les tests virologiques
J.-M. PAWLOTSKY
La virologie prend actuellement une place de plus en plus importante
en pathologie humaine. A l'épidémie de SIDA est
maintenant venue s'ajouter l'épidémie d'hépatites
C, qui pourrait toucher près de 600 000 personnes en France.
Les progrès des thérapeutiques médicales,
en particulier des greffes d'organes, sont à l'origine
de nouvelles pathologies virales touchant les sujets immunodéprimés.
Le développement des infections virales a induit l'essor
des techniques de diagnostic virologique. On dispose aujourd'hui
de nombreux tests, dont la signification en pathologie reste parfois
obscure pour le non spécialiste. L'objectif de cette synthèse
est de fournir un bref rappel du principe des techniques virologiques,
de leurs indications au cours des principales infections virales
pouvant être transmises au cours de la reproduction et de
la procréation médicale assistée (PMA) qui
seront développées dans le chapitre suivant par
le Professeur F. Denis, et des informations qu'elles peuvent apporter,
principalement en matière de contagiosité.
I - PRINCIPE DES TESTS VIROLOGIQUES
Le diagnostic des infections virales repose, quel que soit le
virus, sur deux types de tests : directs et indirects.
Les tests indirects mettent en évidence
non le virus lui-même mais la réaction spécifique
de l'hôte dirigé contre le virus. C'est la détection
d'anticorps spécifiques qui peuvent être soit des
IgG, soit des IgM. Cette mise en évidence repose essentiellement
aujourd'hui sur des techniques immuno-enzymatiques ou d'immunofluorescence.
Deux types de techniques immuno-enzymatiques peuvent être
utilisés : des techniques de dépistage des anticorps,
généralement réalisées en microplaques,
relativement peu coûteuses et surtout facilement automatisables
(tests ELISA) ; pour certains virus, des techniques plus spécifiques
ont été développées et sont utilisées
pour confirmer la présence d'anticorps circulants. Ces
tests, de deuxième intention, sont fondés sur les
techniques d'" immunoblotting" et sont aujourd'hui utilisées
dans le diagnostic des infections par les rétrovirus et
le virus de l'hépatite C. Selon le type d'infection virale,
la présence d'anticorps spécifiques n'est pas obligatoirement
associée à une réplication du virus. Elle
est en fait le signe d'un contact du malade avec le virus, dont
l'infection peut être passée ou présente,
aiguë ou chronique.
A côté des tests virologiques indirects existent
des tests directs, qui mettent en évidence
directement le virus ou certains de ses composants (antigènes
viraux, génome viral) dans les tissus et fluides de l'organisme.
La mise en évidence des particules virales en microscopie
électronique est exceptionnellement réalisée
dans des centres spécialisés et dans des indications
précises. La mise en évidence d'antigènes
ou d'acides nucléiques viraux représente, en revanche,
une part importante de l'activité des laboratoires de virologie.
Les antigènes viraux peuvent être recherchés,
le plus souvent à l'aide d'anticorps monodonaux spécifiques,
par des techniques immuno-enzymatiques ou d'immunofluorescence.
Leur mise en évidence peut se faire soit directement dans
un prélèvement (fluide ou solide), soit sur une
culture cellulaire ensemencée avec le prélèvement
du malade après quelques heures à quelques jours
de culture. Ce type de technique, appelée culture virale
rapide, permet de sensibiliser considérablement la recherche
d'antigènes viraux et est très spécifique.
La recherche de génomes viraux est fondée sur les
techniques de biologie moléculaire qui prennent une place
de plus en plus importante dans le diagnostic virologique. Les
génomes viraux (ADN ou ARN) peuvent être mis en évidence
par hybridation moléculaire avec des sondes spécifiques
de taille variable, éventuellement après amplification
par la technique de polymerase chain reaction (PCR) qui permet
d'augmenter considérablement la sensibilité de la
détection. Des techniques de quantification des génomes
viraux sont en cours de développement et permettent de
mesurer l'importance de la réplication de certains virus.
