Les XXIIe JTA
> Présentation
> Programme
> Comité scientifique
> Intervenants
> Contacter les JTA

En pratique
> S'inscrire
> Renseignements
> Hébergement
> Programme social
> Post-congrès

Les archives
> Andrologie
> Biologie
> Gynécologie
> Infertilité
> Médecine foetale
> Néonatologie
> Nutrition
> Obstétrique
> Pédiatrie
> Périnatalité
> Périnéologie
> Phlébologie
> Psychosomatique

Rechercher

Titre: Cancer du col et grossesse
Année: 1994
Auteurs: - Uzan S.
Spécialité: Obstétrique
Theme: Cancer du col

Chapitre XVIII

CANCER DU COL ET GROSSESSE

S. UZAN

Introduction

La découverte d'un cancer du col au cours de la grossesse est un événement rare mais non exceptionnel. Dans la littérature, les chiffres varient largement et l'on peut estimer qu'une maternité pratiquant 1500 à 2500 accouchements chaque année observera en moyenne un cas de cancer du col.

Les cancers in situ sont plus fréquents que les cancers invasifs, avec un rapport moyen dans les publications de trois cancers in situ pour un cancer invasif.

Si l'on considère le point de vue des centres anticancéreux, on note que leurs statistiques font état de 1 à 5 % de cas où la grossesse est une circonstance diagnostique pour le cancer du col.

Le problème particulier des relations "aggravantes" de la grossesse et du cancer du col a été largement débattu. En fait, après une première phase où la grossesse a été considérée comme une circonstance aggravante avec des cancers ayant alors un plus mauvais pronostic, on observe en matière de cancer du col la même évolution des idées qu'en ce qui concerne le cancer du sein. Il ne semble pas exister de pronostic péjoratif spécifiquement lié à l'état de grossesse. Pour certains auteurs et compte tenu de l'âge moyen des patientes en âge de procréer, d'autres cancers invasifs seraient même moins élevés que dans la population de référence. Il en va de même du taux de la sécrétion d'oestrogènes qui contrairement aux idées initialement développées, ne semble pas être un facteur aggravant du cancer du col. Il n'est de toute façon pas hormonodépendant.

Quoi qu'il en soit, la grossesse doit rester une circonstance où le cancer doit être recherché systématiquement et ce dès l'examen initial. Il est en effet fondamental d'arriver le plus rapidement possible à un diagnostic précis de façon à réduire l'impact psychologique et les difficultés décisionnelles d'un diagnostic plus tardif. Il est en général possible d'arriver à un diagnostic précis en combinant frottis, colposcopie ou micro colposcopie et biopsie. Ces différents éléments permettront généralement d'arriver à un diagnostic qui opposera les dysplasies, les cancers in situ et éventuellement les cancers micro invasifs très limités tant en étendue qu'en profondeur (et pour lesquels on a une certitude) aux cancers micro invasifs plus étendus et aux cancers invasifs. Les conséquences du diagnostic de l'une ou l'autre des formes sont importantes, en particulier sur le déroulement de la grossesse, les modalités de l'accouchement et sur les modalités thérapeutiques.

Disons d'emblée que la conisation qui est un geste difficile, dangereux et comportant d'importantes complications au cours de la grossesse, doit rester d'indication exceptionnelle mais il est des cas où l'on ne peut se passer de ce stade diagnostique avant de prendre une décision parfois très grave.

Nous évoquerons dans la suite de cet exposé les particularités liées à l'association cancer du col et grossesse aux différentes étapes diagnostiques et thérapeutiques. Les éléments qui sont les mêmes qu'il y ait grossesse ou non ne seront pas évoqués ici.

B) CIRCONSTANCES DIAGNOSTIQUES

I - Aspect clinique du col :

C'est parfois sur cet aspect que d'emblée est évoquée la présence d'un cancer du col souvent chez des patientes qui n'ont pas fait l'objet d'une surveillance avant la survenue de la grossesse. Ceci permet également d'insister sur l'importance d'un examen clinique complet en particulier au spéculum lors de l'examen initial de la grossesse. L'aspect clinique est parfois difficile à évaluer, en particulier du fait de la présence fréquente d'ectropions parfois importants lors de la grossesse. Cet ectropion a au moins l'avantage de s'associer à une éversion de la ligne de jonction pavimento-cylindrique, ce qui simplifie "l'accès" au diagnostic.

