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Titre: Aspirine et grossesse
Année: 1995
Auteurs: - Uzan S.
Spécialité: Obstétrique
Theme: aspirine et grossesse

Chapitre 3

aspirine et grossesse

S. UZAN, M. BEAUFILS, B. HADDAD ET M. UZAN

introduction

L'aspirine est utilisée en pratique médicale depuis la fin du 19ème siècle. Elle a été utilisée pour ses effets analgésiques, antipyrétiques et anti-inflammatoires. L'aspirine ou acide acétyl- salicylique est le salicylate le plus largement utilisé tant en automédication (céphalées) qu'en prescription clinique. La pharmacologie des salicylates récemment élucidée a conduit à leur utilisation dans un certain nombre de maladie où semble être impliquée dans la pathophysiologie, l'altération de la production des prostaglandines .

Ce chapitre passe en revue les éléments connus de la physiopathologie de l'hypertension gravidique et l'utilisation en clinique de petites doses d'aspirine au cours de la grossesse dans le but d'améliorer le pronostic maternel et périnatal.

bases physio-pathologiques en obstétrique

La meilleure connaissance du rôle des prostaglandines dans le contrôle de l'adaptation maternelle et foetale au cours de la grossesse a conduit à l'utilisation de l'aspirine dans certaines indications spécifiques en obstétrique.

De nombreuses études dans les dix dernières années ont montré que l'adaptation (ou la mal-adaptation) de la circulation utéro-placentaire dépend largement de la synthèse des prostaglandines ou de leur régulation durant la grossesse, et spécifiquement de la prostacycline et du thromboxane A2 (1) qui sont des métabolites de l'acide arachidonique par l'intermédiaire de la cyclo-oxygénase (2).

La prostacycline provient principalement de l'acide arachidonique, elle est produite par l'endothélium des vaisseaux, mais également par les cellules trophoblastiques. Elles entraînent une relaxation du muscle lisse et une inhibition de la contraction utérine.

La prostacycline est également un important inhibiteur de l'agrégation plaquettaire, elle diminue le risque de thrombose et d'infarctus placentaires (3). La prostacycline semble également réduire la sensibilité de vaisseaux maternels à l'angiotensine II (4).

Le thromboxane A2, très largement synthétisé dans les plaquettes est un puissant agent vaso-constricteur, il stimule l'agrégation plaquettaire et la contractilité utérine (5). Le thromboxane A2 est rapidement inactivé par hydrolyse en thromboxane B2. Sa demi-vie très courte, de l'ordre de 30 secondes, limite son action sur son site de libération(5). La synthèse de la prostacycline est augmentée au cours de la grossesse normale (1), conduisant à une prédominance de son action sur celle du thromboxane A2 (6) qui aboutit à une vaso-dilatation et une réduction de la résistance vasculaire systémique qui sont les caractéristiques de la grossesse normale.

Les mécanismes d'activation de la synthèse des prostaglandines au cours de la grossesse restent inconnus. Au cours de la pré-éclampsie une baisse de la synthèse de la prostacycline et une élévation de la production du thromboxane A2 dans les circulations maternelle (1-8) et foeto-placentaire (7) ont été observés. Si la synthèse de la prostacycline est insuffisante, ceci conduit à une prédominance des effets du thromboxane A2. Il s'ensuit alors une augmentation de la sensibilité des vaisseaux à l'angiotensine II, une augmentation de la résistance vasculaire et le développement de microthromboses placentaires (1-3). Cette maladaptation circulatoire conduit à la maladie hypertensive de la grossesse liée à une anomalie de la circulation utéro-placentaire avec risque de retard de croissance intra-utérin (9).

Bien que ce concept contribue à la clarification de la physiopathologie de la pré-éclampsie, le déséquilibre entre la prostacycline et le thromboxane A2 n'est sûrement pas le seul mécanisme de la maladie. REES et collaborateurs (10) suggèrent que l'endothélium derived relaxing factors (EDRF) ou NO (nitric oxyde) joue un rôle important dans les phénomènes de vaso-dilatation physiologiques de la grossesse (11).

De plus, la production de NO est diminuée au niveau des vaisseaux ombilicaux au cours de la pré-éclampsie comparativement à ce qui est retrouvé chez des femmes enceintes normo-tendues.

Même si la diminution de production de la prostacycline ou du NO semble être liée à une altération de la cellule endothéliale, le dysfonctionnement des plaquettes joue probablement un rôle important dans la maladie hypertensive.

Le défaut de production de la prostacycline par les vaisseaux trophoblastiques et/ou par les vaisseaux utérins permet une activation plaquettaire qui entraîne une augmentation de production du thromboxane A2 et de sérotonine conduisant à une agrégation plaquettaire incluant la circulation utérine et le myomètre au regard du lit placentaire(12).

GANT et collaborateurs (13) ont montré que les vaisseaux des patientes qui développent une pré-éclampsie, ont perdu leur caractère réfractaire au test à l'angiotensine II plusieurs semaines avant l'apparition des signes cliniques de la maladie.

La modification de la réponse vasculaire au test à l'angiotensine II peut agir par l'intermédiaire du déséquilibre entre le rapport prostacycline et thromboxane A2.

