Chapitre 5
hépatopathies gravidiques
J. BERNUAU
Introduction
Les maladies hépatiques de la femme enceinte sont classées en 2
catégories selon leur dépendance vis-à-vis de l'état gravidique : (a) les
hépatopathies gravidiques, survenant exclusivement au cours de la grossesse, et (b) les
hépatopathies non gravidiques, aiguës ou chroniques, associées fortuitement à une
grossesse.
Les hépatopathies gravidiques sont au nombre de 4 : les vomissements
gravidiques incoercibles (hyperemesis gravidarum), la cholestase gravidique,
l'hypertension gravidique et la stéatose hépatique aiguë gravidique, seule responsable
d'insuffisance hépatocellulaire aiguë.
Avant d'envisager chacune de ces 4 entités, nous rappellerons les
principales règles du diagnostic hépatologique pendant la grossesse.
I La démarche diagnostique au cours des hépatopathies chez la femme
enceinte (1)
Le diagnostic des hépatopaties, aiguës ou chroniques, survenant au cours
de la grossesse suit les règles habituelles du diagnostic hépatologique, mais doit tenir
compte des modifications, liées à l'état gravidique, de certaines variables biologiques
(1). Le problème le plus souvent posé actuellement est celui d'une pathologie
hépatique non ictérique.
Les principaux éléments d'orientation du diagnostic étiologique des
hépatopathies associées à la grossesse sont : (a) le type de syndrome hépatique
réalisé (voir ci-dessous) ; (b) le terme de la grossesse au moment du début des
symptômes ; (c) les antécédents hépato-biliaires, gravidiques ou non ; (d) la
consommation médicamenteuse dans le mois précédent ; (e) l'absence, ou l'existence,
d'une hypertension artérielle et d'une protéinurie ; (f) la créatininémie (<80
=mol/l au 3e trimestre de la grossesse normale) et l'uricémie à jeun (2) ; (g)
éventuellement, l'échotomographie du foie et des voies biliaires. La ponction-biopsie
hépatique n'est presque jamais indispensable au diagnostic avant l'accouchement : elle
pourra être réalisée, avec le même rendement diagnostique, dans le post-partum
précoce, souvent par voie transjugulaire.
De nombreuses maladies hépatiques se manifestent par un, ou plusieurs,
des syndromes suivants qui permettent d'orienter le diagnostic étiologique. Toutefois,
certaines des hépatopathies associées à la grossesse ne s'intègrent à aucun de ces
syndromes.
L'insuffisance hépatocellulaire se manifeste initialement par une
diminution du taux de prothrombine (temps de Quick) et du facteur V
(proaccélérine). En cas d'aggravation, apparaît un ictère à bilirubine conjuguée et,
à un degré de plus, une encéphalopathie clinique associée à l'effondrement des
facteurs de coagulation.
La cholestase isolée, anictérique ou ictérique, est toujours
associée à une augmentation de la concentration plasmatique des acides biliaires totaux.
Le prurit est un symptôme inconstant et non spécifique de cholestase. En dehors de la
grossesse, la cholestase est associée à une activité augmentée de la 5'-nucléotidase
et de la gamma-GT. Pendant la grossesse, l'augmentation de la gamma-GT lors d'une
cholestase est très inconstante.
Toute cholestase peut être associée à une augmentation de l'activité
sérique des aminotransférases, parfois supérieure à 20 fois la normale, suggérant
faussement une nécrose hépatocytaire. En cas de cholestase anictérique, la
bilirubinémie à prédominance conjuguée est normale ou inférieure à 30-40 =B5mol/l
et le taux de prothrombine est normal. En cas de cholestase ictérique, la bilirubinémie
dépasse le plus souvent 50=B5mol/l et, si l'ictère est présent depuis
plusieurs semaines, le taux de prothrombine est diminué par hypovitaminose K (le facteur
V restant normal ou élevé). Cette diminution des facteurs vitamine K-dépendants sera
corrigée par l'administration parentérale brève (1 à 2 jours) de vitamine K.
