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Titre: Endomètrectomie et cancer de l'endomètre
Année: 1994
Auteurs: - Dargent D.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Cancer de l'endométre

Chapitre XXX

ENDOMETRECTOMIE ET CANCER DE L'ENDOMETRE

D. DARGENT

Introduction

L'endométrectomie ou ablation endométriale ou encore réduction endométriale est volontiers présentée comme un moyen de traitement des états prénéoplasiques et de prévention des cancers de l'endomètre. L'argumentation un peu simpliste qui est avancée en faveur de cette nouvelle méthode n'est pas vraiment satisfaisante. Beaucoup redoutent en effet que l'endométrectomie rende plus difficile la détection précoce du cancer de l'endomètre et que son utilisation extensive aboutisse à un résultat inverse de celui escompté: les faits, pour le moment, ne semblent pas leur donner raison (pas encore ?).

REDUCTION ENDOMETRIALE = REDUCTION DU RISQUE DU CANCER DE L'ENDOMETRE ?

L'idée qu'en réduisant la surface de l'endomètre on réduit le risque de cancer de l'endomètre est une idée non fondée. Veronesi, il y a 25 ans, avait démontré que l'ablation d'une partie du sein augmentait le risque de cancer du sein et avait émis l'hypothèse d'une sorte d'effet "dose intensité": en enlevant une partie du tissu cible on augmenterait la nocivité des facteurs cancérigènes qui continuent à agir avec la même intensité mais sur une cible plus petite donc plus sensible. Cette hypothèse n'a pas résisté aux études multifactorielles qu'on a pu faire depuis. Il n'en reste pas moins que l'idée "mécaniste" d'une diminution du risque sous l'effet d'une diminution de la surface du tissu cible est une idée fausse. Si une femme doit faire un cancer de l'endomètre elle le fera même si la surface de son endomètre est réduite de 99 %. Il faudrait, en fait, pour que le risque soit réduit que la réduction soit de 100 %, que soit détruite "la dernière cellule".

La question est donc de savoir si la réduction endométriale peut détruire la totalité de l'endomètre. L'utilisation au laser YAG rend cette destruction totale en principe possible: la fibre optique qu'on utilise est fine et se laisse conduire partout. On commence par les cornes. On traite ensuite méthodiquement la cavité elle même sans omettre le fond et on termine par l'entonnoir sus-isthmique. L'inconvénient est évidemment qu'on ne dispose d'aucun contrôle histologique. Avec l'électrorésecteur on sait mieux ce qu'on fait car l'examen des copeaux permet de mesurer la profondeur de la résection. Mais il est impossible de traiter correctement le fond et les cornes et on doit se servir de la boule coagulante (roller ball). Quant à l'entonnoir sus-isthmique, on recommande généralement de ne pas y toucher pour éviter la synéchie et les conséquences que peut avoir cette synéchie dans divers do-maines, le domaine du cancer inclusivement.

La réduction endométriale totale apparaît donc impossible en théorie comme en pratique si on utilise l'électrorésecteur. Si on se sert du laser YAG elle est en théorie possible et les utilisateurs de cette méthode nous montrent les résultats de contrôles hystéroscopiques et histologiques où le muscle utérin n'est plus recouvert que d'une "muqueuse" mince et rudimentaire: une seule couche de cellules aplaties reposant sur un stroma conjonctif étique et avasculaire. Mais dans la réalité on sait qu'après l'endométrectomie au laser YAG 50 % des femmes environ restent règlées ce qui indique bien évidemment qu'une muqueuse endométriale hormonodépendante, quelque part, subsiste... qui, éventuellement, se transformera si la biologie veut qu'elle se transforme. Il faut compter de plus avec l'adénomyose. On sait que les implants endométriaux logés à l'intérieur du myomètre n'ont pas vocation particulière à la transformation carcinomateuse. Mais ils ne sont pas non plus à l'abri et l'électrorésection comme le laser YAG ne peuvent prétendre à les atteindre sauf à utiliser des énergies dont la prudence élémentaire interdit l'usage.

CANDIDATES A LA REDUCTION ENDOMETRIALE = CANDIDATES AU CANCER DE L'ENDOMETRE

Les considérations qui viennent d'être énoncées à propos de la valeur préventive de la réduction endométriale n'auraient qu'une incidence médiocre si les candidates à la réduction endométriale n'étaient précisément les candidates au cancer de l'endomètre. Cette fâcheuse coïncidence est doublement embarrassante. Elle l'est au plan théorique (épidémiologie) et au plan pratique (diagnostic précoce). On envisage ici le domaine théorique.