L'existence du déséquilibre entre la prostacycline et le thromboxane A2 dans la maladie hypertensive gravidique avec une activité dominante du thromboxane A2, conduit à utiliser l'aspirine qui est un inhibiteur de la cyclo-oxygénase (14).

L'aspirine en diminuant la synthèse du thromboxane A2 modifie le rapport prostacycline sur thromboxane A2 et tend à rétablir l'équilibre physiologique.

Ce concept est à la base de l'utilisation en clinique de l'aspirine dans la prévention de la maladie hypertensive chez les femmes à risque.

pharmaco-cinetique de l'aspirine

Les deux principales actions de l'aspirine sont l'effet anti-thrombotique et l'effet inhibiteur de l'activité plaquettaire. La dose optimale utile reste inconnue. Des doses allant de 20mg à 3,5 g par jour se sont révélées efficaces dans la prévention de la thrombose (12). L'acide acétylsalicylique (qui est un anti-inflammatoire non stéroïdien) agit par une acétylisation irréversible et une inactivation de la cyclo-oxygénase, il inhibe la synthèse des prostaglandines : thromboxane A2, PGI2, PGE2 et PGF2 a. La durée d'action dépend de la capacité des cellules à synthétiser la cyclo-oxygénase (2).

Après une exposition à l'aspirine et l'inactivation de la cyclo-oxygénase, les plaquettes qui sont des cellules anucléées ne peuvent plus synthétiser la cyclo-oxygénase.

Le renouvellement de la synthèse du thromboxane A2 ne peut être assuré que par de nouvelles plaquettes produites à partir des mégacaryocytes.

De plus, il semble que la cyclo-oxygénase d'origine plaquettaire soit particulièrement sensible à l'aspirine et l'administration répétée de faibles doses conduit à une inhibition permanente du thromboxane A2 (2). A l'opposé le renouvellement de la synthèse de la prostacycline est observé assez rapidement sur des cellules endothéliales en culture après l'administration de faibles doses d'aspirine (15).

L'administration d'aspirine à des doses allant de 0,3mg/kg/j à 1,5g/kg/j semble inhiber plus efficacement l'activité cyclo-oxygénase des plaquettes, que celle dans les cellules endothéliales (15). Les cellules endothéliales qui sont nuclées peuvent de plus resynthétiser la cyclo-oxygénase à l'inverse des plaquettes qui n'ayant pas de noyau sont "définitivement inactivées".

SIBAI et collaborateurs (17) ont montré que des doses d'aspirine allant de 60mg/j à 80mg/j réduisent la production de thromboxane A2 dans plus de 90% des cas après quelques jours de traitement. De plus dans une étude de ROBERTS et collaborateurs (18), l'aspirine à la dose de 50mg/j réduit la production de thromboxane A2 dans plus de 95% des cas sans modification de la production de la prostacycline. Par contre, ces auteurs notent une inhibition complète de la production du thromboxane A2, mais également une inhibition de la prostacycline quand ils utilisent 100 à 300mg d'aspirine par jour.

La combinaison de ces actions donne donc une justification à l'emploi des faibles doses d'aspirine dans la prévention de la maladie hypertensive gravidique, mais également des accidents thrombotiques survenant chez les femmes présentant un anticoagulant circulant (19).

La pharmacocinétique de l'aspirine doit être prise en considération pour comprendre certains effets.

L'aspirine est rapidement absorbée au niveau de l'estomac et du haut appareil digestif. La fraction absorbée dépend de multiples facteurs, comme la dissolution des comprimés et le pH digestif. L'aspirine en présentation soluble a une meilleure absorption que celle des comprimés. Après une administration par voie orale, le pic plasmatique est atteint au bout de 30 minutes (3-20). L'aspirine qui est un acide faible (pH à 3,5) est alors hydrolysée en acide salicylique dans la circulation intestinale et les esterases hépatiques 21). L'aspirine existe sous une forme ionisée dans le sang et les tissus, il s'agit de salicylate de sodium (20).

La pharmacocinétique de l'aspirine ou des salicylates décrit deux phases.

La demi-vie de l'aspirine et des salicylates est respectivement de 2,7 et de 3,8 minutes en phase a et de 15 et 238 minutes en phase b (22).

L'élimination lente en phase b des salicylates est liée au taux plasmatique élevé des transporteurs protéiques.

PEDERSEN et FITZGERALD (21) ont également montré que la fraction systémique bio-utilisable était constante après une dose unique orale de 20-40-325 ou 1300mg d'aspirine chez une femme non enceinte.

Ces auteurs ont également noté que les plaquettes étaient exposées à des concentrations d'aspirine plus élevées dans les capillaires intestinaux plus que dans la circulation systémique. Il a ainsi été suggéré qu'après une faible dose d'aspirine, les plaquettes qui passaient à travers de la circulation portale étaient exposées à un taux relativement plus élevé d'aspirine, qui conduisait à une inhibition de leur cyclo-oxygénase, alors que les plaquettes ou les autres cellules de la circulation générale étaient exposées à une concentration beaucoup trop basse d'aspirine, pour altérer l'action enzymatique.

Ainsi inactivées dans la circulation portale, les plaquettes restent dans cet état durant de nombreux jours après l'ingestion d'aspirine.

Les salicylates traversent rapidement la barrière placentaire.