Enfin certaines techniques permettent d'étudier la séquence
nucléotidique des génomes viraux et ses variations,
ce qui peut avoir un intérêt diagnostique pour classer
les souches virales.
Globalement, les techniques de diagnostic directes peuvent permettre
de répondre à trois types de questions :
a) Le virus réplique-t-il dans l'organe ou le fluide étudié
?
b) Quel est le niveau de la réplication virale ? (information
parfois importante pour le pronostic et la décision thérapeutique),
c) A quel catégorie (génotype, sérotype)
le virus appartient-il ?
II - DIAGNOSTIC VIROLOGIQUEDES PRINCIPALES INFECTIONS VIRALES
POUVANT JOUER UN RÔLE EN FMA
a - Rétrovirus
Les rétrovirus humains pathogènes sont principalement
le VIH et, moins souvent, les virus HTLV1 et HTLV2. Le diagnostic
de ces infections repose sur la mise en évidence d'anticorps
spécifiques dans le sérum des malades. Au cours
des infections par le VIH, la mise en évidence d'anticorps
spécifiques est toujours associée à une réplication
virale et à une contagiosité du malade. Le diagnostic
repose sur la positivité de deux tests ELISA différents
et doit toujours être confirmé, sur un nouveau prélèvement,
par un test de confirmation de type Western-blot. La découverte
récente de nouveaux génotypes viraux à l'origine
de profils sérologiques inhabituels, voire de sérologies
négatives (type O) souligne l'intérêt d'inclure
des antigènes spécifiques de ces types dans les
tests. Les tests directs n'ont pas d'intérêt dans
le diagnostic des infections rétrovirales. Les techniques
de quantification de l'ARN viral pourraient trouver, très
prochainement, une indication dans l'établissement du pronostic
des infections à VIH et le suivi des traitements antiviraux.
b - Virus de l'hépatite B
Au contraire des infections par le VIH, le diagnostic des infections
par le virus del'hépatite B (VHB) est complexe. Un certain
nombre de marqueurs d'infection par le VHB peuvent être
recherchés : des marqueurs indirects (anticorps anti-Hus,
anticorps anti-HBc totaux et IgM anti-HBc, anticorps anti-HBe)
et des marqueurs directs (antigène HBs, antigène
HBe, ADN du VHB).
Dans un contexte d'hépatite aiguë, 4 marqueurs sont
utiles : l'antigène HBs, les anticorps anti-HBc totaux,
les IgM anti-HBc et les anticorps anti-HBs. L'hépatite
aiguë B est caractérisée par la présence
simultanée de l'antigène HBs, des anticorps anti-HBc
totaux et, surtout, des anticorps anti-HBc de type IgM, en l'absence
d'anticorps anti-HBs. La disparition de l'antigène HBs
et l'apparition des anticorps anti-HBs signent la guérison
de l'infection. Le malade gardera toute sa vie des anticorps anti-HBc
et des anticorps anti-HBs, qui peuvent cependant fluctuer. En
cas de vaccination contre l'hépatite B, seuls les anticorps
anti-HBs seront présents.
Chez un malade porteur chronique de l'antigène HBs (présence
de l'antigène HBs depuis plus de six mois), les tests suivants
pourront être utiles : antigène HBs, anticorps anti-HBs,
anticorps anti-HBc totaux et IgM anti-HBc, antigène HBe,
anticorps anti-HBe, recherche de l'ADN du VHB. Dans tous les cas,
l'antigène HBs est présent et l'anticorps anti-HBs
absent. Si l'antigène HBe est détectable (et l'anticorps
anti-HBe absent), la réplication virale est certaine et
sera confirmée par la recherche d'ADN du VHB. Au contraire,
si l'antigène HBe est absent et l'anticorps ti-HBe présent,
la recherche d'ADN viral est indispensable pour déterminer
s'il existe une réplication virale. Quel que soit le profil
sérologique, l'existence d'une réplication virale
est associée à une maladie chronique du foie et
à la contagiosité de l'individu pour le VHB. Elle
peut conduire à la mise en route d'un traitement antiviral.
c - Virus de l'hépatite C
Comme pour le VIH, le diagnostic des infections par le VHC repose
en grande partie sur les tests sérologiques. Deux tests
ELISA de dépistage sont réalisés dans les
conditions légales. Le résultat est souvent confirmé
par un test de validation de type immunoblot dont l'utilité
est, aujourd'hui, mise en question.
