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Titre: Les nouveaux problemes poses par l'histologie de lesions frontieres ou a minima
Année: 1996
Auteurs: - Antoine M.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Cancer du sein

Les lésions infracliniques du sein

Les nouveaux problèmes posés par l'histologie des lésions frontières ou a minima

 

M. ANTOINE*

Les lésions frontières correspondent à des lésions histologiques de diagnostic difficile, hésitant dans le spectre des lésions proliférantes entre le diagnostic d'hyperplasies florides et de carcinomes in situ, pour garder la dénomination de lésions atypiques. La définition de celles-ci rappelle celle d'une boisson célèbre : prolifération épithéliale évoquant un carcinome in situ mais n'en n'ayant pas tous les caractères. L'ensemble de ces lésions proliférantes, atypiques, et carcinomateuses in situ n'ont pas la même signification en tant que facteur de risque de survenue d'un cancer invasif. Elles se comportent soit comme des marqueurs de risque, soit comme des états précancéreux. Ces termes devront également être différenciés de la notion de lésion pseudocarcinomateuse, dont la problématique est avant tout diagnostique, comme la cicatrice radiaire, à distinguer d'un carcinome tubuleux.

Les lésions à minima peuvent être considérées comme l'ensemble des lésions ayant une traduction clinique minime, voire absente.

Les progrès des techniques mammographiques et l'apparition des campagnes de dépistage ont en effet vu l'émergence de lésions infracliniques, révélées par la présence de microcalcifications, de surdensités ou d'anomalies de trame du parenchyme mammaire. Si plus de la moitié de ces lésions infracliniques correspondent en histologie à des lésions bénignes, l'exploration chirurgicale (fonction de l'aspect du signal radiologique et de l'expérience des équipes) met en évidence pour environ un tiers d'entre elles des carcinomes in situ ou des cancers invasifs de petite taille (" minimal breast carcinoma " ). Ainsi, les cancers in situ qui ne représentaient que moins de 5 % de l'ensemble des cancers il y a 20 ans, voient leur fréquence actuelle atteindre 30 %, avec une augmentation également sensible des lésions atypiques et des cancers invasifs inférieurs à 1 cm.

Les réflexions que suscitent ces modifications de la pathologie mammaire seront ainsi axées sur la prise en charge diagnostique, sur les difficultés histologiques et sur la signification pronostique de ces lésions. La thérapeutique en est toujours, quant à elle, ambiguë et paradoxale, oscillant de la mastectomie proposée au carcinome intracanalaire, opposée au traitement conservateur des cancers invasifs de petite taille.

I - PRISE EN CHARGE DIAGNOSTIQUE

a - Coopération diagnostique

La prise en charge des lésions infracliniques impose une excellente coopération entre le radiologue, chirurgien et anatomopathologiste, du fait des techniques de repérage préopératoire, et des conditions de préservation du traitement à respecter : orientation de la pièce, radiographie de la pièce, examen extemporané non souhaitable en l'absence de lésion palpable respect de l'intégrité du fragment à communiquer pour l'étude anatomopathologique après fixation avec un fixateur non décalcifiant.

b - Règles de prélèvement

Le pathologiste doit se plier également à des règles de prélèvement. Après encrage de la pièce, ceux-ci sont orientés sur l'emplacement des microcalcifications, et les zones adjacentes, selon des techniques variables, en grille ou en tranche, repérées sur un schéma. La pièce est incluse en totalité d'emblée si elle est de petites dimensions, ou secondairement si sont mises en évidence des lésions atypiques ou carcinomateuses. Le compte rendu mentionnera toujours, outre le type exact des lésions carcinomateuses ou atypiques, la taille de celles-ci, leur diffusion sur le fragment, la distance par rapport aux limites d'exérèse, la corrélation avec le signal radiologique, microcalcifications ou autre lésion infraclinique.

c - Stratégie diagnostique

Les temps diagnostiques et thérapeutiques sont souvent multiples, faisant succéder des biopsies chirurgicales diagnostiques, devant être complétées lors de malignité avérée par des exérèses plus larges, voire radicales, parfois avec curage. C'est ici que les trucut peuvent trouver leur place dans la stratégie diagnostique, en particulier lors de foyers multiples, imposant encore des règles très strictes de réalisation et de lecture.