Après une administration intra-veineuse d'aspirine dans les 60 à 90 minutes qui suivent, la concentration plasmatique foetale dépasse de 80 à 90% les niveaux maternels (23). Cependant après l'ingestion de faibles doses d'aspirine et après une premier passage portal, les concentrations systémiques maternelles en aspirine sont très faibles et donc, semble t'il, sans entraîner de modifications perceptibles dans la circulation placentaire.

Pour évaluer le transfert trans-placentaire des salicylates, de nombreux auteurs ont étudié la production foetale du thromboxane A2 et de la prostacycline. SIBAI et collaborateurs (17) n'ont pas trouvé de modification dans la synthèse par les plaquettes foetales du thromboxane et de la prostacycline après administration maternelle de 20 à 80mg d'aspirine par jour dans les deux dernières semaines précédent l'accouchement. Mais pour BENIGNI et collaborateurs (24), l'administration au long terme de 60mg d'aspirine semble réduire la synthèse foetale de thromboxane A2 de 63%.

En conclusion : l'aspirine inactive la cyclo-oxygénase par acétylation. Comme l'aspirine est fortement désacétylée après un premier passage hépatique, sa demi-vie est plus courte que celle de l'acide acétylsalicylique (9). Le transfert placentaire dépend étroitement de la concentration maternelle en aspirine. Ainsi pour de faibles doses d'aspirine la concentration dans la circulation placentaire est faible, cependant il semble qu'à long terme, des doses quotidiennes allant de 60 à 80mg puissent réduire la production de thromboxane A2 par les plaquettes sans affecter la synthèse de la prostacycline.

applications obstétricales

Prévention de la pré-éclampsie

CRANDON et ISHERWOOD (25) dans une étude rétrospective suggèrent que la pré-éclampsie est moins fréquente chez les nulligestes qui prennent de l'aspirine.

De récentes publications suggèrent que l'aspirine pourrait diminuer l'incidence de la pré-éclampsie chez les femmes à haut risque.

BEAUFILS et collaborateurs (26) avait dans une première étude prospective randomisée ouverte, inclus 102 femmes ayant de lourds antécédents obstétricaux ou une hypertension artérielle sévère (supérieure ou égale à 160/95 mm de mercure). Les patientes recevaient soit de l'aspirine (150mg) et du Dipyridamol 300mg/j durant 3 mois (n = 52) ou pas de traitement (n = 50). Le taux de pré-éclampsie était significativement plus bas dans le groupe aspirine quand on le comparait au groupe de patientes sans traitement.

WALLENBURG et collaborateurs (27) ont rapporté la première étude prospective, contrôlée en double aveugle contre placebo concernant la possible prévention de la pré-éclampsie par de faibles doses d'aspirine (60mg/j), chez des femmes à haut risque. Toutes les patientes (n = 48) étaient des primigestes et étaient sélectionnées par un test à l'angiotensine II pathologique à 28 semaines d'aménorrhée. L'incidence de la pré-éclampsie était significativement plus basse dans le groupe aspirine que dans le groupe placebo.

SCHIFF et collaborateurs (28) ont rapporté un essai contrôlé en double aveugle sur l'effet de l'aspirine dans la prévention de l'hypertension gravidique. Les femmes sélectionnées par un roll over test positif entre 28 et 29 semaines d'aménorrhée. Un total de 65 patientes ont été incluses, 34 prenant de 100 mg d'aspirine par jour et 31 un placebo au cours du 3ème trimestre de la grossesse. Dans cette étude les auteurs trouvent une diminution significative de la pré-éclampsie dans le groupe aspirine comparé au groupe placebo.

MAC PARLAND et collaborateurs (29) dans un essai randomisé contrôlé contre placebo ont inclus 100 patientes ayant un haut risque de pré-éclampsie, ces patientes avaient une mesure Doppler anormale au niveau des artères utérines à 24 semaines d'aménorrhée.

48 patientes ont été mises à l'aspirine à la dose de 75mg par jour et 52 patientes sous placebo. Le traitement était démarré juste après la réalisation du Doppler utérin. La fréquence de la pré-éclampsie diminue de façon significative dans le groupe aspirine.

En résumé, les faibles doses d'aspirine semblent efficaces dans la prévention de la pré-éclampsie et particulièrement chez les femmes à haut risque.

Prévention du retard de croissance intra-utérin

Des études récentes montrent que de faibles doses d'aspirine peuvent prévenir le retard de croissance intra-utérin chez des patientes à risque.

Dans une étude prospective ouverte et randomisée, BEAUFILS et collaborateurs (26) observent une réduction significative du retard de croissance intra-utérin sévère chez les patientes recevant 150mg d'aspirine et 300mg de Dipyridamol par rapport au groupe recevant un placebo.

WALLENBURG et ROTMANS (30) étudient 48 patientes ayant pour antécédents au moins deux accidents obstétricaux à type de retard de croissance intra-utérin. Parmi ces 48 patientes, 24 ont été traitées par 1,6mg/kg d'aspirine et 225mg de Dipyridamol par jour à partir de 16 semaines et jusqu'à 34 semaines d'aménorrhée. Les 24 autres ont été considérées comme groupe contrôle. Les retards de croissance intra-utérin surviennent dans 61% des cas dans le groupe contrôle contre 13% dans le groupe traité.

