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1994 > Gynécologie > Ménopause  Telecharger le PDF

Les traitements de la ménopause : motivations et freins face aux THS

M. Buhler

Introduction

Au cours des consultations sur la ménopause, il est apparu que de nombreuses femmes venaient consulter en cachette de leur médecin. C'est pour cette raison qu'une première enquête sur l'attitude personnelle des médecins face aux traitements hormonaux substitutifs fut menée en 1985.

Les résultats furent les suivants :

* 82% des médecins interrogés pensaient que le traitement hormonal substitutif n'était pas dangereux,

* 85% que ces hormones étaient bénéfiques,

mais seulement 12% d'entre eux étaient prêts soit à se traiter, soit à traiter leur entourage.

Ce ne sont donc pas des raisons objectives qui freinent les prescriptions mais des raisons subjectives probablement inconscientes qui empêchent les médecins d'être convaincu de l'intérêt du traitement.

Cette discordance entre la raison et la réalité nous a conduit en collaboration avec la société Insight et le Laboratoire Novo Nordisk à étudier les résistances des médecins au traitement de la ménopause.

Cette étude est une étude qualitative, sans statistique, ni quota de médecins représentatifs, etc...

Le but est simplement d'essayer de comprendre où se situent les peurs et les freins.

Dans le même temps, comme pour étayer en chiffres et en statistiques les résultats de cette étude, la Sofrès a effectué (Juin 92) une étude quantitative en interrogeant les femmes non traitées, et a pu montrer la véracité de certaines conclusions de l'étude ici:

En effet 36% des femmes ménopausées non traitées auraient pris un traitement si leur médecin le leur avait proposé.

Traiter ou ne pas traiter ?

Que ce soit pour les femmes ou pour certains médecins, il existe peu de solutions entre les craintes du traitement et le caractère "obligatoire" qui lui est associé. Ne pas traiter se vit comme une sanction :

- Pour le gynécologue c'est ne pas être "à la mode" en retard par rapport à la science.

- Pour la femme : C'est l'exacerbation des symptômes de la ménopause, et à long terme l'ostéoporose.

Les gynécologues sont souvent plus anxieux que leurs patients, probablement par la prise des responsabilités que leur confère la prescription.

Les femmes qui prennent ce traitement sont, elles, très prosélytes.

Elles en font souvent un traitement miracle, de jouvence et veulent convaincre leurs amies du bien fondée du traitement.

Les femmes et la ménopause :

Les symptômes comme bouffées de chaleur, malaises divers et la crainte de survenue de l'ostéoporose sont vécus de façon différentes en fonction du désir ou des craintes face au traitement de la ménopause.

Les femmes non traitées :

Elles vont minimiser les symptômes. Le traitement leur paraît inutile sauf éventuellement pour prévenir l'apparition de l'ostéoporose.

Elles valoriseront la ménopause comme l'accès à un état nouveau permettant l'épanouissement personnel et la sagesse intérieure, la sérénité, le savoir et la réalisation de soi. Les symptômes seront ressentis mais acceptés par rapport aux bénéfices qu'elles attendent de la ménopause. Ce sont souvent ces femmes qui avouent être soulagées de la fin de leur vie sexuelle et "des ennuis de femmes".

Les femmes traitées :

- Les symptômes de carence hormonale seront perçus de façon tout-à-fait différents et ressentis de façon insupportables.

- La ménopause représente pour elle la perte de la séduction, de la maternité mais aussi la perte de leur énergie et de leur tonus.

- Un rapport passionnel au traitement s'instaure à ce moment, et il est surinvestit pour beaucoup d'entre elles.

- Ces femmes ont pour profil d'avoir l'habitude de se prendre en charge.

Elles combattent ce fatalisme et la résignation.

- Elles désirent maîtriser le temps qui leur reste à vivre.

Bien vieillir est un droit et un devoir par rapport à elle-même mais aussi pour leur entourage.

Le vecu des regles par les femmes

Les règles seront vécues de façon très différentes selon que les femmes seront traitées ou pas. Pour certaines, elles mettront en avant les effets négatifs, les règles, la douleur, l'inconfort, la contrainte, la corvée et la fin des règles est vécue pour elles comme un soulagement.

Le retour des règles, conséquence d'un traitement hormonal peut être un frein à l'instauration de celui-ci, surtout si les règles persistent avec les mêmes symptômes que ceux qu'elles ont subi pendant toute leur vie.

La fin des règles est vécue au niveau rationnel comme soulagement, la fin des ennuis et des contraintes, mais au niveau symbolique les choses sont beaucoup plus ambivalentes. C'est une étape dans la vie des femmes qui est plus ou moins bien acceptée.

Le vecu du metier de gynecologue :

Cette étude a été réalisée auprès de femmes gynécologues.

Le vécu du métier par les femmes gynécologues est particulièrement intéressant.

On se rend compte, en mettant un parallèle patientes/gynécologues qu'elles sont dans la même situation psychologique :

Les gynécologues ont, elles aussi, besoin d'être encouragées convaincues du bien fondé médical du traitement, de son innocuité.

Le bien fait "cosmétologique" des hormones n'est pas un argument acceptable.

Plus le côté "jeunesse" est affirmé, plus l'angoisse de la transgression face au vieillissement naturel augmente. Cette attitude d'angoisse face à la transgression se comprend mieux lorsqu'on étudie le vécu du métier par les gynécologues. C'est en effet un métier très chargé sur le plan imaginaire, mi-sorcière mi-magicienne, on peut classer les gynécologues en deux groupes :

- Les magiciennes, elles se revendiquent un peu comme telles.