L'hypertension portale est définie hémodynamiquement, comme une
augmentation de la pression portale au-dessus de 15 cm d'eau. Elle peut être due à une
hépatopathie aiguë ou chronique : elle est alors souvent associée à une insuffisance
hépatocellulaire. Elle peut être asymptomatique. Ses principales manifestations
cliniques sont une circulation veineuse sous-cutanée, épigastrique et basithoracique, et
une ascite. Au cours des hépatopathies chroniques, l'hypertension portale peut se
compliquer d'hémorragies digestives par rupture de varices oesophagiennes ou gastriques.
En pratique, dès que des anomalies hépatiques apparaissent chez une
femme enceinte, la démarche diagnostique et thérapeutique doit être
menée, en étroite collaboration, par l'obstétricien et un hépatologue.
II Vomissements gravidiques incoercibles (hyperemesis gravidarum)
Ils sont définis comme la majoration des vomissements gravidiques usuels
rendant nécessaire l'hospitalisation avant le terme de 13 semaines d'aménorrhée. Le
plus souvent, aucune cause organique n'est identifiée et les malades sont, pour la
plupart, des émigrées. Une cause organique est rare : grossesse gémellaire, grossesse
molaire, hypercalcémie ou sténose digestive haute.
Des anomalies non hépatiques sont fréquentes et le plus souvent
dépistées en premier : déshydratation, amaigrissement, cétonurie,
hypercréatininémie, alcalose métabolique, hypophosphorémie et natriurèse basse
traduisent l'importance des vomissements. Une hyperthyroïdie biologique, cliniquement
asymptomatique, est fréquente. Les anomalies hépatiques, en partie la conséquence du
jeûne secondaire aux vomissements et en général au second plan, comportent une
augmentation des aminotransférases dans 20 % des cas et un ictère à bilirubine
conjuguée dans moins de 10 % des cas. Il n'y a pas d'insuffisance hépatocellulaire. Des
troubles de la conscience, voire un coma, doivent évoquer une encéphalopathie de
Gayet-Wernicke par hypovitaminose B1, seule cause de mort maternelle. Le risque
d'hypotrophie foetale est majoré par une diminution du poids maternel de plus de 5 % par
rapport au poids maternel avant la grossesse. La récidive lors de grossesses ultérieures
est possible.
Le traitement comporte l'isolement, la rééquilibration
hydro-électrolytique, l'arrêt de l'alimentation orale avec apport intraveineux de
glucose pendant 3 à 5 jours, toujours associé à du phosphore et des vitamines du groupe
B. Le métoclopramide peut être utilisé comme anti-émétique, mais les médicaments
cholestasiants (en particulier les phénothiazines) sont contre-indiqués.
III Cholestase gravidique
La cholestase gravidique est considérée comme l'expression d'une
sensibilité, génétiquement déterminée, à l'action cholestatique des oestrogènes. Sa
transmission se fait sur un mode mendélien dominant. Des antécédents familiaux de
prurit gravidique sont possibles. Des antécédents personnels de prurit contemporain de
la prise d'un contraceptif oral sont maintenant exceptionnels avec les contraceptifs
faiblement dosés en oestrogènes. Chez les femmes normotendues, elle est la plus
fréquente des hépatopathies gravidiques du 2e et du 3e trimestres. Elle survient chez
les primipares et chez les multipares. Sa prévalence, de l'ordre de 10 % au Chili, de 2 %
en Suède, et de 2 pour 1000 grossesses en France, est accrue par la gémellarité (10).
Les lésions hépatiques sont celles d'une cholestase pure.
Les formes asymptomatiques, probablement fréquentes, pourraient être
reconnues sur l'augmentation des acides biliaires totaux du sérum. Le symptôme habituel
est le prurit, présent dans 95 % des cas, isolé, sans douleurs, ni fièvre, ni
hépatomégalie. Il peut être intense, entraînant des lésions de grattage, un
amaigrissement par restriction alimentaire, voire un syndrome dépressif. L'augmentation
des acides biliaires prédomine sur l'acide cholique (11). L'augmentation des
aminotransférases, jusqu'à 25 fois la valeur normale, est presque toujours présente. La
phosphatase alcaline et la 5'-nucléotidase sont inconstamment augmentées ; la gamma-GT
est presque toujours normale. Les facteurs de coagulation, la créatininémie et
l'uricémie à jeun, sont normaux. La régression du prurit dès le début du post-partum,
puis sa disparition complète en 3 à 5 jours, sont très caractéristiques. Rarement, le
prurit voire l'ictère peuvent persister plusieurs mois (12). A l'inverse, sa disparition
avant l'accouchement est très rare et doit faire remettre en cause le diagnostic de
cholestase gravidique génétique.
