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Titre: Hormonotherapie et vieillissement uro-genital
Année: 1996
Auteurs: - Pigné A.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Ménopause


LA MÉNOPAUSE ET LA FEMME DE PLUS DE 60 ANS

hormonothérapie et vieillissement uro-génital

A. PIGNE*, B. DEVAL* et Y. LIOU*

Le vieillissement uro-génital démarre à la ménopause, mais ses expressions cliniques sont beaucoup plus tardives, retardées en moyenne d'une dizaine d'années. Cela explique en grande partie pourquoi la relation n'est pas toujours faite entre les deux phénomènes et pourquoi dans l'arsenal thérapeutique le traitement hormonal est souvent oublié. la justification du traitement hormonal

1 - Le vagin

Après la ménopause, l'épaisseur de l'épithélium vaginal diminue. La vascularisation s'appauvrit. La production de glycogène s'effondre et le pH augmente. Tous ces éléments conduisant à l'atrophie vaginale avec ses conséquences : modifications de la flore et fragilisation de l'épithélium plus sensible aux agressions et aux infections.

2 - L'urètre

Voit l'ensemble de ses structures se modifier :

- diminution de l'épaisseur du muscle strié ;

- hypertrophie du muscle lisse ;

- disparition des riches anastomoses artério-veineuses sous muqueuses ;

- atrophie de la muqueuse ;

- disparition des récepteurs Alpha dans la musculature lisse.

Ces transformations vont conduire à un urètre moins souple, plus court, moins fonctionnel avec une pression de clôture au repos diminuée.

3 - La vessie

Le détrusor est peu à peu envahi par le collagène, l'épithélium s'atrophie, l'activité sympathique diminue alors que l'activité parasympathique augmente.Toutes ces modifications vont favoriser les infections urinaires à répétition et l'hyperactivité vésicale.

4 - Le plancher pelvien

La diminution de la densité des fibres du muscle strié, l'aggravation de la neuropathie d'étirement, l'augmentation du collagène au sein du tissu musculaire vont entraîner une diminution de la tonicité et de la contractilité des muscles du plancher pelvien rendant ainsi moins efficace son rôle de soutien et de " sphincter " accessoire de la continence urinaire et anale.

LES SYMPTÔMES DU VIEILLISSEMENT URO-GÉNITAL

A - Les infections urinaires à répétition

L'oestrogénopénie entraîne une diminution du glycogène nécessaire à la croissance des lactobacilles. L'augmentation du pH vaginal va favoriser la croissance d'autres organismes pathogènes. Les modifications de l'épithélium vésical, associées au raccourcissement de l'urètre vont favoriser les infections urinaires à répétition d'autant qu'existeront concomittament des facteurs favorisant la rétention d'urine : prolapsus utérovaginal avec sa coudure urétrale et son bas-fond vésical qui se vide mal, sténose de l'urètre, hypocontractilité du détrusor. Le taux d'infections urinaires à répétition augmente avec l'âge : 14 % à 65 ans, 25 % à 85 ans pour Molander, 4 à 11 % en Suède (Stenberg).

B - L'incontinence urinaire et les troubles mictionnels

Ils représentent la première plainte dans la période post-ménopausique. Leur fréquence est variable. Il semble que l'évolution des symptomes soit différente : l'incontinence urinaire pure diminuerait avec l'âge 49 % à 61 ans, 32 % à 81 ans alors que les troubles mictionnels resteraient indépendants des tranches d'âge et présents chez 30 % des patientes environ.

La symptomatologie est fonction de la physiopathologie de l'incontinence :

- Troubles mictionnels avec incontinence dans l'instabilité vésicale ;

- Incontinence à symptomatologie mixte dans l'insuffisance de pression de clôture ;

- Incontinence urinaire d'effort pure dans la cervicocystoptose.

Dans cette période de la vie, la symptomatologie est rarement pure et l'incontinence ou les troubles mictionnels sont multifactoriels. C'est dire tout l'intérêt des explorations urodynamiques qui permettent de faire le bilan réel des troubles en cause.

