Prolapsus, incontinence urinaire
traitement clioscopique de l'incontinence urinaire
d'effort
J.-L. BENIFLA, P. MADELENAT*, T. GROSMANN et E. DARAI
Plus de cent interventions différentes ont été à ce jour décrites
pour le traitement chirurgical classique de l'incontinence urinaire d'effort. A l'heure
actuelle, les techniques les plus pratiquées sont les colposuspensions de type Burch ou
Marschal, Marketti-Kranz et les frondes sous urétro-vésicales de type Goebbel
Stockel.
La chirurgie de moindre contrainte est apparue dès la fin des années 70.
Ces interventions pratiquées par voie per cutanée n'ont pas eu les résultats espérés.
Avec le recul du temps des taux d'échec de 50 % ne sont pas rares ; ainsi les techniques
de Cobb Pereyra, Guittes et même Stamey ne semblent pas avoir un réel avenir.
Depuis 1991, la mise au point de techniques reposant totalement ou
partiellement sur l'endoscopie concerne cette indication.
Le recul du temps, encore insuffisant, permettra de juger de leur
efficacité à long terme. Toutefois dès aujourd'hui il est possible d'apprécier :
- la faisabilité comparée de ces nouveaux gestes ;
- leur morbidité immédiate et à moyen terme ;
- leurs résultats à deux ou trois ans au plus.
Pour de nombreuses raisons et aussi pour des problèmes éthiques très
compréhensibles, les patientes incluses dans les différentes séries publiées à ce
jour ont le même profil :
- patiente de première main n'ayant pas bénéficié d'un geste
chirurgical antérieur pour la même raison ;
- incontinence urinaire d'effort pure à l'interrogatoire et à l'examen
clinique ;
- absence de tout dysfonctionnement sphinctérien à l'exploration
urodynamique ;
- absence de lésions de prolapsus associées à l'exception d'une
cystocèle isolée et modérée.
Plusieurs techniques chirurgicales sont d'ores et déjà proposées pour
le traitement endoscopique de l'incontinence urinaire d'effort. Elles appartiennent à
trois grandes catégories :
- les abords extra-peritonéaux exclusifs ;
- les abords intra- péritonéaux ;
- les abords mixtes laparoscopico-vaginaux.
A - La Retziuscopie par abord extra-péritonéal exclusif
L'abord est celui de la pelvis copie rétro péritonéale. Une open
laparoscopie est réalisée à 3 travers de doigt au-dessus du pubis. Après décollement
digital du Retzius, l'endoscope est introduit et l'insufflation réalisée secondairement
à la pression de 8 à 10 millimètres de mercure. Deux trocards de 5 mm sont placés de
part et d'autre de l'optique ; un troisième trocard est souvent introduit entre l'ombilic
et l'endoscope sur la ligne médiane, les ligaments de Cooper sont découverts. La vessie
est refoulée en dedans. Ainsi on découvre l'aileron latéral du vagin.
Dès lors, dans cette technique extra péritonéale exclusive, la
solidarisation des ailerons vaginaux aux ligaments de Cooper s'effectue de différentes
manières :
- par des points intracorporels, effectués au porte-aiguille. Leur
réalisation est souvent complexe ;
- par des points extracorporels ;
- par un fil monté sur une aiguille introduite par voie percutanée
sus-pubienne. Elle transfixie le Cooper sous contrôle de la vue puis le vagin ; cette
manoeuvre est répétée et les deux chefs du fil ainsi récupérés sont noués dans le
vagin et enfouis sous la muqueuse.
Enfin par mise en place d'une prothèse de Mersilène. Dans cette variante
technique, les trocards opératoires doivent avoir un diamètre de 12 mm afin de permettre
l'introduction de la pince à agrafes qui sera nécessaire au double amarrage de la
prothèse sur les ligaments de Cooper et sur les ailerons vaginaux.
B - La Retziuscopie par abord coelioscopique
Dans cette méthode la coelioscopie est réalisée de manière
conventionnelle. Deux trocards sus-pubiens de 5 mm sont placés assez haut en regard des
E.I.A.S. Le péritoine prévésical est incisé aux ciseaux ou au crochet électrique par
un large abord transversal. La vessie est alors refoulée vers le bas et la ligne médiane
livrant accès comme précédemment aux ligaments de Cooper et aux ailerons vaginaux. Ils
sont solidarisés comme précédemment. En fin d'intervention, le péritoine vésical est
refermé par clip ou un surjet transversal.
