le rôle de la sage-femme dans la programmation de l'accouchement
aspects médicaux et médico-légaux
PH. BOISSELIER
introduction
La programmation de l'accouchement est une technique obstétricale qui
consiste à choisir le jour et l'heure de la fin d'une grossesse par ailleurs normale. Sa
réussite et les bénéfices que l'on peut en tirer dépendent d'une équipe où le rôle
essentiel est tenu par la sage-femme. Un certain nombre de problèmes médicaux et
médico-légaux est soulevé par le caractère facultatif de cette intervention médicale
sur une grossesse normale.
l'aspect médical
Quatre étapes marquent le déroulement de la programmation de
l'accouchement et à chacune de ces étapes, l'excellence de la coopération sage-femme
médecin sera la garantie d'un accouchement réussi.
1. L'indication
Le point de départ de la programmation est la justesse de l'indication.
Les trois piliers en sont :
1/ La patiente est informée et consentante.
2/ Le terme est connu avec précision et supérieur à 39 semaines
d'aménorrhée.
3/ Le col est mûr.
A. La patiente est informée et consentante
L'information de la parturiente se fait tout au long de la grossesse à travers les
dialogues qu'elle aura institués avec l'équipe qui aura suivi sa grossesse, le médecin
et la sage-femme.
Ce dialogue se déroule au cours de consultations, en sachant qu'il est inutile
d'aborder le sujet trop tôt alors que l'accouchement est encore loin, sauf si c'est la
patiente qui pose les questions. Les cours de préparation à l'accouchement, animés par
les sages-femmes, sont un lieu idéal pour transmettre une information qui profitera de la
discussion entre parturientes pour être plus objective.
Si l'équipe obstétricale souhaite proposer la programmation aux femmes qui accouchent
dans le service, il faut que le discours soit homogène et cohérent et que les médecins
et les sages-femmes parlent le même langage.
B. Le terme est connu avec précision
Cela signifie que la femme a subi une échographie avant la 20ème semaine
d'aménorrhée et que les résultats en figurent dans le dossier. Avant de poser
l'indication, l'obstétricien devra vérifier ces éléments et, avant de démarrer le
déclenchement, la sage-femme devra elle aussi relire le dossier et vérifier de nouveau
que le terme est correct.
C. Le col est mûr
L'appréciation de la présentation et de la maturité du col se fait par l'examen
clinique. C'est le plus souvent un médecin qui posera l'indication, mais une sage-femme
est capable techniquement d'en juger. Un col mûr est un col ouvert à 2 cm, souple,
centré et raccourci. La parité et la position de la tête sont d'autres éléments qui
entrent en jeu. Il est possible de s'aider du score de Bishop. Une bonne appréciation
nécessite de l'expérience.
2.La direction du travail
Si c'est souvent un médecin qui posera l'indication de la programmation, c'est
toujours la sage-femme qui initiera le déclenchement et dirigera le travail. C'est peu
dire que le succès du déclenchement dépendra de la façon selon cette tâche sera
assumée.
Sans entrer dans les détails techniques qui ne sont pas le but de cet exposé, la
rupture des membranes et le maniement de la pompe de Syntocinon* seront du ressort de la
sage-femme. Le travail devra se dérouler de façon régulière, sans forcer, en acceptant
la phase de latence qui peut exister dans les premières heures si le col avait encore de
la longueur. Le maniement du Syntocinon* se fait avec prudence, grâce à une pompe
électrique, la perfusion simple devant être abandonnées. L'augmentation du débit est
progressive en surveillant le rythme de contractions et le rythme cardiaque foetal. C'est
dans la direction technique du travail et surtout dans l'accompagnement de la parturiente
que s'exprime les qualités professionnelles et humaines de la sage-femme.
3. L'anesthésie
C'est bien entendu à l'anesthésiste de poser l'anesthésie péridurale qui sera très
fréquemment indiquée dans la programmation. La sage-femme a ici un rôle de surveillance
qui a fait l'objet de très nombreux et houleux débats. Un consensus s'est dessiné pour
donner lui un rôle actif dans la surveillance et les réinjections.
4. L'accouchement
L'accouchement du travail programmé ne se distingue pas d'un accouchement normal et
selon les habitudes de l'équipe et la structure de l'établissement (public ou privé) le
dégagement sera réalisé par le médecin ou la sage-femme. Seule une indication
d'extraction instrumentale imposera l'appel de l'obstétricien de garde.
l'aspect médico-légal
En 1995, toute la pratique obstétricale est soumise aux discussions médico-légales
et il serait anormal que la programmation de l'accouchement ne soit pas concernée.
Là encore, le même plan peut être utilisé pour sérier les problèmes et les
étudier à la lumière du code de déontologie de la sage-femme.
