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Titre: Dosage des marqueurs biologiques dans les liquides de ponction des kystes de l'ovaire
Année: 1994
Auteurs: - Dargent D.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Kystes de l'ovaire

Chapitre I

DOSAGE DES MARQUEURS BIOLOGIQUES DANS LES LIQUIDES DE PONCTION DES KYSTES DE L'OVAIRE

D. DARGENT

Introduction

Le problème des kystes de l'ovaire est en passe de devenir un problème de santé publique. La fréquence des tumeurs ovariennes kystiques, pourtant, n'a pas augmenté. Les complications restent rares. Et la fréquence des cancers, parmi ces tumeurs kystiques, reste basse. Mais le développement de l'échographie et de l'endoscopie suscite un activisme ruineux pour l'économie de santé. Le dosage des marqueurs biologiques dans le liquide kystique ne représente-t-il qu'une nouvelle façon d'alourdir les coûts ? Peut-il, au contraire, les diminuer ?

RATIONNEL

Les "kystes de l'ovaire" sont aujourd'hui beaucoup plus nombreux qu'autrefois. Cette augmentation de la prévalence est due à la généralisation de l'échotomographie. Ce sont les femmes jeunes qui sont essentiellement concernées à la fois parce qu'elles subissent plus volontiers des examens ultrasonores et parce que l'existence de kystes dystrophiques est chez elles beaucoup plus fréquente. Bien que cette notion très anciennement connue soit, à priori, rassurante on est toujours inquiet quand on découvre un kyste de l'ovaire, y compris dans les cas où les caractéristiques échographiques de ces kystes ne sont pas "suspectes". Le cancer véritable, certes, est exceptionnel chez la femme jeune. Mais les tumeurs borderline sont relativement fréquentes. Or ces tumeurs sont parfaitement curables à condition d'être traitées précocement. Et on se trouve pris entre deux nécessités contradictoires: éviter un interventionnisme intempestif et un abstentionnisme préjudiciable.

La ponction échoguidée peut représenter une réponse aux questions posées si l'analyse du liquide recueilli permet de s'assurer qu'on a bien vidé un kyste fonctionnel et non une tumeur kystique bénigne (risque de récidive) ou maligne (risque de diffusion). La cytologie qui représentait jusqu'à une époque récente la seule méthode d'évaluation est malheureusement trop imprécise. Elle ne permet pas d'exclure à tout coup le diagnostic d'organicité et elle laisse passer un bon nombre de cancers surtout si ils sont "à malignité limitée". La biologie est en principe capable de faire mieux. Les marqueurs qu'on peut utiliser sont l'oestradiol et la progestérone d'une part l'antigène carcino-embryonnaire, le CA 125 et le CA 19.9 d'autre part. Oestradiol et progestérone sont des marqueurs des dystrophies fonctionnelles. ACE, CA 125 et CA 19.9 sont des marqueurs des tumeurs organiques bénignes (augmentation des taux dans le seul liquide kystique) et malignes (augmentation des taux dans le liquide kystique et dans le plasma).

INTERPRETATION DES DOSAGES

Notre expérience du dosage des marqueurs dans les liquides kystiques remonte à 1988 (1). Nous avons à l'époque publié une première étude portant sur 100 cas dans lesquels avaient été dosés dans le plasma et dans le liquide kystique E2, PRG, ACE, CA 125 et CA 19.9 (dosages radio-immunologiques - réactifs CIS). Cette première étude nous avait montré que les valeurs, tant dans le plasma que dans le liquide kystique, étaient extrêmement dispersées. Nous avons pu établir également, à partir des 57 observations dans lesquelles un contrôle histologique avait pu être obtenu, que les taux moyens étaient, dans les liquides kystiques, différents selon qu'on est en présence d'un kyste fonctionnel ou d'un kyste organique. Mais les intervalles de confiance étant très vastes il était impossible en se basant sur le seul taux de l'un ou l'autre des marqueurs de faire un diagnostic. Le taux de l'oestradiol est en moyenne 2 fois plus élevé dans les kystes fonctionnels. Mais on peut trouver, dans certains kystes organiques, des taux très élevés (activité oestrogène-like du stroma tumoral). A l'inverse le taux du CA 125 est en moyenne 2 fois plus élevé dans les kystes organiques. Mais on peut trouver dans certains kystes fonctionnels (les kystes d'hyperstimulation en sont le meilleur exemple) des taux très forts (hyperactivité de l'épithélium coelomique). On doit donc, si on veut utiliser les dosages pour faire un diagnostic, faire une interprétation plurifactorielle.

