Chapitre IX
LE TRAITEMENT HORMONAL DE LA MENOPAUSE ET SES DIFFICULTES
P. MARES - D. DUPAIGNE - M.L. TAILLAND - C. COURTIEU
Introduction
Accepté par tous, prescrit seulement à 12 % de la population et suivi
de façon régulière par environ une femme sur deux, le traitement hormonal de la
ménopause doit être envisagé avec une approche nouvelle.
Initialement proposé comme l'antidote des bouffées de chaleur, il a
acquis dans ce domaine une place non discutée.
Il a ensuite été utilisé pour éviter les risques ostéoporotiques ou
cardiovasculaires. Dans cette indication, sa prescription restait sous la responsabilité
directe du médecin.
Depuis quelques années, il est présenté comme une thérapeutique
globale du déficit hormonal avec des cibles multiples. Désormais, des exigences
nouvelles sont apparues de la part des patientes. En effet, il ne suffit plus de calmer
les bouffées de chaleur et de prévenir les risques osseux et cardiovasculaires mais le
traitement hormonal se doit de ne pas induire de petits problèmes et, si possible,
d'apporter un confort supérieur à celui que les femmes acceptent en périménopause tel
que le syndrome prémenstruel, par exemple.
I - LE SEIN
La survenue de mastodynies représente l'une des principales
difficultés dans l'adaptation des traitements.
L'examen clinique prend ici une place toute particulière pour faire la
part entre les douleurs musculaires et les douleurs intercostales rapportées à une
pathologie mammaire et qui relèvent plus d'une pathologie arthrosique cervicale.
Une fois le diagnostic différentiel réalisé, on peut distinguer deux
types de mastodynies lors des mammographies : celles à sein transparent, qui sont
toujours rassurantes, celles à sein dense qui restent difficiles à traiter.
Les solutions thérapeutiques sont les suivantes :
1 - éliminer toute pathologie de voisinage pouvant majorer la
symptomatologie ;
2 - diminuer l'apport oestrogénique ;
3 - ajouter un traitement progestatif cutané ;
4 - utiliser un progestatif à effet anti-oestrogène majeur ;
5 - débuter un traitement à visée circulatoire.
II - LE TUBE DIGESTIF
Pathologie très fréquente et très invalidante représentée par le
ballonnement abdominal.
Ce symptôme est maintenant bien connu et rentre le plus souvent dans le
cadre du côlon irritable.
La physiopathologie du côlon irritable semble directement liée à une
perturbation vasculaire avec stase veineuse en rapport avec des agrégats érythrocytaires
et plaquettaires. Les modifications sont sous la dépendance des facteurs hormonaux mais
aussi de nombreux autres facteurs, tels que stress, alimentation ...
La démarche clinique doit essayer de préciser, autant que possible, la
période de survenue de ces modifications : soit pendant la période de la prise
d'oestrogène, soit pendant la période de prise associée, soit parfois à l'arrêt du
traitement.
Il est essentiel de connaître l'existence de cette pathologie avant la
ménopause et son contexte de survenue.
Les solutions thérapeutiques peuvent traiter les causes et les facteurs
favorisants :
- si la femme a eu une hystérectomie et que la pathologie survient
pendant la prise des associations oestroprogestatives, on peut envisager de lui prescrire
simplement un traitement oestrogénique ;
- si celle-ci survient en deuxième partie de cycle, lorsque la patiente
a un traitement séquentiel, on peut soit diminuer le progestatif, soit changer le
progestatif, soit changer sa voie d'abord, il n'est pas rare de voir disparaître ou se
réduire ces symptômes lors d'une prise percutanée ou par voie vaginale.
Par ailleurs, il est essentiel de prendre en compte l'environnement : la
pratique régulière des activités sportives, l'alimentation ...
L'alimentation peut jouer un rôle essentiel et il n'est pas rare de
voir en post-ménopause survenir des intolérances à l'apport calcique en raison des
modifications de l'absorption calcique.
Lorsque certains facteurs de stress paraissent intervenir on peut faire
appel à des sédatifs légers ou de l'acupuncture. A noter toutefois que la progestérone
naturelle a souvent un effet favorable à ce niveau là.
