Chapitre 1
étude vélocimetrique foeto-maternelle dans la prédiction
du retard de croissance intra-utérin et dans l'arbre de
décision d'extraction du foetus hypotrophe
M. UZAN
introduction
Le retard de croissance intra-utérin (RCIU)
représente l'une des principales causes de mortalité et
morbidité périnatale.
Ses complications, tant anténatales que
postnatales sont actuellement parfaitement documentées.
Les problèmes qui se posent généralement
sont les suivants :
Dans un premier temps faire le diagnostic de
RCIU, dans un second temps en trouver si possible la cause et
enfin, apprécier le bien-être du foetus.
Ces différents éléments guideront l'attitude
obstétricale.
Schématiquement celle-ci sera fonction des
éléments suivants:
1) Peut-on temporiser en poursuivant une
surveillance clinique et ultrasonore ou y-a-t-il un risque
imminent de mort foetale ?
2) Est-on capable de juger du risque de
séquelles liées à un séjour in utero trop prolongé ?
Toute la difficulté consiste dans le choix du
moment idéal pour décider d'une extraction,
"balançant" en permanence entre les complications
liées au RCIU et celles liées à la prématurité provoquée.
La recherche de facteurs prédictifs (en
particulier vélocimétriques) parait justifiée du fait du
développement de traitements préventifs.
Le dépistage du RCIU peut se faire par le seul
examen clinique mais celui-ci est assez peu performant et n'en
détecte pas plus de 2 sur 3 dans le meilleur des cas. Le
diagnostic échographique ne fait guère mieux car sa
sensibilité à 34 semaines d'aménorrhée se situe aux environs
de 70% (25).
Lorsque l'examen clinique suspectera le
diagnostic, l'échographie viendra souvent confirmer celui-ci,
elle définira le type de RCIU et pourra donner une estimation
pondérale (avec les aléas qu'on lui connaît). L'échographie
réalise donc une approche statique de cette pathologie.
Les mesures vélocimétriques introduites dans
la pratique obstétricale de ces dix dernières années
permettent d'effectuer des mesures hémodynamiques aussi bien
maternelles que foetales, mesures non invasives, simples et de
plus répétitives. Cette technique permet de mieux explorer la
physiologie des échanges foeto-maternels mais également une
meilleure compréhension de diverses pathologies. Il s'agit donc
d'une approche dynamique.
Dans les explorations du RCIU, de multiples
interrogations subsistent quant à la place de cet examen
complémentaire.
Les mesures Doppler
- Peuvent-elles prédire
le RCIU ?
- Peuvent-elles orienter vers la cause d'un
RCIU déjà constitué ?
- Peuvent-elles explorer de façon plus
précise l'état foetal ?
- Peuvent-elles par un suivi rapproché guider
une thérapeutique et les indications d'extraction?
C'est à ces diverses questions que nous allons
tenter de répondre, (les problèmes techniques liés au recueil
du signal et l'interprétation des courbes ont déjà été
traités au chapitre consacré aux moyens d'explorations du
foetus).
les mesures Doppler peuvent-elles prédire le rciu ?
La probabilité de prédire un RCIU constitue
un élément important dans la prise en charge du suivi de la
grossesse. Cet élément peut intervenir dans le cadre d'une
action de santé publique. Chaque site explore un
"secteur" hémodynamique différent et apporte une
information spécifique.
1. Exploration de la perfusion utéro-placentaire ou versant
maternel
En cas de grossesse pathologique, il a été démontré que la
composante diastolique restait basse et/ou que persistait dans la
morphologie du profil du spectre une incisure protodiastolique.
Ces anomalies de morphologie du spectre reflètent probablement
les anomalies histologiques retrouvées au niveau des vaisseaux:
épaississement de l'intima et dégénérescence fibrino de de la
média. Tout ceci abouti à des thromboses aiguës dans la
lumière des vaisseaux qui augmente encore la résistance au
flux.