II - DIFFICULTES DE DIAGNOSTIC HISTOLOGIOUE

a - Technique anatomopathologique

Ces lésions sont de diagnostic histologique délicat, imposant au pathologiste tout d'abord une technique d'inclusion, coupe et coloration d'excellente qualité. Il doit ensuite, avant d'utiliser le terme de lésion atypique, connaître les deux extrémités du spectre lésionnel afin de déterminer les limites avec des aspects très proliférants de la mastose sclérokystique, et les limites avec les carcinomes in situ en particulier canalaires bien différenciés. La reconnaissance de ces lésions atypiques se fait sur des critères architecturaux et cytologiques, sur des documents histologiques. Si une orientation peut être apportée par une ponction cytologique, le diagnostic ne peut être certifié que sur des fragments tissulaires.

Enfin, les techniques spéciales, comme l'immunohistochimie sont de peu d'apport dans l'étude histologique de ces lésions. Si est faite abstraction de l'actine musculaire lisse (marqueur des cellules myoépithéliales), utile dans le diagnostic différentiel entre carcinome tubuleux et cicatrice radiaire, les marqueurs de prolifération, oncogènes, ou hormones n'ont pas apporté jusqu'à présent de moyen infaillible de distinction entre lésion atypique et carcinome in situ. Ces techniques ont toutefois l'avantage d'être réalisées sur les blocs de paraffine ayant permis l'étude histologique, et ne nécessitent pas de prélèvement complémentaire. La préservation de la totalité du fragment tissulaire pour l'étude histologique est en effet impérative pour le diagnostic. Les recoupes du bloc de paraffine, l'inclusion en totalité du fragment, ainsi que l'expérience d'un ou plusieurs pathologistes restent encore la clef du diagnostic

.b - Terminologie

Ces difficultés sont reflétées d'une part par la multiplicité des terminologies utilisées pour la dénomination de mêmes images, d'autre part par le manque de reproductibilité intra et interobservateur qu'a mis en exergue Rosai. Toutefois, les critiques émises par cet auteur peuvent être, comme l'a montré Schnitt, en partie minimisées par un accord préalable précis sur les critères utilisés pour le diagnostic de ces lésions.

c - Enseignement

La conséquence de cet état de fait est la nécessité d'éducation et d'information de tous les protagonistes, et en particulier des anatomopathologistes, enseignement tel qu'il est réalisé dans le cadre du GEDCAS* et de l'AFORSPE**. La confrontation entre anatomopathologistes et la relecture de lames est souhaitable pour ces lésions atypiques. La mise en place de contrôles de qualité, à tous les échelons de la prise en charge diagnostique, s'harmonisant avec les pratiques d'autres pays européens avancés dans la réalisation des campagnes de dépistage, est en cours d'instauration, avec l'édition de " guides lines " à respecter.

d - Trucut en pathologie mammaire

La lecture des trucut mammaires réalisés dans le cadre de ces lésions infracliniques et en particulier des microcalcifications est parfois difficile. Si la rentabilité est largement dépendante de l'expérience du radiologiste, du nombre de biopsies, du diamètre et de l'avancée du trocard, de la qualité du repérage, l'exploitation histologique doit être extrêmement prudente. Ces fragments manipulés précautionneusement pour être posés bien à plat pour l'inclusion, font l'objet de coupes sériées afin de confirmer la présence des microcalcifications, authentifiées par la radiographie des trucut. Ces coupes sériées permettent par ailleurs d'explorer dans l'espace, en 3 dimensions, des lésions, qui du fait du diamètre du trucut, n'ont été visualisées que partiellement, en particulier par rapport à la taille du canal. L'absence de structures adjacentes ne permet pas, par défaut de comparaison, d'apprécier toujours à leur juste valeur, ces images. Il existe un risque de surestimation par focalisation de loeil sur les anomalies présentes, opposé à la sous-estimation habituelle retrouvée lors de la confrontation trucut/biopsie chirurgicale dans les séries américaines. Enfin, la technique de trucut induit des artefacts de déplacements des structures épithéliales qui peuvent avoir une importance dans une pathologie où les critères différentiels s'appuient sur des aspects de rigidité architecturale, de fenestration irrégulière, de monotonie... Il ne semble pas, par contre, que cette technique induise, par la fibrose de réparation, de majoration de la difficulté diagnostique sur les biopsies chirurgicales plus tardives.

III - INCIDENCE PRONOSTIQUE

a - Facteur de risque histologique

Le démembrement et la reconnaissance des différentes lésions élémentaires de la mastose sclérokystique, et le suivi de femmes ayant eu des biopsies chirurgicales de lésions bénignes, ont permis à Dupont et Page en 1985, sur des critères statistiques, de définir la notion de lésions à risque. Ce risque est établi en comparaison d'une cohorte de femmes de même âge.

