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Titre: Étude vélocimetrique foeto-maternelle dans la prédiction du retard de croissance intra-utérin et dans l'arbre de décision d'extraction du foetus hypotrophe
Année: 1995
Auteurs: - Uzan M.
Spécialité: Obstétrique
Theme: Retard de croissance intra utérin

Chapitre 1

étude vélocimetrique foeto-maternelle dans la prédiction du retard de croissance intra-utérin et dans l'arbre de décision d'extraction du foetus hypotrophe

M. UZAN

introduction

Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) représente l'une des principales causes de mortalité et morbidité périnatale.

Ses complications, tant anténatales que postnatales sont actuellement parfaitement documentées.

Les problèmes qui se posent généralement sont les suivants :

Dans un premier temps faire le diagnostic de RCIU, dans un second temps en trouver si possible la cause et enfin, apprécier le bien-être du foetus.

Ces différents éléments guideront l'attitude obstétricale.

Schématiquement celle-ci sera fonction des éléments suivants:

1) Peut-on temporiser en poursuivant une surveillance clinique et ultrasonore ou y-a-t-il un risque imminent de mort foetale ?

2) Est-on capable de juger du risque de séquelles liées à un séjour in utero trop prolongé ?

Toute la difficulté consiste dans le choix du moment idéal pour décider d'une extraction, "balançant" en permanence entre les complications liées au RCIU et celles liées à la prématurité provoquée.

La recherche de facteurs prédictifs (en particulier vélocimétriques) parait justifiée du fait du développement de traitements préventifs.

Le dépistage du RCIU peut se faire par le seul examen clinique mais celui-ci est assez peu performant et n'en détecte pas plus de 2 sur 3 dans le meilleur des cas. Le diagnostic échographique ne fait guère mieux car sa sensibilité à 34 semaines d'aménorrhée se situe aux environs de 70% (25).

Lorsque l'examen clinique suspectera le diagnostic, l'échographie viendra souvent confirmer celui-ci, elle définira le type de RCIU et pourra donner une estimation pondérale (avec les aléas qu'on lui connaît). L'échographie réalise donc une approche statique de cette pathologie.

Les mesures vélocimétriques introduites dans la pratique obstétricale de ces dix dernières années permettent d'effectuer des mesures hémodynamiques aussi bien maternelles que foetales, mesures non invasives, simples et de plus répétitives. Cette technique permet de mieux explorer la physiologie des échanges foeto-maternels mais également une meilleure compréhension de diverses pathologies. Il s'agit donc d'une approche dynamique.

Dans les explorations du RCIU, de multiples interrogations subsistent quant à la place de cet examen complémentaire.

Les mesures Doppler

- Peuvent-elles prédire le RCIU ?

- Peuvent-elles orienter vers la cause d'un RCIU déjà constitué ?

- Peuvent-elles explorer de façon plus précise l'état foetal ?

- Peuvent-elles par un suivi rapproché guider une thérapeutique et les indications d'extraction?

C'est à ces diverses questions que nous allons tenter de répondre, (les problèmes techniques liés au recueil du signal et l'interprétation des courbes ont déjà été traités au chapitre consacré aux moyens d'explorations du foetus).

les mesures Doppler peuvent-elles prédire le rciu ?

La probabilité de prédire un RCIU constitue un élément important dans la prise en charge du suivi de la grossesse. Cet élément peut intervenir dans le cadre d'une action de santé publique. Chaque site explore un "secteur" hémodynamique différent et apporte une information spécifique.

1. Exploration de la perfusion utéro-placentaire ou versant maternel

En cas de grossesse pathologique, il a été démontré que la composante diastolique restait basse et/ou que persistait dans la morphologie du profil du spectre une incisure protodiastolique. Ces anomalies de morphologie du spectre reflètent probablement les anomalies histologiques retrouvées au niveau des vaisseaux: épaississement de l'intima et dégénérescence fibrino de de la média. Tout ceci abouti à des thromboses aiguës dans la lumière des vaisseaux qui augmente encore la résistance au flux.

