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Titre: Examen neurologique du nouveau-né présentant un RCIU
Année: 1995
Auteurs: - Amiel-Tison C.
Spécialité: Néonatologie
Theme: Retard de croissance

Chapitre 4

examen neurologique du nouveau-né présentant un RCIU

C. AMIEL-TISON

introduction

Le cerveau foetal est l'organe protégé dans les carences d'apport conduisant à un Retard de Croissance Intra-Utérin (RCIU) et les éléments de surveillance foetale dont dispose l'obstétrique moderne permettent le plus souvent de "sortir" un enfant à cerveau intact. Dans quelques cas cependant, la carence d'apport en combustibles et oxygène est si précoce et si sévère que le cerveau souffre de façon irréparable.

analyser les paramètres de la croissance, en particulier crânienne

Apparence trophique et hydratation

Le nouveau-né apparaît très maigre ou amaigri, masses musculaires et panicules adipeux réduits; la peau est sèche, garde le pli, éventuellement desquame. La déshydratation peut etre très évidente également sur la très faible diurèse, la prise de poids immédiate, l'hématocrite élevée par hémoconcentration.

Âge gestationnel et mensurations corporelles

L'âge gestationnel est maintenant le plus souvent connu avec précision et confirmé par une échographie précoce.

Le poids, la taille et le périmètre céphalique sont mesurés dès la naissance. Les résultats obtenus sont reportés sur les courbes de croissance, si possible sur les courbes établies sur la population nationale ou régionale. La croissance foetale insuffisante est définie par un poids inférieur au 10è percentile pour l'âge; dans ce cas, l'hypotrophie peut être symétrique si toutes les mensurations sont sur des percentiles équivalents, ou asymétrique si le poids est situé plus bas que la taille et surtout le périmètre céphalique.

L'hypotrophie asymétrique est la règle en cas d'insuffisance placentaire quel que soit son mécanisme ; le périmètre céphalique préservé ou presque préservé témoigne du jeu des circulations préférentielles lorsque l'adaptation à la carence d'apport fonctionne. Elle représente donc un facteur favorable.

Cependant l'hypotrophie symétrique (habituellement due à toutes les autres causes que nutritionnelles) peut se voir dans les insuffisances placentaires très sévères et précoces, soit que l'adaptation n'ait pas eu lieu, soit qu'elle ait été secondairement débordée.

Examen crânien

Il arrive que, malgré l'état de déshydratation globale, les sutures soient disjointes à la naissance, et ceci de plus en plus au cours de la première semaine lorsque l'enfant est hydraté ; ce phénomène existe en dehors de toute lésion cérébrale, par augmentation du secteur extracellulaire cérébral de mécanisme mal connu (1). Il n'est donc pas inquiétant a priori mais sera pris en compte dans le calcul de l'apport d'eau et de sodium.

D'autres fois, les sutures sont chevauchantes jusqu'à ce que l'hydratation soit correcte ; lorsque le chevauchement persiste et s'organise, lorsque la croissance du périmètre céphalique est très inférieure à 1 centimètre par semaine au cours des premières semaines malgré une nutrition correcte, c'est un signe inquiétant car il peut indiquer des lésions ischémiques périventriculaires assez étendues pour entraîner un déficit de la croissance des hémisphères.

Enfin, souvent la fontanelle antérieure est très large, par défaut de minéralisation osseuse due à la carence d'apport.

évaluer le stade de maturation cérébrale

La maturation neurologique a été décrite par Saint Anne Dargassies (2) puis simplifiée et accompagnée d'une représentation graphique (3, 4). La reconnaissance de stades maturatifs successifs est basée sur les effets de la maturation ascendante des faisceaux moteurs sous-cortico-spinaux et de la maturation descendante et plus tardive des faisceaux moteurs cortico-spinaux (5). Le renforcement du tonus passif en flexion des membres s'observe de façon ascendante, membres inférieurs d'abord, membres supérieurs ensuite. L'étude du tonus actif de l'axe corporel montre d'abord la progression ascendante de l'extension (contrôle sous-cortical) puis l'inhibition progressive favorisant la flexion (contrôle cortical). Dans le même temps, la vigilance et la poursuite oculaire progressent rapidement pour aboutir à la situation caractéristique du nouveau-né à terme.