TRUIDINGER et collaborateurs (31) ont rapporté un essai randomisé en double aveugle contre placebo où ils étudient l'effet de faibles doses d'aspirine (150mg/j) sur le devenir néonatal dans les grossesses où une anomalie du Doppler funiculaire a été retrouvée.

Le traitement par l'aspirine est démarré en moyenne à 32 semaines d'aménorrhée.

Ils retrouvent une augmentation significative du poids foetal (en moyenne de 526g) et du poids moyen du placenta par rapport au groupe placebo.

Cependant, la prise d'aspirine ne montrait aucune différence sur l'état néonatal lorsqu'il existait une disparition complète du flux diastolique. L'efficacité de l'aspirine, donnée tardivement au cours de la grossesse et dans le cadre d'une anomalie du Doppler funiculaire doit être confirmée par d'autres études.

MAC PARLAND et collaborateurs (29) dans un essai randomisé contrôlé contre placebo ont sélectionné des femmes à haut risque de retard de croissance intra-utérin, sur la notion d'une mesure du Doppler utérin pathologique à

24 semaines d'aménorrhée. 100 patientes ont été ainsi incluses, 48 patientes prenaient 75mg d'aspirine par jour et 52 un placebo. On retrouve dans le groupe aspirine moins de retard de croissance intra-utérin, 15% contre 25% dans le groupe placebo, mais cette différence n'est pas significative.

UZAN et collaborateurs (32) dans un essai randomisé en double aveugle contre placebo ont inclus 229 patientes ayant dans leurs antécédents deux accidents gravidiques. Les femmes sont incluses entre 15 et 18 semaines d'aménorrhée, elles sont réparties en 3ÊgroupesÊ: le premier recevant un placebo (n = 73), le 2ème recevant 150mg d'aspirine par jour (n = 81) et le 3ème recevant 150mg et 225 de Dipyridamol (n = 75). Dans le groupe aspirine (n = 156) il y a une diminution significative du nombre de retards de croissance intra-utérins (20/156 soit 13% contre 19/73 soit 26%), et une augmentation significative du poids de naissance des enfants (2751g contre 2556g différence de 225g, p = 0.029).

Récemment HAMID et collaborateurs (33) dans une étude prospective randomisée en double aveugle contre placebo étudiant les effets de faibles doses d'aspirine sur le devenir foetal a inclus 164 patientes sélectionnées sur une augmentation dans le sérum maternel du taux d'alphafoetoprotéine associée à une anomalie du Doppler utérin entre 22 et 24 semaines d'aménorrhée.

67 patientes ont reçu 75mg d'aspirine et 88 un placebo du jour de la randomisation et jusqu'à l'accouchement. Dans cet essai, il n'y a pas de différence significative sur le retard de croissance intra-utérin dans les deux groupes (12/76 soit 16% contre 22/88 soit 25%), par contre les auteurs trouvent une réelle diminution du chiffre de mortalité périnatale dans le groupe des hypotrophes nés après 34 semaines lorsque les mères ont reçu de l'aspirine.

En conclusion : l'administration précoce de faibles doses d'aspirine semble efficace pour réduire l'incidence de retard de croissance intra-utérin chez les patientes à risque.

Meta-analyse des essais sur les faibles doses d'aspirine dans la prévention de la pre-eclampsie chez les femmes enceintes à haut risque.

Lorsque les études sont comparables et les critères bien définis, il est possible de regrouper les résultats de plusieurs essais dans le cadre d'une méta-analyse (34).

BREART G. (1993 résultats non encore publiées) a sélectionné dans le cadre d'une méta-analyse 6 études concernant les faibles doses d'aspirine chez les femmes enceintes à haut risque. Les différences dans la survenue d'une hypertension gravidique, d'une pré-éclampsie, d'un retard de croissance intra-utérin dans le groupe traité par de faibles doses d'aspirine et le groupe non traité sont exprimées en "Oddsratio" avec un intervalle de confiance de 95%. Les résultats concernant 324 patientes traitées, contre 240 non traitées sont représentées dans la figure 2. Dans aucun des cas l'intervalle de confiance de 95% n'atteint le niveau 1, ceci signifie que l'hypertension gravidique, la pré­éclampsie et le retard de croissance intra-utérin sont significatifs mais moins fréquents dans le groupe traité que dans le groupe placebo.

Des résultats similaires ont été rapportés par IMPERIALE et PETRULIS (35).

CLASP (36) est le plus vaste essai sur l'utilisation de l'aspirine à faibles doses dans la prévention et le traitement de la pré-éclampsie.

Cette étude a regroupé 9364 patientes qui recevaient soit 60mg d'aspirine soit un placebo.

85,6% sont incluses dans l'essai enprophylaxie de la pré-éclampsie (74%) et 11,6% pour antécédent de retard de croissance intra-utérin. Les inclusions sont faites entre 12 et 32 semaines d'aménorrhée l'aspirine est poursuivi jusqu'à l'accouchement. Les résultats montrent que l'aspirine diminue de 12% la proportion de pré-éclampsie cependant cette différence n'est pas significative. Parallèlement, cet essai ne retrouve pas de différence dans la survenue du retard de croissance intra-utérin dans le groupe aspirine par rapport au groupe placebo. L'aspirine dans cet essai montre cependant une diminution significative du nombre d'accouchements prématurés et une réduction des pré-éclampsies sévères.

