JTA 1996
Résultats du traitement cliochirurgical
de l'endométriose
J.-P. ALLART*
La cliochirurgie représente en 1996 la principale
approche diagnostique et thérapeutique de l'endométriose
pelvienne. Les gestes ont trois objectifs de significations très
différentes, qui conditionnent l'évaluation des
résultats des actions thérapeutiques :
1 l'éradication des implants d'endométriose (réduction
lésionnelle) ;
2 le traitement des lésions tubo-ovariennes ;
3 l'amélioration ou la suppression de la symptomatologie
douloureuse.
L'utilisation de scores lésionnels rAFS ou du FOATI pour
la quantification des lésions sera la première étape
fondatrice du compte rendu opératoire et du dossier de
la patiente.
Or il semble très difficile d'interpréter les résultats
des gestes thérapeutiques de l'endométriose en raison
de la multiplicité des paramètres qui entrent en
jeu, notamment dans l'interprétation de la fertilité
post-opératoire.
Le lien entre fertilité et endométriose restant
très mystérieux, il n'est pas étonnant d'observer
des résultats paradoxaux démontrant l'absence de
corrélation entre les stades et la fertilité. C'est
ce point qui reste la principale énigme à résoudre.
Résultats dans les stades I et II
L'abstention thérapeutique :C'est une démarche qui
constitue une base intéressante pour le raisonnement :
Haney [1] en 1992 dans une revue de la littérature portant
sur des travaux de 77 à 85 considère que le taux de
grossesse spontanée est de 50 % alors que l'endométriose
est la seule cause de l'infertilité. Il apparaît
que les groupes étudiés sont très hétérogènes
et comportent tantôt des formes peu évolutives paucifactorielles
où la fertilité du couple pourra s'exprimer sans
trop de délai ni de difficulté - cette constatation
est un argument pour considérer que l'endométriose
n'est souvent pas une maladie mais un état, un système
tissulaire mal régulé [2] - tantôt les femmes
sont porteuses de lésions très évolutives
avec hypofertilité multifactorielle du couple (facteur
masculin - évolutivité des lésions - âge
de la patiente).Tulandi constate, par contre, sur 14 patientes
étudiées une fertilité de 10,5 % à 1
an alors que Hull en 87 observe à 3 ans 55 % de grossesses.
Si l'on examinait le taux de fécondité on obtiendrait
près d'1 % par cycle ce qui reste très faible.
RÈsultats de la CúLIOCHIRURGIE
La cliochirurgie donne des résultats plus intéressants
mais dont l'interprétation reste très difficile
et critiquable toujours en raison de l'hétérogénéité
des groupes. Plusieurs auteurs ont analysé des résultats
de gestes coeliochirurgicaux, versus abstention dans des populations
homogènes. La série de Paulson en 1991 comportait
1 268 femmes porteuses d'endométriose stade I et II sur
lesquelles sont comparées les différentes modalités
de traitement chirurgical dans un groupe de 675 femmes ne présentant
pas d'autre cause de stérilité :- dans les stades
I, l'abstention, le traitement médical, la cliochirurgie
seule, donnent environ 50 % de grossesses. Or les laparotomies,
ou l'association clioscopie LASER CO2 donnent d'excellents
résultats de 84 à 85 %. Il n'est pas possible d'expliquer
ces résultats sans faire appel à un biais lié
au recrutement ou aux opérateurs dans les stades II, les
résultats paraissent plus logiques :
- traitement médical 39 % ;
- coelio laser 70 % ;
- laparotomie 74 %.
Les auteurs expliquent que dans des mains expérimentées
et avec laser on obtient de façon significative de meilleurs
résultats.
Résultats du traitement clioscopique dans les stades
III et IV
Le traitement des stades III et IV est actuellement bien codifié
; il doit comporter :- une destruction des lésions péritonéales
;- une adhésiolyse la plus complète possible ;-
un traitement maximal des atteintes ovariennes.
Après traitement clioscopique, le taux de grossesse
pour les stades III est de 30 à66 % et pour les stades
IV de 20 à 64 % [3]. Bateman [4] en 94 compare la cliochirurgie
et la laparotomie. Les taux de grossesse paraissent meilleurs
après cliochirurgie 52 % contre 20 à 33 %
après laparotomie. Ces études ne sont pas randomisées
et l'on peut penser que la laparotomie a été préférée
dans les lésions les plus sévères retentissant
le plus sur la fertilité (mais il faut rappeler que les
choix des techniques et les résultats sont ì opérateur
-dépendant î).La seule Etude convaincante est celle
de Mage [3] qui démontre l'intérêt majeur
de la classification rAFS comme élément pronostic
fiable dans les endométrioses sévères. Ainsi,
le score > à 70 chez 7 patientes, aucune grossesse n'est
observée après cliochirurgie. Par contre,
17 patientes dont les scores seront inférieurs à
70 obtiendront 53 % de grossesses. Si l'on fixe le point de séparation
des groupes au score adhérentiel 50, on retrouve la même
répartition laissant à penser que la sévérité
des lésions adhérentielles par l'action délétère
sur l'ovulation et la captation ovocytaire sont des paramètres
rédhibitoires indiquant par conséquent la FIV.
