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Titre: Nosologie des dilatations abdominales foetales
Année: 1995
Auteurs: - Delezoide A.
Spécialité: Médecine foetale
Theme: malformations digestives

Chapitre 2

Nosologie des dilatations abdominales foetales

A.L. DELEZOIDE ET M. VEKEMANS

introduction

Décrire les différentes lésions pouvant se manifester in utero par une dilatation abdominale à contenu liquidien (on élimine d'emblée les anses digestives hyperéchogènes), revient à effectuer un catalogue d'anomalies concernant les différents appareils installés en position sous-diaphragmatique: urinaire, digestif, et génital sans oublier les surrénales. Cette énumération, même si elle se base sur une expérience de foetopathologiste, restera cependant assez théorique : en effet toutes les pathologies sténosantes et/ou donc "dilatantes" que l'on va décrire ne "parlent" pas avec la même fréquence ou intensité in utero: aussi, ces distinctions dépassant notre propre compétence, notre éventail de lésions sera t-il peut être un peu trop large, par rapport à ce qui peut être réellement dépisté in utero.

I dilatation abdominale et appareil urinaire

Il est indéniable que c'est l'appareil urinaire dont les malformations donnent le plus de dilatations liquidiennes abdominales : c'est du moins les malformations "kystisantes", abdominales ou rétropéritonéales qui apparaissent les plus fréquentes dans les séries foetopathologiques. Les malformations en cause sont de deux types, les néphropathies et les uropathies.

1. Parmi les néphropathies, seules celles formant des reins macrokystiques nous intéressent ici : ce qui élimine en particulier les polykystoses infantile (récessive autosomique) ou de type adulte (dominante autosomique) qui se manifestent par de gros reins hyperéchogè-nes. Entrent donc dans notre sujet:

- essentiellement, la dysplasie multikystique : caractérisée par un rein de volume variable, hypoplasique ou très volumineux, déformé par de volumineux kystes qui lui donnent un aspect de grappe de raisin, elle peut être bilatérale ou unilatérale ou même simplement focale.

- plus rarement, les reins kystiques des syndromes polymalformatifs.

Plusieurs syndromes polymalformatifs d'origine génétique reconnue ou non s'accompagnent de reins macrokystiques syndrome de Meckel, de d'Agostino-Golston, de Zellweger, d'Ivemark II ...)

Le plus souvent cependant, ils se manifestent plutôt comme des reins hyperéchogènes au sein desquels on peut observer quelques images kystiques. A ces formes, on peut ajouter les anomalies chromosomiques qui peuvent s'accompagner de reins kystiques souvent de façon focale et microscopique (rein hyperéchogène), ou de façon diffuse simulant une dysplasie multikystique (trisomies 13 et 18, en particulier).

- les kystes simples, séreux du rein sont exceptionnels en période anténatale.

2 - Les uropathies ou dilatations des voies excréto urinaires prennent probablement la plus grande part des images liquidiennes intra-abdominales décelées chez le foetus.

Les plus fréquentes d'entre elles sont les mégavessies. Associées généralement à un retentissement sur le haut appareil (distension urétérale et pyélique), elles traduisent l'existence d'un obstacle sous-vésical. Dans notre expérience de foetopathologistes (qui comporte un biais de recrutement des lésions les plus graves, délétères pour la fonction rénale), les lésions les plus souvent en cause chez le garçon ne sont pas des valves de l'urètre de postérieur (7/20 obstacles sous-vésicaux observés chez les foetus masculins), mais des atrésies complètes de l'urètre membraneux (10 cas). Celles-ci sont alors rarement isolées (4 cas), le plus souvent associées à d'autres malformations (3 artères ombilicales uniques, 1 agénésie partielle du sacrum, 2 cardiopathies). Il semble d'autre part exister chez le foetus mâle des mégavessies neurologiques, sous lesquelles on ne retrouve aucun obstacle anatomique, mais un rétrécissement progressif de l'urètre. Nous en avons observé 3 exemples (1 trisomie 13, 1 trisomie 18, 1 syndrome létal des ptérygiums multiples avec lésions des cornes antérieures de la moelle épinière).

Chez la fille, les mégavessies ne sont dans notre expérience, jamais liées à un obstacle urétral simple mais associées à des malformations loco-régionales complexes de type dysgénésie caudale (avec souvent atrésie rectale et hydrométrocolpos), entrant parfois dans le cadre d'une association VACTERL.

