Chapitre XIX
CANCER DE L'OVAIRE ET GROSSESSE
J.P LEFRANC
Introduction
Le cancer de l'ovaire représente 4% des cancers de la femme et un peu
plus du quart des localisations gynécologiques. Malgré un accroissement de sa fréquence
(multiplication par 2,5 depuis 1960) et la survenue fréquente de grossesses après 25 ou
30 ans en pays industrialisés, la découverte d'un cancer de l'ovaire pendant une
grossesse reste très rare. La fréquence en est évaluée à 1 pour 18000 grossesses,
avortements inclus, et le taux de cancers par rapport à l'ensemble des tumeurs ovariennes
oscillent entre 2 et 5% (1, 2) alors qu'en dehors de la grossesse, ce taux est évalué à
18-20%
HISTOLOGIE :
Bien que les cancers du revêtement épithélial se voient surtout
après 40 ans, ils constituent une forme fréquente pendant la grossesse, atteignant 45%
des cas dans la série de NOVAK (2). Il s'agit souvent de forme à malignité limitée
(border-line) ou de cancer de bas grade.
Les tumeurs des cellules germinales (séminomes) et du stroma gonadique
représentent 14% des cas pour NOVAK (2). Les autres formes histologiques (sarcomes,
métastases) sont exceptionnelles.
DIAGNOSTIC :
Les signes et symptômes des cancers de l'ovaire pendant la grossesse
n'offrent aucune particularité. En dehors des complications à type de rupture, torsions,
hémorragies ou infection, toujours possibles, une masse annexielle est découverte le
plus souvent lors du premier examen obstétrical.
Les caractères cliniques et échographiques de cette masse déterminent
la conduite à tenir : devant une masse à priori bien encapsulée, mobile, liquidienne,
homogène, persistante, on attendra le deuxième trimestre de la grossesse pour réaliser
son exérèse. Les tumeurs diagnostiquées au cours du deuxième trimestre seront
opérées au cours du 3ème, après obtention de la viabilité du foetus.
A l'inverse, une masse présentant des critères de malignité (masse
fixée, bilatérale, hétérogène, s'accompagnant d'une ascite ...) devra être opérée
sans délai.
Les cancers de l'ovaire pendant la grossesse sont le plus souvent
diagnostiqués à un stade précoce (stade 1) mais un tiers le sont cependant aux stades 3
et 4.
* EVOLUTION ET TRAITEMENT :
Le maintien de la grossesse ou son interruption n'ont aucun effet sur
l'évolution néoplasique. La rapidité évolutive, l'agressivité des cancers de l'ovaire
justifient un traitement lourd et rapide, identique à celui réalisé en dehors de la
grossesse. Les risques maternels liés au retard thérapeutique l'emportent en effet
largement sur toute autre considération.
Le type d'exérèse dépendra de l'extension des lésions. Quand la
malignité n'est pas certaine, une chirurgie limitée à type d'annexectomie unilatérale
doit être la règle. La place de la coeliochirurgie n'est actuellement pas déterminée.
- Les tumeurs unilatérales, sans dissémination (biopsie
controlatérale, omentectomie, cytologie et biopsie péritonéale, adénectomie...)
bénéficieront d'un traitement conservateur par annexectomie unilatérale. Il s'agira
dans ces cas plus souvent d'un cystadénocarcinome mucineux , à malignité limitée (3/4
sont unilatéraux) que d'une forme sero-papillaire; il peut parfois s'agir d'une tumeur du
stroma gonadique ou d'un séminome, formes pour lesquelles il ne sera pas envisagé de
traitement complémentaire. Dans tous ces cas, la grossesse peut être poursuivie sans
risque. Les malades présentant une tumeur du revêtement épithélial traitée de façon
conservatrice devront bénéficier, éventuellement après une deuxième grossesse, d'une
hysterectomie-annexectomie controlatérale.
Les autres tumeurs germinales (carcinome embryonnaire, tumeur du sac
vitellin...) sont de haute malignité. Elles nécessitent impérativement la réalisation
d'une polychimiothérapie, évidemment incompatible avec la poursuite de la grossesse.
- Les tumeurs bilatérales encloses, en général tumeurs du revêtement
épithélial à malignité limitée, peuvent être traitées par annexectomie bilatérale
et conservation utérine, le don d'ovocytes permettant peut-être dans l'avenir, la
survenue d'une autre grossesse.
- Les formes disséminées nécessitent une hysterectomie-annexectomie,
omentectomie..., exérèse de toute masse tumorale. Cette chirurgie radicale doit être
suivie d'une polychimiothérapie, l'ensemble ne permettant pas le maintien de la
grossesse.
BIBLIOGRAPHIE
- 1 BEISCHER NA., BUTTERY BW., FORTUNE DR. ET COLL. Growth and
malignancy of ovarian tumors in pregnancy. Aust NZJ Obstet Gynaecol 11 : 1971, 208.
- 2 Novak ER. Lanbron, Woodruff JD. Ovarian tumors
in pregnancy, an ovarian tumor registry review. Obstet Gynecol: 1975, 46, 401.
|