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Titre: Hormonotherapie substitutive et systeme nerveux
Année: 1996
Auteurs: - Boubli L.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Ménopause


LA MÉNOPAUSE ET LA FEMME DE PLUS DE 60 ANS

hormonothérapie substitutive et système nerveux

L. BOUBLI, C. D'ERCOLE, B. BLANC, M. KONTOSTOLIS et L. CRAVELLO

L'hormonothérapie de la ménopause vise à supprimer les conséquences de la faillite ovarienne. Cette substitution hormonale agit favorablement sur la qualité de la vie en évitant les effets secondaires gênants de la privation hormonale (bouffées de chaleur) mais elle vise surtout à prévenir les conséquences graves de la privation estrogénique au premier rang desquelles figurent l'ostéoporose et la pathologie coronarienne. Au plan social, les enjeux sont très importants du fait de l'augmentation de l'espérance de vie des femmes : la possibilité de préserver l'intégration sociale est facilitée par cette hormonosubstitution.

L'évolution est cependant menacée par les conséquences neurologiques et psychiatriques du vieillissement et la pathologie dégénérative du système nerveux central. Dans cette perspective, la place de l'hormonosubstitution mérite d'être analysée.

SYSTèME NERVEUX ET MéNOPAUSE

Les modifications sont souvent plus liées à l'âge et au vieillissement qu'à l'hormono privation. En particulier, un certain degré d'atrophie cérébrale s'installe du fait de la déperdition neuronale.

Objectivement, l'effondrement des taux hormonaux s'accompagne d'une hypertrophie des neurones infundibulaires [19]. Cette modification morphologique va de pair avec une augmentation de l'expression des gènes codant pour certains neurotransmetteurs (neurokinin B et substance PMA) [20]. Ces modifications sont liées au rétrocontrôle résultant de la chute des taux hormonaux.

LA PATHOLOGIE

Le système nerveux central est menacé par diverses pathologies regroupées essentiellement en deux entités :

- les conséquences de l'atteinte vasculaire peuvent résulter de deux types d'atteinte :

- les hémorragies sont souvent aiguës et liées électivement à l'hypertension artérielle ;

- les manifestations thrombo emboliques peuvent s'installer plus progressivement et sont sous-tendues par un terrain à risque métabolique. Les accidents vont récidiver et vont aboutir à une dégradation de plus en plus marquée. La symptomatologie est bien sur fonction des territoires impliqués.

- la pathologie dégénérative primitive est surtout représentée par la maladie d'Alzheimer [15]. C'est la plus fréquente des démences (270 000 sujets atteints en France), touchant jusqu'à 40 % des sujets de plus de 80 ans.C'est une démence progressive associée à une perte neuronale. Les troubles de mémoire sont souvent les premiers signes consistant surtout en une altération de la mémoire secondaire (mettant en jeu l'hippocampe). Les troubles du langage sont caractéristiques : manque du mot avec dissociation automatico volontaire aboutissant à une aphasie transcorticale sensorielle. Les troubles praxiques sont associés : commençant par une perturbation de l'espace euclidien (apraxie constructive) puis de l'espace centré par le corps (apraxie idéomotrice). Troubles gnosiques et manifestations psychiatriques viennent compléter le tableau clinique. Les lésions neuropathologiques sont dominées par la perte neuronale débutant au niveau de l'hippocampe et entraînant la disparition de 40 à 60 % des grands neurones pyramidaux. Le substratum est une dégénérescence neuro fibrillaire sous forme de filaments situés dans le péricaryon des neurones, constitués de protéines tau, composant du cytosquelette anormalement phoshorylé. L'hormonodépendance peut être évoquée devant la forte prévalence féminine de l'affection surtout après 65 ans

Il pourrait également s'agir de la perte d'un pouvoir protecteur des estrogènes. Des formes mixtes peuvent aussi exister associant lésions dégénératives et séquelles vasculaires. D'autres étiologies peuvent être impliquées, en particulier thyroïdiennes