Sans revenir en détail sur ce qui a été développé par les auteurs des textes qui précèdent celui-ci on doit rappeler que le cancer de l'endomètre se développe avec prédilection sur le terrain de l'hyperplasie. Il existe en la matière des situations diverses que l'histologie permet de définir (le risque est modérément augmenté en cas d'hyperplasie simple et fortement augmenté en cas d'hyperplasie adénomateuse qui devient état prénéoplasique vrai quand apparaissent des atypies). Des marqueurs plus spécifiques peuvent être recherchés et on pourrait finalement, par l'étude de l'endomètre, définir quelles sont les femmes à risque celles qui, dans l'idée des promoteurs de la réduction endométriale prophylactique, étaient les femmes à traiter et qui sont en fait, dans mon opinion en tout cas, les femmes à ne pas traiter (ou à traiter par l'hystérectomie).

Dans la réalité clinique les femmes qui présentent des saignements anormaux même si elles ne sont pas, au moment où on les prend en charge, atteintes d'hyperplasie véritable sont potentiellement des femmes à risque de cancer de l'endomètre. L'examen histologique, chez elles, ne montrera qu'un certain degré d'hyperactivité (endomètre prolifératif persistant) ou sera entièrement normal. Mais le fait qu'elles présentent des règles d'abondance accrue indique qu'existe un déséquilibre de la balance ostroprogestéronique et, ipso facto, une augmentation du risque de cancer. Le symptôme n'est pas d'une spécificité de 100 % et on sait que certaines diathèses peuvent inclure une séméiologie hémorragique utérine. On trouve toutefois presque toujours chez les femmes présentant des ménométrorragies, et même si leur endomètre parait normal ou subnormal, soit des signes d'accompagnement soit des marqueurs de l'hyperoestrogénie (nulliparité ou pauciparité, syndrome des ovaires polykystiques, obésité, fibrome, adénomyose etc...).

L'indication de la réduction endométriale est en quelque sorte synonyme de risque de cancer endométrial et le fait est d'autant plus embarrassant que les femmes qu'on traite sont le plus souvent en période préménopausique et qu'on les traite précisément pour pouvoir, une fois la ménopause installée, leur donner une hormonothérapie substitutive. Cette hormonothérapie va poser des problèmes théoriques. Elle va poser aussi des problèmes pratiques de surveillance. Faut-il pour autant renoncer à la réduction endométriale ? Les craintes théoriques qu'on vient d'exprimer ont-elles, dans la pratique, été confirmées ?



LE CANCER DE L'ENDOMETRE CHEZ LES FEMMES REDUITES

La première observation mondiale de cancer de l'endomètre observé chez une femme ayant antérieurement subi une ablation endométriale a été publiée dans le numéro d'octobre 1993 de "Gynecology and Obstetrics". Cette observation émane de l'équipe de Alan DeCherney de New Haven dans le Connecticut. Alan DeCherney est l'un des promoteurs de la résection endométriale. Son observation est pleine d'enseignements.

Il s'agit d'une femme de 56 ans obèse, hypertendue et diabétique présentant un long passé de ménométrorragies fonctionnelles qu'une biopsie de l'endomètre avait permis, 8 ans avant les faits, de relier à une hyperplasie adénomateuse non accompagnée d'atypies. Un traitement progestatif avait été donné et devant la récidive des saignements on avait décidé, après 3 ans, de recourir à l'ablation endométriale car la patiente refusait l'hystérectomie. Cette ablation avait été faite par électrocoagulation en utilisant l'uréthrorésectoscope.

L'opération endoscopique avait été suivie d'une aménorrhée. Une colectomie segmentaire pour cancer (Dukes B) était faite 1 an plus tard et 4 ans après survenaient à nouveau des saignements utérins. Une biopsie ambulatoire ayant révélé l'existence d'un adénocarcinome une hystérectomie totale fut réalisée qui confirma l'existence d'un adénocarcinome de grade 2 à 3 infiltrant superficiellement le myomètre et ne dépassant pas les limites de la cavité utérine. Des foyers d'adénomyose étaient visibles. Aucun d'entre eux n'étaient le siège d'une transformation carcinomateuse. Une curiethérapie endovaginale fut réalisée à titre adjuvant.

