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Titre: Epidemiologie des états prénéoplasiques de l'endomètre
Année: 1994
Auteurs: - Lefranc J.-P.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Hyperplasie de l'endométre

Chapitre XXV

EPIDEMIOLOGIE DES ETATS PRENEOPLASIQUES DE L'ENDOMETRE

LEFRANC J. P. ; TRUCHET F. ; KAMEL R.

Introduction

L'existence de lésions pré-néoplasiques de l'endomètre est unanimement reconnue. Mais, l'étude de la littérature consacrée à la maladie hyperplasiante de l'endomètre révèle de très nombreuses contradictions quant à leur limite et à leur terminologie. La fréquence et l'incidence de ces lésions sont très imprécises et très mal connues. Limité aux femmes présentant des facteurs de risques, le dépistage laisse échapper plus de 20% des cancers et probablement davantage de lésions frontières [3].

DEFINITIONS

L'hyperplasie de l'endomètre est souvent comparée aux dysplasies du col utérin. Comme elles, certaines régressent spontanément grâce à des traitements médicaux, certaines persistent malgré eux, et certaines évoluent vers l'adénocarcinome endométrial. Mais, contrairement aux dysplasies cervicales, il n'existe pas de dépistage de lésions pré-néoplasiques de l'endomètre.

Les lésions pré-néoplasiques de l'endomètre regroupent un large éventail d'anomalies histologiques; hyperplasie kystique, hyperplasie adénomateuse, hyperplasie atypique. Le carcinome in-situ définit par Hertig [7] constitue une forme assez particulière: formation de glandes adossées les unes contre les autres et tapissées de cellules claires; mais le curetage est insuffisant pour éliminer une possible invasion.

Cependant, cette classification apparaît controversée, et il semble que l'élément péjoratif soit la présence d'atypies cellulaires. A l'inverse, une hyperplasie sans atypie cellulaire ne semble pas être une lésion réellement pré-invasive.

Enfin, il existe de nombreux cas de cancers de l'endomètre où aucune hyperplasie, ni hyperoestrogénie ne sont constatées et ils sont souvent de plus mauvais pronostic.

HISTORIQUE

Cullen, en 1900, décrivait déjà "l'hyperplasie atypique" comme la première modification de l'endomètre avant l'apparition du cancer. En 1932, Taylor constatait que sur 257 cas d'hyperplasie, 2 seulement s'étaient transformés en cancer. Inversement, sur 152 cas de carcinome endométrial, 15 seulement montrait des signes histologiques d'hyperplasie associée au cancer. De 1947 à 1963, Gusberg [5 - 6] classe les différentes formes d'hyperplasie, et note que la persistance de la stimulation oestrogénique représente l'élément le plus important du développement des hyperplasies; mais la question du facteur qui déclenche la transformation de l'hyperplasie atypique en cancer, reste sans réponse. En 1949, Gusberg , Kaplan et Hertig [7] arrivent à la même conclusion: le développement d'un cancer endométrial est précédé souvent, bien des années auparavant, par une hyperplasie atypique. Si une hyperplasie glandulaire banale ne se transforme pas généralement en cancer, par contre l'hyperplasie atypique aboutira au cancer si elle n'est pas diagnostiquée et traitée à temps [5].

INCIDENCE

La fréquence des lésions pré-néoplasiques de l'endomètre est très imprécise et très mal connue. En effet, la plupart des prélèvements utérins sont en règles pratiqués chez des patientes symptomatiques (méno- et/ou métrorragies). Il apparaît difficile d'en apprécier l'incidence réelle.

Après la ménopause, l'involution de la muqueuse utérine se fait progressivement vers l'atrophie. Mais on peut voir persister 10% d'endomètres prolifératifs et 3% d'hyperplasies. De même, longtemps après l'aménorrhée peuvent réapparaître des endomètres hyperplasiques, spontanément, ou sous l'influence d'une tumeur ovarienne sécrétante [12], ou sous l'influence d'un traitement hormonal substitutif non équilibré par un progestatif.

L'incidence du cancer de l'endomètre augmente régulièrement (25/100 000), par rapport au cancer du col utérin (20/100 000), dont l'incidence diminue grâce au dépistage et au traitement des dysplasies.

L'épidémiologie des états précancéreux de l'endomètre révèle de nombreuses difficultés ; si la présence d'une lésion pré-néoplasique précède de 10 ans le cancer invasif, dans un cas sur deux l'adénocarcinome endométrial n'est pas associé à une hyperplasie.

