résultats des traitements proposés dans
les cardiopathologies congénitales
D. SIDI*
* Service de cardiopédiatrie, Département de Pédiatrie de l'Hôpital Necker, Enfants
Malades, Unviersité Paris V.
Il s'agit bien sûr de la question clé lorsqu'on est amené à découvrir une
malformation congénitale chez un ftus, puisque c'est de la réponse à cette
question que dépendra l'information et dans une certaine mesure le conseil qui sera
donné aux parents quant à la poursuite de la grossesse, si le diagnostic est
précoce.Les questions auxquelles il faut répondre, et qui d'ailleurs sont posées
clairement par les parents, sont diverses :- Est-ce que la malformation peut guérir toute
seule ou devra-t-elle être opérée ? - Peut-elle être opérée ? A quel âge ? Avec
quels risques ? Et avec quels résultats ? Devra-t-elle être opérée à plusieurs
reprises ?- Quelle sera la vie de mon enfant en qualité et en quantité ? Pourra-t-il
faire du sport ? Pourra- t-il se marier, avoir des enfants ? Transmettra-t-il la
malformation cardiaque à ses enfants, s'il peut en avoir ? - Est-ce que mon enfant pourra
rester avec moi à la maternité ou devra-t-il être transféré dès la naissance dans un
centre médico-chirugical spécialisé ? La réponse à cette dernière question a été
traitée dans le premier exposé. Les réponses à toutes les autres questions découlent
d'une connaissance la plus précise et la plus parfaite possible de l'évolution naturelle
et du résultat des traitements (chirurgicaux ou par cathétérisme interventionnel) que
l'on propose actuellement pour traiter la malformation cardiaque en question. Disons
d'emblée que nos connaissances, pour les raisons qu'a soulignées le DocteurY. Lecompte
dans l'exposé précédent, sont le plus souvent imprécises et parfois risquent d'être
incorrectes en particulier sur le long terme.Au mieux de nos connaissances actuelles, on
peut tenter de grouper les différentes cardiopathies dans des sous groupes, qui auront
des attitudes, un pronostic, et finalement un conseil prénatal proches. Quels sont ces
sous groupes ?
1 - Les malformations qui sont très difficiles à diagnostiquer in utero.
C'est le cas de la petite CIA ou de la persistance du canal artériel, qui sont des
impossibilités physiologiques au diagnostic, puisque ces malformations proviennent de la
non fermeture post-natale de communications physiologiques. C'est aussi le cas des petites
anomalies comme les CIV musculaires, ou les petites CIV périmembraneuses qui, du fait de
l'égalité des pressions ventriculaires du ftus, apparaissent mal au Doppler
couleur. C'est encore le cas des petites anomalies des valves sigmoïdes, aortique ou
pulmonaire, qui peuvent être très discrètes voire absentes en début de grossesse et
qui peuvent s'aggraver en fin de grossesse par un processus d'endocardite ftale ou
plus souvent ne s'aggraver qu'après la naissance. C'est surtout le cas des coarctations,
qui se créent ou se complètent après la naissance par la striction des fibres ductales,
qui par définition sont relâchées pendant la vie ftale. Il s'agit là des limites
du diagnostic prénatal, et les parents doivent être prévenus de ces limites, sans être
spécialement angoissés, ce d'autant que toutes ces malformations sont hautement
curables.
2 - Les malformations qui peuvent guérir toutes seules sans chirurgie.
L'exemple le plus frappant est celui des communications interventriculaires, en
particulier lorsqu'elles sont localisées à la partie moyenne du septum trabéculé, ou
dans la région péri-membraneuse.On peut vraiment se poser la question dans ces cas, de
l'utilité de la découverte anténatale d'une telle malformation, qui aura pour simple
effet d'angoisser la maman pendant une grande partie de sa grossesse. Il y a des
malformations potentiellement sérieuses voire graves, qui peuvent s'arranger toutes
seules, et c'est en particulier le cas des relatives hypoplasies d'un des deux
ventricules, en réalité simple conséquence de la circulation ftale, et qui se
corrigent d'elles-mêmes à la naissance, lorsque les conditions de charge des ventricules
se modifient. On imagine le drame, dans ces situations préoccupantes, d'avoir inquiété
les parents au point d'entraîner une interruption de grossesse. Il faut particulièrement
se méfier des hypoplasies du ventricule gauche sans anomalie mitrale ou aortique.
3 - Les malformations qui ne nécessiteront pas d'intervention chirurgicale car
elles sont en général bénignes.
