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Titre: Auto-immunité et anomalies du développement embryo-foetal
Année: 1994
Auteurs: - Mulliez N.
Spécialité: Médecine foetale
Theme: Malformations fœtales

Chapitre III

AUTO-IMMUNITE ET ANOMALIES DU DEVELOPPEMENT EMBRYOFOETAL (signification en pathologie humaine d'un modèle expérimental murin)

N. MULLIEZ, P.VERROUST, F. CHÂTELET, D. SAHALI, P. RONCO, Ch. ROUX

Introduction

Les malformations foetales surviennent dans 2 à 3 % des naissances dans les pays développés et constituent donc un problème majeur de santé publique (1, 2). En 1973, Wilson (3) indiquait que les diverses causes connues de malformations foetales (qui incluent les anomalies géniques et chromosomiques, l'exposition à des produits toxiques ou à des radiations au cours de la grossesse, les infections) ne rendaient effectivement compte que de 20 à 30 % des cas observés en clinique humaine. Dix-sept ans plus tard, en dépit d'un volume de recherche considérable dans ce domaine, le même pourcentage de cas de cause inconnue est cité par Brent et Beckman (4).

Il est peu probable que les progrès de la cytogénétique et de la biologie moléculaire puissent rendre compte d'un pourcentage significatif des cas actuellement dits cryptogénétiques. Certains auteurs ont suggéré que ces malformations pouvaient être polygéniques, ou, selon l'hypothèse des "seuils multifactoriels", dues à une combinaison de facteurs génétiques et de divers facteurs additionnels, intrinsèques et (ou) extrinsèques dont la nature reste à déterminer, si bien que la conjonction de facteurs isolément non tératogènes pourrait conduire à des malformations. Citant Brent et Beckmann (4), il est permis de dire "nous avons passé plusieurs décennies avec ces hypothèses afin de tenter d'expliquer les malformations foetales humaines.

Bien que nous disposions d'informations nouvelles, il nous faut reconnaître l'extrême inertie qui existe dans le domaine de la tératologie pour ce qui concerne ces hypothèses".

A l'inverse, un très volumineux corpus de données a été accumulé dans le domaine expérimental (5-12), mais, si l'on excepte le cas de quelques agents tératogènes, le lien avec les observations cliniques est difficile à établir et de nouvelles études sont incontestablement nécessaires.

Le but de cet article est d'analyser l'applicabilité éventuelle à l'homme de données expérimentales montrant que des mécanismes immuns peuvent être à l'origine de malformations.

Chez les rongeurs, l'embryon est entouré du sac vitellin qui, par le biais de l'internalisation suivie de dégradation des protéines maternelles, constitue la principale source d'acides aminés utilisés pour le développement de l'embryon (6). L'on sait depuis 30 ans que l'administration à des rattes gestantes d'anticorps réactifs avec le sac vitellin induit selon la dose utilisée des résorptions, des malformations ou des hypotrophies foetales (7, 8). Freeman et al (9) ont montré que de tels anticorps inhibaient la pinocytose par les cellules épithéliales vitellines conduisant à une insuffisance fonctionnelle du sac vitellin responsable de l'apparition de malformations foetales. La possibilité d'un mécanisme du même type chez l'homme a été considérée très tôt au cours de ces expériences, mais le développement de ces travaux a été bloqué car la cible des anticorps tératogènes dans le modèle expérimental n'avait pas été identifiée (10, 11).

Au cours des dernières années, nous avons montré que les anticorps tératogènes étaient dirigés contre une protéine de 280 kDa spécifique des cellules épithéliales du tubule proximal rénal et du sac vitellin (12). A l'échelon subcellulaire, l'expression de gp280 est restreinte à la bordure en brosse du pôle apical et au sein de ce domaine concentrée dans les espaces intermicrovillaires. La localisation de la protéine cible des anticorps tératogènes dans ce "microdomaine" caractérisé par la présence sur son versant cytoplasmique de clathrine (13, 14)- une protéine ubiquitaire étroitement liée à l'endocytose- constituait un élément important en faveur des mécanismes tératogènes évoqués plus haut. De plus, ces résultats concernant la masse moléculaire et les caractéristiques d'expression de la protéine impliquée dans le système murin nous ont permis d'entreprendre la recherche d'une protéine similaire chez l'homme (15).