L'étude de la littérature souligne la difficulté des études rétrospectives. Wentz et Sherman [16] ont analysé plus de 10 000 curettages et ont retrouvé des résultats comparables:

Hyperplasie

Kystique

5,6%

4,8%

-

Hyperplasie

Adénomateuse

2,9%

2,4%

2,7%

Hyperplasie

Atypique

1,1%

1,4%

1,4%

Une étude faite dans le Service de Chirurgie Gynécologique de l'Hôpital de la Salpétrière analyse 200 examens histologiques prélevés de janvier 1991 à janvier 1992 (100 curettages biopsiques et 100 hystérectomies).

TABLEAU 2

200 Patientes ( 100 CB, 100 HT )

Hyperplasie Glandulo-Kystique ( n = 18 ) 9%

Hyperplasie Adenomateuse ( n = 13 ) 6,5%

Sans Atypie 4,5%

Atypie Cellulaire 2,0%

Adénocarcinome 5,0%

ETIOLOGIE

Les principales études épidémiologiques montrent que les lésions pré-cancéreuses sont induites par une stimulation oestrogénique excessive [14]. La sécrétion continue d'estrogènes détermine une hyperplasie endométriale. Aussi est-il tentant de considérer les estrogènes comme une cause essentielle dans la constitution des états pré-cancéreux, d'autant que des facteurs endocriniens se retrouvent souvent chez les femmes présentant des lésions précancéreuses de l'endomètre. Mais, l'administration d'oestrogènes induit un faible pourcentage de cancer.

Les oestrogènes seraient donc un facteur promoteur plus qu'un facteur d'initiation ou un facteur carcinogène complet [2].

Le syndrome de Stein-Leventhal constitue une cause connue d'hyperoestrogénie endogène, fréquemment incriminée dans la génèse des hyperplasies et des cancers de l'endomètre. Des études récentes relèvent le jeune âge des patientes (surtout avant 50 ans), le caractère bien différencié des lésions et la fréquence des associations hyperplasie et cancer.

Dikran et Chamlian [4] ont retrouvé parmi 97 jeunes patientes porteuses d'une hyperplasie de l'endomètre , 24 syndrome de Stein-Leventhal, et ont analysé 12 produits de curetage;

TABLEAU 3

97 femmes porteuses d'une hyperplasie de l'endomètre ( < 40 ans )

Syndrome de Stein - Leventhal, n = 24 ( 25% )

Curetage Biopsique, n = 12

---> 6 Hyperplasies adénomateuses

---> 5 Hyperplasies atypiques

---> 1 (Carcinome in situ

L'insuffisance lutéale; Kaiser [9] , en 1983, élargit le cadre étiologique de l'hyperoestrogénie à l'ensemble des troubles fonctionnels ovariens dans lesquels l'anovulation se solde par un déficit chronique en progestérone. Les cycles anovulatoires plus fréquents à l'approche de la ménopause pourraient expliquer l'incidence accrue des hyperplasies et des cancers de l'endomètre dans les ménopauses tardives.

Les tumeurs sécrétantes de l'ovaire : en 1936, Novak [13] attire l'attention sur le rôle des tumeurs sécrétantes de la thèque ou de la granulosa dans la génèse du cancer de l'endomètre. Gusberg et Hertig confirment ces données et retrouvent un nombre élevé de lésions pré-néoplasiques:

TABLEAU 4

 

n

lésions pré-néoplasiques

Adénocarcinome

Gusberg- Kardon

115

43%

21%

Mansell - Hertig

75

9%

15%

L'oestrogénothérapie: des études épidémiologiques montrenque le risque de survenue de l'hyperplasie dépend de la durée du traitement et de la dose. L'effet protecteur est total avec l'administration d'un progestatif pendant 12 à 13 jours par mois [16].

Il a été noté l'incidence accrue des hyperplasies endométriales sous contraception orale séquentielle lorsqu'il existe une composante progestative à la fois trop faible et trop courte [1].

FACTEURS DE RISQUE

Les hyperplasies adénomateuses de l'endomètre partagent avec l'adénocarcinome endométrial les mêmes facteurs de risque: obésité, nulliparité, hypertension artérielle, diabète.

L'âge moyen est de 51 ans en cas d'hyperplasie simple, et de 56 ans en cas d'hyperplasie atypique [15].

