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Titre: La maladie abortive
Année: 1994
Auteurs: - Levy G.
Spécialité: Obstétrique
Theme: Avortements spontanés à répétition

Chapitre II

LA MALADIE ABORTIVE

G. LEVY

Introduction

Nous ne traiterons ici que des avortements à répétition d'origine présumée immunologique, ce qui suppose qu'un bilan complet morphologique et fonctionnel aura préalablement éliminé toute autre cause possible de fausses-couches à répétition.

Sur le plan des définitions, on admet classiquement, dans les publications françaises, que les avortements spontanés ont lieu avant quinze semaines d'aménorrhée et que l'on parle de fausses-couches à répétition lorsque trois fausses-couches se produisent successivement, sans qu'aucune grossesse évoluant à terme ne se soit intercalée entre ces avortements successifs.

La prévalence de ce type d'avortement est de l'ordre de un pour cent.

La relation entre ces arrêts de grossesse répétés et la pathologie auto-immune est désormais bien reconnue.

On y distingue deux catégories :

- celles qui accompagnent des maladies auto-immunes dont la mieux étudiée est le lupus érythémateux disséminé

- celles qui sont en relation avec le status immunologique des patientes.

LES MALADIES AUTO-IMMUNES

Elles s'accompagnent d'un risque élevé pour le produit de conception, risque dont les mécanismes ne sont pas tous élucidés.

Il est ainsi classique de constater que le lupus érythémateux disséminé s'aggrave le plus souvent au cours de la grossesse, aussi bien sur le plan clinique que biologique. S'il existe une néphropathie lupique, le risque de pré éclampsie surajouté est important.

La présence d'auto-anticorps peut entraîner l'apparition d'anticorps anti-Ro qui induisent l'apparition de bloc auriculo-ventriculaire congénital et des anticorps anti-phospholipidiques, facteurs potentiels d'arrêt précoce d'évolution de la grossesse.

Ainsi chez une femme enceinte atteinte de lupus érythémateux disséminé, il conviendra toujours de rechercher un anticoagulant circulant et des anticorps anticardiolipines afin d'assurer la meilleure prise en charge thérapeutique possible.

LE STATUS IMMUNOLOGIQUE DE LA PATIENTE

La mise en place de mécanismes d'immunoprotection est à l'évidence indispensable à la tolérance de l'allogreffe représentée par le développement ovulaire.

Nous allons brièvement passer en revue les différents mécanismes qui peuvent être incriminés.

1) Mécanismes de reconnaissance

L'un d'entre eux pourrait être représenté par la combinaison appropriée de gènes materno-foetaux.

Pour que la grossesse poursuive normalement son évolution il faudrait que les gènes foetaux puissent être reconnus par la mère. A l'appui de cette hypothèse on peut citer les observations de femmes ayant présenté des avortements à répétition et qui mènent une grossesse à terme après un changement de partenaire.

C'est dans ce cadre qu'a été inscrit le rôle des complexes d'histocompatibilité.

Le nombre d'antigènes HLA partagés par les deux partenaires apparaît supérieur en cas de fausses-couches à répétition que dans une série témoin. Il est généralement admis qu'un certain degré d'incompatibilité est nécessaire à la reconnaissance du conceptus par la mère et au développement d'une réaction protectrice immunitaire au cours de la grossesse.

A l'heure actuelle il apparaît cependant que ces phénomènes ne sont pas forcément en relation avec les complexes majeurs d'histocompatibilité.

L'éventualité d'une défaillance des mécanismes de reconnaissance maternelle a été principalement évoquée à partir de l'observation de l'absence habituelle d'anticorps anti HLA chez les femmes présentant des avortements à répétition. C'est d'ailleurs sur ce critère qu'ont été proposées les transfusions de leucocytes dans la prévention des fausses-couches à répétition.

2) Défaut d'immunorégulation

La carence du système d'immunorégulation risque d'autoriser une réaction immunitaire inappropriée.

Ainsi la présence de cellules T cytotoxiques a été constatée chez les femmes souffrant d'avortements à répétition.

Cependant il conviendrait de savoir si l'apparition des cellules cytotoxiques est la cause de l'atteinte foetale ou simplement sa conséquence du fait de l'apparition d'un processus inflammatoire en relation avec une agression embryonnaire d'autre origine.

3) Immunorégulation spécifique

Il existerait des anticorps bloquant spécifiquement la réponse aux allo antigènes paternels et appartenant à la classe des IgG. Leur apparition précoce dans le sérum de la femme enceinte et leur absence en cas d'avortements à répétition serait en faveur de leur rôle dans l'évolution harmonieuse de la grossesse.

Il est cependant impossible d'affirmer qu'ils sont indispensables au déroulement normal de la grossesse.

Il convient d'ajouter que le rôle de cellules T suppressives a également été évoqué, mais que l'étude de ce point est trop complexe pour aboutir à la moindre conclusion.

Au terme de cette étude volontairement sommaire des principaux mécanismes intervenant dans l'élaboration de la réaction immunitaire au cours de la grossesse, il apparaît très clairement que des facteurs divers s'intriquent de manière complexe et qu'aucune certitude ne se fait jour.