Dans 25 % des cas, un ictère à bilirubine conjuguée est présent. Il
excède rarement 80 =moles/l, sauf si une infection urinaire est associée. Une
stéatorrhée et une hypovitaminose K sont possibles en cas d'ictère prolongé. La
régression de l'ictère est plus lente que celle du prurit.
La mortalité maternelle est nulle. La prématurité est le principal
risque foetal : elle survient dans 30 à 50 % des cas (13). Des cas de souffrance foetale
aiguë et des cas de mort in utero ont été rapportés. Les risques foetaux semblent plus
importants en cas d'ictère, mais aucun critère maternel ne permet actuellement leur
prédiction efficace. La récidive de la maladie lors d'une grossesse ultérieure est
fréquente, mais inconstante. Chez les femmes ayant eu une cholestase gravidique, le
volume vésiculaire mesuré à jeun est augmenté et la prévalence de la lithiase
biliaire cholestérolique est augmentée par un facteur 2 à 3.
Le traitement médical est peu efficace. L'efficacité de la
cholestyramine sur le prurit est inconstante et imprévisible. Dans quelques cas de
survenue précoce, une plasmaphérèse a pu entraîner la disparition d'un prurit sévère
et permettre la poursuite de la grossesse (14). Après la 34e semaine, la grossesse est
souvent interrompue par césarienne. En cas d'ictère, une hypoprothombinémie doit
préalablement être corrigée par la vitamine K (en intraveineux). Récemment, dans une
étude non contrôlée, l'administration d'acide ursodésoxycholique (actuellement
officiellement contre-indiqué pendant la grossesse) a entraîné la disparition du prurit
et la normalisation des tests biologiques avant l'accouchement (15).
IV Hypertension gravidique
Elle complique, selon la population étudiée, de 5 à 20 % des
grossesses, atteint surtout les primipares et se manifeste au 3e trimestre, voire
seulement dans le post-partum. Un faible risque de récidive lors d'une grossesse
ultérieure existe.
L'hypertension gravidique est une maladie primitivement vasculaire,
au niveau du foie comme dans les autres organes. Les lésions hépatiques ne sont
observées qu'en cas de toxémie gravidique (hypertension artérielle et protéinurie). La
lésion hépatique élémentaire est constituée de dépôts intravasculaires de fibrine
dont la répartition dans le foie est hétérogène (16). Ils siègent le plus souvent
dans les sinusoïdes périportaux, parfois dans des branches intrahépatiques de la veine
porte ou de l'artère hépatique. Ces lésions, perturbant la circulation intrahépatique
normale, sont la cause probable de foyers de nécrose hépatocytaire et parfois
d'infarctus hépatiques et d'hémorragies intrahépatiques. La confluence de ces
hémorragies conduit à la formation d'hématomes, le plus souvent, sous-capsulaires et
siégeant dans le lobe droit. Parfois, l'hématome est étendu à presque toute la surface
du foie. La capsule, en regard, peut être intacte et tendue, ou fissurée
La symptomatologie de ces lésions hépatiques est variable. Le principal
symptôme est une douleur, durant de quelques minutes à quelques heures, souvent
épigastrique en barre, ou de l'hypochondre droit, parfois thoracique basse, scapulaire
droite ou dorsale basse. L'activité des aminotransférases est toujours augmentée,
dépassant parfois 50 fois la valeur normale. La bilirubinémie est le plus souvent
normale. Un ictère, à bilirubine conjuguée et non conjuguée, est rare et souvent
associé à une hyperhémolyse intravasculaire (augmentation de la LDH et la diminution de
l'haptoglobine). Les facteurs de coagulation sont normaux ou modérément abaissés. Un
syndrome de coagulation intravasculaire disséminée peut être constaté. Le syndrome
HELLP est défini par l'association d'une hémolyse intravasculaire, de l'augmentation des
aminotransférases et d'une thrombopénie (17) ; il peut être incomplet, voire réduit à
une thrombopénie isolée. L'échotomographie et la tomodensitométrie hépatiques peuvent
être normales, ou visualiser un hématome sous-capsulaire ou un infarctus étendu. Un
épanchement péritonéal de faible abondance, peut être présent. Une protéinurie, une
hyperuricémie et une hypercréatininémie sont fréquentes.