Effets des faibles doses d'aspirine chez les nulligestes sans antécédents

Une méta-analyse a montré que l'aspirine diminue l'incidence de la pré-éclampsie, du retard de croissance intra-utérin et de l'hypertension artérielle gravidique essentiellement chez les patientes à risque, sélectionnées pour leurs antécédents pathologiques ou ayant un Roll over test pathologique, un test à l'angiotensine pathologique ou une mesure du Doppler pathologique aux artères utérines. Cependant, il est logique de se poser la question de savoir si l'aspirinepréviendra la pré-éclampsie chez les femmes à bas risque.

Deux importantes études randomisées contre placebo semblent apporter une réponse à cette question. HAUTH et collaborateurs (37) dans une étude contrôlée en double aveugle contre placebo ont inclus 604 nullipares, à grossesse normale et comparent l'effet de l'aspirine à la dose de 60mg par jour de 24 semaines jusqu'à l'accouchement n = 302 contre un groupe placebo n = 302. Les auteurs trouvent une diminution significative de l'incidence de la pré-éclampsie dans le groupe aspirine, comparé au groupe placebo. L'incidence de l'hypertension artérielle gravidique et du retard de croissance intra-utérin n'est pas différente dans le groupe aspirine et le groupe placebo.

Cependant, ces données suggèrent un effet positif de l'aspirine sur le poids foetal, la moyenne du poids des enfants dans le groupe traité étant de 3248g contre 3169g dans le groupe placebo (p = O.O8).

SIBAI et collaborateurs (38) ont rapporté une étude où des nullipares normotendues sans protéinurie sont incluses entre 13 et 25 semaines d'aménorrhée et réparties en 2 groupes l'un avec aspirine à la dose de 60mg (n = 1485) et l'autre un placebo (n=1500). L'incidence de la pré-éclampsie était juste significativement plus basse dans le groupe aspirine par rapport au groupe placebo. Il n'y avait pas de différence significative entre groupe aspirine et groupe placebo sur la survenue de l'hypertension artérielle gravidique et le retard de croissance intra-utérin.

Dans ces deux études concernant les primipares normales, de faibles doses d'aspirine ne diminuent pas l'incidence de l'hypertension gravidique ou du retard de croissance intra-utérin. Le traitement parait cependant efficace dans la prévention de la pré-éclampsie.

Aspirine et traitement de la pre-éclampsie

Bien que des faibles doses d'aspirine soit actives dans la prévention de la pré-éclampsie, les effets de l'aspirine chez les femmes porteuses d'une pré-éclampsie déjà installée ou une hypertension artérielle gravidique semble bien moins efficace.

SCHIFF et collaborateurs (39) dans un essai randomisé en double aveugle regroupant 47 patientes présentant une pré-éclampsie entre 30 et 36 semaines d'aménorrhée ont étudié les effets de faibles doses d'aspirine 100mg/j (n = 23) comparé au groupe placebo (n = 24). Il n'a pas trouvé de différence significative dans la survenue d'une pré-éclampsie et sur le poids des enfants dans les deux groupes. Les auteurs concluent que de faibles doses n'ont pas d'efficacité thérapeutique. Ces données sont récemment confirmées par l'essai CLASP (36).

Prévention des pertes foetales en relation avec quelques anomalies immunologiques

Une augmentation des pertes foetales est associée à la présence d'anticorps antiphospholipides incluant les anticorps anticardiolipines et les anticoagulants circulants (40). Ces anticorps sont retrouvés chez les patientes présentant ou non un lupus érythémateux disséminé. Il semble que ces anticorps interférent dans la synthèse de la prostacycline dans les cellules endothéliales et conduisent à une augmentation relative de l'action du thromboxane plaquettaire (41-42). Ces grossesses sont associées avec une augmentation des retards de croissance intra-utérin et des morts foetales in utero. Pour prévenir ces complications, certains auteurs ont proposé la corticothérapie et/ou l'aspirine à faibles doses.

LOCKSHIN et collaborateurs (43) ont rapporté une étude concernant 21 femmes enceintes avec des antécédents de mort foetale in-utero associés à un titre élevé d'anticorps anti-phospholipides (IgG > 40 U). Dans cette étude l'aspirine est prescrit à la dose de 80mg/j (n = 14) ne diminue pas le nombre de pertes foetales et les auteurs suggèrent que l'aspirine n'améliore pas le devenir foetal chez les patientes asymptomatiques avec un antécédent de mort foetale et un titre élevé d'anticorps antiphospholipiques. Cependant, le défaut essentiel de cette étude est de ne pas avoir de randomisation.

BRANCH et collaborateurs (19) ont sélectionné 8 patientes porteuses d'un anticoagulant circulant. Ces patientes avaient dans leurs antécédents 30 fausses couches spontanées ou des morts foetales in utero sur 31 grossesses. Durant la grossesse étudiée, elles étaient traitées par 81mg d'aspirine et 40 à 50 mg de prednisone par jour. Les pertes foetales ont été réduites de 37,5% cependant toutes les 5 patientes qui ont donné naissance à des enfants vivants ont développé des pré-éclampsies et 3 des 5 enfants nouveau-nés étaient hypotrophes. Les auteurs concluent que la corticothérapie associée à de faibles doses d'aspirine semble améliorer le devenir périnatal dans les cas où les mères présentent un anticoagulant circulant. Dans un récent rapport KRAUSE et collaborateurs (44) ont étudié les effets de l'induction d'un syndrome antiphospholipide chez les souris gravides, par transfert passif d'anticorps monoclonaux anticardiolipines.