Il est actuellement bien démontré (3)(14)(15)(21) que dans
une population à bas risque, la mesure du flux Doppler au niveau
des artères utérines constitue le meilleur marqueur à long
terme de la survenue d'un RCIU. Il est recommandé de pratiquer
cet examen entre 22 et 26 semaines d'aménorrhée (si l'examen
est pratiqué plus tôt dans la grossesse, il existe un nombre
trop élevé de faux positifs). A ce terme, on retrouve 12 à 15%
d'examens Doppler pathologiques aux niveau des artères utérines
(3) soit du fait d'un flux diastolique anormalement bas, soit du
fait de l'existence ou de la persistance d'une incisure
protodiastolique. Cette notion est très importante car même si
la sensibilité du test est modeste (10) de l'ordre de 36%, sa
spécificité est de 94% et la valeur prédictive négative de
96%. Cependant, ces résultats sont fonction du type de critères
pris en compte et du type de matériel utilisé (14). En effet,
si les mesures sont réalisées à l'aide d'un système Doppler
conventionnel noir et blanc, entre 16 et 24 semaines et ne
tiennent compte que du flux diastolique, on a pour la survenue
d'un RCIU une sensibilité très basse de l'ordre de 25% et une
spécificité élevée de 95%. Par contre si on tient compte du
flux et de la persistance de l'incisure et si l'enregistrement
est pratiqué en codage couleur et Doppler pulsé, on a 16%
d'examens Doppler pathologiques à 20 semaines, 5,4% à 24
semaines et 4,6% à 26 semaines. La sensibilité s'élève à 76%
à 20 semaines et ne se modifie pas jusqu'à 26 semaines, la
spécificité est de 97% et la valeur prédictive positive
atteint 44%.
Mais au terme de 26 semaines d'aménorrhée, peut-on encore
parler de dépistage précoce ? Ceci constitue probablement
plus une indication tardive à une thérapeutique par l'acide
acétyl salicylique. Mc PARLAND et Coll (17) ont récemment
montré que lorsque l'examen Doppler est anormal aux artères
utérines à mi-grossesse, le risque individuel pour une femme de
développer un RCIU est 9,8 fois supérieur au reste de la
population.
Ainsi, l'étude de la vélocimétrie Doppler aux artères
utérines parait intéressante pour définir une population à
haut risque à un terme où une thérapeutique préventive peut
être encore efficace.
2. Exploration placentaire par l'examen Doppler ombilical
Au cours de la grossesse normale, les modifications
anatomiques de la chambre intervilleuse se caractérisent par une
augmentation progressive du nombre (nombre de branches) et de la
surface (surface de coupe) des vaisseaux placentaires. Ceci joue
un rôle primordial dans la chute progressive de la résistance
vasculaire au niveau de la circulation ombilicale. Au cours des
grossesses pathologiques et notamment dans les RCIU, il apparaît
une augmentation progressive de la résistance placentaire liée
à l'accumulation de microthromboses au sein du placenta :
celles-ci sont responsables d'échanges défectueux et du
ralentissement de la croissance foetale. Il existe (8)(13) une
étroite corrélation entre la vascularisation du placenta et le
flux diastolique ombilical. La résistance placentaire peut être
quantifiée par le comptage du nombre des petites artères et des
artérioles dans les villosités tertiaires. Le nombre de
vaisseaux est significativement plus bas à l'étude
anatomopathologique du placenta lorsqu'un faible flux diastolique
ombilical est constaté pendant la grossesse. Tout ces éléments
suggèrent que la découverte d'un examen Doppler anormal
permettrait de suspecter des lésions vasculaires placentaires à
type d'oblitération dans les artères musculaires irriguant les
villosités tertiaires.
La mesure de la vélocimétrie Doppler mesurée au niveau des
artères ombilicales constitue un marqueur à moyen terme pour la
prédictivité du RCIU, puisque cette mesure est directement
corrélée au potentiel de croissance foetale (24). Lorsque le
flux diastolique équivaut au tiers du flux maximal en systole,
la croissance foetale est satisfaisante pour les 3 à 4
semaines à venir.