Le diagnostic étiologique de ces anomalies hépatiques est facile quand
le syndrome de toxémie gravidique est évident ou quand les anomalies hépatiques sont
constatées après une crise d'éclampsie (18).
Il est difficile quand, simultanément, la douleur est inaugurale et
ectopique, l'hypertension artérielle modérée ou absente et la protéinurie non
retrouvée (19). Dans de tels cas, la constatation d'un syndrome HELLP, même incomplet, a
une valeur quasi pathognomonique.
Le traitement médical de la toxémie gravidique comprend le repos
au lit et la prévention des convulsions. Un remplissage vasculaire prudent par l'albumine
humaine à 20 % peut être utile. Les diurétiques sont contre-indiqués. L'efficacité
d'un traitement hypotenseur est discutée. L'interruption de la grossesse est pratiquement
toujours nécessaire ; son moment est discuté en fonction de l'état maternel, du terme
de la grossesse et de l'état du foetus qui est parfois hypotrophe. Quand la grossesse a
été interrompue avant la rupture hépatique, les infarctus et les hématomes
intrahépatiques régressent spontanément et sans séquelles (20).
La rupture spontanée du foie atteint surtout les multipares dont
la grossesse a été mal surveillée. La lésion hépatique est une dilacération
capsulaire à la surface d'un hématome sous-capsulaire. La rupture peut survenir dans le
post-partum. Elle est la cause d'un hémopéritoine massif entraînant un état de choc
avec anémie aiguë. Le traitement associe, en urgence, le remplissage vasculaire massif,
l'évacuation utérine, et l'hémostase de l'hémorragie hépatique par embolisation ou
ligature artérielle, ou par une méthode chirurgicale. Le transfert dans un centre
d'hépatologie médico-chirurgicale est une urgence (21). La fréquence d'une souffrance
foetale aiguë mortelle est voisine de 80 % (22). La mortalité maternelle est de l'ordre
de 60 % (23). Ultérieurement, une grossesse normale est possible.
V Stéatose hépatique aiguë gravidique (24, 25)
Sa prévalence est de l'ordre de 1 pour 10 000 grossesses. Elle survient
plus souvent chez une primipare que chez une multipare et est associée à une prévalence
accrue de grossesses gémellaires et de foetus mâles. La lésion est une stéatose
microvacuolaire, intéressant les hépatocytes de la région centro-lobulaire et ne
modifiant pas la position centrale de leur noyau. La cause de la maladie est encore
inconnue, mais on s'oriente de plus en plus vers une pathologie mitochondriale du foie
foetal entraînant, par accumulation de substances toxiques, un dysfonctionnement
mitochondrial du foie maternel responsable de la stéatose microvésiculaire. Plusieurs
cas ont été rapportés après administration parentérale de fortes doses de
tétracycline.
Le début clinique, le plus souvent après la 28e semaine
(parfois dès le 5e mois), peut être précédé pendant plusieurs jours d'une
hyperuricémie, isolée ou associée à une augmentation asymptomatique des
aminotransférases. Les principaux symptômes inauguraux sont des nausées et des
vomissements, des douleurs abdominales hautes, parfois un prurit. Une polyuro-polydipsie
est probablement un symptôme inaugural fréquent mais souvent négligé (26). Dans la
moitié des cas, des manifestations d'hypertension gravidique sont associées. L'activité
des aminotransférases est augmentée, souvent à moins de 20 fois la valeur normale. La
bilirubinémie est normale ou à peine augmentée. Les facteurs de coagulation sont
normaux ou peu abaissés. La créatininémie et la leucocytose sont normales ou peu
augmentées. Une hyperuricémie est fréquente. L'échographie hépatique est souvent
normale. A ce stade initial, la condition foetale est normale, et l'interruption rapide de
la grossesse est associée à la survie de la mère (la guérison des lésions hépatiques
et de l'insuffisance rénale sont obtenues en une semaine ou moins) et de l'enfant. Le
diagnostic précoce repose sur un très haut degré de suspicion clinique : au 3e
trimestre de la grossesse, des nausées et des vomissements sont toujours pathologiques et
requièrent le dosage, en urgence, des aminotransférases.