Les souris ayant des anticorps antiphospholipides ont un risque élevé de perte foetale, quand elles sont comparées au groupe contrôle. Dans le groupe des souris ayant des anticorps antiphospholipides, celles qui sont traitées avec de faibles doses d'aspirine développent moins de fausses couches. Dans ce modèle expérimental de syndrome antiphospholipide, les auteurs concluent que de faibles doses d'aspirine ont un effet protecteur contre la survenue des complications obstétricales.

Prévention de l'accouchement prématuré

Le premier passage hépatique de désacétylation est si important que de fortes doses d'aspirine sont utiles pour obtenir un taux d'acétyl salicylique qui inhibe la cyclo-oxygénase au niveau du muscle utérin. L'aspirine à fortes doses (2,3 ou 6g/j) semble être efficace, cependant le nombre de patientes étudiées (sans groupe contrôle), est trop faible dans les essais pour en tirer des conclusions (45). De plus, bien que les faibles doses d'aspirine réduisent l'incidence du travail prématuré lié au retard de croissance intra-utérin ou à la pré-éclampsie, celles-ci ne réduisent pas l'incidence de l'entrée en travail spontanée.

SIBAI et collaborateurs (38) dans un très large essai contrôlé randomisé contre placebo, chez des primigestes normales ne trouvent pas de différence dans la survenue d'un accouchement prématuré entre le groupe aspirine (60mg/j) et le groupe placebo. Dans cette indication, l'indométhacine doit etre préférée aux fortes doses d'aspirine.

innocuité des traitements à l'aspirine

La prise d'aspirine au cours de grossesses et les éventuelles complications maternelles, foetales et néonatales ont fait l'objet de nombreuses publications.

L'aspirine et les salicylates peuvent provoquer chez la femme enceinte les mêmes complications qu'en dehors de la grossesse. Les symptômes d'intolérance à l'aspirine comme les nausées, les brûlures gastriques, diarrhée ou constipation, les bronchospasmes, rash cutanés et angio-oedeme peuvent survenir après administration de fortes doses d'aspirine et sont des signes d'hypersensibilité. Bien que les effets secondaires de la prise d'aspirine ne soient pas spécifiques à la grossesse, ils doivent être pris en compte en détail car leurs conséquences peuvent être importantes.

Effets sur la durée de la grossesse

Dans une étude rétrospective regroupant 103 patientes prenant quotidiennement 3,25g d'aspirine durant les six derniers mois de la grossesse pour un problème musculaire. LEWIS et SCHULMAN (46) rapportent une augmentation des termes dépassés et de la durée moyenne de la gestation et du travail. Cependant, lors de l'utilisation d'aspirine à faibles doses, comme l'ont montré SIBAI et collaborateurs (38), il n'apparait pas de différence en matière de post-maturité entre le groupe de patientes traitées et celles utilisant un placebo.

Effets tératogènes

SAXEN (47) en analysant de façon rétrospective 599 enfants porteurs d'une fente palatine note que l'ingestion d'aspirine au cours de la grossesse était 3 fois plus fréquente chez ces mères que dans un groupe contrôle.

Cependant, SLONE et collaborateurs (48) dans une étude prospective de la Collaborative Perinatal Project concernant 50 282 couples mère-enfant, ne trouvent pas de différence dans la survenue de malformations congénitales lorsqu'ils comparent les mères ayant pris de l'aspirine dans les 5 premiers mois de la grossesse et celles du groupe contrôle. Aucune malformation spécifique n'a été retrouvée dans le groupe exposé à l'aspirine. Le grand nombre de sujets inclus dans cette étude prospective donnent un très grand poids à ses conclusions

Plus récemment, la possible association entre malformation cardiaque et prise d'aspirine au cours du 1er trimestre a été soulevée par WERLER et collaborateurs (49).

Dans un très grand essai contrôlé, étudiant 1381 nouveau-nés porteurs de malformations congénitales et 6966 enfants porteurs d'autres malformations, il n'a pas été montré de différence dans l'utilisation de l'aspirine dans les deux groupes et les auteurs concluent que la prise d'aspirine au 1er trimestre n'entraîne aucune augmentation du risque de malformation congénitale ou de toute autre malformation.

Effets sur l'hémostase du foetus et du nouveau-né

BENIGNI et collaborateurs (24) ont montré que la prise prolongée de faibles doses d'aspirine semble réduire le taux de thromboxane A2 dans le sérum du nouveau-né. Cependant, SIBAI et collaborateurs (17) en étudiant 30 enfants, nés après une prise prolongée de faibles doses d'aspirine (< ou = à 80mg/j) au 3ème trimestre de la grossesse (le traitement ayant une durée de 2 semaines ou plus) ne trouvent pas de modification du taux de thromboxane A2 dans le sérum des nouveau-nés.