Elles ont vécu la transgression quotidiennement dans leur métier. Elles se sont battues pour l'accouchement sans douleur, la pilule, pour l'IVG. Le traitement hormonal substitutif de la ménopause n'est qu'une transgression de plus, et plutôt plus facile à assumer que les autres. Les hormones ne leur font pas peur.

- Les gynécologues que nous appellerons les plus "jeunes", n'ont souvent pas eu, soit par leur âge, soit parce qu'elles ne se sentaient pas concernées par ces problèmes, à se positionner dans la lutte pour la contraception et l'avortement.

C'était déjà dans l'ordre social. Le traitement hormonal substitutif leur apparaît comme la première transgression à assumer. Elles se sentent "apprentie sorcière". Elles sont donc très ambivalentes face au traitement.

Les plus âgées ont souvent elles-mêmes testées le traitement. Elles dédramatiseront et savent aussi, par contre, que cela ne fait pas rajeunir. Elles sont moins angoissées face à ce traitement, mais aussi moins de fantasmes se rattachent à lui.

Les gynécologues plus jeunes ne se sentent pas concernées et vont lui conférer un effet de rajeunissement qui va les inquiéter.

La perception des hormones :

Le groupe des gynécologues favorables au traitement a une attitude beaucoup moins conflictuelle face aux hormones. Elles dédramatisent, ont une perception plus médicale et scientifique, comparent aux autres hormones (insuline, thyroïde, cortisone) et ne mettent pas avant l'opposition hormone naturelle, hormone de synthèse. La perception est relativisée. Ce ne sont pas les hormones qui sont en cause mais leur mauvaise utilisation qui provoquent des effets secondaires néfastes (veau, poulet aux hormones, etc...). Il y a moins de fantasmes donc moins de peur.

"Les hormones c'est la vie".

Par contre, pour les gynécologues dites "inquiètes", la perception des hormones est proche de celle du grand public.

Les hormones représentent l'inversion de l'ordre naturel (toujours les mêmes exemples, les sportifs qui se dopent aux hormones, le poulet, le veau, etc...). C'est l'anti-vieillissement, et donc le secret de jouvence. Cette transgression de la nature et le prix à payer est très cher (c'est peut-être le cancer, la prise de poids, la pilosité, etc...).

Il existe donc un conflit important entre :

- Le ressenti qui serait de ne pas traiter

- Une pression extérieure qui leur demande de traiter pour être conforme à la norme, ne pas être "ringard" et aussi pour répondre à la demande des patientes.

D'où une déstabilisation et une réponse qui sera donc un traitement à minima le moins "nocif" possible avec comme première attention "primum non nocere". Notion sur laquelle nous reviendrons en conclusion.

La perception du traitement :

Il se fait autour de deux pôles.

Le pôle MAJEUR qui se vit comme une agression et un danger potentiel, et un pôle MINEUR sous le mode de la protection qui serait bénéfique sur le plan cardio-vasculaire et l'ostéoporose.

Les gynécologues percevant surtout le côté "agression du traitement" ne traitent que s'il y a des symptômes et s'il y a demande des patientes. Le traitement sera de durée limitée pour "passer le cap" et sera arrêté au moindre effet secondaire.

Les gynécologues percevant le côté protection traiteront de façon préventive en dehors de tout symptôme, le traitement sera proposé aux patientes de façon systématique et il sera prescrit de façon illimitée.

Les contre-indications au traitement :

Les gynécologues favorables au traitement citent le cancer du sein comme une contre-indication essentielle et quasiment unique. Elles considèrent de plus en plus que le traitement permet de révéler un cancer préexistant.

Les gynécologues moins favorables citent toutes les contre-indications notées dans le Vidal et surtout ont peur de provoquer un cancer.

D'où la notion de responsabilité/culpabilité pour les uns, et au contraire la non culpabilité et même une action dans la prévention du cancer pour les autres.

Conclusion

Toutes ces résistances expliquent en partie pourquoi seulement 10% de femmes sont traités, pourquoi la durée du traitement n'excède pas 18 mois, et enfin l'utilisation essentiellement en France des formes transdermiques, qui sont considérées comme moins agressives par rapport aux formes per os.

En France, 80% des femmes sont traitées en transdermique, gel ou patch, et seulement 20% par voie per os. On peut se poser la question de savoir ce qu'il se passerait si on ne disposait que des formes orales ?

"PRIMUM NON NOCERE"

Atteindrions-nous moins de 2% de femmes traitées ?

Cette notion qui est mise en avant en permanence mérite qu'on s'y arrête un instant. Car ne pourrions nous pas, dans l'avenir, être attaqués par des femmes à qui nous n'aurions pas proposé de traitement et qui seront victimes, soit d'une fracture du col du fémur, soit d'un infarctus ou d'autres pathologies. Et nous pouvons quand même nous poser la question où est le "non nocere" de l'avenir ?

Enfin va t-on attendre comme pour la pilule et l'avortement que ce soient les femmes qui nous imposent ces traitements? Dans ce sens, la diminution de la responsabilité du médecin nous soulagera peut être, mais si nous pensions que ce traitement est un traitement médical préventif et non pas uniquement un traitement de confort pour éviter quelques symptômes désagréables, c'est à nous de prendre nos responsabilités médicales et convaincus nous même de l'intérêt préventif et médical du traitement de le proposer à toute femme arrivant à la ménopause.