Enfin, il faut souvent rajouter un traitement à visée vasculaire.
Le ballonnement abdominal est totalement différent de l'épaississement
de la région sous-ombilicale qui survient très rapidement pendant cette période.
III - LES PROBLEMES VASCULAIRES
On peut distinguer, en fait, des aspects complètement différents :
- des phénomènes artériels ;
- des phénomènes veineux.
1 - Au niveau des phénomènes artériels, seules nous
intéressent les intolérances au traitement qui peuvent se résumer à la survenue de
migraines ou la réapparition de migraines. L'analyse et la physiopathologie des migraines
restent difficiles. Il s'agit d'un problème contraignant.
Une fois éliminée une pathologie organique sous-jacente (doppler,
EEG), on peut envisager des adaptations thérapeutiques. Ces adaptations reposent sur la
notion que les migraines surviennent volontiers en période d'arrêt du traitement ou
après le début de la prise de progestatifs. Ceci correspond très souvent à des
variations hormonales, source de phénomènes vaso-moteurs.
On peut alors proposer deux types de séquence :
une séquence associant oestrogène et progestatif de façon continue ou
de façon discontinue mais régulière, type un jour sur deux ;
. en cas d'échec, un apport par un oestrogène per-cutané avec la
même séquence que précédemment et, au besoin, changer de progestatif ; ces deux
adaptations donnant de très bons résultats.
2 - Les phénomènes veineux : La pathologie veineuse peut être
marquée par le problème de jambes lourdes. En fait, il est rare que l'existence de
varices soit une contre-indication au traitement hormonal. Toutefois, l'existence de
jambes lourdes sous traitement hormonal substitutif doit conduire à la réalisation d'un
doppler. En fonction de celui-ci, une chirurgie vasculaire peut être envisagée et le
traitement repris ultérieurement.
Il est à noter dans certains cas, la survenue de douleurs des membres
inférieurs décrites par certaines femmes et, pour lesquelles, il suffit très souvent de
changer de progestatif pour trouver une sédation.
3 - Paresthésies : il peut s'agir de paresthésies des membres
supérieurs ou de paresthésies vulvaires.
Au niveau des membres supérieurs, un bilan angéiologique type
Doppler s'impose. Il est rare que le traitement hormonal soit en cause directement.
Au niveau vulvaire, de nombreuses femmes arrêtent leur
traitement en raison de paresthésies, qui peuvent survenir rarement lors de la prise du
traitement par voie générale, mais très fréquemment lorsqu'un traitement local est
associé. Il s'agit simplement de phénomènes de néovascularisation en rapport avec une
récupération trop rapide de la trophicité. Il suffit d'espacer les apports et
d'associer très souvent un traitement phlébotonique pour que le traitement puisse être
poursuivi.
Il est important également de ne pas oublier l'existence d'allergie ou
de mal-tolérance avec certaines crèmes voire de réaction individuelle à un produit.
IV - TROUBLES GENITO-URINAIRES ET SEXOLOGIQUES
1 - Les troubles génito-urinaires : ils sont marqués
essentiellement par les problèmes de prolapsus et d'incontinence urinaire.
Paradoxalement, certains prolapsus sont révélés à la prise du
traitement hormonal. En effet, lorsqu'il existe une atrophie importante, la récupération
d'une souplesse tissulaire favorise l'extériorisation d'un prolapsus latent.
Au niveau urinaire, la pathologie est essentiellement marquée par la
survenue soit d'urgence mictionnelle, soit d'incontinence urinaire d'effort.
Ces pathologies sont bien classiques. Toutefois, les urgences
mictionnelles sont très souvent améliorées par la mise en route du traitement et sont
rarement aggravées par ce dernier.
2 - Au niveau sexologique, on peut distinguer deux
groupes de pathologie :
- les dyspareunies,
- les modifications du comportement sexuel.
a) - Les dyspareunies : elles peuvent être
profondes ou superficielles.
