Chapitre 4
La contraception des dystrophies ovariennes
Y. ABRAMOVICI
introduction : les enjeux d'un bon choix
Hormis le cas où la femme consulte pour infertilité,
une contraception hormonale est à recommander précocement
en présence d'une dystrophie ovarienne, afin d'éviter
la survenue ou la pérennisation et l'aggravation des troubles
que sont l'hirsutisme, les perturbations du cycle, l'obésité
et l'hyperplasie de l'endomètre avec son risque non négligeable
de dégénérescence carcinomateuse.
Mais l'existence même d'une dystrophie ovarienne conditionne
le choix de cette contraception : elle doit viser, en même
temps qu'à empêcher tout risque de grossesse, à
assurer une thérapeutique appropriée, capable d'interrompre
le cercle vicieux endocrinien auto-entretenu par une mise au repos
suffisamment puissante et durable de l'ovaire et de traiter l'hyperandrogénie
selon son intensité.
Pour faire le bon choix, le praticien devra savoir reconnaître
chez sa consultante la dystrophie ovarienne nonobstant son polymorphisme
clinique, connaître les effets désirables et indésirables
des diverses méthodes contraceptives lorsque prescrites
dans ce contexte et plus encore, connaître les complications
potentielles de certains modes de contraception, facteurs eux-mêmes
de dystrophie ovarienne et d'hyperandrogénie. Méconnaître
ces notions peut exposer ces femmes à des interventions
chirurgicales intempestives et à plus long terme à
des complications métaboliques et carcinologiques, marques
les plus sévères de cette pathologie.
I reconnaître la dystrophie ovarienne
Les dystrophies ovariennes ont en commun un trouble de la maturation
folliculaire, avec augmentation des follicules kystiques et/ou
atrétiques. Toutefois leur nosologie demeure imprécise
et controversée.
Nous distinguerons avec MAUVAIS-JARVIS (1) et PELISSIER (2) trois
types de dystrophies ovariennes :
1. Ovaires polykystiques de type 1 (syndrome de Stein-Leventhal)
Le groupement symptomatique qui fait porter le diagnostic repose
sur :
- une spanioménorrhée progressive et sévère
pouvant aboutir à l'aménorrhée avec anovulation,
- et à l'examen clinique :
. de gros ovaires lisses, indolores, de volume constant,
. infertilité,
. hirsutisme,
. obésité.
Ces signes cliniques sont d'expression et d'intensité variables
et diversement associés, se combinant en des formes cliniques
nombreuses.
Les signes échographiques ont été décrits
plus récemment : ovaires augmentés de taille, nombreux
micro-kystes folliculaires à la périphérie,
stroma épaissi et hyperéchogène (3).
Les signes biologiques associent typiquement un taux de FSH normal,
une élévation de la LH avec un rapport LH/FSH supérieur
à 2 et une réponse explosive au test au GnRH. Au
niveau stéroïdien, les taux d'androgènes, -
delta 4 androstènedione, testostérone - sont typiquement
élevés.
Schématiquement, l'androstènedione, principal androgène
sécrété par l'ovaire, est aromatisé
en estrone, lui-même converti en estradiol. L'excès
d'androgènes a donc pour conséquence une hyperestrogénie
qui, par rétrocontrôle au niveau de l'hypophyse,
augmente la sensibilité de la glande à la sécrétion
pulsatile de GnRH. D'où une libération accrue de
LH. L'élévation chronique de la LH entraîne
à son tour une stimulation excessive du stroma ovarien
et de la thèque interne, ce qui entretient la production
exagérée d'androstènedione. Ainsi est constitué
l'un des cercles vicieux de ce syndrome (4).
L'obésité intervient également dans l'auto-entretien
du syndrome, que ce soit directement par la capacité du
tissu adipeux à aromatiser les androgènes en estrogènes
ou par le biais de l'hyperinsulinémie et de l'insulino-résistance,
elles-mêmes facteurs d'hyperandrogénie (5).
2. Ovaires polykystiques de type 2
Le syndrome clinique est identique à celui des ovaires
polykystiques de type 1.
