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Titre: Les enfants de PMA
Année: 1996
Auteurs: - Dehan M.
Spécialité: Pédiatrie
Theme: Enfants issus d’AMP

les enfants de PMA

M. DEHAN*

INTRODUCTION

On estime qu'actuellement en France 30 000 à 40 000 enfants sont nés depuis l'avènement des techniques de fécondation in vitro (FIV). Le flux annuel de ces naissances semble s'être stabilisé aux environs de 3 000 à 4 000 par an. Les problèmes posés par ces grossesses obtenues après FIV sont maintenant bien connus : augmentation de la prématurité et du nombre d'enfants hypotrophes, ces problèmes étant rapportés d'une part à la stérilité elle-même (1,2) (âge maternel moyen plus élevé que dans la population générale, hypoplasie utérine, cause et durée de la stérilité...), et d'autre part à la particulière fréquence des grossesses multiples (environ 25 % de grossesses gémellaires, 3 % de grossesses triples et plus).

Le but de cet article est d'essayer de répondre à 3 questions :

- Les données concernant la prématurité, l'hypotrophie, les taux de grossesses multiples ont-elles évolué au cours des dernières années ?

- Que sait-on du devenir à moyen et long termes des " enfants-FIV " ?

- Le devenir des enfants est-il différent selon la technique de FIV ?

EVOLUTION DES PRINCIPAUX INDICATEURSCONCERNANT LA POPULATION DES ENFANTS NÉS APRÈS FIV

1 - Analyse des dossiers FIVNAT

Les données FIVNAT 95 concernent 13 448 enfants nés entre 1986 et 1993 [3]. Les caractéristiques générales de ces nouveau-nés (taux de mortalité, prématurité, fréquence de l'hypotrophie, taux de malformations, et nombre de transferts en néonatologie) sont résumées dans le tableau I. Mais ces données ne permettent pas de répondre à notre interrogation, car l'analyse est globale et, de ce fait, les tendances évolutives au cours des dernières années, ne peuvent être étudiées sur ces documents.

Seule a été analysée l'évolution du taux des grossesses multiples pendant la même période (4) (tableau II) : le taux de grossesses multiples a augmenté de 1986 à 1988, puis s'est stabilisé aux alentours de 28 %. Le taux des grossesses triples ou plus a augmenté jusqu'en 1988 (5,3 %), puis s'est stabilisé à 2,9 % en 1991 et est resté stable depuis (3,1 % en 93). Cette diminution n'est que partiellement liée à la pratique des réductions embryonnaires sélectives, puisque leur taux ne s'est pas modifié depuis 1991 (environ 3 % des accouchements). Les grossesses gémellaires avaient beaucoup augmenté jusqu'en 1992, atteignant le chiffre de 25,5 %, puis ont légèrement diminué (23,7 % en 93).

Au total, il ne semble pas y avoir eu de modifications considérables au cours de ces dernières années, la fréquence des grossesses multiples, grandes pourvoyeuses de pathologies néonatales, ne s'étant pas modifiée. Peut-on confirmer cette information dans la pratique ?

2 - Analyse des données concernant les enfants FIV hospitalisés dans le Service de Réanimation Néonatale de l'hôpital Béclère (Tableau III)

Ce service reçoit d'une part les nouveau-nés provenant de la maternité située dans l'Hôpital, et d'autre part les nouveau-nés en détresse provenant de la région. Depuis 1991, le nombre d'enfants PMA admis n'a pas diminué, au contraire, surtout ceux issus de FIV : mais il faut souligner le fait que les informations relatives aux stimulations simples de l'ovulation peuvent être défaillantes. Dans la très grande majorité des cas, les enfants PMA sont des nouveau-nés prématurés qui représentent 18 % des prématurés admis en 1994, versus 13 % en 1988 et 14 % en 1991. Le nombre de grands et très grands prématurés, ainsi que d'enfants hypotrophes inférieurs au 3e percentile augmente régulièrement au fil des années, avec, parmi eux, une augmentation parallèle des enfants PMA.

De même, on note une augmentation importante du nombre de jumeaux admis, la population de jumeaux PMA passant de 27 % en 1988 à 34 % en 1994.

En revanche, le nombre de triplés semble stagner, voire diminuer dans le recrutement, notamment en ce qui concerne les triplés FIV.

Au total, dans l'activité du service, on observe plutôt une augmentation du nombre d'enfants PMA, surtout chez les jumeaux, et une augmentation des grands prématurés et hypotrophes.

DEVENIR À MOYEN ET LONG TERMES DES ENFANTSNÉS APRÈS PMA

Depuis la précédente revue générale faite à ce sujet dans le cadre des JTA [5], peu d'informations nouvelles ont été publiées dans la littérature. L'explication provient sans doute du fait que tous les enfants suivis sont normaux, comparés à des populations témoins, tant sur le plan somatique que psychologique (hormis bien entendu les séquelles dues à la prématurité) [6, 7, 8]. Mais il faut souligner que les données actuelles sont insuffisantes, notamment en ce qui concerne le développement à long terme.