Il s'agit des petites sténoses " sténosettes ", des valves aortiques ou
pulmonaires, et en particulier la bicuspidie aortique qui est la malformation la plus
fréquente et qui souvent est parfaitement tolérée jusqu'à l'âge adulte voire le 3e
âge. Ce type d'anomalie imposera simplement une prophylaxie anti-oslérienne et une
surveillance cardiologique pendant l'enfance et l'âge adulte.
4 - Les malformations cardiaques qui pourront être traitées sans intervention
chirurgicale avec de réelles chances de guérison.
Il s'agit en particulier des sténoses valvulaires pulmonaires, éventuellement
critiques, qui n'ont pas entraîné de lésions irréversibles du ventricule droit
(parfois grâce à un accouchement prématuré). Il est en effet possible de dilater,
voire dans les cas d'atrésie, de perforer, puis de dilater les valves pulmonaires, et au
besoin de maintenir un débit pulmonaire satisfaisant pendant des semaines par des
prostaglandines, le temps que le ventricule droit ait récupéré une fonction quasi
parfaite.Ces malformations qui avant les années 80 décédaient dans l'immense majorité
des cas, dès les premiers jours de vie, permettent dans un bon nombre de cas une vie tout
à fait normale en qualité et en quantité, sans intervention chirurgicale, au prix d'une
hospitalisation néonatale de quelques semaines.
5 - Les malformations que l'on peut espérer guérir par une intervention
chirurgicale en période néonatale.
Il s'agit des transpositions des gros vaisseaux que l'on peut actuellement réparer
anatomiquement par reposition des gros vaisseaux de la base et transfert des artères
coronaires, et qui donnent d'excellents résultats à moyen terme, avec des enfants dont
les performances physiques sont équivalentes à celles d'enfants sans cardiopathie
congénitale. Il s'agit également des retours veineux pulmonaires anormaux totaux
éventuellement bloqués qui mettent en péril l'enfant dès les premiers jours de vie,
alors que le cur est tout à fait normal et qu'il suffit de rétablir une connexion
entre le collecteur des veines pulmonaires et l'oreillette gauche. Ce sont des progrès de
la circulation extra-corporelle (CEC) du nouveau-né et le contrôle des crises
d'hypertension artérielle pulmonaire (par le NO par exemple), qui permettent aujourd'hui
de guérir dès les premiers jours de vie la grande majorité de ces patients qui
nécessiteront simplement une surveillance.
6 - Les malformations opérées en période néonatale mais avec
potentiellement des problèmes sérieux pour l'avenir à moyen ou long terme.
Il s'agit des syndromes de coarctation ou interruption de la crosse aortique et des
formes sévères de tétralogie de Fallot ou des formes favorables d'atrésie pulmonaire
à septum ouvert. Dans ces cas, il faut mettre un point d'interrogation sur l'avenir
lointain de ces malformations qui exposent à un certain nombre de complications et qui
nécessiteront souvent d'autres interventions, en raison d'anomalies sur le ventricule
droit ou le ventricule gauche.
7 - Les malformations pour lesquelles on n'interviendra pas à la naissance et
qui pourront rester avec la maman en maternité normalement, mais qu'il faudra opérer
dans les premières semaines ou mois de la vie.
Elles ont l'avantage sur les précédentes de ne pas séparer dès la naissance le
nouveau-né de sa mère. Elles ont l'inconvénient de laisser planer l'angoisse de
l'intervention chirurgicale, de son risque, pendant le délai qui est imposé par les
conditions techniques. Il s'agit en particulier de la tétralogie de Fallot. A ce propos,
il faut savoir que cette malformation réalise un large spectre, qui dépend
essentiellement de la qualité de l'arbre pulmonaire. Dans les formes favorables, on peut
tout à fait espérer guérir l'enfant par une intervention à l'âge de 6 mois, alors que
dans les formes défavorables, ce seront des interventions palliatives suivies, dans les
meilleurs cas, d'interventions curatrices éventuellement répétées en raison de la
valvulation précoce de la voie pulmonaire. C'est également le cas des shunts
gauche-droite ventriculaires comme les larges communications interventriculaires, qui
lorsqu'elles ne sont pas associées à une coarctation, peuvent attendre le plus souvent
plusieurs mois avant d'être opérées et guéries.D'autres malformations, comme le tronc
artériel commun, devront être opérées dans les premières semaines de vie, mais vont
nécessiter obligatoirement des interventions chirurgicales itératives, puisque l'on sera
obligé de mettre en place une prothèse, nécessairement de petite taille, compte tenu de
l'âge et du poids de l'enfant, qu'il faudra remplacer probablement plusieurs fois au
cours de la vie.
8 - Les interventions chirurgicales qui nécessiteront des prothèses
mécaniques.
