Progrès en gynécologie, progrès de la condition féminine
Contribution de A. SPIRE
Débat public avec la participation de J. Belaisch,J.
Brunerie-Kauffmann, M. Perrot et G. Pineau
Incontestablement, le XXe siècle restera comme le siècle de la libération des
femmes. Pour celles qui furent longtemps prises dans le filet de la communauté naturelle
qu'est la famille et étaient tenues en dehors de la dynamique des droits individuels
déclenchée par la Révolution française, la modernité, et plus encore la conquête
d'une position de sujet, d'une autonomie économique, juridique et symbolique par rapport
au père et au mari, s'accompagnent d'un desserrement des contraintes psychologiques et
morales.
Quelle place le progrès des techniques gynécologiques a-t-il joué dans cette
évolution ? Les transformations des techniques de contraception, le progrès de la
surveillance de la grossesse, le suivi de l'enfant à naître, la diminution de la durée
d'immobilisation de la femme n'ont pas pu contribuer à ce processus de libération.
Peut-on porter le même jugement sur les conséquences du progrès de la technique
d'avortement ? Ou faut-il s'inquiéter d'une éventuelle banalisation d'un acte dont
certains risques potentiels demeurent ? La procréation médicalement assistée et son
évolution a permis à la femme de vaincre certaines stérilités, mais symboliquement les
résultats obtenus demeurent l'occasion d'éventuels conflits conjugaux; se substituant à
l'adoption, ces résultats peuvent conduire à une surprotection de l'enfant,
génératrice de nouvelles contraintes pour la femme.
Bien évidemment, à travers le siècle, les églises et les religions ont joué leur
partie sur le sujet, ralentissant pour l'essentiel ce mouvement de libération des femmes.
L'église catholique plus que d'autres semble continuer à refuser toute contraception.
Pourtant, inexorablement, les progrès gynécologiques permettent aux femmes de se
réapproprier leur corps et leur sexualité, leur donnant la maîtrise de la fécondité.
L'évolution du traitement de la ménopause semble pour l'essentiel aller dans ce sens,
même si la technique médicale peut contribuer à une nouvelle inégalité de rythme
entre la femme et l'homme.
La question de fond que nous posons ici est celle de l'effet contradictoire de
certaines avancées scientifiques. Sur le plan social et existentiel, les transformations
occasionnées par de nouvelles techniques médicales ne conduisent pas mécaniquement à
l'émancipation humaine. Mesurer la complexité paradoxale de l'introduction de nouvelles
pratiques peut sans doute permettre d'en user au mieux.
: JOURNÉES DE TECHNIQUES
AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 11 - 18
janvier 1996
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