L'obésité constitue le facteur de risque le plus fréquemment cité dans la littérature: elle est présente dans 21 à 83 % des hyperplasies. L'aromatisation accrue de l'androstenedione en estrone, notamment dans les tissus adipeux, contribue chez les obèses à l'augmentation des oestrogènes circulants.

Dikran [4] retrouve dans une série concernant 97 patientes suivies pour une hyperplasie de l'endomètre les chiffres suivants:

TABLEAU 5

Obésité 23%
Nulliparité 55%
Hypertension Artérielle 3%
Diabète 2%

Une étude menée dans le Service de Chirurgie Gynécologique de la Salpétrière analyse ces différents facteurs de risques chez 50 patientes ayant bénéficiées d'une hystérectomie pour une hyperplasie endométriale symptomatique résistante aux traitements médicaux:


TABLEAU 6

Facteurs de risque 24%
Obésité 14%
Hypertension artèrielle 4%
Nulliparité 8%
Diabète 0%

Une autre série réalisée dans le même service étudie chez 200 patientes opérées entre janvier 1991 et janvier 1992, (100 curetages et 100 hystérectomies) le pourcentage de lésions pré- néoplasiques de l'endomètre et les facteurs de risque qui s'y rattachent.

TABLEAU 7

  Hyperplasie

Glandulo-kystique

Hyperplasie

adénomateuse


Adénocar

cinome

Obésité 40% 0% 20%
HTA 20% 0% 30%
Diabète 10% 0% 10%
Nulliparité 0% 0% 90%
Tumeur Ovarienne 0% n = 2 n = 1
Plusieurs facteurs

de risque

10%   10%


POTENTIEL PRE-NEOPLASIQUE

Il n'y a pas d'étude réellement prospective et bien contrôlée pour connaître la fréquence de l'évolution vers un cancer invasif.

L'hyperplasie glandulo-kystique de l'endomètre ne doit pas être considéré comme une lésion précancéreuse et son risque d'évolution vers un cancer est le même que dans la population générale.

Le risque de dégénérescence de l'hyperplasie adénomateuse atypique varie entre 5 à 30%, dans un délai supérieur à 5 ans.

Chamlian [4] étudie en 1970 , 73 patientes porteuses d'une hyperplasie de l'endomètre:





TABLEAU 8

Plusieurs curetages, n = 47

Persistance de l'hyperplasie 34%
Hyperplasie moins sévère 9%
Hyperplasie plus sévère 9%

A 15 ans, les résultats sont les suivants:

TABLEAU 9

73 Patientes à 15 ans

Adénocarcinome 23%
Hyperplasie adénomateuse 11%

Au total, 25% des lésions pré-néoplasiques de l'endomètre apparaissent réversibles à distance, et 75% d'entre elles persistent et peuvent s'aggraver en adénocarcinome endométrial.

Kurman [11] étudie 170 patientes porteuse d'hyperplasie endométriale et note des chiffres comparables en ce qui concerne le potentiel pré-néoplasique des hyperplasies atypiques;

TABLEAU 10

Type

d'hyperplasie

Patientes

n

Regression

n%

Persistance

n%

Adéno

carcinome

n%

Simple 93 80 19 1
Complexe 29 80 17 3
Atypie simple 13 69 23 8
Atypie complexe 35 57 14 29


CONCLUSION

L'étude de la littérature consacrée à l'épidémiologie des états pré-néoplasiques de l'endomètre révèle de nombreuses lacunes. Il apparait difficile d'apprécier la fréquence exacte de cette pathologie, sans qu'il soit possible malheureusement d'avoir des renseignements plus précis.

L'élément péjoratif des états prénéoplasiques de l'endomètre est la présence d'atypies cellulaires. Le risque de dégénérescence est alors d'environ 30 %. Les adénocarcinomes développés sur de telles lésions sont de meilleur pronostic.

Il semble qu'il existe 2 types d'adénocarcinome de l'endomètre; le type 1, associé à des lésions d'hyperplasie pré-néoplasique développées sur un terrain à risque; le type 2, où aucune hyperplasie , ni hyper- oestrogénie ne sont retrouvées et ils sont souvent de plus mauvais pronostic.

Ces données, conjuguées à l'absence de résultats réellement contrôlés sur l'incidence des lésions pré-néoplasiques de l'endomètre, compliquent la mise au point d'un dépistage efficace du cancer du corps de l'utérus.

BIBLIOGRAPHIE

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LEFRANC J. P. ; TRUCHET F. ; KAMEL R. . SERVICE CHIRURGICAL ET GYNECOLOGIQUE LA SALPETRIERE, PARIS