Il est actuellement bien démontré (3)(14)(15)(21) que dans une population à bas risque, la mesure du flux Doppler au niveau des artères utérines constitue le meilleur marqueur à long terme de la survenue d'un RCIU. Il est recommandé de pratiquer cet examen entre 22 et 26 semaines d'aménorrhée (si l'examen est pratiqué plus tôt dans la grossesse, il existe un nombre trop élevé de faux positifs). A ce terme, on retrouve 12 à 15% d'examens Doppler pathologiques aux niveau des artères utérines (3) soit du fait d'un flux diastolique anormalement bas, soit du fait de l'existence ou de la persistance d'une incisure protodiastolique. Cette notion est très importante car même si la sensibilité du test est modeste (10) de l'ordre de 36%, sa spécificité est de 94% et la valeur prédictive négative de 96%. Cependant, ces résultats sont fonction du type de critères pris en compte et du type de matériel utilisé (14). En effet, si les mesures sont réalisées à l'aide d'un système Doppler conventionnel noir et blanc, entre 16 et 24 semaines et ne tiennent compte que du flux diastolique, on a pour la survenue d'un RCIU une sensibilité très basse de l'ordre de 25% et une spécificité élevée de 95%. Par contre si on tient compte du flux et de la persistance de l'incisure et si l'enregistrement est pratiqué en codage couleur et Doppler pulsé, on a 16% d'examens Doppler pathologiques à 20 semaines, 5,4% à 24 semaines et 4,6% à 26 semaines. La sensibilité s'élève à 76% à 20 semaines et ne se modifie pas jusqu'à 26 semaines, la spécificité est de 97% et la valeur prédictive positive atteint 44%.

Mais au terme de 26 semaines d'aménorrhée, peut-on encore parler de dépistage précoce ? Ceci constitue probablement plus une indication tardive à une thérapeutique par l'acide acétyl salicylique. Mc PARLAND et Coll (17) ont récemment montré que lorsque l'examen Doppler est anormal aux artères utérines à mi-grossesse, le risque individuel pour une femme de développer un RCIU est 9,8 fois supérieur au reste de la population.

Ainsi, l'étude de la vélocimétrie Doppler aux artères utérines parait intéressante pour définir une population à haut risque à un terme où une thérapeutique préventive peut être encore efficace.

2. Exploration placentaire par l'examen Doppler ombilical

Au cours de la grossesse normale, les modifications anatomiques de la chambre intervilleuse se caractérisent par une augmentation progressive du nombre (nombre de branches) et de la surface (surface de coupe) des vaisseaux placentaires. Ceci joue un rôle primordial dans la chute progressive de la résistance vasculaire au niveau de la circulation ombilicale. Au cours des grossesses pathologiques et notamment dans les RCIU, il apparaît une augmentation progressive de la résistance placentaire liée à l'accumulation de microthromboses au sein du placenta : celles-ci sont responsables d'échanges défectueux et du ralentissement de la croissance foetale. Il existe (8)(13) une étroite corrélation entre la vascularisation du placenta et le flux diastolique ombilical. La résistance placentaire peut être quantifiée par le comptage du nombre des petites artères et des artérioles dans les villosités tertiaires. Le nombre de vaisseaux est significativement plus bas à l'étude anatomopathologique du placenta lorsqu'un faible flux diastolique ombilical est constaté pendant la grossesse. Tout ces éléments suggèrent que la découverte d'un examen Doppler anormal permettrait de suspecter des lésions vasculaires placentaires à type d'oblitération dans les artères musculaires irriguant les villosités tertiaires.

La mesure de la vélocimétrie Doppler mesurée au niveau des artères ombilicales constitue un marqueur à moyen terme pour la prédictivité du RCIU, puisque cette mesure est directement corrélée au potentiel de croissance foetale (24). Lorsque le flux diastolique équivaut au tiers du flux maximal en systole, la croissance foetale est satisfaisante pour les 3 à 4 semaines à venir.

Il faut bien distinguer les résultats obtenus sur les différentes études réalisées.

Lorsque l'examen est pratiqué sur des populations à haut risque (1)(12), le flux diastolique est étroitement corrélé au poids de naissance (à condition qu'un délai n'excédant pas 3 semaines sépare la mesure de la naissance). Lorsqu'un flux diastolique est abaissé, il convient de surveiller la croissance foetale même si la biométrie est encore normale à l'échographie. Dans ces populations à haut risque, cet examen a une sensibilité élevée de l'ordre de 70% et une excellente spécificité aux alentours de 85%.

Lorsque ce même examen est pratiqué sur une population "tout-venant" (4), sans pathologie gravidique et sans antécédents pathologiques, les résultats sont également intéressants. Si le flux diastolique est abaissé alors que l'échographie trouve une biométrie jugée supérieure ou égale au 20ème percentile, la probabilité pour qu'un RCIU survienne à terme est multiplié par trois. Une mesure du Doppler ombilical peut donc judicieusement être couplée à l'échographie pratiquée aux environs de 7 mois, ceci dans le but de dépister précocement un RCIU. Cette mesure Doppler apporte une dimension dynamique supplémentaire qui complétera avantageusement l'échographie.