On peut simplifier la méthode en retenant 10 critères, et rester fidèle à la méthode en refusant d'utiliser un score (6). L'ensemble des critères choisis pour définir la maturation du tonus passif, du tonus actif et des réflexes primaires de 32 à 40 semaines permet de définir un âge maturatif à intervalles de 2 semaines, lorsque 7/10 au moins des réponses sont "en ligne". Si les réponses sont dispersées, 1) il n'est pas possible de définir l'âge maturatif, 2) des anomalies neurologiques sont probablement présentes. Les manoeuvres peuvent être faites et les réponses retenues si le nouveau-né est dans un état stable. Dans le cas contraire, la maturation sera estimée sur les critères "physiques". Plus tard, à la phase de convalescence, l'âge "corrigé" en ajoutant les semaines postnatales permettra de vérifier l'âge maturatif.

L'intérêt de l'examen neurologique maturatif est de pouvoir dans le même temps affirmer la normalité pour l'âge gestationnel, ce qui est heureusement le cas général dans le RCIU de sévérité moyenne, et de suivre l'évolution dans le cas contraire.

Le phénomène d'avance de maturation neurologique en cas d'insuffisance placentaire

Le phénomène d'avance de maturation neurologique est décrit cliniquement depuis longtemps (7, 8) en considérant une avance de deux semaines ou plus chez des nouveau-nés dont l'âge est connu avec certitude sur dates et confirmation échographique précoce. Le phénomène n'a été accepté qu'après la démonstration sur les potentiels évoqués du tronc cérébral apportée par Pettigrew et al (9) en 1985. L'expérience montre que ce phénomène est fréquent en cas d'hypertension gravidique (non chiffrée) ; et dans les grossesses gémellaires l'incidence atteint 75% dans une série récente (10). Ce phénomène n'obéit pas d'ailleurs à la loi du tout ou rien mais tous les degrés peuvent se voir, et bien évidemment ce phénomène est mieux connu entre 32 et 37 semaines car c'est à cette période que la maturation (à la fois cliniquement et pour la vitesse de conduction dans le tronc cérébral) est la plus rapide. Il n'est donc pas certain à l'heure actuelle que les foetus ayant un RCIU le plus grave et le plus précoce puissent bénéficier de ce processus d'adaptation très favorable à la vie extra-utérine avant le terme.

Les critères physiques

"L'âge maturatif" peut être déterminé en quelques minutes sur des "critères externes". L'observation de la peau, des oreilles, de la glande mammaire, des organes génitaux, est codifiée et exprime la maturation en semaines avec un intervalle de confiance de près de deux semaines. C'est la méthode décrite par Farr (11) et reprise par Dubowitz (12) dont l'intérêt est qu'elle peut être faite quel que soit l'état de l'enfant.

3) dépister les anomalies neurologiques cliniques des premières semaines de la vie

la méthode clinique

C'est le même examen neurologique qui permettra d'évaluer la maturation d'une part et le caractère normal ou non de la fonction cérébrale d'autre part.

la vigilance , (quelques minutes d'éveil calme permettant la communication, et mise en évidence facile de quelques réflexes primaires, en particulier la succion).

la poursuite visuelle décelable à partir de 34 semaines et progressant rapidement jusqu'à terme.

la fonction neuro-motrice témoignant à partir de 34 semaines de la maturation des faisceaux moteurs cortico-spinaux (en particulier par la manoeuvre du tiré-assis montrant l'activité des muscles fléchisseurs du cou), et également le caractère harmonieux de la motricité spontanée, mouvements indépendants des doigts et surtout abduction du pouce.

l'absence de manifestations neuro-végétatives lors des manipulations de l'examen, changements de couleur, grisaille péribuccale, hypotonie et hypoactivité après le cri, modifications du ryhtme cardiaque et respiratoire, régurgitations.

Absence d'anomalies neurologiques ou crâniennes

Un examen neurologique normal chez un hypotrophe asymétrique dans une situation de stabilité suffisante pour être examiné indique un pronostic excellent. Dans les semaines suivantes, la répétition de l'examen clinique montrera la progression des fonctions supérieures avec la maturation et la progression du périmètre céphalique de un centimètre par semaine environ.