Nous avons ainsi pu isoler chez l'homme une protéine de 280 kDa, immunologiquement apparentée à la protéine murine, dont l'expression par le sac vitellin et le tube proximal, est restreinte aux espaces intermicrovillaires. A la différence des observations faites chez le rat, cette protéine est exprimée par les puits à clathrine des trophoblastes qui jouent chez l'homme un rôle semblable aux cellules du sac vitellin de rat. Nous avons montré que les anticorps fabriqués contre la protéine humaine étaient tératogènes chez le rat, ce qui suggère qu'ils pourraient jouer un rôle pathogène chez l'homme. Nous présentons enfin dans cet article les résultats d'une première étude sérologique montrant qu'il est possible de déceler des autoanticorps contre la protéine de 280 kDa chez certains patients atteints de lupus érythémateux disséminé.

MATERIEL ET METHODES

Production des anticorps monoclonaux

Les anticorps monoclonaux utilisés dans ce travail (16, 17) ont été produits chez la souris par immunisation contre des préparations de bordure en brosse de rein de rat ou contre des protéines purifiées dérivées de la bordure en brosse du tube contourné proximal ou du sac vitellin (12, 15).

Caractérisation des protéines identifiées par les anticorps monoclonaux.

Les protéines de la bordure en brosse reconnues par les différents anticorps ont été caractérisées par l'une des 3 méthodes suivantes (12, 16, 17) : i) immunoprécipitation à partir de préparations radiomarquées puis solubilisées ; ii) immunorévélation après séparation par électrophorèse en gel de polyacrylamide en présence de sodium dodecyl sulfate et transfert sur nitrocellulose ; iii) purification par chromatographie d'affinité sur une colonne de Sépharose 4B couplé à l'anticorps monoclonal étudié.

La localisation tissulaire des antigènes identifiés par les anticorps monoclonaux a été réalisée par des techniques d'immunofluorescence indirecte à l'échelon de la microscopie optique, ou d'immunoperoxydase à l'échelon ultrastructural (18, 19).

Anticorps polyclonaux

Les anticorps polyclonaux ont été préparés par immunisation de lapins contre les protéines purifiées par chromatographie d'affinité émulsifiées dans l'adjuvant de Freund.

Tératogenèse

Le pouvoir tératogène des anticorps a été apprécié in vivo chez le rat après injection intraveineuse au 9ème jour de gestation ou in vitro sur des cultures d'embryons prélevés entre le 9ème et le 11ème jour de gestation (12).

Sérums pathologiques

Les sérums de 50 patientes lupiques ont été étudiés à la recherche d'autoanticorps spécifiques de gp280. Nous avons utilisé pour cible des préparations de bordure en brosse humaine séparées par électrophorèse en gel de polyacrylamide et transférées sur une membrane de nitrocellulose. Les anticorps éventuellement liés à la nitrocellulose ont été décelés par une technique enzymatique.

Résultats

I - Effet tératogène chez le rat des anticorps spécifiques d'une protéine de 280 kDa exprimée par les puits à clathrine de la bordure en brosse du rein.

I.1 - Identification de gp280

gp280 a été caractérisée à l'aide de deux anticorps monoclonaux Ac75 et Ac46 produits à lí U 64 (16). Ces anticorps marquent la bordure en brosse du tube contourné proximal et plus spécifiquement les espaces intermicrovillaires caractérisés par la présence sur leur versant cytoplasmique de clathrine. Ce profil d'expression permet de différencier la cible de ces anticorps de deux protéines déjà connues, gp330 et la maltase (gp300) : i) gp330 est exprimée par la bordure en brosse du tube contourné proximal et les cellules épithéliales glomérulaires dans les seules régions membranaires caractérisées par la présence de clathrine sur leur versant cytoplasmique ; la localisation glomérulaire de gp330 explique son rôle de cible dans un modèle de glomérulonéphrite extramembraneuse, la glomérulonéphrite de Heymann ; ii) gp300 à l'inverse de gp330 et gp280 est exprimée de manière diffuse par les microvillosités de la bordure en brosse et se trouve exclue des espaces intermicrovillaires.

La masse de l'antigène identifié par les anticorps monoclonaux Ac75 et Ac46 peut être appréciée par des méthodes d'immunoprécipitation et d'immunoadsorption. Nous avons pu montrer que les anticorps Ac46 et Ac75 identifient une protéine de 280 kDa qui peut être facilement différenciée de l'antigène de la glomérulonéphrite de Heymann gp330 (17) et de la maltase gp300 (16).