II - Les métrorragies :

Les métrorragies sont un signe fréquent de découverte du cancer du col. Elles sont spontanées dans la majorité des cas. Elles ne sont toutefois pas obligatoires et près de 20 % des cancers sont asymptomatiques. Ces métrorragies, bien entendu, ne doivent pas être rattachées trop facilement à des circonstances obstétricales ou simplement étiquetées menace de fausse couche. Elles imposent un examen du col qui permettra d'étudier l'origine anatomique de ces métrorragies (endocol ou exocol) et à côté du bilan complet incluant une échographie, l'examen colposcopique, la pratique de frottis et d'une éventuelle biopsie font partie du bilan systématique de ces métrorragies.

III - Les frottis :

Comme nous l'avons dit, l'étude cytologique est souvent facilitée par l'extériorisation de la ligne de jonction, mais elle est également rendue difficile par le polymorphisme cellulaire et l'infection fréquemment associée. C'est pourquoi la fréquence des anomalies est assez élevée (environ 1 %) avec seulement un tiers correspondant à des aspects réellement pathologiques. Il est d'ailleurs démontré (D. Dargent) que la fréquence des dysplasies et des carcinomes in situ est directement proportionnelle à l'intérêt que l'on porte à leur dépistage.

Signalons que l'aspect de ces frottis peut se modifier au cours de la grossesse, d'où l'importance en cas de frottis anormaux ou limite ou douteux, de les répéter éventuellement tous les mois car dans certains cas, la situation est sous estimée ou surestimée. Quoi qu'il en soit, la moindre anomalie cytologique doit entraîner ipso facto une colposcopie complétée éventuellement de biopsies. Il ne doit pas y avoir d'exception à cette règle.

Toujours à propos des frottis, signalons que pour les cas de carcinome in situ ou de dysplasie où l'on se contentera d'une simple surveillance au cours de la grossesse et d'une réévaluation de la situation dans les semaines qui suivent l'accouchement, dans un nombre important de cas (environ 40 %), il y a une amélioration dans le post partum et dans près de 20 % des cas, il existe une véritable normalisation. Cependant, cette normalisation ne doit pas interrompre toute surveillance et il doit être effectué un nouveau bilan de contrôle deux mois plus tard.

Pour conclure ce chapitre concernant les frottis, rappelons qu'ils ont une excellente valeur d'alarme, mais qu'ils manquent de spécificité et qu'ils doivent obligatoirement déboucher chaque fois qu'une anomalie est constatée sur une colposcopie.

IV - La colposcopie :

Nous parlerons ici de colposcopie mais il s'agit selon les équipes, soit d'une colposcopie classique, soit d'une micro colposcopie utilisant un micro colpohystéroscope. Pour notre part, nous pratiquons souvent une combinaison des deux : examen colposcopique pour étudier la totalité du col et micro colposcopie centrée sur la jonction pavimentocylindrique et sur certaines zones suspectes.

Cet examen est, rappelons-le, facilité par l'extériorisation de la ligne de jonction, mais à l'inverse il peut être gêné dans certains cas par la présence d'un oedème important, de lésions inflammatoires et même pour des raisons purement mécaniques par le ramollissement des parois vaginales qui ont tendance à envahir le champ de vision du spéculum.

Cet examen doit être réalisé par un opérateur entraîné aux modifications physiologiques du col au cours de la grossesse, qui ont tendance à caricaturer les aspects de transformation. Notons que si cet examen est facile au premier ou au début du second trimestre, il devient de réalisation et d'une fiabilité réduites après le sixième mois.

La colposcopie permet soit d'affirmer la normalité de l'aspect du col en présence de frottis faussement positifs, soit au moindre doute de guider la biopsie. Cette biopsie doit également être réalisée par un opérateur entraîné car elle peut nécessiter un prélèvement profond, comportant un risque non négligeable dont la patiente sera avertie. Il nous arrive de réaliser ces examens au cours d'une hospitalisation de jour. A priori, la colposcopie et la biopsie ne comportent pas de risque obstétrical réel. Toutefois, l'existence de métrorragies liées à cet acte peut augmenter le risque infectieux local et c'est pourquoi nous y associons systématiquement une désinfection locale et très fréquemment une courte antibiothérapie.