C - Les abords mixtes laparoscopico-vaginaux
Les techniques précédemment décrites exposent à certaines critiques
qui en limitent l'intérêt. La réalisation des gestes endoscopiques purs est souvent
complexe. La durée de ces interventions est souvent longue.
L'amarrage vaginal est souvent aléatoire dans son efficacité à long
terme. Habituellement un seul point est réalisé de part et d'autre de la jonction
urétro-vésicale. Une cystocèle souvent associée est mal traitée par ces méthodes.
Toutes ces raisons expliquent le développement récent de techniques mixtes
laparoscopico-vaginales.
Le point commun de ces méthodes est l'abord chirurgical par voie vaginale
de la jonction urétro-vésicale. Une colpotomie a minima est pratiquée par voie basse
sous la jonction repérée par le ballonnet de la sonde.
L'incision peut être menée :
- par voie transversale directe ;
- par voie arciforme en U renversé ;
- par double voie para-médiane verticale.
A partir de cette incision, une dissection aux ciseaux est réalisée.
Elle dégage la face inférieure de la jonction puis latéralement, en restant au contact
de la branche ischio-pubienne, les faces latérales de celle-ci. Ils perforent
l'aponévrose pelvienne. Le temps vaginal est alors terminé.
Il faut alors dégager les ligaments de Cooper par voie laparoscopique :
- soit par abord extra-péritonéal comme précédemment ;
- soit par abord coelioscopique mais il est alors inutile d'ouvrir le
Retzius largement. Une petite incision est réalisée à gauche comme à droite en dehors
de l'artère ombilicale, en dedans des épigastriques. Le ligament de Cooper est
découvert derrière cette incision. Dans ces variantes techniques, il est inutile de
dégager largement le Retzius ; le refoulement vésical est mené de manière plus
limitée.
Le soutènement de la jonction urétrovésicale est réalisé de
différentes façons : un fil non résorbable est passé dans le ligament de Cooper. Les
deux chefs du premier fil abandonnés dans le Retzius, sont récupérés par une pince de
Bengolea introduite à partir de la colpotomie. Les fils amenés au niveau vaginal sont
fixés solidement à la face profonde du paravagin. Leur serrage est réalisé pour
permettre l'ascension raisonnable de la face antérieure du vagin. La colpotomie est
refermée. Une variante technique intéressante est autorisée par cet abord mixte. Il est
en effet possible de mettre en place une fronde selon la technique de Goebbel Stockel. La
prothèse synthétique introduite par un trocard de 12 millimètres est agrafée sur le
ligament de Cooper droit. Son extrémité libre est récupérée par la pince vaginale qui
la réintroduit dans le canal para médian gauche.
Récupérée dans le Retzius, elle est amarrée par agrafage sous tension
mesurée au ligament de Cooper gauche. La fixation de la fronde sous la jonction, la
fermeture de la colpotomie et la péritonisation a minima par voie coelioscopique
terminent l'intervention. Les bandelettes prothétiques jusqu'alors utilisées dans cette
technique de fronde sont en Goretex ou PDS.
RESULTATS
Affirmer la fiabilité de la colposuspension endoscopique est complexe car
les expériences n'ont pas le recul du temps. En outre, les opérateurs n'utilisent pas
tous les mêmes techniques. Les comparaisons sont donc difficiles. Nous donnons comme
exemple le résultat d'une série de 47 patientes opérées dans le service gynécologie
au CHU Bichat, série analysée en décembre 1994, sur des patientes ayant toutes un recul
au moins égal à un an. Toutes les interventions de cette série étant des
colposuspensions réalisées par voie endoscopique rétro péritonéale pure. 47 patientes
ont bénéficié de ce geste. Parmi ces 47 patientes, 6 ont été laparoconverties, 41
colposuspensions endoscopiques ont été menées à terme. Cinq patientes ont été
perdues de vue. Donc, l'analyse rétrospective a été effectuée sur 36 colposuspensions
endoscopiques menées à terme et suivies. Le temps moyen d'intervention étant de 77 min.
