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Titre: Facteurs obstétricaux et transmission maternofoetale du virus de l'immunodéficience humaine (VIH1)
Année: 1995
Auteurs: - Gillet J.-Y.
Spécialité: Obstétrique
Theme: VIH

Chapitre 3

facteurs obstétricaux et transmission maternofoetale du virus de l'immunodéficience humaine (VIH1)

J.Y. GILLET ET A. BONGAIN

introduction

L'infection à VIH chez l'enfant est essentiellement la conséquence d'une transmission dite verticale ou périnatale, c'est-à-dire de la mère au foetus ou au nouveau-né.

La contamination au cours de la grossesse est admise et plusieurs arguments plaident en faveur d'une contamination tardive au 3ème trimestre de la grossesse et lors de l'accouchement.

La contamination de l'enfant par l'allaitement maternel est certaine. Van de Perre au Rwanda estime que le taux de la transmission post-natale pendant l'allaitement est de 25% (1).

Le taux de transmission materno-foetale est variable selon les études et selon les régions du globe.

La dernière enquête collaborative européenne (2) donne une fréquence de 14,4%. L'enquête française estime le taux de transmission à 18,3% (3). En Afrique, le taux est estimé à 35%Ê; dans certaines régions du Centre Afrique, au Congo par exemple, à 40,4% (M. Lallemant, 1994) (4).

Dans la cohorte de 110 enfants du CHU de Nice, le taux d'infectés est de 27%, donc plus élevé que la moyenne nationale (14,4%), ce phénomène étant déjà observé par S. Blanche qui a pu constater une diminution du taux de transmission avec l'augmentation du couple mère-enfant inclus dans sa cohorte.

Certains facteurs favorisant la contamination materno-foetale sont désormais connus : le statut biologique et clinique de la mère (3), CD4 inférieurs à 200/mm3, charge virale élevée, antigénémie P24 positive, plus accessoirement et éventuellement contestés, l'hypovitaminose A et le déficit en oligo-éléments (5) ou le rôle de l'anticorps anti-boucle V3 (6), enfin le stade évolutif de la maladie de la future mère.

D'autre part, l'intervention de co-facteurs viraux de la transmission est également retenue : CMV, HTLV1, HVB et HVC.

Les mécanismes de transmission et le moment de la contamination au cours de la grossesse et du travail de l'accouchement permettent d'individualiser des facteurs obstétricaux de la transmission materno-foetale du VIH.

mécanismes de transmission et le moment de la contamination au cours de la grossesse et du travail de l'accouchement

La transmission verticale du VIH survient à différents moments de la grossesse, lors du travail de l'accouchement et lors de l'expulsion du foetus. Nous avons vu plus haut que la transmission par l'allaitement est maintenant admise. L'infection transplacentaire du VIH peut survenir au cours d'une virémie maternelle ou par l'intermédiaire de cellules maternelles infectées par le virus. Le virus peut passer sous forme libre ou de complexes immuns; il est phagocyté par les cellules macrophagiques du placenta (7). Les systèmes cellulaires et humoraux du placenta protègent normalement le foetus contre l'infection. La structure de la barrière trophoblastique évolue au cours de la grossesse et, en particulier, les dernières semaines de la gestation où le passage de cellules maternelles est un événement quasi-physiologique. Enfin, les contractions utérines (dans les menaces d'accouchement prématuré ou lors du travail de l'accouchement) pourraient faciliter le passage du virus. Plusieurs arguments plaident en faveur d'une contamination tardive qui pourrait correspondre à plus de 70% des cas (8) : l'allure bimodale de la maladie chez l'enfant, l'apparition de signes biologiques et cliniques après 6 mois de vie dans 70% des cas. On peut néanmoins admettre la possibilité d'une contamination au deuxième trimestre et plus rarement au premier trimestre à la suite des travaux de Courgnaud (9), Brossard (10), Lewis (11) et Mano (12). Cela représenterait 20 à 30% des cas. La contamination lors de l'accouchement par les voies naturelles relève de mécanismes différents: microtransfusions materno-foetales, contact direct avec les sécrétions cervicales contenant le VIH que l'accouchement soit par voie basse ou par voie haute (13).

facteurs obstétricaux favorisant la transmission

1. Altérations du placenta

La structure de la barrière trophoblastique évolue au cours de la grossesse et en particulier les dernières semaines de la gestation : une altération histologique et/ou fonctionnelle du placenta en cas de grossesse pathologique (toxémie, diabète, infection, dépassement de terme) pourrait faciliter la contamination foetale. Ainsi P. Hofmann, à Nice, observe au niveau de 306 placentas de femmes séropositives pour le VIH, une fréquence plus importante de chorioamniotite, quelques cas d'infection à CMV, à toxoplasma gondii et à cryptococcus neoformans (14).