Le syndrome hormonal est différent, la LH étant
normale et le rapport LH/FSH conservé.
A la différence de la physiopathologie du type 1 qui réside
dans un dysfonctionnement hypothalamo-hypophyso-ovarien au sein
duquel on a du mal à distinguer où est l'oeuf et
où est la poule, les ovaires polykystiques de type 2 sont
secondaires à une affection qu'il importe d'identifier
:
- Syndrome de Cushing ou hypercorticisme iatrogène
- Hyperplasie congénitale surrénalienne à
révélation tardive (bloc en 21 ou en 11 hydroxylase)
- Hyperthécose ovarienne
- Hyperprolactinémie
- Dysthyroïdie
- Tumeur androgéno-secrétante de l'ovaire ou de
la surrénale, qu'il est essentiel d'éliminer
et vers laquelle oriente l'installation brutale d'une hyperandrogénie
sévère.
3. Ovaires polykystiques de type 3
Les ovaires polykystiques de type 3 sont des manifestations de
dysovulation.
On distingue (2) :
1°/ Le kyste fonctionnel, qui serait une maladie de
la rupture folliculaire.
2°/ La dystrophie macro-polykystique qui serait une
maladie de l'atrésie folliculaire.
Cette physiopathologie explique une symptomatologie riche et variable
au cours du temps. Sur le plan clinique, les ovaires augmentent
de volume avec l'allongement du cycle. Ils sont variables, douloureux,
irréguliers, bosselés. Leur augmentation est maximale
en phase prémenstruelle. Ce sont les "ovaires-accordéon".
En principe le terrain psychologique est particulier, fait d'irritabilité,
d'instabilité, de nervosisme.
Sur le plan histologique, la coque qui entoure l'ovaire est irrégulière.
Les kystes sont également de taille variable et non alignés,
à l'opposé de ce que l'on constate classiquement
dans le SOPK de type I.
Sur le plan hormonal, les cycles sont allongés avec une
ovulation tardive et une phase lutéale courte. Les androgènes
plasmatiques sont souvent élevés. De même,
pour l'estradiol plasmatique, alors que la progestéronémie
est abaissée.
Les facteurs favorisants sont :
- les facteurs d'environnement et le stress,
- les traumatismes psycho-affectifs,
- les facteurs infectieux,
- les facteurs vasculaires ou mécaniques.
En conclusion, en présence d'un tableau plus ou
moins évocateur de dystrophie ovarienne, il importe de
:
1°/ Reconnaître la dystrophie ovarienne et clarifier
son étiologie
2°/ Rechercher et, si elle existe, faire le bilan
de l'hyperandrogénie
3°/ Eliminer certaines causes graves
avant de décider avec la patiente d'une contraception.
II les contraceptions à éviter dans toutes les
dystrophies ovariennes
1. Les micropilules progestatives en continu
Il en existe quatre en France :
- Acétate de noréthistérone 0,6 mg (Milligynon),
- Levonorgestrel 0,03 mg (Microval),
- Norgestriénone 0,35 mg (Ogyline),
- Lynestrénol 0,5 mg (Exluton).
Réservés aux contre-indications métaboliques
et vasculaires des estrogènes de synthèse, les pilules
progestatives micro-dosées exercent leur effet contraceptif
en modifiant la motilité tubaire et la glaire cervicale.
Néanmoins dans la moitié des cas, ces pilules micro-progestatives
ne freinent qu'incomplètement la FSH comme la LH, déjà
élevée en permanence dans nombre de SOPK. D'où
une stimulation ovarienne anarchique et non synchrone qui suffirait
à elle seule à induire des dystrophies (2). De fait,
de nombreux auteurs ont rapporté une incidence élevée
de kystes fonctionnels de l'ovaire sous micropilule progestative
: ils seraient alors 2,5 à 3 fois plus fréquents
que chez les non-utilisatrices d'une contraception hormonale (6-9).
