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Titre: Adaptation métabolique et besoins en calcium pendant la grossesse
Année: 1995
Auteurs: - Salle B.
Spécialité: Obstétrique
Theme: Supplémentation vitaminique et grossesse

Chapitre 4

adaptation métabolique et besoins en calcium pendant la grossesse

B.L. SALLE

Introduction

La grossesse est un état physiologique exigeant un apport nutritionnel adéquat puisque le développement du foetus en dépend. En effet tous les nutriments traversent la barrière placentaire ; par ailleurs la croissance et le développement du foetus dépendent uniquement de l'apport nutritionnel fourni par la mère.

 

Il existe deux étapes essentielles et distinctes. Durant les 4 premiers mois, il y a une mise en réserve par l'organisme maternel de nutriments et d'énergie (augmentation des lipides dans le tissu adipeux), alors que la croissance du foetus est faible. Au contraire durant la seconde période, c'est-à-dire durant les deux derniers trimestres, la croissance du foetus est importante (15 à 18 g/kg/j). Cette croissance dépend de l'état nutritionnel maternel et des stocks accumulés au cours des premiers mois de la grossesse.

 

I Apports énergétiques

L'énergie nécessaire pendant la grossesse doit assurer trois compartiments (1-5) :

- les besoins obligatoires pour l'énergie déposée chez le foetus, dans l'utérus, le placenta et le tissu mammaire ;

- l'accumulation de graisses chez la mère surtout durant le premier trimestre de la grossesse ;

- l'augmentation de la dépense énergétique et par là même du métabolisme de base.

Les besoins énergétiques ont été estimés chez la femme enceinte occidentale à 200-250 Kcal/j. Chez elle la charge de travail physique est peu importante et moindre qu'au début de ce siècle ou qu'au siècle dernier ; de plus la femme réduit son activité physique au fur et à mesure de sa prise de poids au cours de la grossesse (2).

La quantité de graisses qu'une femme accumule durant toute la grossesse est de l'ordre de 3,3 à 3,5 kg, ceci sur une augmentation de poids total de 12,5 kg ; mais évidemment ce chiffre varie d'une population à l'autre, d'une femme à l'autre. Il existe une corrélation entre le gain de poids maternel et la quantité de graisses accumulées dans les pays développés. Ainsi un gain de poids important durant la grossesse augmente significativement le risque d'un excès de dépôt de graisses et d'obésité après la grossesse.

Les études expérimentales de composition corporelle par absorptiométrie avant et après la grossesse pourraient être réalisées pour connaître le devenir des réserves graisseuses accumulées pendant la grossesse, en particulier elles permettront de savoir si elles disparaissent dans le post partum (3). L'absence de relation entre le poids de naissance et le gain en graisses maternelles suggère que la déposition de réserves lipidiques n'est pas une condition nécessaire pour une croissance foetale optimale (4). Le dépôt de graisses en début de grossesse doit protéger le développement du foetus en fin de grossesse, surtout si les conditions d'apport de nutriments par la mère sont insuffisants à cette période. On ne sait pas si une insuffisance pondérale en début de grossesse chez les femmes normales a un effet délétère sur la croissance foetale en fin de grossesse.

Parmi les femmes de faible poids, la relation entre l'importance des réserves de graisses et le poids de naissance du nouveau-né semble variable, dépendant de la quantité de nourriture prise par la mère (5). Durant la saison de famine en Gambie, la supplémentation calorique chez la femme enceinte durant les premiers 3/4 de la grossesse augmente le poids foetal, même si durant le dernier quart les apports nutritionnels sont limités. Le même bénéfice d'une supplémentation n'est pas observé durant le dernier

Enfin l'augmentation du métabolisme de base est de l'ordre de 20 % pendant le premier mois mais augmente en fin de grossesse à 30 %. Il est influencé par le status énergétique de la femme enceinte, l'apport énergétique et le poids du foetus (3).

II Les besoins en protéines

 

Les besoins protéiques sont élevés car la balance azotée doit être positive. Ces besoins assurent la synthèse des tissus foetaux mais aussi la croissance de l'utérus et des seins.

Les besoins protidiques augmentent au fur et à mesure de la grossesse ; au total le gain de poids protéique représente 0,9 à 1 kg sur les 12,5 kg pris en 9 mois. 50 % des besoins maternels vont participer à la croissance du foetus, c'est-à-dire à la synthèse des organes et des tissus. Les besoins en protéines augmentent en fin de grossesse. Ces protéines passent la barrière placentaire essentiellement sous forme d'acides aminés.

III Les besoins en calcium durant la grossesse et IV La lactation

 

Afin de préciser les besoins calciques pendant la grossesse, il est tout d'abord nécessaire de préciser l'état endocrinien de la femme enceinte.