Les dilatations urétérales à vessie normale peuvent correspondre :

- à un obstacle situé à la jonction urétéro-vésicale, associé alors souvent à une urétérocèle. Il peut s'agir d'un uretère simple mais plus souvent d'une duplication pyélo-urétérale. L'uretère du pyélon supérieur s'implante dans la vessie, en aval de l'uretère du pyélon inférieur: cette implantation anormale crée un obstacle sur l'écoulement de l'urine, qui peut retentir sur le calibre de l'uretère et la fonction du pyélon supérieur.

- un reflux vésico-urétéral : rarement vu en période anté-natal, il est d'emblée grave si l'uretère est dilaté ; en cas de duplication urétérale, il peut être témoin d'une mal implantation de l'uretère du pyélon inférieur.

- un méga-uretère par dysfonctionnement de la portion paravésicale de l'uretère, qui ne se contractant pas, s'oppose à la propulsion de l'urine; la partie basse de l'uretère a alors l'aspect classique en "queue de radis".

Les dilatations pyéliques isolées sont physiologiques si elles sont modérées, entre 20 et 24 SA ; elles seraient liées à un excès de la croissance relative des uretères par rapport à celle du foetus : ceux ci deviennent alors tortueux ce qui pourrait avoir pour conséquence une certaine stase urinaire pyélique. Une image comparable semble pouvoir être observée lorsque les mères prennent de fortes doses de progestérone. La dilatation pyélique malformative est liée à une anomalie de la jonction pyélourétérale : mauvaise implantation de l'uretère dans le bassinet avec anomalie de la disposition musculaire, créant un obstacle fonctionnel incomplet.

II dilatations abdominales et appareil digestif

Elles comprennent les atrésies et sténoses de l'intestin : duodénum, intestin grêle, colon, ou région rectoanale ainsi que de rares duplications digestives kystiques et des anomalies hépatiques.

1. Atrésies et sténoses digestives. Les dilatations digestives qu'elles entraînent apparaissent d'autant plus tard que l'obstacle est bas situé :

- atrésie ou sténose duodénale : elle est située au niveau du deuxième duodénum et s'associe volontiers à un pancréas annulaire. Elle est la sténose digestive la plus fréquemment observée dans la trisomie 21.

- atrésie du grêle : plus fréquente que l'obstacle duodénal, elle siège essentiellement entre le jéjunum et l'iléon moyen. Elle se présente sous 4 formes anatomiques avec une corrélation anatomo-étiopathogénique intéressante:

- le type I correspond à la présence d'un diaphragme muqueux, probablement dû à un défaut de reperméabilisation de l'intestin, au cours de l'organogenèse ; cette forme est souvent étagée et dans ce cas, familiale (transmission récessive autosomique).

- le type II est l'atrésie cordonale avec mésentère continu.

- le type III est l'atrésie totale avec interruption de la continuité du conduit digestif, et defect mésentérique.

Les types II et III sont généralement isolés, sporadiques, considérés comme des anomalies clastiques (embryo-foeto-pathie, lésion vasculaire).

- Le type IV est l'intestin en colimaçon ou en queue de cochon, ou "apple peel syndrome", dû à l'occlusion de l'artère mésentérique supérieure avec un risque de transmission récessive autosomique.

- atrésie colique : beaucoup plus rare que l'atrésie du grêle, elle a les mêmes formes anatomiques et pathogéniques et on ne peut échographiquement les distinguer. La maladie de Hirschsprung, qui crée une obstruction fonctionnelle colique peut également se manifester in utero par des images de dilatation digestive.

- atrésie recto anale : cette malformation donne rarement lieu à une dilatation recto sigmoïdienne permettant de la dépister. Les formes basses de bon pronostic sont des malformations superficielles des bourrelets périnéaux. Les formes hautes correspondent à des anomalies du cloisonnement frontal du cloaque embryonnaire: elles sont souvent associées à des fistules recto urétrales chez le garçon, recto vaginales chez la fille. Les formes avec fistule perméable, plus fréquentes chez la fille, n'entraînent en règle pas de retentissement d'amont. Seules les formes non communicantes, apanage du garçon, créent des dilatations digestives. Par contre chez la fille, cette anomalie peut s'intégrer dans un processus malformatif plus complexe par persistance d'un cloaque indivis avec fistule entre le rectum et le sinus urogénitale: la fistule rectale s'abouche souvent au niveau d'un vagin atrétique implanté dans le sinus urogénital qui présente, juste à ce niveau, une atrésie totale : il s'en suit une distension globale uro-génito-digestive sus jacente avec une megavessie, un hydrométrocolpos et une dilatation recto sigmo dienne. Cette malformation évolue souvent spontanément vers une péritonite méconiale in utero. A noter qu'une péritonite méconiale ancienne peut donner des images liquidiennes cloisonnées, voire pseudo kystiques difficiles à distinguer, à l'examen échographique, d'anses intestinales distendues.