La prescription d'une contraception micro-progestative à
des patientes porteuses de dystrophie ovarienne a même pu
se solder par une rupture de kyste fonctionnel (10) dans un tableau
d'urgence chirurgicale.
2. Les D. I. U.
Les D. I. U., quel que soit leur type :
- n'ont pas l'action anti-gonadotrope souhaitée,
- ne traitent pas davantage l'hyperandrogénie fréquente.
3. Les macroprogestatifs norstéroïdes en discontinu
Il s'agit en FRANCE de :
- Lynestrénol 10 mg (Orgamétril),
- Acétate de noréthistérone 10 mg (Primolut
Nor).
Malgré leur puissante action antigonadotrope, ils ne sont
plus guère recommandés à cause de leurs effets
androgéniques.
4. Les implants contraceptifs sous-dermiques type Norplant
Non commercialisés en FRANCE actuellement, ils libèrent
à un rythme constant, pendant 3 à 5 ans, une quantité
quotidienne de levonorgestrel de l'ordre de celle d'une pilule
microprogestative (11) et leur incidence sur le développement
des kystes ovariens est en cours d'évaluation (12).
III les contraceptifs qu'on peut utiliser dans les dystrophies
ovariennes sans hirsutisme
1. Les estroprogestatifs normodosés
On a longtemps prôné l'utilisation d'estroprogestatifs
comprenant de fortes doses d'éthinyl-estradiol (_ 50 microgrammes)
et de progestatif : pilules monophasiques, type Stédiril,
pour leur puissance anti-gonadotrope ou pilules séquentielles,
type Ovanon, pour leur climat estrogénique dominant.
L'éthinyl-estradiol est, à ces doses, un anti-gonadotrope
puissant, entraînant une mise au repos complète des
ovaires, en même temps qu'un anti-androgène, induisant
une augmentation de la synthèse hépatique de TeBG,
d'où diminution de la fraction libre, active, de la testostérone
circulante.
De fait, les résultats convergents de plusieurs études
prospectives (8,13) et cas-contrôles (14) ont montré
une diminution du risque de kystes fonctionnels de l'ovaire avec
les estroprogestatifs de ce type. Pour beaucoup, cependant, ces
recommandations n'ont plus cours car l'éthinyl-estradiol
à forte dose peut induire des effets métaboliques
délétères et les progestatifs associés,
dérivés de la 19-nortestostérone de première
génération, sont dotés d'effets androgéniques
cliniques (dont la prise de poids) et métaboliques tout
aussi inopportuns dans cette indication. Dans les années
70, l'utilisation des pilules normodosées a décliné
au profit des minidosées(35 microgrammes d'éthinyl-estradiol).
Les estroprogestatifs normodosés figurent cependant dans
ce chapitre car ils conservent pour certains une place dans la
contraception des dystrophies ovariennes.
2. Les estroprogestatifs minidosés
Depuis l'utilisation à large échelle des pilules
minidosées et plus récemment, des multiphasiques,
s'est installée une controverse sur les relations entre
ces estroprogestatifs et les dystrophies kystiques des ovaires.
A. Les estroprogestatifs minidosés avec un progestatif
de 1ère ou 2e génération:
Deux études de cas ont attiré l'attention sur la
possibilité d'un risque accru de kystes fonctionnels de
l'ovaire avec les pilules minidosées. En FRANCE, M. VINCENS
et Coll. (15) ont observé le développement de kystes
ovariens fonctionnels chez 23 patientes recevant des pilules minidosées
mono- ou biphasiques et ont mis en rapport le développement
de ces kystes avec une hyperestroégnie circulante, témoin
d'une inhibition incomplète de l'ovaire dans cette population.
Aux ETATS-UNIS, CAILLOUETTE et Coll. (16) ont publié 7
cas de kystes fonctionnels de l'ovaire chez des utilisatrices
de pilules bi- et triphasiques, rapidement augmentés de
11 autres cas, ce qui fut à l'origine d'un examen de cette
question par la F. D. A. en 1988. La conclusion fut que les données
étaient insuffisantes pour déterminer s'il y a une
association entre pilules multiphasiques et kystes ovariens.
