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Titre: Régulation du metabolisme du fer et prevention de l'anemie du premature
Année: 1996
Auteurs: - Putet G.
Spécialité: Néonatologie
Theme: prématurité

régulation du métabolisme du fer et prévention de l'anémie du prématuré

G. PUTET*

* Service de Réanimation Néonatale, Hôpital Debrousse - 29, rue Sœur Bouvier, 69322 Lyon Cedex 05 - France.

Chez l'humain la quantité totale du fer corporel varie surtout avec le poids, la concentration en hémoglobine, le sexe et la taille du compartiment de stockage. Le tableau I résume la répartition du fer dans l'organisme adulte où il existe sous deux formes : le fer non héminique, non incorporé dans la structure de l'heme (ferritine et sa forme de dégradation l'hémosidérine, transferrine et enzymes non héminiques) et le fer héminique, incorporé dans la structure de l'heme (hémoglobine, myoglobine et enzymes contenant du fer héminique). En moyenne, 27 % du fer total est présent au niveau des réserves d'un adulte (ferritine et hémosidérine - tableau I), mais ce compartiment est en fait très variable, fonction des conditions pathologiques, des apports et des pertes, et est souvent peu important chez la femme chez qui les pertes sont d'environ 2 mg/j (le double de celles de l'homme du fait des menstruations). Entre les différents compartiments le fer est transporté lié à une protéine, la transferrine (qui lie deux atomes de fer ferrique). Cette quantité de fer transporté représente moins de 0,1 % du fer total mais son rôle est important et le fœtus va puiser ses besoins à partir de cette forme de transport.Constitution des réserves fœtalesLes réserves en fer du fœtus se constituent essentiellement au cours du 3e trimestre. Environ 80 % du fer fœtal sont accumulés après 28-30 semaines d'âge gestationnel (entre 1 000 et 3 000 g), passant d'environ 50 mg à 280 mg à terme. Ces réserves se constituent à partir du fer circulant maternel, ceci soulignant l'importance d'un apport martial satisfaisant chez la mère. Le fer fixé sur la transferrine maternelle est transféré sur la transferrine placentaire puis fœtale avant d'être distribué aux différents tissus. Ce système de transport unidirectionnel fonctionne même en cas de déficit maternel en fer. Au cours du dernier trimestre de la grossesse, 3 à 4 mg de fer sont ainsi transférés chaque jour vers le fœtus. A la naissance un enfant a un stock en fer d'environ 75 mg/kg.

Besoins en fer pendant la grossesse

Du fait des besoins du fœtus, une supplémentation en fer est nécessaire pour maintenir les réserves en fer de la mère. 50 mg/j de fer ferreux semblent suffisants pour maintenir des taux satisfaisants de ferritine, de fer sérique et de protoporphyrine érythrocytaire, bien que le taux sanguin d'hémoglobine puisse diminuer du fait de l'expansion du volume plasmatique [1,2]

étiologies des anémies du prématuré.

L'étude de l'étiologie des anémies du prématuré permet de passer en revue les causes sur lesquelles il faudra agir pour prévenir ou corriger ces anémies. Nous écartons d'emblée toutes les causes d'anémie correspondant à une pathologie fœtale ou néonatale (hémorragies, hémolyses, infections ...) qui ne relèvent pas de cet exposé.

On peut classer les anémies du prématuré en trois catégories :     

      Anémies néonatales immédiates, de la première semaine de vie. Ces anémies (en dehors des pathologies non considérées) sont liées à la spoliation sanguine due aux prélèvements à visée diagnostique. Cette quantité peut être très importante, et située en moyenne autour de 30 à 40 ml au cours du premier mois dans plusieurs études [3-5].

     Anémies secondaires précoces, arégénératives. A la naissance, l'élévation de la PaO2 postnatale (par rapport à la PaO2 fœtale), entraîne une diminution de la sécrétion d'érythropoïéine (EPO), sensible au taux d'O2 disponible au niveau des tissus. Ultérieurement, en l'absence de pathologie de l'hématose, la sécrétion d'EPO augmente lorsque le taux d'hémoglobine descend au-dessous d'un certain niveau, avec augmentation des réticulocytes puis de la masse totale d'hémoglobine. Le taux d'hémoglobine correspondant à une reprise de l'érythropoïèse peut varier en fonction des besoins métaboliques du prématuré et surtout de la capacité de l'hémoglobine à délivrer aux tissus l'O2 qu'elle fixe. Ainsi, le remplacement d'une partie de l'Hb fœtale par de l'Hb adulte (lors d'une exsanguino-transfusion), ou l'apport d'Hb adulte (lors d'une transfusion) va bloquer temporairement l'érythropoïèse du fait d'un apport d'O2 aux tissus facilité.Parmi les autres facteurs intervenant dans cette anémie précoce, il faut noter également la diminution de la durée de vie des globules rouges du prématuré contenant de l'HbF, l'augmentation rapide de la masse corporelle en période postnatale et l'effet bénéfique sur la remontée du taux d'Hb d'une nutrition adéquate, en particulier protéique.