1. L'indication
En cas d'expertise judiciaire, le premier élément du dossier qui sera examiné par
l'expert sera la justesse de l'indication et le soin avec lequel elle a été portée. Si
le déclenchement est de pure convenance, sans avoir pris les précautions détaillées
plus haut, la faute sera totale pour le praticien qui aura porté l'indication. S'il
s'agit d'une sage-femme, on lui reprochera de ne pas avoir demandé l'aval d'un accoucheur
car l'indication du déclenchement sort de ses prérogatives déontologiques. La
précaution minimum pour une sage-femme amenée à poser une indication de déclenchement
est de soumettre le dossier à un médecin et de lui faire examiner le col. Il ne s'agit
pas d'un "contrôle de qualité" mais d'une garantie apportée par un double
avis.
Inversement, quand la parturiente arrive en salle de travail, elle a le devoir de juger
elle-même de la qualité du col et doit confronter son avis à celui de l'obstétricien
en cas de divergence. Dans une bonne équipe, seule digne de pratiquer la programmation de
l'accouchement, le médecin devra réévaluer son indication et peut-être la modifier.
Dans une mauvaise équipe, la sage-femme se fera reprocher de donner un avis qu'on ne lui
demande pas, et elle recevra l'ordre de démarrer le déclenchement. Elle aura cependant
fait son devoir et dégagé sa responsabilité.
2. La direction du travail
La direction du travail commence avec la rupture des membranes. Ce geste est assuré
par la sage-femme et c'est sa responsabilité de déterminer si celle-ci est possible sans
risquer une procidence du cordon.
Toute anomalie dans le déroulement du travail doit amener à avertir l'obstétricien,
la responsabilité de la sage-femme s'arrêtant dés qu'une pathologie s'installe. Là
encore dans une bonne équipe, la sage-femme n'hésitera pas à contacter l'accoucheur si
elle a un doute et son avis sera écouté avec attention et avec confiance.
Le code de déontologie précise "La sage-femme doit toujours élaborer son
diagnostic avec le plus grand soin ... et s'il y a lieu, en s'entourant des concours les
plus éclairés" (art 26)
3. L'anesthésie péridurale
La surveillance des anesthésies péridurales peut être du ressort de la sage-femme. A
condition que la sage-femme ait été formée à ce geste, il lui est possible, avec
l'accord de l'anesthésiste de pratiquer les réinjections.
Le code de déontologie dit : "En présence d'un médecin
responsable pouvant intervenir à tout moment, la sage-femme peut participer à la
technique d'anesthésie loco-régionale pratiquée lors de l'accouchement, à l'exclusion
de la période d'expulsion, à condition que la première injection soit pratiquée
par un médecin, la sage-femme ne pouvant pratiquer les injections suivantes que par la
voie du dispositif mis en place par le médecin.(art 18)
4. L'accouchement
Le fait que le travail ait été programmé n'impose pas que l'accouchement soit
effectué par un médecin mais il doit en être averti. "Lorsqu'une sage-femme est
placée par un médecin auprès d'une parturiente, elle ne doit jamais, sauf en cas de
force majeure, se substituer à lui de sa propre initiative au moment de
l'accouchement" (art 60)
C'est du ressort de la sage-femme de juger du caractère normal ou non de
l'accouchement. Sa responsabilité est engagée si elle n'appelle pas en cas de dystocie,
(au même titre que s'il s'agissait d'un travail spontané).
Le code de déontologie précise à ce propos : "Il est interdit à la
sage-femme de pratiquer toute intervention instrumentale, à l'exception de l'amnioscopie
dans la dernière semaine de grossesse, de l'épisiotomie, de la réfection de
l'épisiotomie non compliquée et de la restauration immédiate des déchirures
superficielles du périnée." (art 18)
Au total
La programmation est une étape de plus dans la médicalisation de l'accouchement.
L'importance de la sage-femme n'y est pourtant pas diminuée. Au contraire, son rôle est
fondamental et toutes les équipes pratiquant la programmation de façon routinière
reconnaissent que cela serait impossible sans la conviction et la participation des
sages-femmes. La sage-femme doit s'exprimer au sein de l'équipe et donner son avis sur la
politique obstétricale qui est pratiquée en son sein.
Plus au contact des parturientes que l'accoucheur, passant beaucoup de temps auprès
des femmes en salle de travail, elle est plus à même de juger de l'impact, positif ou
négatif, de la programmation.
La sage-femme enfin a le droit et le devoir de juger le niveau de sécurité de
l'environnement dans lequel elle travaille. Le code de déontologie va très loin
puisqu'il dit : "La sage-femme doit disposer au lieu de son exercice
professionnel d'une installation convenable et de moyens techniques suffisants. En aucun
cas, la sagefemme ne doit exercer sa profession dans des conditions qui puissent
compromettre la sécurité et la qualité des soins et des actes médicaux."(art
9)
Philippe BOISSELIER 86100 - Châtellerault
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