L'évolution spontanée se fait inéluctablement vers
l'aggravation. En quelques jours à 2 semaines, les symptômes cliniques et biologiques
précédents s'accentuent, un ictère à bilirubine conjuguée apparaît dans tous les
cas. Le taux de prothrombine est souvent inférieur à 50 % et la diminution parallèle
des facteurs V, VII et X, témoigne de l'insuffisance hépatocellulaire. La thrombopénie,
non associée à une hémolyse, est souvent inférieure à 100000/mm3. Une
hyperéchogénicité hépatique est très inconstante. La condition foetale peut encore
être normale, mais aussi se détériorer très brusquement. Si la grossesse est
interrompue d'extrême urgence, le pronostic maternel est encore bon, mais les risques de
complications dans le post-partum sont plus élevés qu'au stade tout initial. Si la
grossesse n'est pas interrompue d'extrême urgence, l'aggravation se poursuit, le
pronostic maternel (risques de coma et d'anurie) et le pronostic foetal sont alors très
menacés. La mort in utero, en elle-même témoin de la gravité de la maladie maternelle,
est fréquente. Dans les cas extrêmes, une transplantation hépatique en urgence peut
être tentée (27).
Le risque de complications post-partum est élevé quand la
grossesse n'est interrompue qu'après l'apparition de l'ictère et surtout en cas de
souffrance foetale ou de mort in utero. Les principales complications sont les hémorragies
de la délivrance (dont il est essentiel de déterminer la source, utérine ou
vaginale), parfois des hématomes pelviens d'hémostase très difficile, une insuffisance
rénale aiguë et une rétention hydrosodée, conséquences directes de la maladie
hépatique et dues à la conjonction d'une hypovolémie et d'une hypoalbuminémie souvent
inférieure à 25 g/l. La survenue fréquente d'une ascite témoigne, à la fois, de la
rétention hydro-sodée et d'une hypertension portale. Le risque de surinfection
bactérienne est spécialement élevé quand l'insuffisance hépatique est sévère,
associée à une ascite et après césarienne.
Le traitement est dominé par la nécessité impérative d'interruption
de la grossesse. Elle est d'autant plus urgente que la maladie maternelle est plus
grave et que la condition foetale est plus menaçante. Elle ne doit être retardée ni par
l'administration de plasma frais congelé, ni par le transfert en centre spécialisé qui
est recommandé.
Si le taux de prothrombine est >50 %, l'accouchement est souvent obtenu
par voie basse. Quand le taux de prothrombine est <50 %, même en l'absence d'ictère,
la césarienne est préférable. En cas de mort in utero, nous considérons que la
césarienne immédiate est une urgence absolue. Dès l'intervention et dans le
post-partum, la réanimation inclut un remplissage vasculaire par l'albumine à 20 % et la
prévention et le traitement des surinfections bactériennes. La transfusion de sang n'est
indiquée que s'il existe une hémorragie L'administration de plasma frais congelé n'est
justifiée que si une hémorragie est associée à des facteurs de coagulation inférieurs
à 30-40 %. Les mesures habituelles visant à obtenir une rétraction utérine efficace
seront soigneusement observées. Certains médicaments sont contre-indiqués : héparine,
PPSB, diurétiques thiazidiques et aminosides (leur toxicité rénale est accrue par
l'insuffisance hépatique).
L'amélioration de la précocité du diagnostic associée à la conduite
thérapeutique précédente a permis de transformer le pronostic : la survie maternelle
est passée de 20 % environ avant 1970, à 90 % au début de la décennie 90 (28, 29). La
survie foetale est maintenant de l'ordre de 70 %. Dans de très rares cas, la récidive de
la maladie lors d'une grossesse ultérieure a été observée.
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Jacques BERNUAU Service
d'Hépatologie, Hôpital Beaujon, 92118 Clichy 40 87 50 00
: JOURNÉES DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE
PMA, Fort de France 12 - 19 Janvier 1995
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