[2].HORMONOTHéRAPIE ET SYSTèME NERVEUX

Les interactions entre système nerveux et estrogènes se manifestent très précocement dès la vie intra-utérine [14]. Les mécanismes régissant l'interaction croissance nerveuse et estrogènes sont encore mal connus. L'imprégnation hormonale modifie le comportement du fait d'une action directe sur le système nerveux central. Une expérience de transfection sur des lignées cellulaires (PC12-WT, SER8, AR8) a permis d'objectiver cette action hormonale. L'estradiol parait plus particulièrement impliqué dans certaines modifications morphologiques (augmentation de la fréquence et de la longueur des gap junctions), favorisant la communication intercellulaire. Il est intéressant de noter qu'une action favorable des androgènes se manifeste également.

Chez la rate ovariectomisée, l'administration d'estrogènes stimule l'arborisation neuronale et peut aboutir à la cicatrisation de 75 % des lésions [8]. Chez la rate, l'estradiol induit des modifications coordonnées dans l'extension gliale et des modifications neuronales dans le noyau arqué. Ces modifications peuvent intervenir par le biais du système gabaergique. La transformation gliale et le métabolisme des synapses pourraient dépendre de molécules spécifiques d'adhérence ou reconnaissance sur les membranes gliales ou neuronales [10].

L'action neurotrophique pourrait s'exercer par le biais d'un NGF (nerve growth factor), CHAT ou d'un rétrocontrôle de p75NGFR et de trkA. La résultante est une modulation de la fonction cholinergique dans l'hippocampe et le cortex. Ces processus sont impliqués dans l'entretien de processus de mémorisation et d'apprentissage ainsi que dans des changements dans la fonction cognitive et peuvent être affectés par le vieillissement et la pathologie dégénérative. Par ailleurs les récepteurs aux estrogènes sont largement distribués dans le système nerveux central, les plus grandes concentrations se trouvant dans l'hypothalamus, les amygdales et les noyaux de la base. Or ces structures sont impliquées dans les fonctions de mémorisation. A l'inverse des estrogènes, certains métabolites progestatifs pourraient être des antagonistes des récepteurs Gabaergiques particulièrement les dérivés réduits en 3 a OH 5 aboutissant à un effet dépresseur du système nerveux central de type pseudo anesthésique, plus puissant que le methohexital

[1].HORMONOTHéRAPIE SUBSTITUTIVE ET PATHOLOGIE DU SYSTèME NERVEUX CENTRAL

La pathologie circulatoire : l'hormonothérapie substitutive permet d'obtenir une réduction significative de l'index de pulsatilité des artères carotides internes et cérébrales moyennes (6 mois de traitement). A 22 semaines de traitement la réduction était de 25 %. Cet effet semble sous dépendance estrogénique seule et ne semble pas affecté par le traitement progestatif [18]. Falkeborn M. observe une réduction du risque d'AVC sous HTS [5].

Pour Finucane, l'HTS permet d'obtenir une réduction à la fois de l'incidence et de la mortalité par AVC (relative risk, 0.37 ; 95 % confidence interval, 0.14 - 0.92) [6].

D'autres données sont plus discutées et pourraient faire apparaître un possible effet dose (voir tableau ci-après).

La maladie d'Alzheimer

L'étude de A. Paganini Hill concluait à un rôle protecteur de l'hormonosubstitution (or 0,69 ic 95 % 0,46-1,03) [17]. La diminution du risque était corrélée avec l'augmentation de la durée du traitement et l'augmentation de la dose d'estrogènes. D'autres facteurs anamnestiques évoquaient indirectement l'implication des estrogènes.

Facteurs de risque de la maladie d'Alzheimer

A l'inverse, l'étude de Brenner ne retrouve pas de rôle favorable de la substitution (OR 1,1 IC 95 % 0,6-1,8) et ce quelle que soit la forme de l'HTS [4]. Graves ne note pas non plus de réduction du risque (OR 1,15 IC 95 % 0,50+2,64) [9].