Il faut bien distinguer les résultats obtenus sur les
différentes études réalisées.
Lorsque l'examen est pratiqué sur des populations à haut
risque (1)(12), le flux diastolique est étroitement corrélé au
poids de naissance (à condition qu'un délai n'excédant pas 3
semaines sépare la mesure de la naissance). Lorsqu'un flux
diastolique est abaissé, il convient de surveiller la croissance
foetale même si la biométrie est encore normale à
l'échographie. Dans ces populations à haut risque, cet examen a
une sensibilité élevée de l'ordre de 70% et une excellente
spécificité aux alentours de 85%.
Lorsque ce même examen est pratiqué sur une population
"tout-venant" (4), sans pathologie gravidique et sans
antécédents pathologiques, les résultats sont également
intéressants. Si le flux diastolique est abaissé alors que
l'échographie trouve une biométrie jugée supérieure ou égale
au 20ème percentile, la probabilité pour qu'un RCIU
survienne à terme est multiplié par trois. Une mesure du
Doppler ombilical peut donc judicieusement être couplée à
l'échographie pratiquée aux environs de 7 mois, ceci dans le
but de dépister précocement un RCIU. Cette mesure Doppler
apporte une dimension dynamique supplémentaire qui complétera
avantageusement l'échographie.
On peut donc sur le plan de la prédictivité conclure qu'il
est indispensable de réaliser une mesure Doppler à l'artère
ombilicale lorsqu'un RCIU est à craindre du fait des
antécédents gravidiques ou personnels de la patiente, sa
pratique systématique en dépistage de masse sur une population
générale est très largement répandue.
les mesures Doppler peuvent-elles aider à porter un
pronostic foetal?
Il est classique de définir le RCIU comme un état de
souffrance foetale chronique avec épargne de certains
territoires vasculaires foetaux aux dépends d'autres. Plus la
souffrance foetale chronique est prolongée et plus le risque
d'aboutir à une souffrance foetale aiguë et à une mort foetale
in utero est grand. L'étape suivante consiste donc à
étudier un certain nombre de paramètres, tous indépendants les
uns des autres qui vont permettre de tester en quelque sorte, les
réactions foetales pour juger au mieux du moment le plus
opportun pour décider d'une extraction.
1. Les flux diastoliques ombilicaux nuls
Il est clairement admis (8) (24) que ce symptôme correspond
toujours à une souffrance foetale chronique. La disparition
complète et permanente du flux résiduel diastolique constitue
un signe de très haute gravité. C'est la forme extrême de
l'élévation de la résistance placentaire que l'on retrouve
dans les RCIU sévères isolés ou associés à une hypertension
maternelle. Le risque de mortalité périnatale peut être
estimé entre 50 et 90%. Certains en font une urgence
obstétricale et vont même jusqu'à pratiquer une extraction
foetale immédiate. Cette attitude est certainement excessive
mais la surveillance rapprochée en milieu spécialisé par des
enregistrements pluri-quotidiens du rythme cardiaque foetal
associés au score biophysique de Manning doit permettre de
programmer au mieux le moment de l'extraction (la réalisation du
caryotype est recommandée).
Redman (21) a montré que le terme moyen de naissance dans ces
cas se situe aux alentours de 30 1/2 semaines d'aménorrhée et
le délai séparant la découverte de ce symptôme de la
naissance (10)(24) se situe entre 7 à 10 jours. 95% des enfants
sont extraits par césarienne pour anomalies du rythme cardiaque
foetal avec des pH inférieurs à 7.20, 30% ont un oligoamnios
sévère, enfin, l'étude du placenta montre dans 64% des cas des
signes de thrombose ischémique.
En fin la relation entre le flux diastolique nul et le risque
d'entérocolite post-natale a clairement été démontrée (19).