Concernant les complications cliniques, RUMACK et collaborateurs (50) comparent les hémorragies cérébrales détectées par scanner chez les nouveau-nés avec (n = 17) et sans (n = 71) prise d'aspirine par la mère au cours de la grossesse dans les 7 jours précédant la naissance. Tous les enfants sont nés avant 34 semaines de grossesse. 12 sur les 17 de mères traitées et 31 sur les 71 de mères non traitées ont eu une hémorragie cérébrale. La différence était significative avec un test de Fischer positif (p = 0.041) et les auteurs concluent que la prise d'aspirine en fin de grossesse peut être responsable d'un risque accru d'hémorragies intra-cérébrales. A l'inverse, dans une étude prospective concernant 27 mères prenant de l'aspirine à fortes doses 1g/j jusqu'à l'accouchement, NUNEZ et collaborateurs (51) ne trouvent pas plus de saignement foetal. Enfin aucune complication hémorragique n'a été observée dans les plus récentes publications (17, 24, 26, 29, 32, 36, 38).

En résumé : les études récentes et prospectives montrent que de faibles doses d'aspirine n'induisent pas de saignement chez le foetus ou le nouveau-né.

Effets sur le canal artériel et la circulation pulmonaire

La perméabilité du canal artériel in-utéro est en partie liée aux prostaglandines. Les prostaglandines E2 et I2secrétées par la paroi du vaisseau ont un effet relaxant sur le canal artériel.

Les eicosanoides sont également impliqués dans la relaxation des vaisseaux du cerveau et assurent après la naissance l'accroissement de la vascularisation des poumons (52).

Donc, l'utilisation d'un inhibiteur de la cyclo-oxygénase comme l'indométhacine peut permettre de fermer le canal artériel d'un nouveau-né (53), mais peut aussi conduire à sa fermeture prématurée et une hypertension pulmonaire (54). De tels effets ont été notés lors de l'usage de l'aspirine à fortes doses avec des conséquences hypoxiques néonatales (55). Ces complications ont été rapportées chez les femmes prenant de fortes doses d'aspirine (51). Cependant, SHAPIRO et collaborateurs (56) dans le Collaborative Perinatal Project ne trouvent pas d'augmentation de mortalité périnatale chez les enfants de mères prenant de l'aspirine pendant la grossesse. L'échocardiographie-Doppler ne met également pas en évidence de sténose du canal artériel chez 30 femmes traitées par l'aspirine à faibles doses dans les deux à trois dernières semaines de la grossesse (17).

En conclusion : les faibles doses d'aspirine ne semblent pas produire une fermeture prématurée du canal artériel.

Effets sur le coefficient intellectuel (Q.I.)

Le Q.I. des enfants exposés in-utéro à l'aspirine a été également étudié. STREISSGUTH et collaborateurs (57) trouvent un abaissement de 10 points du Q.I. à 4 ans chez les enfants exposés in-utero à l'aspirine. Cependant, dans une étude beaucoup plus large dont les données ont été collectés à partir du Collaborative Perinatal Project, KLEBANOFF et BERENDES (58) ont comparé le Q.I. à 4 ans des enfants exposés à l'aspirine dans les 20 premières semaines de la grossesse à un groupe contrôle. Ces auteurs trouvent un Q.I. plus élevé de 2 à 21 points chez les enfants exposés à l'aspirine. Donc, un effet néfaste de l'aspirine au cours de la grossesse sur le Q.I. des enfants est pour le moins improbable.

Effets sur l'hémostase maternelle

Un certain nombre de publications suggèrent la possibilité d'une augmentation du saignement chez les patientes utilisant de l'aspirine. LEWIS et SCHULMAN (46) dans une étude rétrospective regroupant 103 femmes traitées pour une maladie rhumatismale avec des doses élevées de 3,25g d'aspirine par jour dans les 6 derniers mois de la grossesse, rapportent une plus grande perte sanguine au moment de l'accouchement comparé à celle d'un groupe contrôle. Dans un rapport récent TAGGART et collaborateurs (59) trouvent une augmentation du nombre des transfusions sanguines au cours de la réalisation d'un pontage coronarien chez les patientes recevant de l'aspirine à titre prophylactique (75 à 300mg/j) comparu à un groupe contrôle.

BAKER et collaborateurs (60) rapportent également deux cas de saignement digestif probablement lié à de faibles doses d'aspirine prescrites pour une hypertension gravidique et l'autre chez une femme non enceinte dans une étude sur la réactivité des plaquettes. Dans une étude cas contrôle, STUART et collaborateurs (61) trouvent une diminution du taux d'hémoglobine après l'accouchement chez 10 femmes ayant pris 5 à 10g d'aspirine dans les 5 jours précédents l'accouchement.

Cependant, de multiples études prospectives et randomisées étudiant les effets de faibles doses d'aspirine ne trouvent pas de différence dans le saignement maternel au moment de l'accouchement entre le groupe aspirine et le groupe contrôle (17, 23, 32). Récemment, SIBAI et collaborateurs (38) en examinant les effets de faibles doses d'aspirine (60mg/j chez des femmes normales) dans un essai contrôlé en double aveugle, contre placebo, ils ne trouvent pas de différence entre les deux groupes dans la survenue d'un saignement excessif à l'accouchement, d'une hémorragie du post-partum ou dans l'hématocrite ou le besoin de transfusion sanguine. Cependant, l'incidence de l'hématome rétro-placentaire était significativement plus élevée chez les patientes recevant de l'aspirine (11 sur 1485 versus 2 sur 1500, p = 0.01). Cette incidence n'a pas été retrouvée dans de très nombreuses études.