Les modalités méthodologiques expliquent probablement ces discordances. Indépendamment de l'incidence sur la survenue de la maladie, la substitution hormonale pourrait améliorer le pronostic de cette pathologie. Fillitt note une amélioration des scores cognitifs sous HTS en cas de maladie d'Alzheimer [7].Pour Honjo, l'amélioration de la symptomatologie de la démence sénile type Alzheimer sous estrogènes peut avoir différentes explications : effet antidépresseur, amélioration du flux vasculaire cérébral, stimulation neuronale directe, suppression de l'apoliporotéine E [12]. Okhura conclut à l'amélioration de la fonction de mémorisation sous HTs [16].

Enfin, Henderson observe une amélioration du MMS sous HTS (14,9±8,1vs 6,5±7,6 p< 0,005) [11]. Au total, si le rôle protecteur du traitement estrogénique est difficile à affirmer spécifiquement en cas de maladie d'Alzheimer, du fait de la difficulté sur des études rétrospectives de différencier les atteintes dégénératives des séquelles d'accidents vasculaires, par contre, l'hormonosubstitution pourrait diminuer le préjudice lié à cette pathologie.

Les autres anomalies

La schizophrénie

L'hypoestrogénie est souvent évoquée dans le terrain des patientes atteintes de schizophrénie. Les estrogènes pourraient avoir un effet protecteur vis-à-vis de la schizophrénie et de ses manifestations peut être par le biais d'une modulation de la sensibilité des récepteurs dopaminergiques -D2-cérébraux [21]. Ils pourraient même avoir une action pseudo neuroleptique [22].

Les tumeurs cérébrales

La ménopause était réputée réduire le risque de survenue d'un méningiome (RR = 0,58 ; IC95 % = 0,18-1,90), et cet effet était plus prononcé en cas de ménopause chirurgicale (RR= 0,12 ; 95 % IC= 0,01-1,30). A l'inverse, la ménopause spontanée va de pair avec une augmentation de risque de voir se développer des gliomes ou des neurinomes de l'acoustique (RR = 1,77 ; 95 % IC = 0,67-4,68), sauf en cas de ménopause chirurgicale qui s'accompagnait d'une réduction de risque (RR = 0,33 ; 95 % IC = 0,04-3,09). En fait, il ne semble pas y avoir de rôle spécifique de l'hormono substitution dans le développement de la pathologie tumorale [23].

La maladie de Parkinson

Elle est par contre aggravée par le traitement estrogénique [24]. Les œstrogènes modulent l'activité de la dopamine dans le système extrapyramidal. Ils semblent avoir un effet antidopaminergique qui aggrave habituellement les symptômes.

La mémoire

L'action des œstrogènes est habituellement favorable : l'estrogénothérapie semble exercer un effet spécifique et global. La mesure des scores cognitifs varierait chez les femmes ménopausées avec les concentrations d'estradiol [25]. On a pu établir une relation inverse entre taux d'hormones circulant et humeur, ce qui souligne le rôle de SHBP [26]. L'administration d'ECE améliorerait les tests de mémoire verbale (p<0,05) [13]. L'estrogénothérapie améliore et ou entretient des aspects de mémoire verbale, mais est sans effet, ou éventuellement même a une influence négative sur la mémoire spatiale [27]. Enfin, chez des femmes asymptomatiques, l'effet des estrogènes serait nul.

 

Au total, l'impact de l'hormonothérapie substitutive sur la pathologie neurologique mérite des études prospectives. Les possibilités thérapeutiques conventionnelles sont très réduites devant ces tableaux et plus particulièrement en cas d'anomalie dégénérative. L'hormonothérapie substitutive, pourrait améliorer de façon significative la qualité de vie des femmes et surtout limiter l'exclusion sociale dont sont victimes les patientes atteintes d'accidents neurologiques. Si cette perspective se confirme, il s'agit là d'un enjeu majeur de l'hormonothérapie substitutive.

bibliographie

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 : JOURNÉES DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 11 - 18 janvier 1996