A la dose de 30-40 microgrammes par comprimé, en effet,
l'éthinyl-estradiol n'a plus le même effet anti-gonadotrope
qu'à 50 microgrammes et plus. Il en va de même pour
ces progestatifs dont on a réduit progressivement le dosage
parallèlement à celui de l'estrogène. Le
pic ovulatoire de LH est alors écrêté, mais
il persiste une sécrétion basale de FSH et LH, et
les ovaires ne sont pas mis au repos (17). Il persiste un fonctionnement
ovarien résiduel. Ceci a pour conséquence une sécrétion
endogène d'estrogènes qui, si elle est significative,
s'ajoute à l'éthinyl-estradiol pour créer
une hyperestrogénie relative.
C'est pourquoi des travaux ultérieurs ont visé à
étudier comment la protection contre ces kystes ovariens
fonctionnels varie en fonction du type de contraceptif oral utilisé.
Deux études de cas-contrôles américaines récentes
donnent des réponses un peu différentes. Dans la
première (18), le risque relatif d'observer un kyste fonctionnel
de l'ovaire diagnostiqué chez les femmes sous contraceptif
oral minidosé était de 0,8 (0,41,8) pour les
utilisatrices de pilule monophasique et 1,3 (0,5-3,3) pour les
utilisatrices de triphasique par rapport aux non-utilisatrices.
Les auteurs de la deuxième (19) ont trouvé un risque
relatif de kyste ovarien fonctionnel respectivement de 0,24 (0,01-1,34)
chez les utilisatrices de monophasiques avec > 35 µg d'EE2,
0,52 (0,17-1,33) chez les utilisatrices de monophasiques avec
£ 35 µg d'EE2 et 0,91 (0,3-2,31) chez les utilisatrices
de pilules multiphasiques par rapport aux non-utilisatrices.
Pour schématiser, les pilules monophasiques minidosées
avec un progestatif de 1ère ou 2e génération
exerceraient une certaine protection contre les kystes fonctionnels
de l'ovaire, mais moindre que les normodosées. Quant aux
minidosées multiphasiques, elles seraient neutres: ni réduction,
ni accroissement du risque.
B. Les estroprogestatifs minidosés avec un progestatif
de 3e génération :
Le débat a rebondi avec l'arrivée des progestatifs
de 3e génération (gestodène, desogestrel,
norgestimate), qui ont le double avantage d'être puissamment
antigonadotropes et peu ou pas androgéniques aux doses
où ils sont utilisés dans les pilules contraceptives.
La tolérance métabolique est donc meilleure qu'avec
les norstéroides des générations antérieures.
Qu'en est-il du blocage ovarien ? Dans une étude (20),
comparant les effets de 7 estroprogestatifs minidosés administrés
à des groupes de 10 femmes chacun pendant 6 mois, l'auteur
a mis en évidence des différences significatives
entre les groupes dans l'activité ovarienne résiduelle
(repérée par les diamètres folliculaires
maximum et par les taux maximum de 17b estradiol), l'inhibition
de la fonction ovarienne la plus parfaite étant le fait
de la triphasique au gestodène. Ces résultats sont
en accord avec ceux de LEVAILLANT et Coll. (21) qui trouvent que
l'inhibition des gonadotrophines induite par la triphasique au
gestodène est puissante et comparable à celle observée
sous pilule normo-dosée.
Si l'on dispose des premières données sur l'estradiolémie
sous pilule à 20 microgrammes d'EE2 (22), nous manquons
de recul clinique et d'études échographiques pour
déterminer si ces pilules pourront être utilisées
dans cette pathologie.
Il faut, pour compléter ces données, souligner que
si toutes les pilules estroprogestatives d'une même classe
ne sont pas équivalentes vis-à-vis de la fonction
ovarienne, toutes les femmes n'ont pas le même risque d'hyperestrogénie
relative vis-à-vis d'une même pilule, qu'elles aient
déjà des antécédents de kystes ovariens
ou non. Les variations interindividuelles considérables
de la pharmacocinétique des stéroïdes utilisés
en contraception orale expliquent que l'effet anti-gonadotrope
in vivo soit dans certains cas plus faible qu'attendu (11).