Analyse multivariée

La technique d'analyse multivariée qui a été utilisée dans le laboratoire du Docteur Y. Lasne est celle de l'analyse en composantes principales normées (ACPN). Cette ACPN a démontré qu'il existait dans la composition des liquides et des sérums des axes factoriels indépendants. Le premier axe factoriel est celui de la corrélation entre les taux d'oestradiol et de progestérone sérique. Le deuxième axe est celui où s'opposent la teneur en CA 125 et les teneurs en oestradiol et progestérone dans les liquides kystiques. Le troisième axe est celui où s'opposent la teneur en CA 19.9 et celle en CA 125 dans le sérum. le plan 1.2 est mixte. Le plan 1.3 est sérique.

La projection des individus sur les plans définis par les axes factoriels permet de distinguer 8 familles qui correspondent à autant de "profils biologiques" qui semblent correspondre assez bien à autant de familles histologiques (figures 1 et 2). A partir des 57 observations où histologie et biologie avaient pu être confrontées il est apparu en effet que chaque variété histologique correspondait à un profil biologique précis.

1. kyste fonctionnel: teneur élevée du liquide kystique en oestradiol et en progestérone

2. cystadénome séreux: teneur élevée du liquide kystique en CA 125

3. cystadénome mixte: teneur élevée du liquide kystique en CA 125 et en CA 19.9

4. cystadénome mucineux: teneur élevée du liquide kystique en CA 19.9

5. kyste endométrioïde: teneur élevée du liquide kystique en ACE

6. cystadénome et tumeur borderline: teneur élevée du liquide kystique et du sérum en CA 125

7. kyste dermoïde: teneur élevée du liquide kystique et du sérum en CA 19.9

Les kystes "despécifiés", ceux dont l'examen histologique ne permet pas de définir la nature, ont pu pour la plupart être classés dans l'une ou l'autre des catégories biologiques: les productions de l'épithélium pathologique persistent dans le kyste alors même que l'épithélium a disparu sous l'effet de la pression du liquide qu'il produit.

Une étude publiée en 1989 (2) et portant sur 100 nouveaux cas (dont 42 comportant un contrôle histologique ce qui porte à 99 le nombre d'observations complètes) a confirmé certains points mais en a infirmé d'autres : Tableau I.

- pour les kystes fonctionnels la biologique est très spécifique: sur les 8 cas où l'on avait prévu un kyste fonctionnel le diagnostic est confirmé 7 fois. Mais elle est, en revanche, peu sensible: 6 seulement des 13 kystes fonctionnels avaient un profil biologique conforme

- pour les kystes organiques pris dans leur ensemble en exceptant les kystes dermoïdes et les kystes endométrioïdes (c'est-à-dire les kystes séreux, les kystes mucineux, les kystes despécifiés et les reliquats embyonnaires) la biologie s'avère très spécifique puisque nous comptons seulement 8 faux positifs sur les 52 cas répondant à la nomenclature et assez sensibles puisque puisque sur 43 lésions de ce type 12 seulement ont échappé à la biologie

- pour les tumeurs kystiques malignes (cancer et tumeur borderline) la sensibilité de la méthode apparaît parfaite et la spécificité excellente (2 faux positifs pour 20 cas)

- pour le diagnostic de la nature des tumeurs ovariennes kystiques la valeur de la méthode est inégale: s'agissant de distinguer les cystadénomes séreux, mucineux et séromucineux les résultats sont bons mais le diagnostic biologique des kystes endométrioïdes et des kystes dermoïdes apparaît totalement illusoire.

A partir d'avril 1989 le dosage des marqueurs a été pris en compte dans la conduite à tenir vis à vis des formations ovariennes kystiques. Les 136 observations colligées entre avril 89 et juin 91 ont fait l'objet d'une étude publiée en 1992 (3). Deux lacunes sont apparues:

a. 3 récidives ont été observées chez les 48 patientes traitées par ponction simple (elles avaient toutes un profil biologique de kyste fonctionnel)

b. 3 des 4 tumeurs borderline avaient un profil biologique de tumeur organique bénigne.

Ces faits nous ont conduits à modifier notre stratégie en simplifiant l'interprétation du résultat des dosages et en intégrant ces résultats dans le pannel des signes paracliniques permettant une évaluation globale.