I.2 - Distribution extrarénale de gp280

Le sac vitellin est le seul organe dans lequel nous avons pu mettre en évidence gp280 lors d'une étude systématique par des techniques d'immunofluorescence (12). Ces résultats sont donc différents de ceux que nous avions obtenu pour gp330 (17, 18, 19, 21) qui est exprimée par le rein, le sac vitellin mais aussi l'épididyme et les pneumocytes de type II et les plexus choroïdes. A l'échelon ultrastructural, comme le montre la figure 2, gp280 est exprimée par les cellules épithéliales viscérales du sac vitellin et sélectivement concentrée sur le versant luminal au niveau des espaces intermicrovillaires.

I.3 - Pouvoir tératogène des anticorps anti-gp280

L'administration in vivo au 9ème jour de gestation (12) d'anticorps monoclonaux spécifiques de gp280 induit soit des résorptions foetales, soit des malformations foetales. Il est particulièrement intéressant de noter que les anticorps contre gp330 n'ont pas d'effet tératogène.

II - Identification chez l'homme d'une protéine homologue de gp280 murine

II.1 - Identification dans le rein d'une protéine de 280 kDa

II.1.1 - Caractérisation immunochimique

La comparaison des profils d'électrophorèse de la bordure en brosse rénale du rat et de l'homme montre une ressemblance frappante (15, 20). L'on note en particulier dans les deux préparations des protéines migrant avec des masses moléculaires apparentes de 280 et 330 kDa. Les études ultérieures ont été compliquées par le fait que les anticorps monoclonaux fabriqués contre la protéine gp280 d'origine murine ne réagissaient pas avec le rein humain normal. Dans une première étape, nous avons donc utilisé ces anticorps pour isoler la protéine murine ; cette préparation nous a ensuite permis d'obtenir des anticorps polyclonaux qui se sont avérés être réactifs avec le rein humain normal. Lors d'expériences d'immunoempreinte, ces anticorps réagissaient avec une protéine de 280 kDa dans la bordure en brosse murine comme dans la bordure en brosse humaine. Ces anticorps nous ont à leur tour permis d'isoler par immunoadsorption une protéine de 280 kDa à partir de la bordure en brosse humaine et de produire des anticorps mono et polyclonaux.

II.1.2 - Localisation ultrastructurale dans le rein.

Les réactifs décrits ci-dessus (15) ont permis de montrer que la protéine de 280 kDa identifiée chez l'homme était exprimée dans les puits à clathrine du tube contourné proximal .

II.2 - Localisation extrarénale de gp280 humaine.

Nous avons réalisé une étude systématique en immunofluorescence à l'aide d'anticorps monoclonaux et polyclonaux (15). Aucune réactivité n'a été décelée dans le poumon, le foie, l'estomac, l'intestin, le testicule, l'épididyme. Nous avons par contre retrouvé un marquage sur les cellules du sac vitellin et du trophoblaste. A l'échelon ultrastructural la réactivité était limitée aux espaces intermicrovillaires .

II.3 - Activité tératogène chez le rat des anticorps induits par la protéine humaine.

Les résultats décrits ci-dessus montrent qu'il existe des similitudes importantes entre la protéine gp280 d'origine murine et la protéine de 280 kDa identifiée chez l'homme, dont témoignent notamment leur réactivité immunologique croisée qui a permis l'isolement de la protéine humaine. De plus, les données dont nous disposions chez le rat indiquaient que seuls certains des anticorps monoclonaux anti gp280 avaient un pouvoir tératogène. Nous avons considéré que des résultats indiquaient la présence sur la molécule de gp280 de "sites sensibles" impliqués dans la fonction de la molécule, pouvant être bloqués par liaison avec l'anticorps correspondant. Afin d'évaluer le rôle éventuel d'anticorps anti gp280 humain en pathologie humaine nous avons entrepris de mettre en évidence la présence de ces sites sur la molécule de gp280 humaine. Dans ce but, nous avons recherché l'effet sur le développement de l'embryon de rat (cultivé de J10 à J12) d'anticorps fabriqués contre la protéine humaine (15). Les résultats de ces expériences ont montré que ces anticorps inhibent considérablement la croissance embryonnaire.

