Chapitre 5
Le conseil génétique dans les dilatations ventriculaires
M. Le Merrer
introduction
Les dilatations ventriculaires posent de gros problèmes
de diagnostic étiologique puisqu'elles doivent être
en fait considérées comme symptôme d'affections
qu'il faut essayer d'identifier.
Parler de conseil génétique implique
que l'on connaisse l'étiologie de cette dilatation et donc
d'avoir à sa disposition un certain nombre d'examens clés
qui pourront permettre d'évoquer ou d'affirmer certaines
hypothèses.
Il est important de préciser que le conseil
génétique doit donc se situer en dehors de la situation
d'urgence qu'est la découverte systématique d'une
dilatation ventriculaire au cours d'une échographie morphologique
sans antécédents particuliers, afin de pouvoir disposer
de suffisamment d'éléments pour le formuler.
Ces généralités étant
posées, deux situations peuvent être envisagées
:
- le conseil génétique a été
formulé après un premier accident (découverte
in utero lors d'une grossesse précédente ou bien
antécédent familial d'hydrocéphalie, d'anomalie
neurologique ou mentale). La récidive de l'affection a
été prévue et un diagnostic anténatal
a été proposé.
- le conseil génétique est demandé
lors d'une découverte fortuite. Il ne doit être donné
qu'après une enquête précise et réception
de l'ensemble des résultats des examens foetaux :
- examen macroscopique du foetus
- examen anapath
- examen neuropathologique
- examen infectieux (IgM, recherche CMI, toxoplasmose...)
- examen du caryotype foetal
- examen radiologique
- enquête familiale, examen clinique des parents.
I fréquence
La fréquence de la dilatation ventriculaire
est difficile à établir compte-tenu des fréquences
estimées à la naissance (ML Briard, Stevenson) et
du taux de dilatation ventriculaire connu chez les mort-nés.
Cependant, 2 p 1 000 para"t une estimation correcte pour
une dilatation ventriculaire autre que d'origine chromosomique.
II le conseil génétique et les
différentes étiologies
1. Les dilatations ventriculaires liées à
une anomalie du tube neural
La fréquence du spina bifida est estimée
à 0,5 p 1 000. La dilatation ventriculaire est constante
dans les myéloméningocèles et le plus souvent
le premier signe d'appel échographique.
Le risque génétique du spina bifida
isolé en France est estimé 0 2 % (Le Merrer) alors
qu'il est beaucoup plus élevé dans les populations
celtes. Une hétérogénéité génétique
n'est pas exclue, les localisations thoraciques paraissant plus
volontiers génétiques que les atteintes lombo-sacrées.
Le spina bifida peut s'associer à d'autres
malformations (autres que les anomalies secondaires au spina bifida)
et en particulier, on citera l'assocation VATER, l'association
OEIS, les anomalies de la régression caudale dont les mécanismes
sont sans doute très différents.
La prophylaxie par l'administration d'acide folique
en France n'est pas démontrée, mais communément
admise. En revanche, toute mère traitée par Dépakine
a un risque de l'ordre de 1 % de spina bifida ( ).
Le risque de récurrence des anomalies du tube
neural est faible et le dépistage par échographie
et/ou par électrophorèse de l'acétylcholinestérase
permet de rassurer la plupart des patientes.
2. Les anomalies du prosencéphale ou holoprosencéphalies
L'hétérogénéité
clinique et génétique ne rend pas le conseil génétique
facile. A côte des anomalies chromosomiques fréquentes
(trisomie 13...), on distingue tous les modes de transmission
:
- le mode récessif autosomique est le plus
fréquent, en particulier au Maghreb, favorisé par
la consanguinité (Le Marec) ;
- le mode récessif lié à l'X
est exceptionnel ;
- les anomalies du prosencéphale peuvent avoir
un caractère dominant alors responsable le plus souvent
d'holoprosencéphalie lobaire ( ). L'expression est très
variable allant du simple hypothélorisme avec microcéphalie
modérée et incisive médiane unique jusqu'à
la cyclopie.
Le conseil génétique ne pourra être
délivré qu'après une étude familiale
attentive voire après l'examen d'un scanner chez certains
sujets à risque.
3. Les dilatations ventriculaires et les malformations
cérébrales
L'agénésie du corps calleux s'accompagne
souvent d'une dilatation modérée des ventricules.
Le conseil génétique, en l'absence
de toute autre anomalie (Fragilité du chromosome X, syndrome
de Bickers Adams) est difficile. Cependant, une certaine prudence
à la fois dans le pronostic de l'anomalie et dans le conseil
génétique doit être assurée. Aussi,
plusieurs observations personnelles n'excluent pas une affection
récessive autosomique. Enfin, on éliminera le syndrome
acrocalleux, le syndrome hydrocéphalie létale, le
syndrome d'Aicardi.
Le syndrome de Dandy-Walker et les agénésies
vermiennes
Le conseil génétique dans le syndrome
de Dandy-Walker isolé doit être rassurant, la fréquence
des cas familiaux est inférieure à 1 % (Murray,
Burton, Briard). En revanche, les anomalies de la fosse postérieure
atypiques peuvent s'associer à des syndromes polymalformatifs
et avoir un mode de transmission plutôt récessif
autosomique (syndrome crânio-cérébello-cardiaque
de Schinzel, syndrome de Joubert, syndrome de Warburg, syndrome
de Meckel...).
