La grossesse est un état physiologique exigeant un apport nutritionnel
adéquat puisque le développement du foetus en dépend. En effet tous les nutriments
traversent la barrière placentaire ; par ailleurs la croissance et le développement du
foetus dépendent uniquement de l'apport nutritionnel fourni par la mère.
Il existe deux étapes essentielles et distinctes. Durant les 4 premiers
mois, il y a une mise en réserve par l'organisme maternel de nutriments et d'énergie
(augmentation des lipides dans le tissu adipeux), alors que la croissance du foetus est
faible. Au contraire durant la seconde période, c'est-à-dire durant les deux derniers
trimestres, la croissance du foetus est importante (15 à 18 g/kg/j). Cette croissance
dépend de l'état nutritionnel maternel et des stocks accumulés au cours des premiers
mois de la grossesse.
L'énergie nécessaire pendant la grossesse doit assurer trois
compartiments (1-5) :
- les besoins obligatoires pour l'énergie déposée chez le foetus, dans l'utérus, le
placenta et le tissu mammaire ;
- l'accumulation de graisses chez la mère surtout durant le premier trimestre de la
grossesse ;
- l'augmentation de la dépense énergétique et par là même du
métabolisme de base.
Les besoins énergétiques ont été estimés chez la femme enceinte
occidentale à 200-250 Kcal/j. Chez elle la charge de travail physique est peu importante
et moindre qu'au début de ce siècle ou qu'au siècle dernier ; de plus la femme réduit
son activité physique au fur et à mesure de sa prise de poids au cours de la grossesse
(2).
La quantité de graisses qu'une femme accumule durant toute la grossesse
est de l'ordre de 3,3 à 3,5 kg, ceci sur une augmentation de poids total de 12,5 kg ;
mais évidemment ce chiffre varie d'une population à l'autre, d'une femme à l'autre. Il
existe une corrélation entre le gain de poids maternel et la quantité de graisses
accumulées dans les pays développés. Ainsi un gain de poids important durant la
grossesse augmente significativement le risque d'un excès de dépôt de graisses et
d'obésité après la grossesse.
Les études expérimentales de composition corporelle par absorptiométrie
avant et après la grossesse pourraient être réalisées pour connaître le devenir des
réserves graisseuses accumulées pendant la grossesse, en particulier elles permettront
de savoir si elles disparaissent dans le post partum (3). L'absence de relation entre le
poids de naissance et le gain en graisses maternelles suggère que la déposition de
réserves lipidiques n'est pas une condition nécessaire pour une croissance foetale
optimale (4). Le dépôt de graisses en début de grossesse doit protéger le
développement du foetus en fin de grossesse, surtout si les conditions d'apport de
nutriments par la mère sont insuffisants à cette période. On ne sait pas si une
insuffisance pondérale en début de grossesse chez les femmes normales a un effet
délétère sur la croissance foetale en fin de grossesse.
Parmi les femmes de faible poids, la relation entre l'importance des
réserves de graisses et le poids de naissance du nouveau-né semble variable, dépendant
de la quantité de nourriture prise par la mère (5). Durant la saison de famine en
Gambie, la supplémentation calorique chez la femme enceinte durant les premiers 3/4 de la
grossesse augmente le poids foetal, même si durant le dernier quart les apports
nutritionnels sont limités. Le même bénéfice d'une supplémentation n'est pas observé
durant le dernier
Enfin l'augmentation du métabolisme de base est de l'ordre de 20 %
pendant le premier mois mais augmente en fin de grossesse à 30 %. Il est influencé par
le status énergétique de la femme enceinte, l'apport énergétique et le poids du
foetus (3).
Afin de préciser les besoins calciques pendant la grossesse, il est tout
d'abord nécessaire de préciser l'état endocrinien de la femme enceinte.
Le foetus reçoit de sa mère durant toute la grossesse environ 30 g de
calcium et 15 g de phosphore ; mais c'est durant le dernier trimestre de la gestation que
le transfert s'effectue principalement (20 g de calcium et 10 g de phosphore)
respectivement. L'absorption intestinale du calcium augmente chez la femme enceinte dès
le début de la grossesse. Parallèlement, l'excrétion urinaire du calcium augmente du
fait de l'augmentation de la filtration glomérulaire et de l'augmentation de l'absorption
intestinale du calcium. Néanmoins la balance calcique est toujours positive chez la femme
enceinte (150 à 200 mg/jour) (6-10).