L'étude menée par F. Olivennes sur 339 enfants nés après fécondation in vitro entre 1981 et 1987, et suivis au-delà de l'âge de 7 ans, est donc particulièrement intéressante [9]. Il s'agit d'une étude rétrospective qui a été menée par interviews téléphoniques et questionnaires standardisés. 10 % des enfants ont été perdus de vue. Sur les 294 enfants suivis, 2,7% ont subi des interventions chirurgicales pour des malformations, la fréquence des pathologies courantes de l'enfance n'est pas exagérée par rapport à la population générale, 22 % ont une surveillance ophtalmologique, 9,5 % ont des problèmes de langage, 6 % bénéficient d'un soutien psychologique. En ce qui concerne la scolarisation, seuls 4 % ont un retard scolaire (d'un an ou plus). Il n'y a aucun problème d'insertion familiale, et, selon les parents, le comportement des enfants est jugé parfaitement harmonieux, sauf dans 3 cas.

Ces résultats extrêmement favorables sont confortés par l'étude récente de F. Golombok et coll. [10], qui ont comparé 51 familles où un enfant avait été conçu par FIV, à 45 familles où un enfant avait été conçu par IAD, par rapport à un groupe de 43 familles où l'enfant avait été conçu normalement et à 55 familles qui avaient adopté un enfant. Le suivi de ces familles s'est étalé entre 4 et 8 ans. Les informations ont été recueillies à la fois par questionnaires, mais aussi par entretiens et par le biais de l'interprétation de tests psychomoteurs standardisés. Les résultats montrent que la qualité de l'insertion familiale chez les enfants FIV et IAD est supérieure à celle existant dans les familles contrôles. Dans les familles FIV et IAD, les scores permettant de mesurer l'attachement affectif, le comportement émotionnel, les interactions mère-enfant et père-enfant sont nettement plus favorables par rapport aux autres groupes. Ces résultats sont donc extrêmement encourageants, contrairement aux préoccupations qui avaient été émises vis-à-vis des conséquences psychologiques potentiellement négatives des nouvelles techniques de reproduction. Il est également important de souligner que les familles adoptives ont une qualité relationnelle équivalente aux familles FIV et IAD. Cette étude tend ainsi à confirmer qu'il n'y a pas de conséquence organique qui pourrait entraîner des perturbations dans le développement psycho-relationnel et la socialisation des enfants conçus par PMA. Ces enfants en outre, bénéficient d'une attention toute particulière de la part de parents dont le désir d'enfants, impossible à réaliser pour un temps, a été finalement comblé.

DEVENIR DES ENFANTS EN FONCTION DES TECHNIQUES DE PMA

1 - Influence de la congélation des embryons

Le dossier FIVNAT 93 étudie les caractéristiques des nouveau-nés issus de grossesses obtenues après transfert d'embryons congelés (386 enfants) et les compare aux enfants nés de grossesses obtenues après transfert d'embryons frais (8 729 enfants). Les résultats semblent globalement meilleurs, en faveur des transferts d'embryons congelés : plus d'enfants naissent à terme (85,6 % versus 76,7 %), le taux de naissances avant 31 semaines est moins élevé (1,7 % versus 2,9 %), il y a moins d'hypotrophes (15,1 % versus 25,6 %), il y a moins de grossesses multiples (14,6 % versus 27,8 %). Tous ces résultats sont statistiquement significatifs. En revanche, il n'a pas été noté de différence concernant la mortalité périnatale, et le taux de transferts en néonatologie ou réanimation. Des résultats identiques ont été observés par Wada et coll. [11], sur 283 enfants nés après transfert d'embryons congelés, comparés à 961 obtenus après transfert d'embryons frais.

2 - ICSI

En 1992, l'équipe de l'Université Libre de Bruxelles a mis au point une technique de FIV permettant de contourner les problèmes posés par l'infertilité masculine. Cette équipe a récemment fait le point sur le risque de l'ICSI concernant les malformations [12]. Parmi 1 160 grossesses, 491 caryotypes pré-natals ont été obtenus : 97,6 % d'entre eux étaient normaux, 1,2 % comportaient des anomalies structurelles bénignes (inversions ou translocations équilibrées) et 1,2 % étaient anormaux (6 cas, dont 5 portaient sur une anomalie des chromosomes sexuels). Les anomalies mineures sont attribuées au problème de l'infertilité masculine car elles étaient héritées des chromosomes paternels. En revanche, les anomalies des chromosomes sexuels peuvent être mises en relation avec la technique elle-même, puisque leur fréquence dans la population générale est habituellement de 0,3 à 0,4 %. Cette inquiétude a été à nouveau évoquée dans une lettre au Lancet où 5 anomalies des chromosomes sexuels sur 15 caryotypes effectués après ICSI ont été trouvées [13] : dans cette série, il faut cependant souligner que l'indication du caryotype était en fait l'âge maternel "avancé".

Par ailleurs, dans l'étude belge, ont été colligées les malformations " majeures " observées chez 669 enfants nés après ICSI. Elles concernent 18 enfants, soit 2,7 %, de cette population (7 singletons, 10 jumeaux, 1 triplé). Certaines de ces malformations sont couramment observées (fentes palatines, malformations cérébrales ou cardiaques), d'autres sont plus rares, mais il n'émerge pas d'ensemble malformatif particulier et qui serait spécifique de la technique.