V - La conisation doit rester d'indication exceptionnelle. Elle comporte en effet un risque hémorragique important et un risque concernant la grossesse elle-même (rupture prématurée des membranes, prématurité, infection). Certains proposent lorsqu'elle est pratiquée de l'associer systématiquement à un cerclage, mais pour notre part, nous considérons que la combinaison de ces gestes aboutit à un risque infectieux majoré.

Dans certaines séries de conisation, on retrouve 6 % de fausses couches, 11 % de prématurés, 7 % de déchirure cervicale lors de l'accouchement, une mortalité périnatale de plus de 100 pour 1000, c'est-à-dire multipliée par 10.

Au total, la conisation doit être réservée aux cas où l'étendue de la micro invasion reste impossible à réaliser lors des biopsies. Cette situation est d'autant plus difficile lorsque l'on se situe à un terme "intermédiaire" de la grossesse et que la décision est alors encore plus difficile. On peut également avoir recours à une conisation lorsque le diagnostic n'est pas parfaitement établi et qu'il existe une volonté importante de la patiente de poursuivre la grossesse qui sans cela aurait été interrompue.

VI - La fiabilité de l'évaluation au cours de la grossesse qui repose comme nous l'avons dit sur le trépied frottis-colposcopie-biopsie, a été évaluée par plusieurs auteurs.

Schématiquement, la surévaluation varie de 2 à 10 % et la sous-évaluation dans les mêmes proportions. Globalement, 90 à 95 % des cas seront correctement évalués au cours de la grossesse. Il faut toutefois tenir compte de cette légère incertitude lors de la discussion avec le couple en ce qui concerne l'issue de la grossesse.

VII - Le pronostic :

Comme nous l'avons dit, il ne semble pas que le pronostic de ces cancers soit aggravés par la grossesse, même si celle-ci s'accompagne d'une augmentation des réseaux veineux et lymphatiques du col. Pour la plupart des auteurs aujourd'hui, à stade égal et lorsqu'un traitement complet a pu être appliqué, la grossesse ne constitue pas en elle-même un facteur de mauvais pronostic.

L'invasion ganglionnaire qui avait été trouvée plus fréquente au cours de la grossesse par certains auteurs ne l'a pas été par d'autres.

Le mode d'accouchement comme élément pronostique a été là aussi largement discuté. Pour la plupart des auteurs, le traumatisme du col, de la dilatation et du travail reste un facteur plutôt péjoratif. Toutefois, de nombreux autres auteurs ne retrouvent pas de différence de survie en fonction du mode d'accouchement. En tout état de cause, il peut être retenu que l'accouchement par voie basse demeure une contre indication lorsque l'invasion est sûre ou lorsque la micro invasion est étendue. Dans les autres cas, et a fortiori, dans les cas de dysplasie ou de carcinome in situ a minima, il semble bien que l'on puisse autoriser un accouchement par les voies naturelles si les conditions psychologiques et obstétricales s'y prêtent.

Les statistiques faisant état d'une différence de pronostic selon le terme de découverte du diagnostic sont à rapprocher d'un facteur retard de diagnostic plus qu'à une influence réelle de l'évolution de la grossesse.

C) CONDUITE A TENIR

I - Dysplasie, cancer in situ.

On rapprochera de cette situation le cas de certains cancers micro invasifs sur une très faible profondeur et sur une étendue très limitée dont on a réalisé à coup sûr l'exérèse complète. Cette situation est d'autant plus rapprochée des précédentes qu'il existe un souhait du maintien de la grossesse de la part de la patiente.

Dans cette situation de moindre risque, on se contente généralement d'une surveillance au cours de la grossesse par des frottis et colposcopies répétés et dont on a déjà évoqué les limites au delà du sixième mois. Il est admis par la plupart des auteurs que l'accouchement peut se dérouler par voie basse si l'on a une certitude concernant l'absence d'invasion ou de micro invasion.