Le foetus reçoit de sa mère durant toute la grossesse environ 30 g de calcium et 15 g de phosphore ; mais c'est durant le dernier trimestre de la gestation que le transfert s'effectue principalement (20 g de calcium et 10 g de phosphore) respectivement. L'absorption intestinale du calcium augmente chez la femme enceinte dès le début de la grossesse. Parallèlement, l'excrétion urinaire du calcium augmente du fait de l'augmentation de la filtration glomérulaire et de l'augmentation de l'absorption intestinale du calcium. Néanmoins la balance calcique est toujours positive chez la femme enceinte (150 à 200 mg/jour) (6-10).

Durant la grossesse, il existe dès le début une calcémie plasmatique totale basse aux alentours de 2 à 2,2 mmol/l (9 mg/l) mais le calcium ionisé plasmatique est tout à fait normal. Cette calcémie est basse mais ne se traduit pas par une hypocalcémie. Elle est due à l'augmentation du volume extra-cellulaire avec chute de l'albuminémie et à l'augmentation de la filtration glomérulaire. La concentration de 1,25(OH)2D augmente dès le début de la grossesse. Cette augmentation est due essentiellement à une synthèse par les cellules déciduales maternelles ; cette synthèse n'est pas influencée par la prolactine, ni par le taux circulant plasmatique de parathormone qui est normal dans notre expérience (6). Les études en histomorphométrie osseuse ont objectivé au début de la grossesse une augmentation de la résorption osseuse alors qu'au contraire le turn-over osseux diminue comme l'attestent les taux bas circulants d'ostéocalcine et l'excrétion basse d'hydroxyprolinurie urinaire.

Durant la lactation l'excrétion urinaire du calcium diminue alors que l'absorption intestinale du calcium augmente tout au moins au début de la lactation pendant le premier mois post partum (11). Les taux circulants plasmatiques de 1,25(OH)2D sont élevés de même que la parathormone plasmatique selon certains auteurs mais d'autres études ne sont pas concordantes.

 

Peu d'études ont été réalisées afin de connaître si l'absorption calcique est influencée par l'apport calcique maternel durant la grossesse. Seule une étude a montré qu'une supplémentation de 750 mg de calcium/jour durant le dernier trimestre de la gestation diminuait les taux circulants de 1,25(OH)2D, mais n'a aucune influence sur la calcémie et sur les autres paramètres du turn-over osseux (12).

 

Les recommandations en apport calcique varient d'un pays à l'autre, d'un continent à l'autre. Ils se situent entre 750 mg et 1 200 mg de calcium élément par jour.

Puisque 99 % du calcium de l'organisme est contenu dans l'os, quel est le risque chez une femme enceinte ne recevant pas assez de calcium dans son alimentation sur la croissance de son foetus et sa minéralisation osseuse ?

En principe des études dans les pays en voie de développement ont montré que le contenu calcique du nouveau-né est normal et qu'ainsi le calcium est puisé dans les réserves du squelette maternel (13-16). Il est possible que les modifications de l'absorption intestinale du calcium et du métabolisme calcique puissent assurer les besoins du foetus ou du nouveau-né sans puiser dans ces réserves osseuses. Peu d'études du contenu du minéral osseux (CMO) par absorptiométrie ont été publiées à ce jour dans la littérature ; les études sont de plus contradictoires. Certaines indiquent une perte osseuse au niveau de la colonne et du col du fémur mais ces études ont été réalisées en début de grossesse. Une récente étude américaine a objectivé chez 16 femmes enceintes prenant 1300 mg de calcium/jour avant et après la grossesse qu'il n'y avait aucun changement du contenu minéral osseux total durant la grossesse ; cette étude a été faite en absorptiométrie biphotonique par DXA. Une étude récente indienne chez des femmes mal nourries et ayant un apport calcique faible a montré qu'il n'existait aucun changement dans la densité osseuse de la main chez ces femmes durant la grossesse.

Durant la lactation, il existerait indiscutablement une perte du contenu minéral osseux au début de la lactation, mais après sevrage le contenu minéral osseux reviendrait à la normale selon une étude récente américaine réalisée en Californie (12).

En résumé, un apport inadéquat en calcium durant la grossesse et la lactation pourrait affecter le développement du foetus et son métabolisme osseux. En réalité, il y a peu d'évidence qu'un déficit en apport calcique maternel puisse entraîner ou des symptômes cliniques chez la mère ou un défaut de croissance du foetus. L'organisme de la mère s'adapte et peut faire varier son absorption intestinale du calcium et son excrétion calcique rénale. De plus le réservoir osseux et la mobilisation du calcium osseux peuvent assurer les besoins du foetus et du nouveau-né que ce soit durant la grossesse ou durant l'allaitement. Les recommandations habituelles sont de l'ordre du gramme par jour ; néanmoins il faut savoir qu'un apport élevé peut entraîner des complications rénales, lithiase rénale et infections urinaires à répétition ; de plus on sait qu'un apport important de calcium peut retentir sur l'absorption d'autres nutriments tels que le magnésium, le fer et le zinc.