Nous avons exclu des temps d'hystérectomies ou de myomectomies. Les pertes sanguines
n'ont pas été évaluées, mais aucune patiente n'a été transfusée. Sur les 36
patientes opérées et suivies, 31 femmes ne présentaient plus d'incontinence urinaire à
l'effort, soit un taux de succès de 86 %, 5 patientes ont été améliorées, mais avec
persistance de troubles urinaires, soit un taux de succès relatif de 14 %. Chez les
patientes guéries, une augmentation significative de la longueur fonctionnelle urétrale
et des taux de transmission sans modification de la pression de clôture étaient
retrouvés. On retrouvait une baisse significative de la pression de clôture chez les 5
patientes ayant un échec du traitement chirurgical. Si l'on compare les valeur
urodynamiques des profilométries avant l'intervention, il existe une différence
significative pour les valeurs de pression de clôture et de transmission entre les
succès et les échecs. L'analyse des échecs fait apparaître que les facteurs cliniques
d'échec sont le degré d'incontinence urinaire (plus le degré d'incontinence est fort,
plus le risque d'échec est important) et le statut hormonal post-ménopausique.
Parmi les 47 colposuspensions réalisées, il a fallu effectuer une
laparoconversion dans 6 cas.
Les raisons de ces laparoconversions sont :
- une hypercapnie : 2 fois ;
- une plaie vésicale : 2 fois ;
- un hématome du Retzius : 1 fois ;
- une faute de dissection : 1 fois.
DISCUSSION
A travers notre expérience et la revue de la littérature médicale, il
est possible aujourd'hui de répondre à un certain nombre de questions que posent ces
nouvelles techniques chirurgicales. L'abord endoscopique de l'incontinence urinaire
d'effort est aujourd'hui techniquement possible. L'expérience des opérateurs ayant
publié à ce propos en témoigne. Toutefois, ces séries ne sont pas parfaitement
comparables. Il est très évident que la durée d'intervention est nettement supérieure
à celle de la chirurgie conventionnelle, la durée d'hospitalisation étant par contre
inférieure. Les taux de complications per opératoires et la morbidité post opératoire
de la chirurgie endoscopique sont voisins de ceux publiés en chirurgie conventionnelle.
Il ne faut pas oublier qu'un taux de complication d'environ 15 % est retrouvé pour
celle-ci. Dans toutes les séries, les complications, immédiates notamment, surviennent
en début d'expérience et ont tendance à diminuer nettement avec le temps. Les
complications hémorragiques semblent être moins fréquentes avec les techniques
endoscopiques. L'hypercapnie est diminuée par le recours à quelques artifices
techniques, et la collaboration et l'expérience des partenaires anesthésistes.
Les avantages et inconvénients des différentes techniques doivent être
mieux analysés. Le choix de la voie d'abord des trocards, leur nombre et leur diamètre
doivent être soigneusement réfléchis pour éviter une rançon cicatricielle pariétale,
qui dans cette chirurgie, pourrait parfois être peu acceptable.
A ce titre une variante proposant l'insufflation première du Retzius par
voie sus-pubienne et la mise en place du trocard d'observation par abord sous ombilical
immédiat et cheminement rétro péritonéal est sûrement intéressante.
L'abord mixte laparoscopico-vaginal est sûrement à retenir :
- car il simplifie les gestes d'aiguillage endoscopique ;
- car il permet de traiter une cystocèle associée, qui doit toutefois
rester modeste.
L'analyse des échecs montre que la bonne indication de la chirurgie
endoscopique des incontinences urinaires d'effort est représentée par les patientes ne
présentant pas de trouble majeur. L'aide à la décision de scores tel celui de Kusenju
est certainement importante.
Ainsi donc cette expérience mérite d'être poursuivie dans le respect
strict d'indications raisonnables. Si toutefois l'épreuve du temps confirme la stabilité
des résultats. Ceux-ci dans le court et moyen termes à sont à l'heure actuelle
comparables à ceux de la chirurgie traditionnelle.
.-L. BENIFLA, P. MADELENAT, T. GROSMANN et E. DARAI
Service de Gynécologie Obsétrique - Hôpital Bichat Claude Bernard, 170, boulevard Ney,
75018 Paris.
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