On peut donc sur le plan de la prédictivité conclure qu'il est indispensable de réaliser une mesure Doppler à l'artère ombilicale lorsqu'un RCIU est à craindre du fait des antécédents gravidiques ou personnels de la patiente, sa pratique systématique en dépistage de masse sur une population générale est très largement répandue.

les mesures Doppler peuvent-elles aider à porter un pronostic foetal?

Il est classique de définir le RCIU comme un état de souffrance foetale chronique avec épargne de certains territoires vasculaires foetaux aux dépends d'autres. Plus la souffrance foetale chronique est prolongée et plus le risque d'aboutir à une souffrance foetale aiguë et à une mort foetale in utero est grand. L'étape suivante consiste donc à étudier un certain nombre de paramètres, tous indépendants les uns des autres qui vont permettre de tester en quelque sorte, les réactions foetales pour juger au mieux du moment le plus opportun pour décider d'une extraction.

1. Les flux diastoliques ombilicaux nuls

Il est clairement admis (8) (24) que ce symptôme correspond toujours à une souffrance foetale chronique. La disparition complète et permanente du flux résiduel diastolique constitue un signe de très haute gravité. C'est la forme extrême de l'élévation de la résistance placentaire que l'on retrouve dans les RCIU sévères isolés ou associés à une hypertension maternelle. Le risque de mortalité périnatale peut être estimé entre 50 et 90%. Certains en font une urgence obstétricale et vont même jusqu'à pratiquer une extraction foetale immédiate. Cette attitude est certainement excessive mais la surveillance rapprochée en milieu spécialisé par des enregistrements pluri-quotidiens du rythme cardiaque foetal associés au score biophysique de Manning doit permettre de programmer au mieux le moment de l'extraction (la réalisation du caryotype est recommandée).

Redman (21) a montré que le terme moyen de naissance dans ces cas se situe aux alentours de 30 1/2 semaines d'aménorrhée et le délai séparant la découverte de ce symptôme de la naissance (10)(24) se situe entre 7 à 10 jours. 95% des enfants sont extraits par césarienne pour anomalies du rythme cardiaque foetal avec des pH inférieurs à 7.20, 30% ont un oligoamnios sévère, enfin, l'étude du placenta montre dans 64% des cas des signes de thrombose ischémique.

En fin la relation entre le flux diastolique nul et le risque d'entérocolite post-natale a clairement été démontrée (19). Elle témoigne des redistributions vasculaires aux dépends de certains territoires dont l'hypoperfusion prolongée aboutit à la constitution d'une entéropathie ischémique. Cette complication post-natale est responsable en grande partie de la morbidité et parfois même malheureusement mortalité néonatale.

2. L'approche du bien-être foetal

Un certains nombre d'auteurs (11) ont étudié de façon concomitante le rythme cardiaque foetal et les mesures Doppler à l'artère ombilicale chez les foetus présentant un RCIU. Ces résultats ont été corrélés au devenir néonatal, au score d'Apgar et au nombre de césarienne pratiquées pour souffrance foetale aiguë. Une excellente corrélation est retrouvée entre ces deux tests qui donnent semble-t-il des informations comparables. Certains auteurs (18) vont même plus loin car en cas de RCIU isolé sans pathologie maternelle les mesures Doppler à l'artère ombilicale constituent pour eux le paramètre de surveillance le plus fiable pour identifier les foetus à risques ; par contre, en cas de pathologie maternelle, l'enregistrement du rythme cardiaque foetal devient indispensable. Ces éléments bien que devant être confirmés par d'autres études sont néanmoins très encourageants et montrent la relation évidente entre l'augmentation de la résistance placentaire et les altérations de la vascularisation foetale.

3. Doppler ombilical et terme de naissance

Trudinger (22) a mesuré la pertinence du Doppler ombilical sur une série de 53 patientes dont le foetus présentait un RCIU. Les mesures retenues ont été celles faites dans les 10 jours précédant la naissance, les résultats n'étant pas communiqués à l'accoucheur. Lorsque les mesures Doppler sont pathologiques à l'artère ombilicale, le terme moyen de naissance se situe aux environs de 34 semaines d'aménorrhée (parmi ces enfants il retrouve ceux ayant nécessité une hospitalisation en unité de soins intensifs). Lorsque les mesures sont normales, le terme moyen se situe aux alentours de 37 semaines d'aménorrhée. Ceci vient confirmer qu'un simple examen permet de classer un RCIU dans une catégorie de haut ou de bas risque et d'adapter au mieux le suivi anténatal.

les mesures Doppler peuvent-elles par un suivi rapproché guider une thérapeutique et les indications d'extraction ?