Elle témoigne des redistributions vasculaires aux dépends de
certains territoires dont l'hypoperfusion prolongée aboutit
à la constitution d'une entéropathie ischémique. Cette
complication post-natale est responsable en grande partie de la
morbidité et parfois même malheureusement mortalité
néonatale.
2. L'approche du bien-être foetal
Un certains nombre d'auteurs (11) ont étudié de façon
concomitante le rythme cardiaque foetal et les mesures Doppler à
l'artère ombilicale chez les foetus présentant un RCIU. Ces
résultats ont été corrélés au devenir néonatal, au score
d'Apgar et au nombre de césarienne pratiquées pour souffrance
foetale aiguë. Une excellente corrélation est retrouvée entre
ces deux tests qui donnent semble-t-il des informations
comparables. Certains auteurs (18) vont même plus loin car en
cas de RCIU isolé sans pathologie maternelle les mesures Doppler
à l'artère ombilicale constituent pour eux le paramètre de
surveillance le plus fiable pour identifier les foetus à
risques ; par contre, en cas de pathologie maternelle,
l'enregistrement du rythme cardiaque foetal devient
indispensable. Ces éléments bien que devant être confirmés
par d'autres études sont néanmoins très encourageants et
montrent la relation évidente entre l'augmentation de la
résistance placentaire et les altérations de la vascularisation
foetale.
3. Doppler ombilical et terme de naissance
Trudinger (22) a mesuré la pertinence du Doppler ombilical
sur une série de 53 patientes dont le foetus présentait un
RCIU. Les mesures retenues ont été celles faites dans les 10
jours précédant la naissance, les résultats n'étant pas
communiqués à l'accoucheur. Lorsque les mesures Doppler sont
pathologiques à l'artère ombilicale, le terme moyen de
naissance se situe aux environs de 34 semaines d'aménorrhée
(parmi ces enfants il retrouve ceux ayant nécessité une
hospitalisation en unité de soins intensifs). Lorsque les
mesures sont normales, le terme moyen se situe aux alentours de
37 semaines d'aménorrhée. Ceci vient confirmer qu'un simple
examen permet de classer un RCIU dans une catégorie de haut ou
de bas risque et d'adapter au mieux le suivi anténatal.
les mesures Doppler peuvent-elles par un suivi rapproché
guider une thérapeutique et les indications d'extraction ?
Il est actuellement admis que les anomalies du rythme
cardiaque foetal associant une disparition de la variabilité et
des décélérations sont trop tardives pour constituer un
critère d'extraction foetale. Le pronostic neurologique est
déjà compromis. Nous sommes donc à la recherche d'un
paramètre qui soit en amont des anomalies du rythme cardiaque
foetal sans être pour autant trop précoce (car la trop grande
prématurité provoquée est toujours à redouter). Dans certains
RCIU le foetus va se trouver en situation de souffrance foetale
chronique grave avec hypoxie et hypercapnie. Dans cet état
déjà précaire, il va privilégier certains territoires mettant
alors en jeu des phénomènes compensatoires qui lui permettent
d'assurer un apport satisfaisant en oxygène : le foetus est
dit en situation d'épargne. Il va privilégier ses territoires
nobles: coronarien, cérébral et splanchnique en priorité par
rapport à d'autres territoires. Les diverses mesures Doppler
pratiquées dans ce type de situation peuvent mettre en lumière
cet état de redistribution circulatoire. Peut-on en faire un
paramètre de surveillance foetale au même titre que le rythme
cardiaque foetal, le comptage des mouvements actifs ou la
stagnation de la croissance foetale à deux examens
échographiques successifs?
Quelle place peut-on faire à ce type d'exploration parmi ceux
déjà utilisés ?