Nous avons déjà vu le cas du tronc artériel commun ou des formes sévères de
tétralogie de Fallot qui vont nécessiter une valvulation de la voie pulmonaire et donc
des réopérations. Les anomalies sévères de la valve aortique ou de la valve mitrale
sont encore plus préoccupantes, car c'est un remplacement par une valve mécanique qui
est parfois nécessaire, et l'enfant devra être sous anticoagulants toute sa vie avec les
contraintes que l'on peut imaginer pour un enfant turbulent.
9 - Les malformations pour lesquelles on ne pourra avoir que des gestes
palliatifs, mais qui vont survivre à la période néonatale.
Ce sont les malformations où il manque une valve ou une cavité cardiaque, mais qui
n'ont ni atrésie pulmonaire ni coarctation, si bien qu'elles ne menaceront pas l'enfant
dès la naissance et survivront souvent sans trop de problèmes, avec une petite
défaillance cardiaque ou une légère cyanose, selon qu'il y ait ou non une protection
pulmonaire par une sténose. Il faut savoir, comme l'a souligné le Docteur Lecompte dans
son exposé, que pour peu que la protection pulmonaire soit " bien calibrée ",
ces patients peuvent survivre très longtemps dans de bonnes conditions, soit
naturellement, soit avec l'aide de gestes palliatifs simples, comme une anastomose
systémico-pulmonaire ou un cerclage, voire des anastomoses cavo-pulmonaires plus tard
dans la vie.C'est également le cas des malformations qui n'ont pas d'arbre pulmonaire
comme les atrésies pulmonaires, avec CIV, hypoplasie extrême des artères pulmonaires
vraies, mais qui ont des collatérales aorto-pulmonaires bien développées, qui assurent
une excellente oxygénation pendant des années. A l'inverse, si ces collatérales
aorto-pulmonaires ne sont pas développées ou se sténosent vite, il n'y a pas de
solution satisfaisante à proposer à ces enfants en dehors de la transplantation
cardio-pulmonaire, qui en 1995 n'est pas une solution compte tenu des résultats
déplorables obtenus avec cette technique.
10 - Des malformations pour lesquelles on ne peut avoir que des gestes
palliatifs, mais qui ne vont pas survivre à la période néonatale.
Il s'agit des hypoplasies ventriculaires gauche ou droite, ou des autres
formes de ventricule unique avec atrésie pulmonaire ou aortique.Ces malformations
laissées à leur évolution naturelle, décèdent en général dans les premiers jours ou
les premières semaines de vie. Les traitements palliatifs qui leur sont proposés,
débouchent au mieux sur la situation du groupe 9, c'est-à-dire une situation
extrêmement aléatoire. L'alternative de la transplantation cardiaque chez le nouveau-né
ne nous parait pas réaliste ou souhaitable, du fait de l'extrême rareté des donneurs et
du fait de l'énorme incertitude sur l'évolution à long terme de la transplantation
cardiaque, en raison du risque de rejet chronique, et en particulier d'altération
coronaire.C'est évidemment pour les sous-groupes 10-9-8 et éventuellement 7 que doit se
discuter l'interruption de grossesse, et c'est là que l'expertise obstétricale, qui
consiste à vérifier la présence des 4 cavités cardiaques chez le ftus au terme
de 20 semaines de gestation, prend tout son sens.Une des difficultés majeures du
pronostic prénatal des cardiopathies congénitales vient de l'impossibilité, dans
certains types de malformation, de juger de la sévérité réelle de cette dernière.
C'est en particulier le cas des anomalies intracardiaques de la tétralogie de Fallot, où
le pronostic dépend de la qualité de l'arbre pulmonaire, si difficile à juger chez le
ftus, avec le risque potentiel d'interrompre un ftus qui aura une forme
favorable de tétralogie de Fallot guérie à l'âge de 6 mois, ou celle de laisser
naître une atrésie pulmonaire avec CIV sans artères pulmonaires et une mauvaise
circulation collatérale aorto-pulmonaire, chez qui la qualité de la survie sera
médiocre et les possibilités chirurgicales extrêmement faibles.Tout ceci concorde pour
montrer la nécessité d'un travail d'équipe, avec une excellente coordination entre les
obstétriciens, les cardio-pédiatres, les chirurgiens cardiaques, les généticiens, les
néonatologistes et éventuellement les psychologues, pour juger au mieux les risques pour
l'enfant et la famille de la naissance de telle ou telle cardiopathie, avant d'en informer
les parents et de leur donner d'éventuels conseils. Cette information doit être bien
réfléchie, et les conseils doivent être discutés avant d'être livrés aux parents,
pour éviter au maximum des avis contradictoires.
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