Ceci signifie que les recherches dans ce domaine méritent d'être largement poursuivies et que les succès thérapeutiques enregistrés ne s'appuient à l'évidence pas sur des données étiologiques précises et nous invitent à la modestie.

C'est ce chapitre thérapeutique que nous allons aborder.


THERAPEUTIQUES DES AVORTEMENTS A REPETITION D'ORIGINE IMMUNOLOGIQUE

1) Thérapeutiques des anticorps anti phospholipidiques

Dans ce domaine ont été essentiellement proposés des traitements immunosuppresseurs et des traitements modifiant l'hémostase.

Les traitements immunosuppresseurs font d'abord appel à la corticothérapie dans le but d'inhiber la synthèse de l'anticorps pathogène. La prednisone et la prednisolone ont été préconisées à la dose de 40 à 60 mgr/ jour.

Le succès de cette prescription est essentiellement fonction de sa précocité.

Dans la littérature est également rapportée l'utilisation d'azothioprine et de cyclophosphamide chez des patientes non lupiques sans que cela n'entraîne de malformations foetales.

Plus récemment a été proposé l'usage de gamma globulines.

Les traitements modifiant l'hémostase comprennent l'utilisation de l'héparine et de l'aspirine.

L'héparine expose au risque hémorragique et à la survenue d'une thrombopénie. Le traitement à base d'aspirine présente l'intérêt d'une faible iatrogénicité mais sa posologie est difficile à adapter. En l'absence d'études contrôlées, l'efficacité de ces thérapeutiques ne peut être appréciée avec précision.

2) Thérapeutiques transfusionnelles

L'idée de leur utilisation est venue du résultat empirique favorable constaté dans le domaine des greffes. Il existe une certaine analogie si l'on accepte l'idée que la grossesse représente une greffe foeto-maternelle.

Les auteurs ont proposé l'injection soit de cellules spécifiques du foetus, en l'occurrence des cellules paternelles, soit des cellules d'un tiers non apparenté.

Les critères d'inclusion dans ces protocoles varient suivant les auteurs : ressemblance des caractères HLA du couple, absence de facteurs bloquant la réaction lymphocytaire mixte, la réaction lymphocytaire mixte dans le couple.

Les protocoles de traitement varient également considérablement d'une équipe à l'autre :

BEER recommande deux injections par voie sous-cutanée de 40 millions de lymphocytes du mari à six semaines d'intervalle.

MOWBRAY préconise une injection unique de 250 à 400 millions de lymphocytes paternels par voie intraveineuse, intradermique et sous-cutanée.

REZNIKOFF propose une injection de 400 millions de lymphocytes par voie sous-cutanée, intradermique et intraveineuse, à renouveler jusqu'à l'apparition d'anticorps antipaternels.

Selon les auteurs les résultats oscillent entre 70 et 90 % de succès. Seul MOWBRAY a présenté une étude contrôlée en double aveugle. Les effectifs sont cependant trop faibles pour entrainer la conviction.

Sur le plan des complications iatrogènes, la technique d'injection de leucocytes paternels n'inspire guère d'inquiétude. L'injection de leucocytes de donneurs tiers invite à la plus grande prudence vu le risque de transmission d'infections virales.

Nous voudrions pour terminer rapporter le résultat d'une courte étude personnelle faisant appel à l'utilisation des gamma-globulines.

Nous avons utilisé le protocole publié par Gertrud MUELLER ECKHARDT et coll. dans Vox sang (1989, 56, 151-154) qui préconise l'utilisation de 0,5 à 0,6 g/ kg d'immunoglobulines administrées par voie intraveineuse en perfusion lente dès le diagnostic de grossesse posé.

Des injections de 0,3 à 0,4 g/ kg sont répétées toutes les 3 semaines jusqu'à 24 semaines de grossesse.

Les critères d'inclusion sont les mêmes que ceux adoptés pour les thérapeutiques transfusionnelles.

Nous avons inclus 15 cas.

- 2 patientes ont avorté au cours du premier trimestre.

L'une des deux a accouché à terme lors d'un deuxième traitement.

- 13 patientes ont accouché entre 37 et 40 semaines.

2 patientes ont présenté des nausées et une tachycardie lors de la première perfusion.

C'est le seul effet secondaire que nous ayons à déplorer.

Nous sommes conscients de la faible taille de cet échantillon et qu'il mérite les mêmes réserves que celles émises à propos de thérapeutiques transfusionnelles.

Nous en sommes d'autant plus convaincus que concomitamment nous avons utilisé comme seul traitement la prise en charge phychothérapeutique de cinq femmes qui présentaient dans leurs antécédents entre 7 et 11 fausses-couches successives avec cinq succès ! Mais ceci est une autre histoire que nous publierons à BRUXELLES en décembre…

Pour les lecteurs qui seraient intéressés par une bibliographie complète nous les renvoyions à un excellent livre dont nous nous sommes largement inspirés :

IMMUNOLOGIE de la REPRODUCTION

Guy André VOISIN - Philippe EDELMAN - Noëlle GENETET - Jean François BACH - Claude SUREAU

Médecine Sciences - Flammarion Ed.