1. Évolution du Doppler ombilical
Pour être considérées comme normales (24) les mesures
Doppler réalisées au niveau des artères ombilicales doivent
non seulement se situer entre le 10ème et le 90ème percentile
des courbes de références choisies mais encore évoluer entre
deux examens successifs. Tout au long de la grossesse, le flux
diastolique augmente progressivement dans l'artère ombilicale
parallèlement à la baisse de la résistance placentaire.
Lorsque deux mesures sont séparées de plus de 8 semaines, le
flux diastolique doit augmenter en moyenne de 20%. Sa stagnation,
sa diminution voire sa disparition sont le témoin d'une
augmentation pathologique de la résistance placentaire qui peut
compromettre à plus ou moins long terme la croissance et le
bien-être foetal.
Dans une série de patientes ayant pour antécédents deux
hématomes rétro-placentaires (25) et hospitalisées pour une
surveillance de grossesse, des mesures quotidiennes ont montré
qu'une chute progressive du flux diastolique pouvait apparaître
en moyenne dans les 2 à 3 jours qui précèdent la récidive
d'un hématome retro-placentaire. Les anomalies au Doppler ont
précédé les altérations du rythme cardiaque foetal et les
signes cliniques qui eux sont contemporains de l'accident.
De même (24), lors du suivi d'une série de 42 patientes chez
qui il existait une disparition du flux diastolique, les
anomalies du rythme cardiaque foetal précédant la mort foetale
in utero ou l'extraction sont survenues en moyenne au bout de 8
jours.
Il a été montré (1) sur une série de RCIU explorés par
mesure du Doppler aux artères ombilicales entre 26 et 32
semaines d'aménorrhée qu'il existe une bonne relation entre le
chiffre absolu de la mesure Doppler et le délai de naissance.
Dans le groupe des flux diastoliques nuls, le délai est de 8
jours avec un taux de césariennes atteignant 87%. Dans le groupe
des flux diastoliques bas, le délai est de 22 jours avec 33% des
enfants nés par césarienne, enfin, lorsque le flux diastolique
est normal, les naissances ont lieu entre 36 et 37 semaines et il
n'y a plus que 10% de césariennes. Ainsi par des mesures uniques
ou répétées du flux Doppler à l'artère ombilicale, il est
possible de repérer chez des foetus présentant un RCIU les
modifications circulatoires placentaires annonçant dans un
délai plus ou moins court la survenue d'une souffrance foetale
aigue.
2. Évolution du Doppler cérébral au cours du RCIU
Comme nous l'avons précédemment évoqué, en cas
d'aggravation de la souffrance foetale chronique, le foetus peut
préserver certains territoires dits "priviligiés" en
procédant à des redistributions vasculaires. Il existe chez
l'animal à terme une autorégulation qui permet la stabilité de
débit sanguin cérébral quelque-soit les variations
tensionnelles. Une élévation de la pression artérielle va
entraîner une vasoconstriction cérébrale alors qu'une
hypotension est contrôlée par une vasodilatation. L'hypoxie
avec hypercapnie rend les vaisseaux cérébraux insensibles à
cette autorégulation du débit sanguin cérébral et entraîne
une vasodilatation responsable d'une fragilité vasculaire aux
à-coups tensionnels. L'autorégulation est admise plus que
démontrée chez le nouveau-né humain. Elle est très fragile
chez le prématuré. Chez le nouveau-né hypoxique, les à-coups
hypertensifs peuvent entraîner des hémorragies, de même que
les hypotensions peuvent produire des lésions à type de
leucomalacies péri-ventriculaires.