L'instabilité vésicale se retrouve donc globalement chez 30 % des patientes. Sa prise en charge thérapeutique nécessite toujours un minimum de bilan pré-thérapeutique à la recherche d'une étiologie demandant un traitement spécifique :

- recherche d'une cause neurologique : maladie de Parkinson, vessie diabétique, compression médullaire ;

- recherche d'une cause locale : infection urinaire, urétrite, sténose urétrale (très fréquente liée à l'atrophie vulvo-vaginale, le prolapsus), pathologie intra-vésicale (lithiase, cancer in situ de vessie) ;

- recherche d'une cause iatrogène fréquente à cet âge (Alpha bloquant, ß bloquant).

Une fois ce bilan effectué et en dehors de toute étiologie évidente on peut alors démarrer le traitement symptomatique. L'incontinence liée à une pression de clôture anormalement basse associe pollakiurie, difficulté de retenue, urgences mictionnelles mais aussi une symptomatologie d'effort. Les causes appartenant au passé, le bilan étiologique n'a ici aucun intérêt pratique et le traitement peut être mis en oeuvre dès le diagnostic assuré.

Quant à l'incontinence d'effort, sa symptomatologie est connue et l'urodynamique n'a d'intérêt ici que pour éliminer d'autres facteurs d'incontinence.

La prise en charge thérapeutique des troubles mictionnels et de l'incontinence urinaire comporte toujours deux volets :

1 - un traitement obligatoire et préalable : les oestrogènes. Ceux-ci sont efficaces quelle que soit la voie d'abord et sont indiqués quel que soit le type de l'incontinence ;

2 - un traitement spécifique reposant sur la physiopathologie de l'incontinence.

C - Le prolapsus uro-génital

Il n'est pas spécifique de cette période de la vie ; cependant, le prolapsus génital augmente avec l'âge et la parité. Sa symptomatologie est batarde, faite de pesanteur pelvienne survenant surtout en fin de journée, d'une sensation de " boule ". Il n'y a aucun parallélisme entre le degré de prolapsus et la gêne fonctionnelle alléguée par la malade.

D - Les troubles sexuels

Voilà encore un sujet bien peu souvent abordé par les patientes et pourtant une étude d'Oldenhave en Hollande a montré sur 5 640 femmes interrogées entre 39 et 60 ans que10 ans après la ménopause 40 % des femmes seulement étaient satisfaites de leur vie sexuelle comparées à 60 % avant la ménopause. Pour Oldenhave, la cause principale serait la sécheresse vaginale. Le pourcentage apparemment faible de dyspareunie en post-ménopause est expliqué dans cette étude par " l'absence de rapports " chez les femmes en post-ménopause.

Nous avons interrogé 845 femmes ménopausées à l'Hôpital Rothschild venant en consultation (quel que soit le motif de consultation). Les résultats de cette enquête ont montré que 54 % des femmes (460/845) étaient encore sexuellement actives. Il est clair dans cette étude que le taux de satisfaction est directement corrélé à la sensation ou non de sécheresse vaginale. La prévalence de la sécheresse vaginale est indépendante de l'âge de la population entre 55 et 90 ans. Son taux est constant de l'ordre de 30 %.

Enfin, lorsque l'on analyse les relations entre traitement hormonal et activité sexuelle, l'étude montre qu'il existe une différence significative entre les deux populations.

LE TRAITEMENT DU VIEILLISSEMENT URO-GÉNITAL

Il repose sur deux axes essentiels :- un traitement commun ;- un traitement spécifique.

A - Le traitement commun à toutes ces pathologies

L'amélioration de la qualité tissulaire repose sur l'utilisation des oestrogènes dont on sait maintenant qu'ils possèdent des récepteurs dans les organes cibles de la région : vagin bien entendu, mais aussi urètre et vessie. Les oestrogènes peuvent être utilisés soit dans le cadre du traitement général de la ménopause, par voie orale ou trans-dermique, soit par voielocale.

Le choix de la voie d'abord des oestrogènes est fonction de l'âge de la patiente, de la nécessité ou non d'une action systémique, des contre-indications éventuelles à une action systémique, du désir de la patiente.