BIBLIOGRAPHIE

 

Une bibliographie complète se trouve dans "The American Journal of Clinical Nutrition" supplement : "Recent developments in maternal nutrition and their implications for practitioner. February 1994, volume 59.

 

1. KING JC, BUTTE NF, BRONSTEIN MN, KOPP LE, LINDQUIST SA. Energy metabolism during pregnancy : influence of maternal energy status. Am J Clin Nutr 1994 ; 59 : 439S-45S.

 

2. GOLDBERG GR, PRENTICE AM, COWARD WA, et al. Longitudinal assessment of energy expenditure in pregnancy by the doubly labeled water method. Am J Clin Nutr 1993 ; 57 : 494-505.

 

3. FORSUM E, SADURSKIS A, WAGER J. Resting metabolic rate and body composition of healthy Swedish women during pregnancy. Am J Clin Nutr 1988 ; 47 : 942-7.

 

4. LAWRENCE M, McKILLOP FM, DURNIN JV. Women who gain more fat during pregnancy may not have bigger babies : implications for recommended weight gain during pregnancy. Br J Obstet Gynaecol 1991 ; 98 : 254-9.

 

5. LANGHOFF-ROOS J, LINDMARK G, GEBRE-MEDHIN M. Maternal fat stores and fat accretion during pregnancy in relation to infant birthweight. Br J Obstet Gynaecol 1987 ; 94 : 1170-7.

 

6. DELVIN EE, SALLE BL, GLORIEUX FH, ADELEINE P, DAVID LS. Vitamin D supplementation during pregnancy : effect on neonatal calcium homeostasis. J Pediatr 1986 ; 109 : 328-34.

 

7. STEICHEN JJ, TSANG RC, GRATTON TL, HAMSTRA A, DELUCA HF. Vitamin D homeostasis in the perinatal period : 1,25-dihydroxy-vitamin D in maternal, cord, and neonatal blood. N Engl J Med 1980 ; 302 : 315-9.

 

8. HEANEY RP, SKILLMAN TG. Calcium metabolism in normal human pregnancy. J Clin Endocrinol Metab 1971 ; 33 : 661-70.

 

9. PITKIN RM. Calcium metabolism in pregnancy and the perinatal period : a review. Am J Obstet Gynecol 1985 ; 151 : 99-109.

 

10. HILLMAN L, SATEESHA S, HAUSSLER M, WIEST W, SLATOPOLSKY E, HADDAD J. Control of mineral homeostasis during lactation : interrelationships of 25-hydroxyvitamin D, 24,25-dihydroxyvita-min D, 1,25 dihydroxyvitamin D, parathyroid hormone, calcitonin, prolactin, and estradiol. Am J Obstet Gynecol 1981 ; 139 : 471-6.

 

11. SPECKER BL, VIEIRA NE, O'BRIEN KO, HO ML, HEUBI JE, ABRAMS SA, YERGEY AL. Calcium kinetics in lactating women with low and high calcium intakes. Am J Clin Nutr 1994 ; 59 : 593-9.

 

12. PRENTICE A. Maternal calcium requirements during pregnancy and lactation. Am J Clin Nutr 1994 ; 59 : 439S-45S.

 

13. PRENTICE A, LASKEY MA, SHAW J, et al. The calcium and phospho-rus intakes of rural Gambian women during pregnancy and lactation. Br J Nutr 1993 ; 69 : 885-96.

 

14. WOODHOUSE LR, KING JC, RITCHIE LD, SUTHERLIN J, IKEDA J, HALLORAN B. Calcium metabolism in pregnant women with low calcium intakes. FASEB J 1993 ; 7 : A67 (abstr).

 

15. AMAN L, RAJALAKSHMI K, KRISHNAMACHARI KAVR, SASTRY KG. Effect of calcium supplementation to undernourished mothers during pregnancy on the bone density of the neonates. Am J Clin Nutr 1978 ; 21 : 466-9.

 

16. KENT GN, PRICE RI, GUTTERIDGE DH, SMITH M, ALLEN JR, BHAGAT CI et al. Human lactation : forearm trabecular bone loss, increased bone turnover, and renal conservation of calcium and inorganic phosphate with recovery of bone mass following weaning. J Bone Min Res 1990 ; 5 : 361-9.

Bernard L. SALLE Service de Néonatologie, Hôpital Edouard Herriot - 69437 Lyon Cedex 03

 : JOURNÉES DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 12 - 19 Janvier 1995