2. Rôle des contractions utérines et de la prématurité

Newell, Dunn et Peckham ont montré dans l'étude collaborative européenne (2) un taux de transmission plus élevé si l'accouchement se fait avant 34 semaines. Les 33 enfants nés avant 34 semaines ont un taux de transmission de 33%. La contamination à ce stade de grossesse serait facilitée par la faible immunocompétence des foetus, le faible taux d'anticorps acquis transmis et éventuellement, par les infections responsables de l'accouchement prématuré (15) comparé au taux de 14% pour les enfants nés après 34 semaines.

Mok (16) et Chioddo (17) il y a quelques années et plus récemment Goedert (13) ont attiré l'attention sur le rôle préventif de la césarienne avant le début du travail.

3. L'amniocentèse et la cordocentèse

Le diagnostic prénatal par analyse du liquide amniotique ou du sang prélevé au cordon est théoriquement possible mais très difficile à réaliser. De plus, un résultat rassurant au deuxième trimestre n'exclut pas la possibilité d'une contamination à une date plus tardive de la grossesse ou lors de l'accouchement. D'après R.R. Viscarello, le risque de contamination du foetus ne serait pas augmenté par amniocentèse ou ponction de sang foetal (18).

4. Rôle de la rupture des membranes, du mode d'accouchement et autres facteurs obstétricaux

Marpeau constate une corrélation significative entre durée totale du travail et taux de transmission ; l'accouchement par les voies naturelles, la rupture prématurée des membranes, l'épisiotomie, l'application de forceps, sont des facteurs le plus souvent associés à la transmission materno-foetale du VIH (19).

Le débat sur la césarienne prophylactique avant rupture des membranes et avant le travail est donc relancé.

Goedert, dans son étude sur les accouchements gémellaires, observe que le premier jumeau est le plus souvent infecté, que l'accouchement se fasse par voie basse ou voie haute ; ceci fait donc intervenir la possibilité d'une contamination par contact direct à partir des sécrétions cervicales infectées (13).

5. Rôle du monitorage foetal par électrode au scalp et du prélèvement de sang foetal au scalp

R.R. Viscarello, dans une étude récente de 31 patientes séropositives ayant bénéficié d'un prélèvement au scalp et/ou d'un monitorage par scalp électrode, ne montre aucune différence statistiquement significative dans le taux de transmission materno-foetale (29% contre 25,6% du groupe contrôle) (20).

Ces résultats demandent, bien sûr, à être confirmés.

6. Intérêt de la césarienne

A propos de l'étude collaborative européenne (Lancet, 1994)

Cette étude concerne 1254 femmes enceintes. Elle a pour but de préciser le rôle du mode d'accouchement sur le taux de transmission materno-foetale (21).

Les indications de césariennes dans cette série multicentrique sont portées le plus souvent chez des femmes ayant un stade avancé de leur maladie, ce qui est un facteur favorisant connu de la contamination.

Ainsi, dans cette étude, l'effet protecteur de la césarienne pourrait etre sous-évalué. Le taux de transmission est respectivement de 17,5% en cas d'accouchement par voie basse sans extraction, de 19,6% en cas d'extraction instrumentale; il est de 12,2% en cas de césarienne avant le travail, de 10,4% en cas de césarienne réalisée en urgence.

Compte-tenu des importantes disparités des différentes séries de l'étude collaborative (notamment concernant les indications de la césarienne et l'état variable clinico-biologique des accouchées), il est impossible de proposer une conduite thérapeutique sur le mode d'accouchement de la femme VIH séropositive.

la prévention de la contamination foetale : aspect obstétrical (22 - 23)

A partir des considérations plus théoriques que pratiques qui viennent d'être exposées, on peut faire quelques propositions :

u scalp électrode et prélèvement foetal sont pour le moment contre indiqués.
u il faut éviter épisiotomie, déchirure et extraction instrumentale
u en cas de rupture prématurée des membranes, R. Henrion propose le déclenchement du travail si les conditions locales sont bonnes, la césarienne dans le cas contraire.
u on peut avec lui proposer la césarienne en cas de dystocie de démarrage, de non progression de la présentation à dilatation complète pour éviter de faire un forceps difficile.
u nous rappelons le protocole de Port Royal-Baudelocque en cas d'accouchement par voie basse : désinfection du tractus génital inférieur de la mère par le badigeonnage du vagin avec une solution de Benzalkonium à 0,1% au début du travail, toutes les 4Êheures et lors de la phase expulsive.
u il est recommandé de procéder à une désobstruction atraumatique du nouveau-né sans créer de lésions muqueuses.
u certains auteurs proposent à la naissance un bain de l'enfant dans une solution de Dakin ou dans de l'eau tiède contenant du chlorure de Benzalkonium.

L'efficacité de ces mesures obstétricales proposées dans le but de diminuer la contamination foetale est difficile à évaluer réellement, contrairement à la prévention de la contamination effectuée au cours de la grossesse par l'administration de Zidovudine (AZT) qui permet de réduire de deux tiers la transmission du VIH de la mère à l'enfant (ACTG 076).