UZAN et collaborateurs (32) dans un essai randomisé en double aveugle contre placebo ne trouvent pas de différence dans la survenue d'hématome rétro-placentaire entre les deux groupes étudiés (7 sur 151 dans le groupe aspirine versus 6 sur 73 dans le groupe contrôle). Dans l'essai de HAMID et collaborateurs (33) où les femmes à haut risque sont sélectionnées sur une élévation de l'alphafoetoprotéine associée à une anomalie du Doppler utérin entre 22 et 24 semaines, la fréquence de l'hématome rétro-placentaire entre le groupe aspirine et le groupe placebo n'est pas différente mais la mortalité périnatale en relation avec l'hématome retro-placentaire est significativement plus élevée dans le groupe aspirine comparé au groupe placebo. Cependant ce point doit être clarifié.

Bien que de faibles doses d'aspirine modifient la fonction plaquettaire, elles ne semblent pas induire une élévation du saignement spontané chez la femme enceinte durant l'accouchement ou pendant le travail.

Pour éviter le risque potentiel d'une hémorragie dans la zone péridurale survenant à la suite d'une analgésie chez les femmes prenant de l'aspirine, O'SULLIVAN (62) recommande d'arrêter l'aspirine 7 à 10 jours avant l'entrée en travail et de mesurer le temps de saignement avant l'analgésie loco-régionale.

applications pratiques

Il parait évident à la lecture des différents essais en double aveugle contrôlés contre placebo, que de faibles doses d'aspirine sont efficaces dans la prévention des complications de l'hypertension gravidique et spécialement pour la pré-éclampsie et le retard de croissance intra-utérin chez les femmes à haut risque.

Le haut risque au cours de la grossesse doit être défini comme étant des antécédents obstétricaux (retard de croissance intra-utérin, pré-éclampsie, éclampsie et pour certains auteurs un hématome retro-placentaire) ou une anomalie de la colonisation trophoblastique mise en évidence par le Doppler utérin ou un test à l'angiotensine II anormal, ou un roll over test anormal.

Pour être efficace, l'aspirine doit être démarrée tôt dans la grossesse.

Ainsi, les antécédents pathologiques et les anomalies du Doppler constituent les indications les plus fréquentes de l'aspirine à faibles doses.

La dose optimale n'a pas été établie. Cependant, les doses varient entre 60 et 100mg (1mg/kg). Les faibles doses d'aspirine peuvent être démarrées entre 15 et 18 semaines d'aménorrhée quand l'indication est liée aux antécédents obstétricaux (32), ou à 24 semaines après la réalisation du Doppler utérin.

Avant de commencer la thérapeutique, le compte des plaquettes doit être normal et la réalisation d'une hémostase par le test de Ivy (63) (< 10mn). 10 à 15 jours après le début du traitement, le test de Ivy doit être recontrôlé pour un éventuel ajustement des doses. La majorité des auteurs arrêtent le traitement entre 35 et 36 semaines, le test de Ivy sera recontrôlé 10 jours après pour éliminer toute anomalie de l'hémostase à l'entrée à travail.

conclusions

La pré-éclampsie et le retard de croissance intra-utérin restent les causes principales de mortalité et de morbidité périnatale.

La pré-éclampsie semble être liée à une anomalie de la cellule endothéliale qui peut conduire à une élévation du rapport thromboxane A2 sur prostacycline et à une chute de la sensibilité vasculaire au test à l'angiotensine II.

Chez ces patientes, au cours de la grossesse, de faibles doses d'aspirine semblent rétablir l'équilibre physiologique en inhibant de façon relativement sélective la production de thromboxane A2 et en restaurant la réponse vasculaire à l'angiotensine II.

Cependant, de faibles doses d'aspirine ne peuvent être utilisées de façon currative lorsque la pré-éclampsie ou le retard de croissance intra-utérin sont déjà installés.

Chez la femme à haut risque l'aspirine peut prévenir la survenue d'une pré-éclampsie ou d'un retard de croissance intra-utérin, mais ne semblent pas réduire l'incidence d'hypertension artérielle gravidique.

Pour être efficaces, les faibles doses d'aspirine doivent être démarrées aussi tôt que possible dans la grossesse chez les femmes à haut risque, certainement avant l'apparition des signes cliniques.

Deux études récentes ont étudié les effets de faibles doses d'aspirine dans la prévention de la maladie hypertensive chez des nullipares sans antécédent et à faible risque (37, 38). Ces deux études montrent une faible diminution de l'incidence de la pré-éclampsie, mais pas d'effet bénéfique sur la survenue de l'hypertension gravidique ou du retard de croissance intra-utérin.

S. UZAN (1)(2), M. BEAUFILS (1), B. HADDAD (2), M. UZAN (3)

1- Hôpital Tenon - Paris

2- INSERM U149 - Paris

3- Hôpital Jean Verdier - Bondy, INSERM U361

 : JOURNÉES DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 12 - 19 Janvier 1995