Présence d'anomalies neurologiques et/ou crâniennes

Plusieurs cas de figure peuvent être décrits schématiquement

a) anomalies transitoires en rapport avec la dénutrition

Cette situation est assez fréquente : les réponses sont dissociées et n'ont donc pas permis de définir un âge maturatif. La vigilance est médiocre, avec alternance de léthargie et d'hyperexcitabilité sans véritable éveil calme, le tonus actif des fléchisseurs du cou est médiocre, la fatigabilité empêche l'alimentation au sein ou biberon, les signes neuro-végétatifs nécessitent la surveillance continue cardio-respiratoire. Vers la fin de la première semaine, l'ensemble de ces signes disparaît et on a alors la surprise de voir les critères de maturation devenir très homogènes et témoigner d'une avance qui n'avait pas pu être mise en évidence au départ.

b) anomalies persistantes mais sans convulsions

Le tableau est à peu près identique au précédent dans la première semaine mais les signes sont durables. L'enfant est rendu à sa famille avec des signes persistants, au premier rang desquels une poursuite oculaire absente ou discontinue, pas d'éveil calme véritable, et une hypotonie de la moitié supérieure du corps. Ces signes nécessitent des investigations et une surveillance prolongée. Ce tableau est compatible avec des leucomalacies en cours de cicatrisation.

c) anomalies neurologiques sévères incluant des convulsions

C'est évidemment la marque d'une encéphalopathie hypoxique ischémique qui peut atteindre toutes les structures et en particulier le cortex.. Plusieurs convulsions isolées ou véritable état de mal, la catégorie pronostique est bien différente de la précédente. C'est dans ces cas que l'on peut observer la constitution d'une microcéphalie secondaire au cours des trois premiers mois, avec peu d'espoir d'un développement normal ou modérément anormal.

limiter à l'essentiel les investigations complémentaires

Elles ne sont pas nécessaires de façon systématique dans les RCIU asymétriques modérés sans signes neurologiques.

L'électroencéphalographie

L'EEG sera enregistré dans les RCIU sévères ou avec symptomatologie neurologique. Il est surtout utile dans les deux situations extrêmes : normal, il permet de rassurer ; avec convulsions enregistrées, il est inquiétant, et le pronostic surtout lié aux anomalies du tracé intercritique.

L'échographie transfontanellaire (ETF)

Elle est essentielle dans le dépistage des leucomalacies périventriculaires (LPV) , lésions hypoxiques ischémiques qui ont pu se constituer dans les jours ou semaines qui ont précédé la décision d'extraction par césarienne d'un foetus avec RCIU sévère. Au stade initial, des hyperéchogenicités nuageuses sont visibles; en quelques semaines, les lésions peuvent évoluer soit vers la cavitation, soit vers la rétraction gliale. Dans les deux cas, c'est une atrophie cicatricielle de la substance blanche qui, selon la topographie des lésions, donnera des séquelles sensitivo-motrices et sensorielles. Les lésions corticales s'il y en a ne sont pas visibles à ce stade.

La RMN

Cette technique apporte une très grande précision sur la nature et l'étendue des images cicatricielles. Il n'est pas nécessaire de la faire trop tôt en période néonatale, mais dès la deuxième ou troisième semaine dans les formes graves avec état de mal convulsif, elle peut aider au bilan lésionnel et décisions éventuelles. La RMN foetale est une acquisition très importante de ces dernières années dans les situations très critiques où les décisions d'extraction dépendent de l'appréciation de la situation cérébrale.

Analyser les éléments de prédiction sur l'avenir neuro-psychique

Un mauvais pronostic évident

C'est le cas des RCIU très sévères et très précoces, où les lésions cérébrales de constitution antenatale sont mises en évidence par la clinique, l'EEG et l'imagerie. Les séquelles dans ces cas sont non spécifiques et très globales, avec atteinte sensorimotrice, sensorielle et intellectuelle; la comitialité secondaire est fréquente et difficile à traiter. Le périmètre céphalique très touché au départ et qui reste inférieur au 5° percentile, sans tendance au rattrapage, est un élément de très mauvais pronostic (13)

Un bon pronostic évident

C'est la majorité des cas de RCIU asymétrique modéré sans signes neurologiques ou avec signes transitoires liés à l'état nutritionnel. Un EEG et une ETF normaux sont des arguments rassurants supplémentaires dans le cas d'anomalies neurologiques transitoires.