* Au niveau des dyspareunies profondes, il s'agit le plus souvent
d'atrophie vaginale qui nécessitent l'utilisation d'ovules ou de crème avec
l'utilisation d'un inserteur.
* Les dyspareunies superficielles sont en rapport avec les troubles
trophiques et justifient l'adaptation d'un traitement local associant oestrogène parfois
d'androgène et de corticoïde. Il peut exister également des phénomènes de
retrécissement hyménéaux qui répondent seulement à un traitement local.
b) - Les modifications du comportement sexuel : il faut
distinguer l'anaphrodisie et l'anorgasmie pour lesquelles le traitement substitutif a peu
d'effet et qui sont à resituer le plus souvent dans un contexte sociologique à l'égard
de la ménopause. Il s'agit souvent de protection face à des pathologies le plus souvent
masquées telles qu'incontinence urinaire au rapport, dyspareunie, prolapsus gênant,
modification des sensations cutanées ...
La prise en charge est ici multi-disciplinaire en sachant que les
traitements hormonaux substitutifs sont rarement seuls efficaces.
V - PROBLEME DE POIDS
cf. J. BRINGER
VI - LES PATHOLOGIES INDUITES
On peut distinguer trois grands groupes de pathologie :
- les hémorragies,
- les fibromes,
- l'endométriose.
1 - Les hémorragies : elles imposent un bilan complet dans
lequel rentre maintenant l'échographie comme moyen de dépistage systématique mais qui
ne doit pas faire oublier l'usage de l'hystérographie et de l'hystéroscopie. Cette
surveillance d'anomalie nécessite un prélèvement par curetage et analyse avec un
schéma de prise en charge bien classique.
2 - Les fibromes : l'apparition, la survenue, le développement
d'un fibrome sous traitement hormonal substitutif impose une surveillance régulière,
surtout une adaptation thérapeutique très rapide et un contrôle rapproché. Il est
essentiel d'utiliser alors un progestatif très puissant et très atrophiant en le mettant
en place dès le début du traitement oestrogénique. La persistance du fibrome ou toute
modification de ce dernier doit conduire à une chirurgie.
3 - L'endométriose : elle est rarement réactivée avec les
traitements hormonaux substitutifs dès lors que ceux-ci sont utilisés à dose
relativement faible. Il est toutefois classique de ne pas démarrer un traitement hormonal
substitutif immédiatement après le diagnostic d'endométriose si celui-ci est en
période de péri-ménopause. On peut alors, dans ce cas-là, utiliser également un
progestatif très atrophiant et des doses d'oestrogène à la limite inférieure et
permettant seulement l'effacement des bouffées de chaleur.
VIII - LES ECHECS GLOBAUX
Parmi ces échecs, on peut considérer toutes les femmes qui malgré la
prise correcte d'un apport hormonal conserve des bouffées de chaleur, un mal-être
persistant, des phénomènes de perte de mémoire qui sont très gênants.
Cette limite de l'efficacité du traitement hormonal substitutif est
importante à connaître
. 80 % des femmes sont améliorées au niveau des phénomènes des
bouffées de chaleur et des sueurs nocturnes ;
. les asthénies physiques, l'insomnie et les céphalées sont
améliorées également à 80 % ;
. la sécheresse vaginale, les dyspareunies et les troubles urinaires
sont améliorées dans 85 à 90 % ;
. au niveau des symptômes psychologiques, qu'il s'agisse de l'état
dépressif, de l'anxiété, de l'irritabilité, on a une amélioration qui voisine entre
80 et 85 %.
Avant de dire que le traitement substitutif est inefficace, il est
essentiel d'en vérifier :
1 - le bon usage,
2 - la prise de produit pouvant réduire son efficacité, tel que tabac
...
Une fois réalisée une enquête précise, on peut envisager de s'aider
de traitement spécifique à chaque pathologie :
symptomatique pour les bouffées de chaleur : CENTRALGOL, AGREAL,
ABUFENE, acupuncture, neuroleptique ;
. pour les baisses de mémoire et les capacités : les antisérotonines
;
. pour les états dépressifs, utilisation de neuroleptiques ...
es JTA Fort de France Janvier 1994
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