Un nouveau contrôle des lésions est effectué six à huit semaines après l'accouchement et la décision stratégique est alors définitivement prise. En cas de cancer micro invasif et lorsqu'on a laissé évolué la grossesse, certains auteurs préfèrent quand même avoir recours à une césarienne avec exploration soigneuse lors de celle-ci, et éventuellement traitement chirurgical radical.

II - Cancer avec micro invasion significative et cancer invasif.

En cas de cancer invasif, l'avortement thérapeutique permettant le traitement classique du cancer du col reste la règle de la stratégie à proposer en début de grossesse.

En fin de grossesse, il est généralement décidé d'atteindre la viabilité foetale et de pratiquer dans le même temps césarienne et premier temps chirurgical de l'intervention. Notons à ce sujet qu'attendre la période de viabilité foetale veut dire de réduire le risque de prématurité vraiment a minima. Il est parfois regrettable d'observer une maladie des membranes hyalines sévère pour ne pas avoir voulu attendre deux semaines supplémentaires qui avaient peu de chance d'influencer le pronostic maternel.

Le premier temps chirurgical est donc réalisé en même temps que la césarienne. Il consiste généralement en un Wertheim. Cette chirurgie n'est pas forcément plus difficile car même si elle est parfois plus hémorragique, à l'inverse les plans de clivage du fait de l'oedème gravidique sont plus faciles à retrouver.

Ce temps chirurgical et en fonction des résultats anatomopathologiques, sera éventuellement complété par un temps de radiothérapie ou de curiethérapie ou des deux.

Comme cela est le cas habituellement pour tous les cancers, la survenue au cours du deuxième trimestre pose des problèmes plus importants qui devront tenir compte de l'état du cancer, des antécédents obstétricaux de la patiente et in fine de la décision que le couple sera amené à prendre.

Rappelons enfin que pour certains auteurs anglo-saxons, le traitement radiothérapique reste au premier plan avec en cas de cancer survenant au premier trimestre, radiothérapie et uniquement hystérectomie si la grossesse se poursuit malgré la radiothérapie (mais l'on imagine aisément l'impact psychologique d'une telle décision) et pour les cancers découverts au troisième trimestre, une césarienne simple suivie d'une radiothérapie. La plupart des auteurs français n'ont pas recours à ces deux solutions.

En ce qui concerne le cancer micro invasif, comme nous l'avons dit, il peut constituer une des rares indications de conisation en début de grossesse, surtout lorsque le diagnostic reste difficile à établir. Dans certains cas, elle pourra même constituer un geste thérapeutique au moins provisoire. Lorsque le diagnostic de cancer micro invasif est porté en fin de grossesse, on peut soit accepter un accouchement par voie basse puis appliquer un traitement classique après réévaluation, soit pour certains pratiquer d'emblée une césarienne suivie d'une hystérectomie et d'une exploration complète.

D) CONCLUSION

La découverte d'un cancer du col au cours de la grossesse reste une éventualité grave tant par l'impact psychologique que par l'impact thérapeutique qu'elle peut entraîner. Il faut toutefois rappeler que ce cancer reste un cancer souvent curable lorsque la stratégie thérapeutique est appliquée précocement et de façon adéquate.

Nous rappellerons donc l'importance d'une démarche diagnostique soigneuse impliquant frottis, colposcopie et biopsie qui permettra dans l'immense majorité des cas d'éviter le recours à une conisation. Ce diagnostic précoce et précis permettra de limiter les conséquences de la découverte d'un tel diagnostic.

BIBLIOGRAPHIE

Il s'agit d'une bibliographie sommaire faisant référence à quelques ouvrages traitant assez largement de la question.

1) L. BOUBLI, M. Martino Cancer du col et grossesse. In : Grossesses et accouchements à risque : prise en charge multidisciplinaire, Marseille, 14- 15 Octobre 1993, Coordinateurs : M. Gamerre, L. Boubli, H. Ruf

2) P.J. DISAIA, W.T. CREASMAN Clinical Gynecologic oncology. Fourth Edition, Mosby Year Book, 1993

3) Y. ROCHET, C. LAGARDE, A. BREMOND Cancers gynécologiques et mammaires. Encyclopédie des Cancers dirigée par B. Hoerni, Flammarion Médecine Sciences, 1986

4) B. BLANC, L. BOUBLI. Gynécologie. Editions Pradel, EDISEM, 1989