Analyse simplifiée

L'analyse des résultats des dosages de marqueurs peut être simplifiée. On y gagne en terme d'argent économisé. On n'y perd rien en terme de précision, bien au contraire.

Pour la distinction entre kyste fonctionnel et tumeur ovarienne kystique la prise en compte des résultats des dosages de E2 et de CA 125 dans le liquide kystique donne des résultats équivalents à ceux de l'analyse multivariée prenant en compte les 10 valeurs de l'étude complète. C'est ce que montre la figure 3 tirée de notre étude de 1989 (2): dans tous les cas où presque les kystes fonctionnels sont caractérisés par un taux d'oestradiol (pcg par ml) supérieur aux taux de CA 125 (UI par ml) et les kystes organiques, dans 85 % des cas, sont caractérisés par un rapport inverse.

Pour la distinction parmi les tumeurs organiques kystiques entre tumeurs bénignes et tumeurs malignes le dosage du CA 125 dans le plasma donne en lui-même des informations qui paraissent au moins aussi fiables que celles fournies par l'analyse multivariée dans laquelle ce paramètre est pris en compte en même temps que les 9 autres paramètres biologiques. Dans notre troisième étude (3) le taux du CA 125 sérique était supérieur à 18 UI par ml dans 2 des 3 faux négatifs observés. Ce taux qui est égal à la moitié du taux seuil habituellement retenu est celui que nous avons décidé de considérer dans la prise en charge des tumeurs kystiques.

Sur le plan pratique nous avons donc décidé de ne plus prendre en compte que 3 marqueurs biologiques: CA 125 et E2 pour le liquide kystique et CA 125 pour le plasma. En agissant de la sorte en se prive de la possibilité qu'offre l'analyse multivariée de faire la distinction entre kystes séreux, mucineux et séromucineux, mais ces kystes sont, de toute façon, à opérer. On se prive aussi de la possibilité que l'analyse multivariée offre en théorie de faire le diagnostic de kyste endométrial ou de kyste dermoïde mais on a vu que les performances de la biologie étaient en la matière médiocres. Pour la distinction entre kyste fonctionnel et kyste organique et pour la distinction, parmi les kystes organiques, entre tumeurs bénignes et malignes on fait aussi bien en se basant sur les 3 dosages qu'en passant par croisant par l'étude multivariée les résultats des 10 dosages.

On sait, de toute façon, que la différenciation entre kyste fonctionnel et kyste organique ne peut pas être faite par la seule biologie avec une précision de 100 % (Tableau I). On sait aussi que la biologie à elle seule ne suffit pas pour exclure l'existence d'un cancer et, surtout, d'une tumeur borderline (3). Mais plutôt qu'en multipliant les examens biologiques c'est en corrélant les résultats de ces examens avec ceux des autres examens paracliniques qu'on peut espérer approcher de l'idéal.

Intégration des résultats des dosages dans la prise en charge

Les dosages de marqueurs ne sont pas les seuls éléments décisionnels quand on se trouve en présence d'unr formation kystique ovarienne. L'échographie qui permet la détection de la lésion permet aussi d'en prévoir la nature et la cytologie qui intervient au même moment que l'analyse biologique apporte des précisions qu'il serait absurde de ne pas retenir.

L'échographie dans la perspective d'une sélection des indications de la ponction échoguidée permet d'éliminer d'emblée un certain nombre de candidates: toutes celles dont l'image liquidienne est barrée de cloisons plus ou moins épaisses et/ou partiellement comblée par des images échogènes. Seules les femmes porteuses d'une lésion uniloculaire peuvent être retenues. Le tableau II montre qu'en pareille circonstance le cancer est exceptionnel: 2,3 % d'après la revue de la littérature faite par G. Pennehouat (4) en remarquant que depuis l'introduction de l'échographie endovaginale (1989) le phénomène est devenu moins fréquent (0,3 %). On peut, par ailleurs, affiner le diagnostic et minimiser le risque de laisser passer un cancer en se limitant aux kystes de moins de 5 cm: la fréquence des cancers est 5 fois plus faible qu'en présence d'un kyste de 5 à 10 cm et 30 fois plus faible qu'en présence d'un kyste de plus de 10 cm.