EFFET SECONDAIRE DE LA CLIOCHIRURGIE SUR LES RéSULTATS
DE LA FIV
L'autre point très déterminant est l'importance
de la réduction lésionnelle dans l'amélioration
des résultats de la FIV. Négliger ces gestes d'adhÈsiolyse
aboutit pour Mage à une rÈduction très nette
des résultats de la FIV. Ils ne sont que de 10 % avant
traitement des adhérences, et s'élèvent à
27 % après leur traitement complet.
Résultats de la cliochirurgie dans les endométriomes
Nous avons pu observer plusieurs cas d'endométriomes ovariens
souvent bilatéraux chez des femmes de moins de 35 ans et
déjà opérées qui présentaient
des récidives. Les localisations intraparenchymateuses
s'aggravaient au fil des tentatives. Nous avons pu suivre très
précisément une jeune patiente de 25 ans, déjà
traitée par la chirurgie d'endométriome ovarienne
qui n'obtenait pas de grossesse au fil des tentatives et qui produisait
un nombre de plus en plus faible d'embryons. La reprise chirurgicale
complète avec éradication des endométriomes
multiples et l'adhésiolyse poussée a littéralement
déclenché la grossesse à la tentative suivante
avec des protocoles identiques et des réponses ovariennes
normalisées. La réduction lésionnelle maximale
est donc essentielle dans la prise en charge par fécondation
in vitro de lí endomÈtriose responsable de stérilité.
Traitement coeliochirurgical de la douleur
La réduction lésionnelle a, là encore, dans
tous les stades de gravité de l'endométriose pelvienne
une action plus ou moins complète sur la douleur. Cet effet
positif pour Canis et Col [5] est obtenu dans près de 80
% des cas. Cependant il se distingue à tous les stades des
femmes pour lesquelles l'amélioration sera partielle allant
de 30 à 50 % des cas sans relation claire avec le stade
de gravité, et des femmes pour lesquelles le traitement
de la douleur sera complet surtout dans les stades les plus graves.
Donnez et Col ainsi que Querleu [2] insistent sur l'intérêt
de traiter de façon maximale les lésions extensives
sous péritonéale lorsqu'il parait bien établi
qu'elles sont à l'origine des phénomènes
douloureux chroniques. Nombreuses sont les observations de disparition
spectaculaire d'algies pelviennes sévères après
exérèse coeliochirurgicale complète de nodules
sous péritonéaux mais tous les auteurs s'accordent
à replacer dans un cadre de sécurité maximale
cette chirurgie radicale qui peut aboutir à des complications
graves urinaires ou digestives.
Conclusion
L'endométriose reste une maladie mystérieuse où
la gravité apparente des lésions n'est pas toujours
corrélée aux troubles de la fertilité et
aux phénomènes douloureux. Il n'en reste pas moins
clair que la réduction lésionnelle maximale, respectant
le principe d'une chirurgie de dangerosité mesurée,
reste la règle d'or.
Blibliographie
[1] Haney A.F. : Endometriosis associated infertility. Baillères
clinical obstetrics and gynaecology, 1993, 7 (4), 791-812.
[2] Querleu D. : Chirurgie de l'endométriose pelvienne
(chirurgie tubaire exclue). Encyl Méd chir (Paris France).
Techniques chirurgicales-Urologie gynécologie, 41-760,
1995, 10 p.
[3] Mage G. Canis M.,Mahnes H.,Pouly J.L.Gioanni G.,Bruhat M.A.
: Traitement clioscopique de l'endométriose. Cont.
Fert .Sex., 1989, 17, 4, 347-352.
[4] Batemen B. ,Kolp A. Mills S. : Endoscopic versus laparotomie
management of endomÈtriomas. Fertil. Steril., 1994, 62,
690-695.
[5] Canis M. et col. : Laparoscopic treatment of endometriosis.
The current status of endometriosis research and management Ed
Brosens and Donnez. 3rd World Congress on Endometriosis, Brussel,
june 1992, 33, 407-317.
[6] LAVERGNE N., d'Ercole C. ,Cravello L., BLANC B. : Fertilité
et endométriose, Stade I et II : Résultats du traitement
clioscopique. in : l'endométriose, J.B DUBUISSON
et col . Arnette Blackwell, S.A. 1995.
J.-P. ALLART Centre de traitement de la stérilité
de l'Hôpital des Diaconesses, 45012 Paris - Hôpital
Européen de Paris, La Roseraie, 92308 Aubervilliers.
: JOURNÉES
DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE
ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 11 - 18 janvier 1996
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