Il est actuellement admis que les anomalies du rythme cardiaque foetal associant une disparition de la variabilité et des décélérations sont trop tardives pour constituer un critère d'extraction foetale. Le pronostic neurologique est déjà compromis. Nous sommes donc à la recherche d'un paramètre qui soit en amont des anomalies du rythme cardiaque foetal sans être pour autant trop précoce (car la trop grande prématurité provoquée est toujours à redouter). Dans certains RCIU le foetus va se trouver en situation de souffrance foetale chronique grave avec hypoxie et hypercapnie. Dans cet état déjà précaire, il va privilégier certains territoires mettant alors en jeu des phénomènes compensatoires qui lui permettent d'assurer un apport satisfaisant en oxygène : le foetus est dit en situation d'épargne. Il va privilégier ses territoires nobles: coronarien, cérébral et splanchnique en priorité par rapport à d'autres territoires. Les diverses mesures Doppler pratiquées dans ce type de situation peuvent mettre en lumière cet état de redistribution circulatoire. Peut-on en faire un paramètre de surveillance foetale au même titre que le rythme cardiaque foetal, le comptage des mouvements actifs ou la stagnation de la croissance foetale à deux examens échographiques successifs?

Quelle place peut-on faire à ce type d'exploration parmi ceux déjà utilisés ?

1. Évolution du Doppler ombilical

Pour être considérées comme normales (24) les mesures Doppler réalisées au niveau des artères ombilicales doivent non seulement se situer entre le 10ème et le 90ème percentile des courbes de références choisies mais encore évoluer entre deux examens successifs. Tout au long de la grossesse, le flux diastolique augmente progressivement dans l'artère ombilicale parallèlement à la baisse de la résistance placentaire. Lorsque deux mesures sont séparées de plus de 8 semaines, le flux diastolique doit augmenter en moyenne de 20%. Sa stagnation, sa diminution voire sa disparition sont le témoin d'une augmentation pathologique de la résistance placentaire qui peut compromettre à plus ou moins long terme la croissance et le bien-être foetal.

Dans une série de patientes ayant pour antécédents deux hématomes rétro-placentaires (25) et hospitalisées pour une surveillance de grossesse, des mesures quotidiennes ont montré qu'une chute progressive du flux diastolique pouvait apparaître en moyenne dans les 2 à 3 jours qui précèdent la récidive d'un hématome retro-placentaire. Les anomalies au Doppler ont précédé les altérations du rythme cardiaque foetal et les signes cliniques qui eux sont contemporains de l'accident.

De même (24), lors du suivi d'une série de 42 patientes chez qui il existait une disparition du flux diastolique, les anomalies du rythme cardiaque foetal précédant la mort foetale in utero ou l'extraction sont survenues en moyenne au bout de 8 jours.

Il a été montré (1) sur une série de RCIU explorés par mesure du Doppler aux artères ombilicales entre 26 et 32 semaines d'aménorrhée qu'il existe une bonne relation entre le chiffre absolu de la mesure Doppler et le délai de naissance. Dans le groupe des flux diastoliques nuls, le délai est de 8 jours avec un taux de césariennes atteignant 87%. Dans le groupe des flux diastoliques bas, le délai est de 22 jours avec 33% des enfants nés par césarienne, enfin, lorsque le flux diastolique est normal, les naissances ont lieu entre 36 et 37 semaines et il n'y a plus que 10% de césariennes. Ainsi par des mesures uniques ou répétées du flux Doppler à l'artère ombilicale, il est possible de repérer chez des foetus présentant un RCIU les modifications circulatoires placentaires annonçant dans un délai plus ou moins court la survenue d'une souffrance foetale aigue.