II.4 - Mise en évidence d'autoanticorps anti gp280 humaine

Avant d'entreprendre des études épidémiologiques difficiles nous avons voulu savoir si la protéine de 280 kDa isolée chez l'homme était susceptible d'induire des autoanticorps. Nous avons dans ce but recherché la présence d'anticorps anti gp280 dans les sérums de 50 patientes atteintes de lupus. Cette affection est en effet caractérisée par un large spectre d'autoanticorps et dans certains cas par la survenue d'avortements à répétition et de morts foetales in utero. Nos résultats montrent que dans 2 cas au moins il nous a été possible de démontrer l'existence d'anticorps anti gp280. Dans 3 sérums, nous avons mis en évidence à un titre faible des anticorps anti-gp280 et anti-gp330. Compte tenu du caractère rétrospectif de cette étude nous n'avons pas pu rechercher l'existence de corrélations clinico-biologiques.


DISCUSSION

Les résultats présentés dans ce travail résument les données acquises dans le laboratoire concernant i) l'identification de la protéine cible des anticorps tératogènes impliqués dans un modèle expérimental décrit il y a plus de 20 ans et ii) la mise en évidence chez l'homme d'une protéine similaire. Nous montrons d'autre part qu'il est possible au cours de certaines affections auto-immunes telles que le lupus érythémateux disséminé de déceler des autoanticorps spécifiques de gp280.

Le mécanisme d'action des anticorps anti-gp280 dans le modèle murin ne peut qu'être suspecté à partir d'observations concernant le fonctionnement du sac vitellin et la localisation subcellulaire de gp280. Chez les rongeurs, le sac vitellin constitue la seule interface foeto-maternelle à fonction placentaire jusqu'au 12ème jour de gestation, date à laquelle le placenta allantoïdien est vascularisé. Les acides aminés utilisés pour la synthèse des protéines embryonnaires ne proviennent pas d'acides aminés libres présents dans les liquides extra-cellulaires maternels, mais sont produits par dégradation des protéines maternelles par les cellules épithéliales viscérales du sac vitellin. Cette procédure implique un taux d'internalisation élevé par ce type cellulaire et un processus rapide de transfert vers les lysosomes. La localisation à l'échelon subcellulaire de gp280 dans les espaces intermicrovillaires de la bordure en brosse la situe donc au niveau d'une des premières étapes de la voie endocytique, la formation des vésicules d'endocytose qui seront ensuite ciblées vers divers organites intracellulaires dont les lysosomes.

Deux points supplémentaires nous paraissent intéressants à noter, car ils fournissent un élément de discussion du mode d'action des anticorps à l'échelon cellulaire. i) Comme nous l'avons vu, gp280 est exprimée essentiellement par les puits à clathrine mais aussi à un moindre degré dans des zones membranaires dépourvues de clathrine, alors que l'expression de gp330 est strictement limitée aux puits à clathrine. Il est possible que cette distribution reflète un rôle plus large dans les processus d'internalisation pour gp280 que pour gp330 ; ceci pourrait expliquer l'absence d'effet sur le développement embryonnaire des anticorps anti-gp330. ii) D'autre part, à l'échelon ultrastructural, gp280 est observée dans de grandes vésicules (qui pourraient correspondre à des prélysosomes) et à un degré bien moindre par les lysosomes. Cette séquence qui marque une voie bien définie de l'endocytose pourrait suggérer un rôle pour gp280 dans le ciblage intracellulaire des vésicules d'endocytose.

Le mécanisme d'action des anticorps anti-gp280 à l'échelon moléculaire est inconnu. Nous avons cependant noté que certains, mais non pas tous les anticorps monoclonaux anti-gp280 étaient susceptibles d'induire les malformations foetales. Ceci suggère qu'il existe sur gp280 des sites d'importance cruciale pour sa fonction physiologique.

Compte tenu du fort pourcentage de malformations foetales inexpliquées en clinique, il nous a paru intéressant de rechercher l'expression chez l'homme sur les annexes embryonnaires d'une protéine voisine de gp280 décrite chez le rat. L'endocytose est en effet un mécanisme crucial pour le fonctionnement cellulaire et l'on peut penser que la présence d'anticorps contre une telle protéine pourrait avoir des effets pathogènes. Nous avons montré qu'il existe en effet chez l'homme une protéine très voisine de la protéine murine.