Un certain nombre de vaisseaux sont explorés par les
techniques Doppler. Il s'agit principalement de l'artère
carotide interne, l'artère cérébrale antérieure et l'artère
cérébrale moyenne. La prédictivité de ces différents
vaisseaux est identique car ils forment les composants du
polygone de Willis et la vasodilatation lorsqu'elle survient est
simultanée dans tous ces vaisseaux. L'intérêt de la
vélocimétrie est de réaliser une étude hémodynamique du
cerveau du foetus humain et d'établir un pronostic à court
terme. Toute hypoxie entraine une vasodilatation cérébrale et,
celle-ci est appréhendée par l'examen Doppler sous forme d'une
augmentation nette du flux résiduel en diastole. Le système
vasculaire cérébral du foetus fonctionne normalement comme un
système à haute résistance avec des flux résiduels en
diastole bas. Toute vasodilatation entraîne une baisse des
résistances et une augmentation du flux diastolique. Tous les
travaux publiés (5) (7) (16) vont dans le même sens. Ils
démontrent clairement que le foetus en situation d'épargne
cérébrale (Brain-Sparing) redistribue ses flux circulatoires
afin de fournir au cerveau une quantité (si possible)
équivalente d'oxygène.
Dans de rares cas, le foetus est incapable de mettre en route
ces phénomènes d'autorégulation. Il s'agit probablement des
cas les plus graves. Dès que le flux diastolique ombilical
s'abaisse, il apparaît intéressant d'explorer le territoire
cérébral afin de repérer les premiers signes d'adaptation
foetale. Cet examen trouve un intérêt majeur en cas de
disparition complète du flux diastolique. Il a été montré
dans ces cas qu'une élévation du flux carotidien se produit en
moyenne 13 jours (5) avant l'apparition des anomalies du rythme
cardiaque foetal. Ainsi entre 29 et 34 semaines d'aménorrhée
dans ces cas de RCIU sévères avec anomalie du Doppler
ombilical, une mesure bi-hebdomadaire du Doppler cérébral
peut-être proposée: l'apparition d'une anomalie du rythme
cardiaque foetal comme une disparition de la réactivité
associée à une élévation du flux diastolique cérébral
pourrait constituer une indication à l'extraction. Après 34
semaines, pour certains, l'élévation du flux diastolique
carotidien peut constituer à lui seul un argument suffisant pour
décider d'une extraction. Cette attitude peut se justifier. La
prédictivité de ce flux cérébral en matière d'anomalie du
rythme cardiaque foetal et de mort foetale in-utéro (5) est
bonne. Cet examen a une sensibilité et une spécificité de 86%,
une valeur prédictive positive de 48% et une valeur prédictive
négative de 97%. La sensibilité pour un flux doppler
pathologique s'élève à 93% lorsque le délai séparant la
mesure de la naissance est inférieure ou égale à 7 jours.
L'exploration des vaisseaux cérébraux constitue actuellement
dans les cas de RCIU avec altération de l'examen Doppler à
l'artère ombilicale un des meilleurs critères de surveillance
et d'évaluation du bien-être foetal au meme titre que
l'enregistrement du rythme cardiaque foetal et la quantification
des mouvements actifs et du liquide amniotique. Il peut être
considéré comme un paramètre fiable et un indicateur précoce
de la survenue possible d'une souffrance foetale aiguë
précédant parfois de très peu chez ces foetus très fragiles
la mort foetale in-utero. Par contre, ce paramètre n'a pas lieu
d'être mesuré tant que le flux ombilical est normal (5).
3. Quels autres vaisseaux peut-on explorer dans l'avenir
L'une des complications les plus redoutables des RCIU est la
survenue d'une entérocolite ulcéronécrosante dans les jours
qui suivent la naissance. Celle-ci constitue l'une des causes les
plus fréquente de mortalité et de morbidité périnatale.
L'acquisition du Doppler à codage couleur permet l'exploration
de vaisseaux de plus en plus petits et le choix d'un territoire
clé nous a paru être celui de l'artère mésentérique
supérieure. En effet, cette artère est le vaisseau principal
irriguant par ses branches l'intestin grêle, le colon droit et
en partie le colon transverse. Lorsque le foetus se trouve en
état d'épargne il ne pourra pas en permanence préserver la
vascularisation de son territoire splanchnique. L'hypoxie au
niveau de ce territoire pourrait être repérée par l'étude des
flux Doppler au niveau de l'artère mésentérique supérieure.