     Anémie secondaire tardive : cette anémie est essentiellement en rapport avec une carence martiale.Par rapport au nouveau-né à terme, le prématuré naît avec une réserve en fer basse et ce d'autant plus que son âge gestationnel est faible. A 32 semaines, le stock en fer est situé autour de 120 mg soit environ 50 % de celui du nouveau-né à terme, 25 % de ce stock étant sous forme de ferritine. Chez l'adulte normal, l'absorption du fer est faible, variant de 5 à 10 % de la quantité de sang ingéré (soit 1 à 2 mg/j), cette absorption augmentant en cas d'état de déficience (passant à 10-20 %), et se fait essentiellement au niveau du duodénum et du jéjunum. La régulation de cette absorption est mal connue mais on constate que cette absorption augmente en cas de défaut en fer, au cours de la 2e moitié de la grossesse et lorsqu'il existe une stimulation de l'érythropoïèse (comme celle existant lors d'une anémie). A l'opposé, une surcharge en fer, une diminution de l'érythropoïèse (comme celle provoquée par une transfusion) diminue cette absorption. Chez le prématuré, l'absorption du fer semble corrélée avec l'âge postnatal de l'enfant, le rythme de croissance, la concentration en hémoglobine et le type d'alimentation. Le taux d'absorption est élevé, situé autour de 30-40 % [6] mais avec des variations individuelles importantes. Par ailleurs, on n'est pas certain que ces phénomènes de régulation de l'absorption soient matures en cas de surcharge [6].A toute autre condition égale, l'absorption du fer dépend également de la qualité de l'apport en fer : meilleure absorption du fer du lait de femme, du fer sous forme de sulfate ou d'ascorbate (l'absorption du fer est améliorée par l'acide ascorbique), du fer sous forme héminique.

Autres facteurs intervenant dans l'anémie secondaire tardive du prématuré :- Les spoliations sanguines (1 ml de sang prélevé correspond à une perte de fer d'environ 0,4 mg). La date de survenue de la carence martiale peut donc être avancée et sa prévention nécessiter des apports soit plus précoces, soit plus élevés que ceux habituellement recommandés du fait de l'importance des prélèvements.- Les transfusions qui apportent du fer et en même temps vont diminuer, pour un temps,l'érythropoïèse. En fait, les effets respectifs des prélèvements sanguins et des transfusions sur les réserves de fer sont difficiles à prévoir.- Des apports adéquats en acide folique et en vitamine E doivent être apportés selon les recommandations habituelles.

Prévention et traitement

Le traitement des anémies du prématuré fait d'abord appel à la prévention qui doit porter sur plusieurs points qui découlent des rappels généraux précédents.- A la naissance, éviter un transfert sanguin du prématuré vers le placenta qui se produit si le nouveau-né est placé au-dessus du placenta et si le clampage du cordon est retardé. A l'opposé, si le nouveau-né est placé au niveau ou au-dessous de la vulve, il existe une transfusion placentaire et en 10-15 secondes, 10 à 20 ml de sang peuvent être ainsi amenés à l'enfant (dans ces conditions, le risque de clampage retardé de cordon est un retard à une réanimation éventuelle et une polyglobulie).- Limitation des prélèvements sanguins, donc de la spoliation sanguine.- Apports en fer.Des apports de 2 mg/Kg/j sont habituellement recommandés dès la fin du premier mois de vie. En fait, ces apports pourraient être débutés dès la fin de la 2e semaine de vie (7,12) lorsque l'alimentation est bien tolérée chez l'enfant sans pathologie notable et non transfusé. Si l'enfant a reçu une transfusion il est habituel de retarder cet apport en fer d'une dizaine de jours mais ceci devrait être adapté de façon plus individuelle car souvent cette transfusion fait suite à une spoliation sanguine conséquente. Cette supplémentation doit être effectuée que l'enfant soit au lait de femme ou à un lait adapté. La durée de cette supplémentation (2 mg/kg/j avec un maximum de 15 mg/j [6]) est mal définie mais semble justifiée au moins jusqu'à la fin du 4e mois de vie (âge corrigé) et est souvent recommandée pendant la première année de vie [6]. - Les besoins en folates (25 à 50 mcg/kg/j d'acide folique [6,7]) et en vitamine E(0,6 mg/100 Kcal [7]) doivent être satisfaits, ainsi qu'un apport protéique adéquat estimé chez l'enfant prématuré à 3 à 4 g/kg/j.