2. Duplications digestives :

il s'agit de formations kystiques ou tubulaires isolées dont la paroi reproduit la structure de la paroi digestive et qui siègent le long du tractus digestif, soit en position intra-pariétale soit en position intra- mésentérique. Elles peuvent se manifester échographiquement quand elles sont volumineuses, kystiques (donc sans communication avec la lumière digestive), et de situation intra mésentérique. Plus de la moitié siègent au niveau du grêle, principalement au niveau de l'iléon terminal. Ces duplications digestives se rapprochent, sur le plan sémiologique, des kystes du canal omphalomésentérique (diverticule de Meckel kystique).

3. Anomalies hépatiques : une formation liquidienne située dans l'hypochondre droit peut correspondre à plusieurs lésions :

- si elle est isolée, ce peut être une grosse vésicule biliaire sans contexte pathologique, ou un kyste solitaire du foie, ou un kyste du canal cholédoque : cette malformation est liée à un déficit du sphincter Vatérien qui crée un reflux biliaire dans la partie proximale du canal cholédoque entraînant sa transformation kystique.

- si ces formations sont multiples, on peut évoquer un lymphangiome hépatique ; on a décrit également en région abdominale plus centrale, des lymphangiomes du mésentère prenant la forme de dilatations multiples difficiles à distinguer d'anses digestives.

III anomalies génitales :

Les dilatations kystiques d'origine génitale se voient essentiellement chez la fille.

Ce sont le plus rarement les hydrocolpos médians uniques ou sous forme de deux cornes utérines dilatées : ils sont liés à une atrésie du vagin, le plus souvent dans un contexte de persistance d'un sinus urogénital.

Les kystes de l'ovaire : se sont des images arrondies, d'apparition tardive (fin du 3ème trimestre) non évolutives parfois très volumineuses (jusqu'à 10 cm et plus). Ils correspondent presque toujours (80%) à des follicules kystiques dont le développement est physiologique à la fin de la grossesse (à l'autopsie on retrouve des formations kystiques ovariennes de plus de 1 cm de diamètre chez environ 1/3 des filles nouveau-nés), mais qui prennent parfois des proportions anormales exposant l'ovaire à des complications imprévisibles : ischémie compressives du parenchyme, torsion de l'annexe avec possibilité de rupture du kyste tordu, de nécrose tubo-ovarienne et même d'occlusion sur bride secondaire. Ces complications fréquentes en période post-natale peuvent être cliniquement muettes. Plus rarement ces formations ont une structure tumorale : cystadénome séreuse ou tératome, parfois malin.

IV formation kystique suprarénale : l'hématome de la surrénale.

L'hématome de la surrénale se manifeste comme une formation liquidienne kystique supra rénale (hématome récent) qui évolue vers une structure hétérogène en 3 à 5 jours (caillots), qui redevient liquidienne en une quinzaine de jours et parfois régresse en se calcifiant plus ou moins. Cette lésion est souvent concomitante de phénomènes thrombotiques localisés à la veine cave inférieure ou à la veine rénale homolatèrale. En l'absence de tels phénomènes, et si l'évolution de la collection liquidienne parait atypique, sans liquéfaction secondaire ou régression ou calcification, on peut évoquer la deuxième cause de ces images surrénaliennes, les neuroblastomes. Ces neuroblastomes in situ sont de bon pronostic et régressent souvent spontanément en période postnatale.

conclusion

Ce catalogue, (auquel il convient de ne pas manquer d'ajouter le raton-laveur) a tenté de faire le tour de toutes les images kystiques liquidiennes observées sous le diaphragme.

Il est clair que le diagnostic étiologique de telles lésions dépend de la connaissance de leur anatomie mais surtout de tout un ensemble sémiologique qui n'a pu être abordé ici.

Anne-Lise DELEZOIDE

Unité d'Embryofoetopathologie - Service d'Histo-Embryologie et de Cytogénétique, Michel VEKEMANS Hôpital Necker Enfants-Malades, Paris

 : JOURNÉES DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 12 - 19 Janvier 1995