Cette observation confirme certaines des craintes exprimées précédemment et donne également certains apaisements. On doit en premier lieu faire remarquer qu'il s'agit d'un fait clinique jusque là isolé alors que la résection endométriale connaît un engouement très grand et que le nombre de procédures exécutées augmente d'une façon exponentielle. Un calcul précis toutefois est impossible et la question reste posée de formes pour le moment occultes et qui n'émergerons que plus tardivement. De ce point de vue l'observation publiée est à la fois rassurante et inquiétante.

L'observation de DeCherney est rassurante dans la mesure où le diagnostic a été facilement fait et est intervenu, semble-t-il, au tout début de la maladie. Mais elle nous démontre que l'aménorrhée qui, chez la patiente concernée, s'était installée aussitôt après l'intervention ne constitue pas un gage de succès définitif et/ou un marqueur de la disparition du risque de cancer. Cette leçon est à prendre en compte dans l'élaboration des règles de sécurité à respecter dans la prise en charge endoscopique des ménométrorragies fonctionnelles de la préménopause.

CONCLUSIONS

Les conclusions à tirer du raisonnement qu'on peut faire à propos du problème "réduction endométriale et cancer de l'endomètre" concernent essentiellement les indications:

- les hyperplasies atypiques de l'endomètre constituent une contrindication: l'hystérectomie est à réaliser systématiquement

- les hyperplasies adénomateuses ne doivent être acceptées que sous réserve surtout si existent d'autres facteurs de risque

- les hyperplasies simples et les saignements non accompagnés d'une hyperactivité tissulaire évidente représentent la bonne indication mais il faut se garder de laisser croire à la patiente qu'elle est définitivement à l'abri du cancer et il faut au contraire la convaincre de consulter à la moindre alerte si de nouveaux saignements surviennent.

Concernant la technique de la réduction endométriale l'observation de DeCherney démontre que l'aménorrhée post-opératoire ne constitue pas une garantie. Il apparaît donc inutile de chercher à l'obtenir à tout prix et d'autant plus qu'on peut penser que les procédés par lesquels on obtient le plus régulièrement l'aménorrhée sont aussi (bien que les deux faits ne soient pas synonymes) ceux qui exposent le plus aux synéchies donc au retard de diagnostic en cas de développement d'un cancer. Il est donc inutile d'utiliser le laser YAG, certainement plus efficace mais aussi plus délabrant. Et si on se sert de l'uréthrorésectoscope il est inutile d'abraser l'entonnoir sus-isthmique. Ces consignes, à vrai dire, sont justifiées tout autant par les considérations carcinologiques qui sont le thème de ce papier que par les considérations générales sur lesquelles je me permets de conclure.

La réduction endométriale a été présentée comme une méthode de prévention du cancer de l'endomètre. On vient de voir ce qu'il en est. Elle a été présentée aussi comme une alternative à l'hystérectomie. Il y a là matière à réflexion. A entendre les communications concernant la nouvelle opération et à lire les publications qui lui sont consacrées il apparaît que les objectifs du départ sont en effet dores et déjà oubliés; Le nombre de cas publiés prouve en tout cas que les indications vont bien au delà de ce qu'on considérait autrefois comme indication légitime de l'hystérectomie quand, chez une femme présentant des hémorragies fonctionnels, on avait épuisé toutes les ressources du traitement médical. Or les réductions endométriales ne sont pas toujours couronnées de succès et plus le temps passe et plus les échecs s'accumulent. Il faut compter par ailleurs avec une pathologie douloureuse soit liée à l'adénomyose sous jacente soit créée de toute pièce par l'intervention. Et le nombre des hystérectomies, on peut le craindre, loin de diminuer, finira par augmenter. Cette dérive doit être combattue: commençons en réfutant l'argument de la prévention du cancer de l'endomètre qui est aussi fallacieux que pernicieux.

BIBLIOGRAPHIE

ALAN D. COPPERMAN, A.H. DECHERNEY & D. OLIVE A case of Endometrial Cancer Following Endometrial Ablation for Dysfunctional Uterine Bleeding. Obstetrics and Gynecology 1993, 82: 640-644.