Durant la grossesse, il existe dès le début une calcémie plasmatique
totale basse aux alentours de 2 à 2,2 mmol/l (9 mg/l) mais le calcium ionisé plasmatique
est tout à fait normal. Cette calcémie est basse mais ne se traduit pas par une
hypocalcémie. Elle est due à l'augmentation du volume extra-cellulaire avec chute de
l'albuminémie et à l'augmentation de la filtration glomérulaire. La concentration de
1,25(OH)2D augmente dès le début de la grossesse. Cette augmentation est due
essentiellement à une synthèse par les cellules déciduales maternelles ; cette
synthèse n'est pas influencée par la prolactine, ni par le taux circulant plasmatique de
parathormone qui est normal dans notre expérience (6). Les études en histomorphométrie
osseuse ont objectivé au début de la grossesse une augmentation de la résorption
osseuse alors qu'au contraire le turn-over osseux diminue comme l'attestent les taux bas
circulants d'ostéocalcine et l'excrétion basse d'hydroxyprolinurie urinaire.
Durant la lactation l'excrétion urinaire du calcium diminue alors que
l'absorption intestinale du calcium augmente tout au moins au début de la lactation
pendant le premier mois post partum (11). Les taux circulants plasmatiques de 1,25(OH)2D
sont élevés de même que la parathormone plasmatique selon certains auteurs mais
d'autres études ne sont pas concordantes.
Peu d'études ont été réalisées afin de connaître si l'absorption
calcique est influencée par l'apport calcique maternel durant la grossesse. Seule une
étude a montré qu'une supplémentation de 750 mg de calcium/jour durant le dernier
trimestre de la gestation diminuait les taux circulants de 1,25(OH)2D, mais n'a aucune
influence sur la calcémie et sur les autres paramètres du turn-over osseux (12).
Les recommandations en apport calcique varient d'un pays à l'autre, d'un
continent à l'autre. Ils se situent entre 750 mg et 1 200 mg de calcium élément par
jour.
Puisque 99 % du calcium de l'organisme est contenu dans l'os, quel est le
risque chez une femme enceinte ne recevant pas assez de calcium dans son alimentation sur
la croissance de son foetus et sa minéralisation osseuse ?
En principe des études dans les pays en voie de développement ont
montré que le contenu calcique du nouveau-né est normal et qu'ainsi le calcium est
puisé dans les réserves du squelette maternel (13-16). Il est possible que les
modifications de l'absorption intestinale du calcium et du métabolisme calcique puissent
assurer les besoins du foetus ou du nouveau-né sans puiser dans ces réserves osseuses.
Peu d'études du contenu du minéral osseux (CMO) par absorptiométrie ont été publiées
à ce jour dans la littérature ; les études sont de plus contradictoires. Certaines
indiquent une perte osseuse au niveau de la colonne et du col du fémur mais ces études
ont été réalisées en début de grossesse. Une récente étude américaine a objectivé
chez 16 femmes enceintes prenant 1300 mg de calcium/jour avant et après la grossesse
qu'il n'y avait aucun changement du contenu minéral osseux total durant la grossesse ;
cette étude a été faite en absorptiométrie biphotonique par DXA. Une étude récente
indienne chez des femmes mal nourries et ayant un apport calcique faible a montré qu'il
n'existait aucun changement dans la densité osseuse de la main chez ces femmes durant la
grossesse.
Durant la lactation, il existerait indiscutablement une perte du contenu
minéral osseux au début de la lactation, mais après sevrage le contenu minéral osseux
reviendrait à la normale selon une étude récente américaine réalisée en Californie
(12).
En résumé, un apport inadéquat en calcium durant la grossesse et la
lactation pourrait affecter le développement du foetus et son métabolisme osseux. En
réalité, il y a peu d'évidence qu'un déficit en apport calcique maternel puisse
entraîner ou des symptômes cliniques chez la mère ou un défaut de croissance du
foetus. L'organisme de la mère s'adapte et peut faire varier son absorption intestinale
du calcium et son excrétion calcique rénale. De plus le réservoir osseux et la
mobilisation du calcium osseux peuvent assurer les besoins du foetus et du nouveau-né que
ce soit durant la grossesse ou durant l'allaitement. Les recommandations habituelles sont
de l'ordre du gramme par jour ; néanmoins il faut savoir qu'un apport élevé peut
entraîner des complications rénales, lithiase rénale et infections urinaires à
répétition ; de plus on sait qu'un apport important de calcium peut retentir sur
l'absorption d'autres nutriments tels que le magnésium, le fer et le zinc.
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