Dans les cas intermédiaires

L'évolution n'est pas prédictible. Dans beaucoup de cas, les quelques signes cliniques dont l'hyperexcitabilité et les troubles du sommeil s'estompent, la croissance staturo-pondérale et céphalique "rattrape" en six mois. Les étapes du développement moteur et cognitif se feront normalement. Dans d'autres cas, le développement ne sera pas parfait, des inquiétudes subsistent. Il faut suivre de façon assez étroite sans cependant inquiéter la famille. Et on verra chez ces enfants plus de comitialité, plus de déficits sensoriels, plus de troubles de l'apprentissage scolaire.

en conclusion

Si l'on considère l'ensemble des enfants nés avec un poids peu au-dessous du 10è percentile, la plupart entreront dans la catégorie des RCIU asymétriques avec rattrapage rapide de la croissance somatique et crânienne et sans signes neurologiques. Les autres, moins nombreux, ont été dès le départ dans une catégorie moins favorable, soit par la sévérité du RCIU, soit par la présence de signes neurologiques et/ou crâniens, soit par la présence d'anomalies à l'EEG ou imagerie cérébrale. Dans tous ces cas, même si une normalisation apparente est suivie d'un développement des deux premières années dans les limites de la normale, il faudra assurer une surveillance vigilante jusqu'à l'âge scolaire, dans l'espoir d'atténuer les conséquences tardives de lésions cellulaires non visibles mais qui retentiront cependant sur l'apprentissage scolaire.

BIBLIOGRAPHIE

1. AMIEL-TISON C, KOROBKIN R, HORNEYH H, DALISSON C. Delayed intracranial hypertension in the premature neonate, following chronic fetal distress. In L. Stern, B. Salle and B. Friis-hansen (eds) Intensive Care in the Newborn, III, Masson, Paris, 1981, pp. 239-252.

2. SAINT-ANNE-DARGASSIES S. La maturation neurologique du prématuré. Etudes Néonatales 1955, 4, 71-116.

3. AMIEL-TISON C. Neurological Evaluation of the Maturity of Newborn Infants. Arch. Dis. Child 1968, 43 : 89-93.

4. AMIEL-TISON C. Neurological evaluation of the small neonate, the importance of head straightening reactions. In : L. Gluck. Modern Perinatal Medicine. Chicago. Year Book 1975, 347-57.

5. AMIEL-TISON C & STEWART A. (eds). The Newborn Infant : One Brain for Life. INSERM Paris 1994, pp. 93-110.

6. AMIEL-TISON C. Clinical Assessment of the Infant Nervous System. In: M.Levene et al (eds) Fetal and Neonatal Neurology and Neurosurgery, 2d ed, Churchill Livingstone, Edinburgh, in press.

7. GOULD JB, GLUCK L, KULOVICH MV. The relationship between accelerated pulmonary maturity and accelerated neurological maturity in certain chronically stressed pregnancies. Am. J. Obstet. Gynecol 1977, 127, 181-186.

8. AMIEL-TISON C. Possible acceleration of neurological maturity following high risk pregnancy. Am. J. Obstet. Gynecol 1980, 138, 303-306.

9. PETTIGREW AG, EDWARDS DA, HENDERSON-SMART DJ. The influence of IUGR on brainstem development of preterm infants. Dev. Med. Child. Neurol 1985, 27, 467­472.

10. AMIEL-TISON C, MAILLARD F, LEBRUN F et al. Acceleration of neurologic and physical maturity in multiple pregnancies. 14th European Congress of Perinatal Medecine. Helsinki, Finland, Abstract 36.

11. FARR V, KERRIDGE DF, MITCHELL RG. The value of some external characteristics in the assessment of gestational age at birth. Dev. Med. Child. Neurol 1966, 8, 657-667.

12. DUBOWITZ LM, DUBOWITZ V, GOLDBERG C. Clinical assessment of gestational age in the newborn infant. J. Pediatr 1970, 77, 1-10.

13. IN-KYUNG SUNG, VOHR B, OH W. Growth and neurodevelopmental outcome of very low birth weight infants with intrauterine growth retardation : comparison with control subjects matched by birth weight and gestational age. J. Pediatr 1993, 123, 618-624.

Claudine AMIEL-TISON

Maternité de Port-Royal - Paris

 : JOURNÉES DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 12 - 19 Janvier 1995