Les deux glycoprotéines ont le même poids moléculaire, la même expression dans un nombre très restreint d'organes, la même distribution à l'échelon subcellulaire. Elles partagent un certain nombre d'épitopes puisque les anticorps polyclonaux fabriqués contre l'une ou l'autre réagissent avec les deux protéines. Cette similitude est en accord avec les résultats de cartes peptidiques obtenues après clivage chimique en enzymatique qui montrent l'existence de nombreux peptides communs.

Nous avons d'autre part montré que certains des sites fonctionnels susceptibles d'être bloqués par les anticorps dont nous disposons sont communs aux 2 protéines puisque les anticorps fabriqués contre la protéine humaine ont un effet pathogène dans notre système murin de culture d'embryons in vitro.

Le problème clé concernant le développement de ce travail est la mise en évidence du rôle d'éventuels anticorps anti-gp280 dans les anomalies du dévelppement embryofoetal. Nous avons franchi une première étape dans cette direction en montrant qu'il était possible de déceler des auto-anticorps anti-gp280 dans certains sérums de patientes atteintes de lupus. Les étapes ultérieures seront à l'évidence plus difficiles pour deux raisons.

En premier lieu, la cible chez l'homme de tels anticorps est incertaine. Il pourrait s'agir soit du sac vitellin, soit des cellules trophoblastiques. Le rôle du sac vitellin chez l'homme au cours du développement embryonnaire est inconnu. L'embryon n'est pas entouré par le sac vitellin comme chez le rat, et il est peu probable que le sac vitellin joue le rôle trophique que nous avons décrit dans le système murin. Les cellules trophoblastiques du placenta jouent par contre dans ce domaine un rôle fondamental. D'autre part, la mise en évidence d'auto-anticorps anti-gp280 dans le bilan pratiqué après la naissance d'un enfant malformé risque d'être très difficile. En effet, le taux d'anticorps dans les échantillons de sérum obtenus après la fin de la grossesse sera probablement faible. De plus, leur présence pendant la grossesse peut n'être que transitoire, et, il est possible que les auto-anticorps soient préférentiellement fixés sur leur cible spécifique et ne persistent pas dans la circulation.

Afin de progresser dans ce domaine, il nous parait important de poursuivre les travaux expérimentaux concernant la fonction de gp280. Simultanément, nous développons un système de détection des anticorps anti-gp280 plus sensible que la technique d'immunoempreinte dont nous disposons actuellement et qui nous permette d'envisager des études épidémiologiques.

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.Résumé

Les malformations foetales constituent par leur fréquence un problème majeur de santé publique. Les étiologies actuellement répertoriées ne permettent pas de rendre compte de plus de 30 à 40 % de cas observés. Le rôle des mécanismes immuns dans l'induction des malformations foetales est suggéré par une série de travaux expérimentaux chez le rat qui indiquent que des anticorps dirigés contre le sac vitellin peuvent induire des malformations foetales. Nous montrons ici que les anticorps responsables sont spécifiques d'une protéine de 280 kDa, associée aux structures de l'endocytose et dont l'expression tissulaire est limitée. Nous montrons d'autre part qu'une protéine très proche de la protéine murine est exprimée chez l'homme par le sac vitellin, le tubule rénal et les trophoblastes. Le rôle possible d'auto-anticorps fabriqués contre la protéine humaine est discuté.

Teratogenesis and auto-immunity : potential significance in human pathology of a murine experimental model.

Fetal malformations constitute a major problem of public health. Unfortunately the known causes do not account for more than 50 % of the cases observed. The potential role of immune mechanisms is suggested by experimental studies in the rat indicating that antibodies reactive with the yolk sac induce fetal malformations. In this study we show that these antibodies are specific for a 280 kDa protein expressed only in the kidney and the yolk sac by cell structures associated with the formation of endocytic vesicles. We further show that a similar protein is expressed in man by the yolk sac the kidney and the trophoblasts. The possible role in pathology of antibodies against the human protein is discussed.

Nicole MULLIEZ°, Pierre VERROUST*, François CHÂTELET×, Djillali SAHALI*, Pierre RONCO*, Charles ROUX°

°Unité de Foetopathologie, Hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Fg Saint-Antoine 75012 PARIS

*INSERM U.64 , Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine 75020 PARIS

× Département d'Anatomie Pathologique, Hôpital Rothschild, 33 boulevard de Picpus 75012 PARIS