3. Les macroprogestatifs prégnanes et norprégnanes
en discontinu
Pour certains auteurs Français (2), il est licite d'utiliser
les progestatifs norprégnanes (Normégestrol Acétate,
Promégestone) ou prégnanes (Chlormadinone Acétate)
en cure discontinue du 5e au 25e jours du cycle, pendant plusieurs
mois. Cette utilisation se fonde sur l'activité anti-gonadotrope
et la bonne tolérance métabolique de ces progestatifs.
Mais il n'a pas été publié d'étude
d'efficacité contraceptive à large échelle
et ces progestatifs n'ont pas, à ce jour, l'autorisation
de mise sur le marché dans cette indication.
IV les contraceptions à recommander dans les dystrophies
ovariennes avec hirsutisme
L'hirsutisme est présent chez plus de 70% des femmes ayant
des ovaires polykystiques. L'éventualité d'une tumeur
androgéno-secrétante doit au préalable avoir
été éliminée. La contraception doit
exercer une inhibition de l'axe hypotalamo-hypophyso-ovarien suffisamment
puissante pour mettre au repos les ovaires et lutter contre hyperandrogénie.
Avec la normalisation de la LH, une telle contraception entraîne
la disparition de l'hyperestrogénie, donc des mastopathies
et de l'hyperplasie endométriale, également la suppression
de l'hyperproduction d'androgènes, donc de l'hirsutisme,
et enfin la réduction du volume ovarien et la fin de ses
poussées intempestives.
Dans ce cas, la meilleure solution est l'utilisation d'un progestatif
anti-gonadotrope et anti-androgène qui empêche l'utilisation
des androgènes circulants au niveau des récepteurs
cutanés : l'acétate de cyprotérone,
progestatif dérivé de la 17hydroxyprogestérone,
qui a marqué un tournant dans le traitement de l'hirsutisme,
notamment celui induit par les dystrophies ovariennes.
L'acétate de cyprotérone (Androcur) agit à
différents niveaux :
- Par son effet antigonadotrope très puissant, il diminue
la production d'androgènes utilisables par la cellule-cible.
- En périphérie, il exerce une inhibition compétitive
de la liaison de la DHT résiduelle à son récepteur
cytosolique.
- Enfin, il diminue l'activité de la 5-a-réductase,
enzyme androgénodépendante.
On estime qu'il faut en moyenne un an de traitement pour que l'Androcur
fasse le plein de son efficacité sur l'hirsutisme, alors
même que l'acné et la séborrhée ont
été réduites dans les 3 premiers mois du
traitement.
L'Androcur peut être administré selon différents
schémas thérapeutiques, qui tous l'associent à
un estrogène afin d'éviter les inconvénients
d'une hypoestrogénie, à commencer par les troubles
du cycle. Dans le schéma d'HAMMERSTEIN, l'Androcur est
prescrit à la posologie d'1 à 2 comprimés
du 1er au 10e jours du cycle et associé à 50 microgrammes
d'éthinyl-estradiol pendant 21 jours. Une pause de 7 jours
sépare 2 cycles thérapeutiques successifs. Un schéma
plus récent associe à l'Androcur une association
fixe d'éthinyl-estradiol, 35 microgrammes par jour, et
d'acétate de cyprotérone, 2 mg par jour, pendant
21 jours (Diane 35). Ces 2 schémas ont en commun l'efficacité
contraceptive dès le 1er cycle de traitement, ainsi que
la mise au repos des ovaires et le traitement de l'hyperandrogénie.
Diane 35 peut aussi être utilisée seule, après
2 ans ou plus, en relais de l'acétate de cyprotérone
à fortes doses, pour maintenir l'effet thérapeutique
obtenu par celui-ci. Plusieurs travaux ont fait état de
l'efficacité de Diane 35 administrée à des
femmes ayant des ovaires polykystiques sur les symptômes
cliniques, les désordres hormonaux et le volume ovarien
évalué en échographie (23, 24).