BIBLIOGRAPHIE

1. VAN DE PERRE PH, SIMONON A, HITIMANA DG et al. Infective and anti-infective properties of breastmilk form HIV-1infected women. Lancet, 1993;341:914­918

2. NEWELL ML, DUNN D, PECKHAM CS et al. Risk factors for mother-to-child transmission of HIV-1.European Collaborative Study. Lancet 1992;339:1007-1012

3. ROUZIOUX CH, La transmission du VIH de la mère à l'enfant.Viral, 1994;5:32-35

4. LALLEMANT M, LECOEUR S, SAMBA L et al, Mother-to-child transmission of HIV1 in Congo, Central Africa. AIDS, 1994; 8, 1451-1546

5. SEMBA RD, MIOTTI PG. et al, Maternal vitamin A deficiency and mother-to-child transmission of HIV1. Lancet, 1994;143, 1593-1597

6. LALLEMANT M, BAILLOU A, LALLEMANT-LECOEUR S et al, Maternal antibody response at delivery and perinatal transmission of human immunodeficiency viru type 1 in African women. Lancet, 1994;343, 1001-1005

7. DELFRAISSY JF, GOUJARD C, BOUE F et al, Transmission périnatale du VIH. Reprod. Hum et Hormones, 1992;5:543-556

8. HENRION R, Le SIDA et le Gynécologue-accoucheur. Contracept, Fertil, Sex, 1994; 22:15-21

9. COURGNAUD V, LAURE F, BROSSARD A et al, Fréquent and early in utero HIV-1 infection. AIDS Res.Hum.Retroviruses, 1991;7:337-341

10. BROSSARD Y, BIGNOZZI C, MANDELBROT L et al, PCR prévalence of HIV in 99 fetal thymuses at mid gestation. IXth International Conference on AIDS, Berlin 1993;Abstract PO, 05-1038

11. LEWIS SH, REYNOLDS-KOHLER C, FOX HE et al, HIV-1 in trophoblastic and villous Hofbauer cells and haematological precursors in eight week fetuses. Lancet, 1990;335:565-568

12. MANO H, CHERMANN JC, Fetal human immunodeficiency virus type I infection of different organs in the second trimester. AIDS Res.Hum.Retroviruses, 1991;7:83-88

13. GOEDERT JJ, DULIEGE AM, AMOS CI et al, High risk of HIV-1 infection for first born twins. Lancet, 1991;338:1471-1475

14. HOFMAN P, BONGAIN A, MICHIELS JF et al, Histologie du placenta au cours de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine. In SIDA and Reproduction, Sauramps Ed, Gillet JY. et Bongain A. Ed, Second International Symposium on AIDS and Reproduction, 1994; 97-102

15. NEWELL ML, Vertical transmission of HIV. In SIDA and Reproduction, Sauramps Ed, Gillet JY. et Bongain A. Ed, Second International Symposium on AIDS and Reproduction, 1994;131-137

16. MOK JQ, DE ROSSI A, ADES AE et al, Infants born to mothers seropositive for human immunodeficiency virus. Lancet, 1987;1:1164-1168

17. CHIODDO F, RICCI E, COSTIGLIOLA P et al, Effects of HIV infection on the pregnancy. In Berrebi A. Infection à HIV chez la mère et l'enfant, Privat, Toulouse, 1988;177-189

18. VISCARELLO RR, Invasive prenatal diagnosis of infection with HIV-1. In SIDA and Reproduction, Sauramps Ed, Gillet JY. et Bongain A. Ed, Second International Symposium on AIDS and Reproduction, 1994;167-181

19. MARPEAU L, Transmission materno-foetale du virus de l'immunodéficience humaine, In SIDA and Reproduction, Sauramps Ed, Gillet JY. et Bongain A. Ed.

Second International Symposium on AIDS and Reproduction, 1994;141-144

20. VISCARELLO RR, COPPERMAN AB, DE GENNARO NJ et al, Is the risk of perinatal transmission of human innunodeficiency virus increased by the intra partum use of spinal electrodes of fetal scalp ph sampling Am. J. Obstet. Gynecol, 1994;170, 740­743

21. THE EUROPEAN COLLABORATIVE STUDY, Caesarean section and risk of vertical transmission of HIV1 infection. Lancet, 1994;343, 1464-1467

21. GILLET JY, BONGAIN A, MONPOUX F et al, La transmission materno-foetale du VIH. Arch. Ped, 1994 (sous presse)

22. HENRION R, SIDA et Grossesse. Encycl Med-Chir Obstet, 1994;5-039-D-40, 1­13

 

J.Y. GILLET et A. BONGAIN

Service de Gynécologie-Obstétrique et Médecine de la Reproduction, CHU de Nice-Sophia-Antipolis - Hôpital Saint-Roch B.P. 319 06006 Nice Cedex

 : JOURNÉES DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 12 - 19 Janvier 1995