enrichissant les descriptions très codées des anatomopathologistes.

La microscopie électronique, les images ultrasonores puis le foisonnement d'images traitées par l'ordinateur avec les dernières nées : scanner, résonance magnétique et la morphométrie, ont littéralement envahi le champ des représentations de l'anatomie et de la pathologie.

En somme, le regard retrouve sa puissance diagnostique. Cependant, il est médié de plus en plus souvent par des systèmes de calcul ou de transmission qui modifient notre relation quotidienne avec le patient, ses organes et sa pathologie.

 

Depuis les fresques de scènes médicales de la chine ancienne ou de la Grèce antique jusqu'aux tableaux anatomiques de Léonard DE VINCI, puis aux images électroniques vidéoscopiques transportées sur des écrans, dans la chirurgie endoscopique, il y a une démarche commune : comprendre par l'image pour mieux adapter le geste thérapeutique à l'objet pathologique.

Certes, cette révolution est ressentie par nous tous comme un progrès mais nous ne savons pas où cette démarche peut nous mener.

2 - Valeur scientifique et ethique de l'image

Tous nous chantent les louanges des techniques modernes de visualisation ; pourtant une réflexion indispensable doit être mise en marche. Comment être sûr que ces images médiates, qui agissent et se produisent grâce à un intermédiaire et sont de vrais outils fidèles à la réalité sur laquelle nous souhaitons agir.

Comment établir des règles qui permettent de bien utiliser les images sans trop d'erreurs ou de dérives.

Quelle méthodologie utiliser pour encadrer les découvertes, les nouveaux sens ou les nouvelles séméiologies qui sont produites par ces outils d'analyse de forme.

Il faut en effet revenir au fonctionnement du cerveau humain qui identifie une image en la reliant à une collection de formes génériques dans laquelle il faudra piocher celle qui est la plus proche de la forme observée extemporanément.

Par définition, une image endoscopique est toujours nouvelle unique et trompeuse. Elle est empreinte de subjectivité.

Pourtant l'expérience va aider à limiter les erreurs d'interprétation, elle va de plus s'organiser en un thesaurus de connaissances qui permettra une précision croissante du diagnostic.

Or, un danger est certain : la tendance actuelle est de privilégier le score lésionnel pour aider à la décision de l'indication opératoire.

La possibilité d'enregistrer des images peut conduire à s'autoriser une baisse de vigilance ou d'attention.

Un danger, déjà observé, est de remplacer un compte rendu opératoire par un cliché sorti sur "imprimante couleur" !

Toute la logique intellectuelle de l'exploration s'évanouit pour les praticiens qui vont revoir une image sans le soutient sémantique et sémiologique qui lui a donné corps. La démarche perd son sens même pour l'opérateur lui-même au bout de quelque temps : c'est l'effet de l'oubli naturel des images.

Pourtant la compréhension de la physiopathologie, de l'évolutivité repose sur une réflexion critique portant sur les aspects lésionnels parfois trompeurs ou faisant l'objet de diagnostics différentiels : par exemple les lésions angiodysplasiques du péritoine pelvien sont facilement prises pour des lésions d'endométriose (seule l'histologie peut redresser le diagnostic).

Or, la coeliochirurgie offre la possibilité de faire un diagnostic global certes appuyé secondairement sur des contrôles cytologiques, histologiques et bactériologiques. Le paysage pelvien va permettre à l'opérateur d'accéder a un jugement global incluant les aspects séquellaires de pathologies anciennes, les aspects de pathologie évolutive, le pronostic, la normalité de certaines structures dont l'architecture macroscopique semble en adéquation avec la fonctionnalité : la trompe en est un bel exemple.

Le grand problème épistémologique est de savoir si l'on ne s'éloigne pas de la réalité de l'organe.

Une image échographique n'a pas les attributs d'une image réelle, c'est à dire rendant compte de la réalité. C'est en quelque sorte une image virtuelle.

Pourtant toutes les techniques d'imagerie conduisent à compléter le regard. Ces techniques maintenant très nombreuses objectivent des secteurs de réalité cachée qui sont "dévoilés" au médecin puis au chirurgien endoscopiste en des spectres successifs.

Le conflit est évident entre le regard et l'image artificielle qui rend compte de propriétés particulières et probables du réel, propriétés qui s'accumulent en strates synergiques de signification.

Toute notre prudence doit porter sur cet éloignement des données immédiates de nos sens qui nous exposent à des pertes de référence. L'exemple le plus saisissant est l'évaluation des dimensions et du volume d'un objet pathologique.

Nous sommes constamment menacés d'erreurs importantes qui peuvent avoir des conséquences graves sur l'indication opératoire.

La technique n'est jamais infaillible. Lequel d'entre nous n'a pas eu une difficulté avec l'épreuve au bleu de telle sorte que l'on annonce une obstruction tubaire en parfaite contradiction avec les images radiologiques d'hystérosalpingographie.

Reconnaître la lésion, la documenter par différentes méthodes d'imagerie, la voir grâce à l'image vidéo, la traiter enfin : voilà la séquence infaillible qu'utilise le chirurgien endoscopiste.

Mais attention, peut-on être grisé et fasciné par l'image, par la technique; risque-t-on de générer des actes en fait non nécessaires ?

Un tableau lésionnel figurant dans une zone limite entre normalité et pathologie : risque de produire des gestes d'exérèses inutiles ; l'hystérectomie "pour elle même" en est un danger possible.