Les anomalies de migration neuronales
Elles sont pratiquement toujours associées
à une dilatation ventriculaire. Il serait trop long d'en
définir les caractéristiques, mais leur suspicion
impose qu'un examen neuropathologique soit effectué sur
lequel reposera le conseil génétique qui sera souvent
prudent (affections récessives autosomiques comme le syndrome
de Warburg, ou délétionnelles comme le syndrome
de Miller Debrer).
L'hydrocéphalie par sténose de
l'aqueduc de Bickers-Adams
Le syndrome de Bickers-Adams est décrit en
1949 comme une sténose de l'aqueduc de Sylvius se transmettant
selon le mode récessif lié à l'X. Les classiques
pouces en adduction sont inconstants et n'étaient pas décrits
dans l'observation princeps ; ils ne sont peut-être que
le témoin de troubles neurologiques importants. Edwards
décrit trois familles comportant des sujets du sexe masculin
avec crâne irrégulier et un peu élargi, "faciès
particulier", spasticité des membres inférieurs,
pouces en adduction, ayant une débilité mentale
et inconstamment une hydrocéphalie. Il est clairement démontré
maintenant que cette affection est cliniquement hétérogène
à la fois sur le plan inter et intrafamiliale (Serville
et al) et qu'une forme initialement décrite comme un syndrome
MASA autonome (Mental, retardation, adducted thumbs, shufflling
gait and aphasia) n'est en fait qu'une forme allélique
de la même affection localisée en Xq28, le gène
en a été identifié (Serville). Des mutations
de L1CAM ont été démontrées récemment.
Pour le conseil génétique, deux situations
s'opposent :
- il s'agit d'un cas familial. On peut par biologie
moléculaire étudier la ségrégation
de la maladie avec des marqueurs polymorphes, voire dans de rares
cas, détecter la mutation. Les statuts des femmes conductrices
est alors possible à mettre en évidence, ainsi que
le diagnostic anténatal de l'enfant atteint par biopsie
de trophoblaste ;
- s'il s'agit d'un cas isolé, malheureusement,
il est impossible d'utiliser dans la plupart des cas la recherche
de mutation encore en routine. En effet, L1CAM est un grand gène
et les mutations sont très variées. En l'absence
de détection de la mutation, seul un diagnostic de sexe
avec une surveillance échographique attentive, si c'est
un garçon, est en pratique réalisable.
Les autres hydrocéphalies
A partir d'une enquête sur 594 hydrocéphalies
répertoriées dans des services de neurologie ou
de neuro-chirurgie, il est possible de dégager certains
critères utiles au conseil génétique (ML
Briard). A côté des étiologies précédemment
citées, il existe un certain nombre de pedigrees compatibles
avec une hérédité récessive autosomique
(consanguinité, plusieurs germains atteints). Ces hydrocéphalies
sont liées le plus souvent à une sténose
de l'aqueduc et sont sévères, de révélation
anténatale. Le risque génétique est estimé
à 25 % avec un dépistage possible en anténatal,
mais souvent tardif (fin du deuxième trimestre). Enfin,
ces étiologies malformatives ou de révélation
précoce anténatale exclues le risque génétique
estimé pour une récidive d'une dilatation ventriculaire
postnatale est très faible, peu différente de la
fréquence estimée dans la population générale;
Enfin, devant une dilatation ventriculaire modérée
en post-natal associée à un retard mental chez un
garçon, il parait raisonnable de rechercher un Fra X par
une étude moléculaire visant à mettre en
évidence une expression du gène FMR1.
Ces derniers points montrent notre incapacité
à faire un bon conseil génétique en l'absence
de diagnostic précis de syndrome, ou d'entité particulière.
Enfin, on n'oubliera pas que certaines dilatations ventriculaires
ont une origine embryo ou foetopathiques (toxoplasmose, CMV, accident
vasculaire).
BIBLIOGRAPHIE
1. BRIARD ML, LE MERRER M, KAPLAN J. Le conseil
génétique pour les hydrocéphalies et les
microcéphalies. Journées Parisiennes de Pédiatrie.
Paris (12, 13 octobre) 1985 Flammarion Médecine-Sciences
: 131-138.
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: new clinical features and linkage analysis using DNA probes.
J Med Genet 1990;27:688-692.
4. SERVILLE F, LYONNET S, PELET A, REYNAUD M,
LOUAIL C, Munnich A, and le Merrer M. X-linked hydrocephalus :
clinical heterogeneity at a single gene locus. Eur J Pediatr
1992;151:515-518.
5. WILLIAMS P et al. Assignment of X-linked
hydrocephalus to Xq28 by linkage analysis. Genomics 1990;8:367-370.
Martine LE MERRER
Hôpital Necker, Département de Pédiatrie,
Service de Génétique Médicale, 149 rue de
Sèvres - 75015 Paris
: JOURNÉES
DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE
ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 12 - 19 Janvier 1995
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