Rôle de l'érythropoïétine humaine recombinante(EPO-Hu-r)

L'efficacité d'une relance de l'érythropoïèse par EPO-Hu-r semble établie mais les conditions d'utilisation de ce traitement sont encore discutées.L'érythropoïétine (EPO) est essentiellement produite au niveau du rein et sa demi-vie est d'environ 5 heures. Dégradée au niveau du foie, son élimination est surtout rénale. L'EPO agit au niveau de la moelle et les cellules cibles sont essentiellement les cellules souches de la lignée érythroïde vis-à-vis desquelles elle se comporte comme un facteur de croissance [agissant surtout au niveau des CFU-E (colony forming unit) et à un degré moindre au niveau des BFU-E (Burst forming unit)].De nombreux essais ont été effectués chez le prématuré pour apprécier l'efficacité de l'EPO sur le niveau de nadir du taux d'Hb, la diminution du nombre de transfusions et surtout du nombre d'enfants transfusés [3,5,8-10]. Au cours des dernières années, trois essais multicentriques importants ont été publiés [3,5,8] et viennent d'être analysés de façon critique par Shannon [9]. Les doses d'EPO et de fer administrées lors de ces essais sont indiquées dans le tableau II et les résultats concernant le nombre d'enfants transfusés dans le tableau III. Ces études semblent confirmer l'intérêt de l'EPO et confirment également un besoin en fer accru au cours du traitement. L'analyse de ces études par Shannon [9] souligne les points suivants :- La nécessité d'avoir des critères de transfusion très stricts. Dans l'étude Européenne, les critères de transfusion étaient peu stricts et ceci a pu géner l'interprétation des résultats. Il apparaît nécessaire dans les prochaines études, mais également dans la pratique courante, de limiter au maximum les transfusions, ce qui implique l'application de critères stricts de transfusion tels que ceux recommandés par Strauss (Tableau IV) [4].- La nécessité de limiter au maximum les prises de sang ; dans l'étude européenne [8], le volume de sang prélevé était de 0,74 ml/Kg/j dans le groupe contrôle et de 0,83 ml/Kg/j dans le groupe traité (soit 30 à 40 ml/Kg de sang pour la période d'étude).- Les prématurés ayant bénéficié le plus du traitement par EPO, sont les prématurés les plus gros et ayant relativement une pathologie moins importante. Ceci est particulièrement net dans l'étude européenne [8] où les enfants ayant gardé un hématocrite supérieur à 32 % sans être transfusés, sont surtout ceux pesant plus de 1 200 g à la naissance et ayant un hématocrite supérieur à 47 % à la naissance. On peut penser que dans ce groupe d'enfants, une politique stricte de transfusion peut limiter les besoins de transfusions (et donc diminuer l'intérêt d'un traitement par EPO administré systématiquement à ce groupe d'enfants).La généralisation de la prévention de l'anémie du prématuré par l'EPO-HU-r semble donc nécessiter plus d'études qui devront préciser exactement quels sont les prématurés qui pourront bénéficier le plus de ce traitement coûteux et selon quelles modalités et avec quelle supplémentation en fer [9,11].

Conclusion

La prévention et le traitement de l'anémie du prématuré dépendent de plusieurs facteurs :- une diminution (limitation) des prélèvements sanguins ;- une politique stricte de transfusion ;- un apport martial adéquat (un apport de 2 mg/kg/j semble suffisant) ;- un apport nutritionnel adéquat (120-130 kcal/kg/j avec un apport protéique de 34 g/kg/j) ;- une supplémentation en acide folique et en vitamine E selon les recommandations actuelles [6,7] ;- il est indiscutable que certains enfants bénéficient d'un traitement par l'EPO-Hu-r mais son utilisation systématique reste discutée et les modalités de traitement restent encore à définir. Dans le cas d'un traitement par EPO-Hu-r, les besoins en fer sont certainement supérieurs à 2 mg/kg/j mais le niveau exact de supplémentation reste à mieux définir.

BIBLIOGRAPHIE

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