2. Évolution du Doppler cérébral au cours du RCIU

Comme nous l'avons précédemment évoqué, en cas d'aggravation de la souffrance foetale chronique, le foetus peut préserver certains territoires dits "priviligiés" en procédant à des redistributions vasculaires. Il existe chez l'animal à terme une autorégulation qui permet la stabilité de débit sanguin cérébral quelque-soit les variations tensionnelles. Une élévation de la pression artérielle va entraîner une vasoconstriction cérébrale alors qu'une hypotension est contrôlée par une vasodilatation. L'hypoxie avec hypercapnie rend les vaisseaux cérébraux insensibles à cette autorégulation du débit sanguin cérébral et entraîne une vasodilatation responsable d'une fragilité vasculaire aux à-coups tensionnels. L'autorégulation est admise plus que démontrée chez le nouveau-né humain. Elle est très fragile chez le prématuré. Chez le nouveau-né hypoxique, les à-coups hypertensifs peuvent entraîner des hémorragies, de même que les hypotensions peuvent produire des lésions à type de leucomalacies péri-ventriculaires.

Un certain nombre de vaisseaux sont explorés par les techniques Doppler. Il s'agit principalement de l'artère carotide interne, l'artère cérébrale antérieure et l'artère cérébrale moyenne. La prédictivité de ces différents vaisseaux est identique car ils forment les composants du polygone de Willis et la vasodilatation lorsqu'elle survient est simultanée dans tous ces vaisseaux. L'intérêt de la vélocimétrie est de réaliser une étude hémodynamique du cerveau du foetus humain et d'établir un pronostic à court terme. Toute hypoxie entraine une vasodilatation cérébrale et, celle-ci est appréhendée par l'examen Doppler sous forme d'une augmentation nette du flux résiduel en diastole. Le système vasculaire cérébral du foetus fonctionne normalement comme un système à haute résistance avec des flux résiduels en diastole bas. Toute vasodilatation entraîne une baisse des résistances et une augmentation du flux diastolique. Tous les travaux publiés (5) (7) (16) vont dans le même sens. Ils démontrent clairement que le foetus en situation d'épargne cérébrale (Brain-Sparing) redistribue ses flux circulatoires afin de fournir au cerveau une quantité (si possible) équivalente d'oxygène.

Dans de rares cas, le foetus est incapable de mettre en route ces phénomènes d'autorégulation. Il s'agit probablement des cas les plus graves. Dès que le flux diastolique ombilical s'abaisse, il apparaît intéressant d'explorer le territoire cérébral afin de repérer les premiers signes d'adaptation foetale. Cet examen trouve un intérêt majeur en cas de disparition complète du flux diastolique. Il a été montré dans ces cas qu'une élévation du flux carotidien se produit en moyenne 13 jours (5) avant l'apparition des anomalies du rythme cardiaque foetal. Ainsi entre 29 et 34 semaines d'aménorrhée dans ces cas de RCIU sévères avec anomalie du Doppler ombilical, une mesure bi-hebdomadaire du Doppler cérébral peut-être proposée: l'apparition d'une anomalie du rythme cardiaque foetal comme une disparition de la réactivité associée à une élévation du flux diastolique cérébral pourrait constituer une indication à l'extraction. Après 34 semaines, pour certains, l'élévation du flux diastolique carotidien peut constituer à lui seul un argument suffisant pour décider d'une extraction. Cette attitude peut se justifier. La prédictivité de ce flux cérébral en matière d'anomalie du rythme cardiaque foetal et de mort foetale in-utéro (5) est bonne. Cet examen a une sensibilité et une spécificité de 86%, une valeur prédictive positive de 48% et une valeur prédictive négative de 97%. La sensibilité pour un flux doppler pathologique s'élève à 93% lorsque le délai séparant la mesure de la naissance est inférieure ou égale à 7 jours. L'exploration des vaisseaux cérébraux constitue actuellement dans les cas de RCIU avec altération de l'examen Doppler à l'artère ombilicale un des meilleurs critères de surveillance et d'évaluation du bien-être foetal au meme titre que l'enregistrement du rythme cardiaque foetal et la quantification des mouvements actifs et du liquide amniotique. Il peut être considéré comme un paramètre fiable et un indicateur précoce de la survenue possible d'une souffrance foetale aiguë précédant parfois de très peu chez ces foetus très fragiles la mort foetale in-utero. Par contre, ce paramètre n'a pas lieu d'être mesuré tant que le flux ombilical est normal (5).