Des mesures (19) ont déjà été réalisées après la
naissance. Le nouveau-né ayant présenté un RCIU et un certain
degré d'hypoxie a, à la naissance un abaissement de son flux
résiduel diastolique au niveau de l'artère mésentérique
supérieure et cette anomalie persiste encore après la
première semaine de vie. Ce phénomène est probablement
lié à l'hypoperfusion viscérale in-utéro qui prédispose
fortement à l'entérocolite ulcéronécrosante. De grands
espoirs reposent sur l'exploration de ce territoire qui apportera
une information supplémentaire, car lorsqu'il existe une
disparition du flux résiduel en diastole au niveau de l'artère
ombilicale, on connaît la plus grande incidence de
l'entérocolite (19) grevant le pronostic néonatal. Dans les cas
où cette hypothèse se confirmait, le repérage d'une anomalie
vélocimétrique pourrait constituer un argument de poids pour
une décision d'extraction.
iv doppler et grossesses gémellaires
Au cours des grossesses gémellaires, il existe une
élévation considérable de la mortalité et de la morbidité
périnatale que l'on peut considérer comme deux à trois fois
supérieure à celle des grossesses uniques. Les complications
foetales bien connues sont liées essentiellement à la
prématurité, au RCIU, aux malformations foetales, aux syndromes
transfuseur-transfusé et aux complications funiculaires.
Au cours de la grossesse la biométrie foetale peut être
difficile à réaliser du fait des intrications foetales ou de la
position des têtes parfois trop basses au sein du pelvis. Les
mesures Doppler au niveau de l'artère ombilicale constituent
actuellement le moyen le plus fiable pour prédire le RCIU. Cet
examen (23) présente une très forte sensibilité pour la
survenue d'un RCIU de l'ordre de 75% donc bien supérieure à
celle obtenue par la simple mesure de biométrie réalisée par
l'échographie. Dans les cas où les mesures Doppler à l'artère
ombilicale ont été pratiquées de façon systématique et les
résultats confiés aux accoucheurs par rapport à des séries
témoins où les mesures ne sont pas réalisées (13), cet
examen s'est révélé comme précieux pour la prise en charge et
le suivi des grossesses puisque dans le groupe avec examen
Doppler, la mortalité périnatale est divisée par 3 sans qu'il
n'y ait de modification du terme de naissance ni du mode
d'accouchement.
Lorsqu'il existe chez l'un des jumeaux une disparition du flux
diastolique au niveau de l'artère ombilicale (6) cette anomalie
est également prédictive d'une issue péjorative comme dans les
grossesses uniques, avec un nombre élevé de mort foetale
in-utero. Il faut cependant signaler certaines
différences : le délai entre la découverte de l'anomalie
Doppler au niveau de l'artère ombilicale et l'apparition des
anomalies du rythme cardiaque foetal est de l'ordre de 4,6
semaines donc plus long que dans les grossesses avec enfant
unique où il est en moyenne de 1,2 semaine. Ceci incite à la
prudence et au cours des grossesses gémellaires plus encore que
dans les grossesses uniques, la décision d'extraction ne peut
être prise sur une perturbation vélocimétrique ombilicale
isolée présente sur un des jumeaux même si elle est importante
car elle exposerait inutilement à une prématurité provoquée
trop importante.
conclusion
La pratique des mesures Doppler au cours de la grossesse tend
à devenir systématique ou du moins très largement réalisée
essentiellement chez les patientes à antécédents
pathologiques, à grossesses pathologiques mais également, chez
les primipares exposées à un accident inaugural.
Cette pratique est en cours d'évaluation dans une enquête de
santé publique. Si elle s'avère positive, elle permettra de
réduire le nombre de RCIU de 30 à 50%. Il s'agira probablement
de la seconde étape la plus importante a franchir en
périnatalogie après celle de la lutte contre la prématurité.
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: JOURNÉES DE
TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET
PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 12 - 19 Janvier 1995
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