Ce facteur de risque relatif a permis de regrouper les lésions en niveau de risque :

- Pas d'augmentation de risque :Kystes, adénose, métaplasie apocrine, hyperplasie épithéliale minime, galactophorite ectasiante.

- Risque faible (x 1,5 à 2) :Hyperplasie épithéliale modérée ou floride, adénose sclérosante, papillome.

- Risque modéré (x 4 à 5) :Hyperplasie atypique.

- Risque élevé (x 8 à 10) :Carcinome lobulaire in situ, quel que soit le sein ; carcinome intracanalaire bien différencié, avec un risque de récidive homolatéral, dans le même quadrant. Tiré de Page et Jensen, World J Surg, 1994 ; 18 : 32-38.

 

Ce risque est dépendant également de l'âge au moment du diagnostic, du statut ménopausique, du temps écoulé par rapport à la biopsie, étant limité à une période donnée du suivi, des antécédents familiaux. Ainsi le facteur de risque des lésions atypiques rejoint celui des carcinomes in situ en présence d'antécédents familiaux de cancer du sein. Ces facteurs de risque histologique se placent bien devant les facteurs que représentent la nulliparité, l'âge des premières règles, de la première grossesse, de la ménopause.

 

La connaissance de ces notions est indispensable à l'anatomopathologiste, qui, au terme d'un compte rendu anatomopathologique doit conclure à l'existence d'une mastose sclérokystique simple, complexe, proliférante ou atypique (voir tableau) ou de lésions de carcinome. Il fournira ainsi au clinicien les moyens de l'évaluation de ce risque. L'adénose sclérosante, le papillome et la cicatrice radiaire seront également notés dans cette conclusion, du fait de l'intérêt des corrélations anatomocliniques (présentation clinique et radiologique particulière, pouvant mimer un cancer). La signification d'une cicatrice radiaire n'est pas encore parfaitement claire, et son potentiel peut être lié à l'intensité des lésions proliférantes.

b - Carcinome intracanalaire

L'observation de l'évolution naturelle de cancers in situ diagnostiqués rétrospectivement sur des biopsies chirurgicales non thérapeutiques, ont permis de donner une estimation du potentiel de récidive sous forme invasive de ces cancers. Celui-ci est multiplié par 2 à 11 par rapport à la population tout-venant, ou survient avec une fréquence de 20 à 60 % selon les auteurs. Mais les différences entre les séries sont majeures en termes de nombre de patients, longueur de recul, distribution de population, et terminologie utilisée. Ce risque paraît toutefois majeur pour les formes peu différenciées, ou à grade nucléaire élevé, ou comédocarcinomateuses. L'évolution est plus péjorative en rapidité de survenue, en gravité de la maladie (métastase), à prédominance ipsilatérale. Là encore, une uniformisation de la terminologie est souhaitable, permettant entre autres la comparaison de ces analyses de survie et thérapeutiques. Les techniques immunohistochimiques sont par contre utiles à la compréhension de ces lésions et apportent un support aux nouvelles classifications de carcinome intracanalaire qui se mettent en place à l'échelon européen.

c - Marqueur de risque et état précancéreux

Toutes ces données ont enfin permis de différencier la notion de marqueur de risque et état précancéreux. Le marqueur de risque est une lésion, comme le carcinome lobulaire in situ, associée à un risque significativement élevé de voir survenir un cancer invasif, avec un risque similaire pour les deux seins. L'état précancéreux est une lésion comportant un risque ipsilatéral et local d'apparition d'un cancer invasif comme le réalise le cancer intracanalaire. Ces éléments sont à prendre en compte pour la thérapeutique et le pronostic.

CONCLUSION

 

Les modifications de la pathologie qu'ont engendrés les progrès mammographiques et les campagnes de dépistage imposent à tous les intervenants en pathologie mammaire un travail coopératif et soigneux. Parmi ceux-ci, le pathologiste garde une grande place non seulement pour la distinction " bénin-malin ", mais également dans le cadre des lésions proliférantes de la mastose sclérokystique, pour l'individualisation de facteurs de risques histologiques. Il doit enfin garder une certaine humilité devant les difficultés diagnostiques et de reproductibilité de ces lésions frontières dont la signification biologique n'est pas encore bien connue.

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M. ANTOINE Hôpital Tenon, Paris.