Plus la patiente est proche de la ménopause, plus le choix se fera vers un traitement systémique. Cependant le vieillissement uro-génital se révélant plutôt à distance de la ménopause, chez des femmes qui n'ont pas ou qui ne sont plus traitées, le recours au traitement local exclusif est extrêmement fréquent.

Nous disposons actuellement de plusieurs produits actifs et de différentes formes galléniques.

1 - Les produits utilisés

L'estriol, les oestrogènes conjugués équins, le Promestriène, l'Oestradiol.Dans la littérature, ces produits ont tous la même efficacité et aucune étude n'a démontré la suprématie d'un oestrogène sur un autre.A noter toutefois qu'une étude anglaise récente (Linda Cardozo, 1995) dénie toute action efficace à l'oestriol par voie orale dans la prévention des infections urinaires à répétition.

2 - Les formes galléniques

a - Les crèmes sont bien tolérées mais leur administration n'est pas toujours aisée surtout chez les femmes âgées.

b - Les ovules, plus faciles à utiliser, sont accusés par les patientes d'induire des pertes nécessitant le port d'une protection en particulier nocturne.

c - L'anneau intra-vaginal qui a montré dans une étude récente multicentrique une supériorité par rapport aux autres formes galléniques, avec une même efficacité.

b - Les indications

1 - Dans les infections urinaires à répétition, ils modifient le pH vaginal donc l'équilibre bactériologique. De plus, ils améliorent la qualité des muqueuses urétrale et vésicale.

2 - Dans l'incontinence : par instabilité vésicale : ils diminuent l'hyperesthésie vésicale et améliore la symptomatologie de la pollakiurie et des mictions impérieuses dans 59 % après 3 semaines, et dans83 % après 3 mois (Etude Estring non encore publiée). par insuffisance de pression de clôture : ils favorisent une meilleure vascularisation urétrale, augmentent l'effet des cathécholamines grâce à leur action sur les alpha récepteurs. dans l'incontinence urinaire d'effort pure par cervicocystoptose : les résultats sont moins évidents car le problème est essentiellement mécanique et ligamentaire. La méta analyse de Fentl sur 166 articles publiés même s'il n'en reste que 6 !!! montre un taux d'amélioration de 64 à 75 % avec les oestrogènes, mais un taux d'amélioration de 10 à 56 % avec les placebos.

3 - Dans le prolapsus uro-génital : les oestrogènes améliorent la qualité des tissus et permettent souvent dans les prolapsus modérés une amélioration notable de la symptomatologie fonctionnelle.

4 - Dans les problèmes sexuels liés à une dyspareunie : les oestrogènes représentent le seul traitement avec une efficacité remarquable de 86 % après 3 semaines de traitement, de 97 % après 3 mois de traitement.

Un des principaux problèmes auxquels nous sommes confrontés est l'observance du traitement :

- car le vieillissement uro-génital survient en moyenne 10 ans après la date de la ménopause à un moment où les signes fonctionnels bruyants ont disparu et où la motivation pour avoir un traitement hormonal est faible ;

- car le pourcentage de patientes traitées par traitement hormonal substitutif diminue de façon considérable en 10 ans ;

- car enfin les traitements locaux ne sont pas toujours bien tolérés entrainant un inconfort amenant 30 % des patientes à arrêter le traitement en moins de 6 mois.

CONCLUSION

Le vieillissement uro-génital reste pour beaucoup de femmes un sujet difficile à aborder, pour beaucoup de médecins un sujet de peu d'intérêt. Or, son retentissement physique, psychologique et économique est extrêmement important : la prise en charge thérapeutique en est pourtant aisée et les oestrogènes représentent toujours la première prescription. A cet âge de la vie, notre préférence et notre expérience nous amènent à penser que le traitement par voie locale est préférable au traitement par voie générale pour une meilleure efficacité et une meilleure observance.

A. PIGNE*, B. DEVAL* et Y. LIOU** Service de gynécologie-obstétrique, Hôpital Rothschild, 33, bd de Picpus - 75012 Paris.

 : JOURNÉES DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 11 - 18 janvier 1996