3 - VALEUR DE L'IMAGE VIDEO-ENDOSCOPIQUE ET COELIOSCOPIQUE :

Etudier un organe vivant conduit à méconnaître, le plus souvent, les structures microscopiques de celui-ci.

En effet, il existe un vide théorique réel entre macroscopie et lésion microscopique. Pourtant des modèles nouveaux, utilisés par les mathématiciens théoriciens de la forme et du chaos, permettent de relier des systèmes complexes infiniment petits et leurs formes macroscopiques à des échelles variables.

C'est le principe de la "self similarité" de B. B. MANDELBROT inventeur du concept de fractales.

Cette représentation fractale est extrêmement utile pour appuyer l'interprétation d'images macroscopiques qui par le mécanisme de la similarité a toutes les échelles, constituent un microscope naturel très puissant et assez sûr. Certains mécanismes physiologiques sont repérables en endoscopie.

Pourtant le signal morphologique qui traduit l'action de médiateurs chimiques comme les facteurs de croissance ou de médiateurs de l'inflammation, l'angiogenèse, les anomalies de la vascularisation d'un organe, la visualisation de réseaux self similaires, constituent une source d'informations très précieuse pour l'opérateur.

Nous devons pour chaque cas, avant de quitter l'objet exploré, élaborer une synthèse et une approche de la fonctionnalité de l'organe étudié.

Il faut redécouvrir le regard dont la puissance de "calcul" et de "reconnaissance de forme" est prodigieuse.

Par exemple, visualiser un pavillon tubaire : son nombre de franges, son architecture, ses micro anomalies est un moment essentiel de l'exploration coelioscopique dans le bilan de stérilité.

Pour cela, il faut regarder l'organe dans son milieu naturel ; l'immersion est le seul moyen de le déployer en trois dimensions : les franges fimbriales

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Si l'on analyse la production de nos compte rendus, elle est d'un mécanisme très pauvre. Elle traite les organes comme des entités réduites. (La trompe est fonctionnelle si elle est perméable à un fluide!)

Cette démarche est inévitable. Regarder une trompe laisse dans l'inconnu 90 % de ce qui va faire sa fonction effective.

La révolution des idées doit placer l'exploration dans son champ précis et forcement limité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4 - Aspect juridique de l'image

A qui appartient l'image ?

Peut-on utiliser l'image pour sa défense en cas d'accident ?

Peut-on donner impunément des images de coeliochirurgies au patient ?

Voila des questions qui nous troublent. Elles peuvent modifier notre pratique radicalement dans l'avenir.

 

5 - l'image source d'erreur

L'image construite par une machine fait partie des images cachées et virtuelles qui peuvent être parfaitement dégénérées par rapport à la réalité, (le codage contient tant d'erreurs que la réalité est trahie).

Dans cette situation, il y a perte notable de sens. C'est le cas fréquent de l'échographie.

Cette situation est paradoxale dans la mesure où la démarche est la recherche d'un sens et plus particulièrement d'une valeur diagnostique de l'image.

L'échographie est une méthode très dépendante de l'opérateur : une erreur liée à l'introduction d'une subjectivité qui sort une "mauvaise fiche" et le médecin s'engouffre dans un diagnostic que le raisonnement va essayer de justifier et d 'argumenter.

C'est à ce moment que prend toute sa valeur la notion d'expertise par un autre spécialiste connu pour une compétence particulière dans le domaine qui fait l'objet d'un diagnostic difficile.

En coelioscopie, la chose n 'est pas possible car l'opérateur est en première ligne. Les critique ne peuvent venir de chirurgiens plus jeunes et moins expérimentés

Nous connaissons tous le possible diagnostic génial apporté par la belle intelligence d'un jeune collègue.

Or dans le domaine de l'image, il n'y a que peu de place à ce type de situation.

La formation, l'excellence et l'éthique du chirurgien sont les seules garanties d'un acte honnête, efficace et de dangerosité minimale.

Une des grandes questions est aussi la sauvegarde des images enregistrées qui peuvent être revues ou montrées en cas d'accidents ou de complications.

Il est même des hôpitaux en France où tous les gestes chirurgicaux sont enregistrés dans un but de transparence. Dans les structures de soins où cette démarche a été mise en place, il semble que les comportements des chirurgiens changent et que rapidement cette attitude devienne naturelle.

C'est un équivalent de la boîte noire des pilotes de ligne.

 

6 - En conclusion :

Les prodigieuses avancées de l'image ont à la fois un rôle d'éclaircissement et d'enrichissement de l'objet pathologique de l'organe faisant l'objet de l'investigation.

Cependant, il reste nécessaire de garder une véritable vigilance vis-à-vis de la machine qui élabore ces images.

La notion très essentielle est que l'image électronique passe de plus en plus souvent par la médiation des nombres d'où des modifications possibles de nuances de détails de signification.

Il arrivera que nos successeurs ne verront plus jamais l'intérieur du corps comme nous l'avons côtoyer chaque jour pendant nos années de "chirurgie à ventre ouvert".

Défions-nous des images surtout de leur apparente simplicité, gardons le sens clinique et le sens des responsabilités !

 

 

Docteur Jean-Paul ALLART

Responsable de l'unité de stérilité - PMA des Diaconesses Paris 75012