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Titre: Cancer invasif du col uterin et grossesse
Année: 1996
Auteurs: - Zarca D.
Spécialité: Obstétrique
Theme: Cancer du col

cancer invasif du col utérin et grossesse

D. ZARCA, D. CASTAIGNE et G. MICHEL

La conjonction d'un cancer du col avec une grossesse est une éventualité rare. Son incidence est assez mal évaluée, elle se situe selon les études entre 1/10 000 et 2/1 000.Lorsque la découverte en est faite, il faut conjuguer deux impératifs parfois totalement divergents : traitement de la mère et prise en charge du fœtus.

Cette association pose schématiquement quatre grands problèmes, qui seront envisagés plus loin.

- Celui du diagnostic, qui est loin d'être évident, compte tenu des remaniements cervicaux observés en début de gestation.

- Celui du pronostic de l'affection.

- Celui de la date du traitement chirurgical et du délai entre le diagnostic et la prise en charge thérapeutique.

- Enfin et de manière plus accessoire, du devenir de la grossesse et du mode d'accouchement.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic de cancer invasif du col utérin (CCU), évoluant au cours d'une grossesse n'est pas toujours simple. Une récente étude hollandaise [1] portant sur 44 patientes atteintes d'un CCU au cours de la grossesse, montre que le diagnostic n'a été effectué que 23 fois durant la grossesse et 21 fois dans les six mois qui ont suivi l'accouchement.

Ce délai au diagnostic peut évidemment être considérablement réduit par une politique de dépistage systématique en début de grossesse.

Le problème réside ici dans le diagnostic de certitude d'invasion. Pour les lésions avancées, des biopsies effectuées idéalement sous contrôle colposcopique permettent très généralement le diagnostic.

Ces biopsies sont bien évidemment plus hémorragiques qu'en dehors de la gestation et doivent être encadrées d'une antibiothérapie et éventuellement d'un traitement tocolytique.

Elles nécessitent généralement un tamponnement hémostatique prolongé.Pour les lésions les plus limitées (Ia), la certitude d'invasion peut n'être obtenue que par un geste chirurgical.La conisation au cours de la grossesse n'est évidemment pas un acte anodin. Elle est susceptible d'entraîner des complications parfois très sérieuses (prématurité, avortements précoces, infections ovulaires et hémorragies).A noter cependant qu'une récente étude de Férenczy [2] portant sur 53 patientes enceintes qui ont subi une électro-résection à l'anse diathermique ne montre pas les complications évolutives de la grossesse décrites avec les conisations chirurgicales.

PRONOSTIC

Le problème du pronostic de l'affection est loin d'être une simple question théorique. Il conditionne en effet la date de mise en route du traitement.

Un début de réponse peut être apporté pour les stades précoces de la maladie (Ia, Ib et IIa) ; l'étude de Van der Vange [1] portant sur 44 patientes atteintes d'un cancer du col appariées à une population contrôle de femmes atteintes non enceintes mais présentant les mêmes caractéristiques d'âge, de grade, de stade, de type tumoral et de modalités de prise en charge thérapeutique, ne montre pas de différences statistiques de survie pour ce qui concerne les stades précoces. Compte tenu de la faiblesse de l'échantillon, aucune constatation ne peut être effectuée pour les stades avancés.

Hopkins [3] dans les mêmes conditions ne retrouve pas non plus de différence de survie, en appariant sa population de 35 patientes enceintes de stade IB et 170 patientes de même âge moyen, non enceintes, traitées de 1960 à 1989.Le problème de la période de grossesse de découverte de la maladie est plus accessoire. Notons simplement que la période de découverte ne semble pas modifier le pronostic : Hopkins [3], en effet ne trouve pas de différence significative de survie selon le trimestre de découverte de la grossesse pour les stades IB.

Survie à 5 ans : 90 % pour 10 patientes pour lesquelles la découverte du CCU s'est effectuée au second trimestre, 75 % (5 patientes) au troisième trimestre et 75 % pour le post partum (20 patientes).

RETARD AU TRAITEMENT

La date de la prise en charge thérapeutique est évidemment l'un des points principaux à considérer.