Dans le contexte d'une hépatite chronique, la mise en évidence
d'anticorps antiVHC est caractéristique d'une hépatite
chronique C et le sujet doit être considéré
comme potentiellement contagieux.Les tests sérologiques
ont cependant des limites qui peuvent rendre nécessaire
la recherche de l'ARN viral par PCR, exclusivement dans les indications
suivantes : le diagnostic des hépatites aiguës et
chroniques séro-négatives, en particulier chez l'immunodéprimé
et chez l'hémodialysé, les sérologies dissociées
et indéterminées, les nouveau-nés de mère
anti-VHC positive, la surveillance des traitements anti-viraux.
La quantification de l'ARN viral et la détermination du
génotype viral pourraient trouver un intérêt
futur dans la décision thérapeutique.
d - Cytomégalovirus
Le cytomégalovirus (CMV) est un virus particulièrement
important en pathologie néo-natale. Le diagnostic des infections
à CMV est souvent difficile car il s'agit d'un virus présent
à l'état latent chez environ 50 % des individus,
pour lequel les tests sérologiques sont relativement peu
informatifs. La recherche d'IgG antiCMV par technique immuno-enzymatique
permet de savoir si le sujet a été en contact ou
non avec le virus et est donc ou non susceptible d'abriter le
virus latent.
Les tests actuels donnent cependant lieu à de nombreux
faux positifs et faux négatifs. Le diagnostic de réactivation
virale, qui correspond à une réplication virale
active et donc à une contagiosité maximale, repose
sur la mise en évidence directe du virus au niveau des
différents prélèvements. Celle-ci peut se
faire par la détection d'antigènes viraux dans les
leucocytes du malade ou par la mise en évidence d'antigènes
viraux après culture rapide. La détection de l'ADN
du CMV dans le LCR est de plus en plus utilisée en cas
de localisation neurologique. La présence d'IgM anti-CMV
est habituelle au cours des réactivations mais n'est ni
sensible, ni spécifique pour le diagnostic.
Dans le cas particulier de la suspicion d'infection congénitale,
la mise en évidence d'une virurie dans les premières
semaines de vie, ou du virus dans le sang du cordon, un organe
ou un fluide du nouveau-né sont des éléments
diagnostiques importants.e - Virus herpès humainLe virus
herpès humain HSV2 peut également être à
l'origine de graves infections congénitales. Le diagnostic
des infections par ce virus se confond avec celui des infections
à virus HSV1 puisqu'il n'existe pas de test spécifique.
Les lésions sont souvent très évocatrices.
La recherche d'anticorps spécifiques n'a d'intérêt
que pour la mise en évidence d'une séroconversion
chez l'enfant. Le diagnostic est donc direct et repose sur la
mise en évidence d'antigènes viraux après
culture rapide. La recherche d'ADN viral dans le LCR au cours
des tableaux neurologiques est également utile.
f - Papillomavirus
Il n'existe, en dehors des techniques moléculaires encore
peu spécifiques, aucun test courant permettant le diagnostic
des infections à papillomavirus. Ces virus sont associés
à des pathologies tumorales bénignes ou malignes
dont le diagnostic morphologique et histologique est habituellement
facile.
J.-M. PAWLOTSKY Service de Bactériologie-Virologie
- Hôpital Henri Mondor, Créteil.
: JOURNÉES
DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE
ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 11 - 18 janvier 1996
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