CONCLUSION

Les techniques de PMA se sont largement répandues, spécialement dans notre pays, et se sont rapidement diversifiées.

Ce que l'on sait actuellement sur le devenir des enfants doit à la fois nous inciter à la prudence, mais nous rend aussi confiants :

- ce qui est décevant, c'est le fait qu'il n'est pas actuellement observé de diminution des problèmes majeurs posés par les PMA : les grossesses multiples, la prématurité, l'hypotrophie, sources des difficultés périnatales et des séquelles ultérieures. Ces faits restent donc très préoccupants, à la fois sur le plan médical et humain, mais bien évidemment également sur le plan économique [14] ;

- ce qui nous rend en revanche optimistes, est ce que l'on connaît actuellement de l'avenir à plus long terme des enfants conçus après FIV. Cet avenir paraît radieux, dans la mesure où ces enfants ne présentent aucun trouble du développement somatique et psychomoteur, et que leur insertion familiale et sociale est tout à fait excellente. Ces résultats encourageants doivent être confirmés par des études prospectives à plus long terme s'étendant au-delà de la puberté.

En dehors du suivi à plus long terme des enfants existants, la vigilance s'impose pour l'avenir, en raison des modifications constantes inventées par les chercheurs et les médecins pour améliorer les techniques de PMA : comme pour tout acte médical, toute modification apportée à une thérapeutique ou à une technique devrait faire systématiquement l'objet d'une évaluation prospective et exhaustive. Le problème se pose actuellement pour les ICSI.

BIBLIOGRAPHIE

[1] GHAZI H.A., SPIELBERGER C., KALLEN B. : " Delivery outcome after infertility. A registry study ". Fertil Steril 1991 : 55, 726-32.

[2] OLIVENNES F., RUFAT P., ANDRE B., POURADE A., QUIROS M.C. et FRYDMAN R. : " The increased risk of complication observed in singleton pregnancies resulting from in vitro fertilization (IVF) does not seem to be related to the IVF method itself". Hum Reprod 1993 : 8, 1297-1300.

[3] BACHELOT A., THEPOT F., DEFFONTAINES D. : et al. " Bilan FIVNAT 1994 ". Contracept Fertil Sex 1995 : 23; 490.3.

[4] BELAISCH-ALLART J., SALAT-BAROUX J., LOGEROT-LEBRUN M., DE MOUZON J. : " Grossesses multiples ". Contracept Fertil Sex 1995 : 23; 494-7.

[5] DEHAN M. : " Le néonatologiste et les enfants de PMA ". 9e JTA. M AZOULAY, A. IOAN,R. MEZIN. ARETEM, Paris 1994, pp 369-78.

[6] RUFAT P., OLIVENNES F., DE MOUZON J., DEHAN M. et FRYDMAN R. : " Task force report on the outcome of pregnancies and children conceived by in vitro fertilization (France : 1987 to 1989 ". Fertil Steril 1994 : 61, 324-30.

[7] RAOUL-DUVAL A., BERTRAND-SERVAIS M., LETUR-KONIRSCH H. et FRYDMAN R. : " Psychological follow-up of children born after in vitro fertilization ". Hum Reprod 1994 : 9, 1097-1101.

[8] KOVACS G. : " Long-term follow-up after assisted reproduction ". In : Fertility and Sterility. A current overview. B. HEDON, J. BRINGER and MARES P. Ed. The Parthenon Publishing Group. New-York, London, 1995, pp 387-91.

[9] FRYDMAN R., OLIVENNES F. : Follow up of 339 children over 7 years old conceived by IVF. ESHRE. Hambourg 1995.

[10] GOLOMBOK S., COOK R., BISH A. et MURRAY C. : " Families created by the new reproductive technologies : Quality of parenting and social and emotional development of the children ". Child Development 1995 : 66, 285-98.

[11] WADA I., MACNAMEE M.C., WICK K. et al. : " Birth characteristics and perinatal outcome of babies conceived from cryopreserved embryos ". Hum Reprod 1994 : 9, 543-6.

[12] LIEBAERS I., BONDUELLE M., LEGEIN J. et al. : " Follow-up of children born after intracytoplasmic sperm infection ". In : Fertility and Sterility. A current overview. B. HEDON, J. BRINGER and MARES P. Ed. The Parthenon Publishing Group. New-York, London, 1995, pp 409-12.

[13] IN'T VELD P., BRANDENBURG H., VERHOEFF A. et al. : " Sex chromosomal abnormalities and intracytoplasmic sperm injection ". Lancet 1995 : 346, 773.

[14] CALLAHAN T.L., HALL J.E., ETTNER S.L. et al. : " The economic impact of multiple-gestation pregnancies and the contribution of assisted-reproduction techniques to their incidence ". N Eng J Med 1994 : 331, 244-9.

* Service de Pédiatrie et Réanimation Néonatales. Hôpital Antoine Béclère, 157, rue de la Porte de Trivaux, 92141 Clamart.

 : JOURNÉES DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 11 - 18 janvier 1996