En cas de contre-indication, notamment métabolique, ou
d'effet indésirable lié à l'administration
d'estrogène de synthèse, on ne peut avoir recours
aux pilules microprogestatives pour les motifs déjà
vus. On utilisera l'Androcur, associé à un estrogène
naturel per os ou par voie percutanée, 20 jours sur 28.
Ce schéma d'utilisation de l'Androcur a en commun avec
les deux précédents les propriétés
antiandrogéniques et antigonadotropes de l'acétate
de cyprotérone. Cependant, en l'absence d'étude
pharmacologique ayant démontré son efficacité
contraceptive avant le 3e cycle, il nécessite une contraception
locale pendant les deux premiers cycles de traitement.
L'Androcur peut aussi aider à traiter le cas difficile
des mastodynies persistant ou survenant sous estroprogestatif
chez une femme porteuse d'une dystrophie ovarienne. De telles
mastodynies peuvent s'expliquer, nous l'avons vu, par les propriétés
de l'estroprogestatif mais aussi par une grande variabilité
inter-individuelle dans le métabolisme de l'éthinyl-estradiol
et du progestatif, dans la réponse des tissus-cibles (le
sein) et dans la tolérance des utilisatrices. Or il y a
conflit d'intérêt entre l'hyperandrogénie
qui voudrait un "climat" estrogénique et les
mastodynies qui réclameraient un "climat" progestatif.
La prescription d'Androcur peut aider à résoudre
ce problème à condition d'adapter la posologie de
l'estrogène associé.
Les agonistes du GnRH, par leur capacité d'inhiber sélectivement
et profondément la stéroïdogénèse
ovarienne, sont apparus comme une alternative thérapeutique
séduisante dans le traitement des dystrophies ovariennes
avec hyperandrogénie. D'une étude comparant sur
3 mois les effets du D-Trp6 LHRH-dépôt et de l'Androcur
dans un groupe de patientes avec ovaires polykystiques (25), les
auteurs ont conclu que les 2 traitements étaient efficaces
mais que l'agoniste, entraînant une inhibition gonadotrope
allant jusqu'à la castration médicale, ne pouvait
être utilisé en pratique comme traitement à
long terme de ces patientes. Depuis, une autre étude (26)
a comparé de façon randomisée les effets
du Leuprolide acétate-dépôt seul versus le
même associé à Diane 35 dans le traitement
des hirsutismes. Le Leuprolide acétate administré
seul, outre une efficacité moindre, induisit des effets
indésirables dans 87% des cas et une diminution de la masse
osseuse de 4,2% en 6 mois. Dans le groupe où Diane 35 était
associé à l'agoniste, on a constaté une chute
plus importante de l'index de testostérone libre et du
score clinique de l'hirsutisme, une absence d'effets indésirables
et une préservation de la masse osseuse. Les auteurs ont
conclu à l'impossibilité d'administrer l'agoniste
du GnRH sans estroprogestatif associé, dans cette application.
D'autres auteurs (27) ont insisté sur le coût prohibitif
des agonistes du GnRH, d'autant qu'il s'agit de femmes jeunes
traitées au long cours.
conclusion
Le praticien amené à prescrire une contraception
chez une femme qui présente une dystrophie ovarienne:
1°/évitera les contraceptions susceptibles d'induire
une hypersécrétion d'estrogènes et d'androgènes
par des ovaires insuffisamment inhibés,
2°/évitera les stéroïdes susceptibles
d'aggraver les manifestations d'hyperandrogénie et/ou les
troubles métaboliques,
3°/choisira une contraception suffisamment anti-gonadotrope
pour mettre au repos les ovaires,
4°/choisira une contraception capable de traiter, s'il y
a lieu, les manifestations d'hyperandrogénie associées.
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Yves ABRAMOVICI
Schering S. A., Lys-lez-Lannoy, France
: JOURNÉES
DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE
ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 12 - 19 Janvier 1995
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