La vélocimétrie Doppler apporte un argument supplémentaire. Les kystes fonctionnels et les tumeurs bénignes, 2 fois sur 3, n'ont pas de vascularisation détectable et quand des flux vasculaires peuvent être mis en évidence l'indice de résistance est élevé (amplitude de la systole - amplitude de la diastole / amplitude de la systole). Dans les tumeurs malignes au contraire une vascularisation est constamment détectable. Elle est importante et intense. Elle prédomine au centre plutôt qu'en périphérie. L'amplitude de la systole est importante. Celle de la diastole l'est aussi et l'indice de résistance est bas. Les spécialistes se disputent sur le niveau où il faut fixer la valeur seuil. B. SALLE (5) a montré en utilisant la méthode de la courbe ROC (figure 4) à propos d'une série de 61 cas contrôlés qu'un indice de résistance à 0,76 évitant tous les faux négatifs dans le diagnostic des cancers (sensibilité égale à 1) tout en exposant à un taux de faux positif qu'on peut qualifier d'acceptable (spécificité à 0,76).

L'examen cytologique du liquide kystique n'intervient qu'après coup. Il ne se distingue pas, en cela, de l'examen biologique. Mais il apporte un complément fort intéressant. L'époque n'est plus où on comptait sur l'examen cytologique pour faire le diagnostic de la nature du kyste. Tous ceux qui ont essayé d'imiter DeBrux ont échoué. On ne peut même pas compter sur cet examen pour faire à tout coup le diagnostic du cancer et, à fortiori, le diagnostic des tumeurs borderline. Une cytologie acellulaire ou une cytologie ne montrant que des cellules spumeuses n'a aucune valeur. Mais il faut tenir compte de l'examen cytologique quand il montre des cellules épithéliales caractérisées ou, à fortiori, des végétations épithélio-conjonctives flottantes. Si nous l'avions fait nous aurions évité les 3 récidives observées dans notre série 1989-1991 (3), récidives qui correspondaient à des kystes vestigiaux (reliquats embryonnaires) dans 2 cas et un cystadénome séreux dans le 3ème cas (2 entités différentes à séméiologies biologiques et cytologiques voisines ayant la même capacité à récidiver après ponction et méritant, de ce fait, une exérèse).

L'aspect macroscopique du liquide kystique est un élément qu'on doit également savoir interpréter. On débouche finalement sur un arbre de décision où la biologie a sa place mais n'est pas l'unique facteur décisionnel. Cet arbre est présenté en figure 5.

CONCLUSION

La question posée en introduction était celle des possibilités offertes par la biologie dans la perspective d'une réduction des coûts pour la prise en charge des kystes de l'ovaire, cette réduction devant, bien entendu, respecter les règles de sécurité. Notre conclusion est qu'un tel objectif peut être atteint à condition de limiter le nombre de dosages à 3: dosage du CA 125 dans le plasma et dosage du même CA 125 en même temps que de l'E2 dans le liquide kystique. Si ces 3 dosages sont pratiqués et si leurs résultats sont interprétés en confrontation avec les résultats des autres examens paracliniques on réduit à presque rien le risque de laisser passer un cancer. Cette politique très stricte amène à exclure indument (immédiatement ou secondairement) un certain nombre de patientes du bénéfice de la simple ponction échoguidée. Le nombre des ponctions échoguidées ne dépassera pas 15 % mais l'économie réalisée dépasse largement les coûts entrainés par le triple dosage.

BIBLIOGRAPHIE

1. D. DARGENT, Y. LASNE, S. AKIKI. Kystes annexiels. Etude du liquide de ponction: les marqueurs biologiques. Communication au workshop "laser et coeliochirurgie en gynécologie". CLERMONT FERRAND 23.24 novembre 1988

2. D. DARGENT Diagnostic histologique des kystes de l'ovaire par le dosage des stéroïdes et des marqueurs tumoraux dans les liquides kystes. Communication au workshop "Marqueurs tumoraux: à la recherche d'un consensus bioclinique". CIS PARIS 16 mai 1989.

3. D. DARGENT, P. MATHEVET, V. JULOU, Ph. AUDRA,Y. LASNES Kystes de l'ovaire: place de la ponction échoguidée dans le diagnostic et le traitement. Contracept. Fertil. Sex. 1992; 20: 1137-1141.

4. A. AUDEBERT, HJ.N. GUGLIELMINA, G. PENNEHOUAT, E. SEBBAN & all. La coeliochirurgie dans la prise en charge des kystes annexiels. Références en Gynécologie Obstétrique 1993, 1: 62-79.

5. B. SALLE Le Doppler pulsé couleur par voie transvaginale. Etude du cycle menstruel. Etude des masses latéro-utérines. Thèse LYON 1993.