3. Quels autres vaisseaux peut-on explorer dans l'avenir

L'une des complications les plus redoutables des RCIU est la survenue d'une entérocolite ulcéronécrosante dans les jours qui suivent la naissance. Celle-ci constitue l'une des causes les plus fréquente de mortalité et de morbidité périnatale. L'acquisition du Doppler à codage couleur permet l'exploration de vaisseaux de plus en plus petits et le choix d'un territoire clé nous a paru être celui de l'artère mésentérique supérieure. En effet, cette artère est le vaisseau principal irriguant par ses branches l'intestin grêle, le colon droit et en partie le colon transverse. Lorsque le foetus se trouve en état d'épargne il ne pourra pas en permanence préserver la vascularisation de son territoire splanchnique. L'hypoxie au niveau de ce territoire pourrait être repérée par l'étude des flux Doppler au niveau de l'artère mésentérique supérieure.

Des mesures (19) ont déjà été réalisées après la naissance. Le nouveau-né ayant présenté un RCIU et un certain degré d'hypoxie a, à la naissance un abaissement de son flux résiduel diastolique au niveau de l'artère mésentérique supérieure et cette anomalie persiste encore après la première semaine de vie. Ce phénomène est probablement lié à l'hypoperfusion viscérale in-utéro qui prédispose fortement à l'entérocolite ulcéronécrosante. De grands espoirs reposent sur l'exploration de ce territoire qui apportera une information supplémentaire, car lorsqu'il existe une disparition du flux résiduel en diastole au niveau de l'artère ombilicale, on connaît la plus grande incidence de l'entérocolite (19) grevant le pronostic néonatal. Dans les cas où cette hypothèse se confirmait, le repérage d'une anomalie vélocimétrique pourrait constituer un argument de poids pour une décision d'extraction.

iv doppler et grossesses gémellaires

Au cours des grossesses gémellaires, il existe une élévation considérable de la mortalité et de la morbidité périnatale que l'on peut considérer comme deux à trois fois supérieure à celle des grossesses uniques. Les complications foetales bien connues sont liées essentiellement à la prématurité, au RCIU, aux malformations foetales, aux syndromes transfuseur-transfusé et aux complications funiculaires.

Au cours de la grossesse la biométrie foetale peut être difficile à réaliser du fait des intrications foetales ou de la position des têtes parfois trop basses au sein du pelvis. Les mesures Doppler au niveau de l'artère ombilicale constituent actuellement le moyen le plus fiable pour prédire le RCIU. Cet examen (23) présente une très forte sensibilité pour la survenue d'un RCIU de l'ordre de 75% donc bien supérieure à celle obtenue par la simple mesure de biométrie réalisée par l'échographie. Dans les cas où les mesures Doppler à l'artère ombilicale ont été pratiquées de façon systématique et les résultats confiés aux accoucheurs par rapport à des séries témoins où les mesures ne sont pas réalisées (13), cet examen s'est révélé comme précieux pour la prise en charge et le suivi des grossesses puisque dans le groupe avec examen Doppler, la mortalité périnatale est divisée par 3 sans qu'il n'y ait de modification du terme de naissance ni du mode d'accouchement.

Lorsqu'il existe chez l'un des jumeaux une disparition du flux diastolique au niveau de l'artère ombilicale (6) cette anomalie est également prédictive d'une issue péjorative comme dans les grossesses uniques, avec un nombre élevé de mort foetale in-utero. Il faut cependant signaler certaines différences : le délai entre la découverte de l'anomalie Doppler au niveau de l'artère ombilicale et l'apparition des anomalies du rythme cardiaque foetal est de l'ordre de 4,6 semaines donc plus long que dans les grossesses avec enfant unique où il est en moyenne de 1,2 semaine. Ceci incite à la prudence et au cours des grossesses gémellaires plus encore que dans les grossesses uniques, la décision d'extraction ne peut être prise sur une perturbation vélocimétrique ombilicale isolée présente sur un des jumeaux même si elle est importante car elle exposerait inutilement à une prématurité provoquée trop importante.

conclusion

La pratique des mesures Doppler au cours de la grossesse tend à devenir systématique ou du moins très largement réalisée essentiellement chez les patientes à antécédents pathologiques, à grossesses pathologiques mais également, chez les primipares exposées à un accident inaugural.

Cette pratique est en cours d'évaluation dans une enquête de santé publique. Si elle s'avère positive, elle permettra de réduire le nombre de RCIU de 30 à 50%. Il s'agira probablement de la seconde étape la plus importante a franchir en périnatalogie après celle de la lutte contre la prématurité.

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Michèle UZAN,

Maternité Jean Verdier, Unité I.N.S.E.R.M U 361, Avenue du 14 Juillet, 93143 Bondy Cedex  : JOURNÉES DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 12 - 19 Janvier 1995