Pour tenter d'apporter une réponse, il est nécessaire de se référer aux données de la littérature.

L'étude de Duggan [4] portant sur 27 patientes, montre que pour 8 patientes qui ont opté pour une prise en charge thérapeutique différée pour atteindre la maturité fœtale, il n'a pas été constaté de récidive. Le délai moyen de mise en route du traitement a été de 144 jours (53-212 jours).Il s'agissait de 3 lésions micro-invasives et de 5 T1b (volume maximal tumoral : 4 cm). L'échantillon est évidemment trop modeste pour en tirer des enseignements définitifs.

Une méta-analyse incluant ces 8 patientes et portant sur 56 patientes ayant eu un délai minimum de 6 semaines avant traitement retrouve des résultats semblables pour des tumeurs classées T1a (26 patientes), T1b (20), T2 (5 patientes).Le nombre de patientes considéré ne permet pas de tirer des conclusions sur les tumeurs stade II mais il semble bien que pour les patientes classées Ia et vraisemblablement Ib, un délai dans la prise en charge thérapeutique soit tolérable.

Pour les tumeurs plus volumineuses, une prise en charge immédiate semble s'imposer.

PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE

Le traitement du cancer du col durant la grossesse diffère assez peu des protocoles classiques.

Si le CCU est découvert en début de grossesse, il est préférable d'effectuer la colpo hystérectomie élargie (CHL) précédée de quelques jours par une interruption thérapeutique de grossesse (la CHL est exceptionnellement pratiquée sur utérus gravide).Si le CCU est découvert plus tardivement, il y a un quasi-consensus sur la pratique d'une césarienne à 36 semaines d'aménorrhée, suivie immédiatement ou secondairement par la chirurgie radicale si elle est carcinologiquement souhaitable.

Pour les stades opérables, le traitement comporte généralement l'association radio chirurgicale classique (à l'exception notable de l'absence de curie-thérapie utéro vaginale préopératoire, remplacée par une curie thérapie post-opératoire)

La chirurgie peut intervenir dans le même temps que l'évacuation utérine (césarienne ou avortement) ou secondairement.

L'hystérectomie élargie après césarienne est loin d'être toujours évidente. Non pas pour les problèmes hémorragiques qui sont relativement contrôlables mais plutôt pour la difficile visualisation du col (surtout si le travail a débuté) le risque est important de laisser un reliquat cervical ou d'effectuer une colpectomie insuffisante. De plus les complications urinaires semblent plus fréquentes.

MODE D'ACCOUCHEMENT

Comme on l'a vu, le diagnostic de CCU est loin d'être toujours fait durant la grossesse.

Compte tenu des risques évidents de dystocie et d'hémorragie cervicale en cours de grossesse, il est évident que la césarienne s'impose dans tous les cas à partir du stade Ib. Pour les lésions Ia, il pourrait être tentant de réaliser l'accouchement par voie basse, pour effectuer secondairement le traitement chirurgical ou radio chirurgical classique.

Le problème est alors celui d'éventuelles récidives vaginales par colonisation d'un site de déchirure ou d'épisiotomie.

Neuf cas de récidive sur les sites d'épisiotomie sont relevés dans la littérature américaine, dont 6 correspondent à des lésions initialement classées en Ib. Leur pronostic est très sombre, puisqu'elles ont très généralement entraîné le décès des patientes atteintes.

La plus grande prudence est donc de mise. Il faut éviter la voie basse, quel que soit le stade tumoral et en cas de découverte en post partum de la lésion, faire une surveillance très attentive du site d'épisiotomie avec des colposcopies répétées.

CONCLUSION

Le diagnostic d'invasion est loin d'être toujours évident en cours de grossesse, alors qu'il ne pose pas de problème avant elle. Une conisation effectuée pour une lésion ne mettant pas en jeu dans un délai bref le pronostic vital de la patiente risque d'entraîner une évolution catastrophique de la grossesse.

Même si le pronostic du cancer du col utérin n'est pas altéré par la grossesse (ce qui reste à prouver), la prise en charge de celle-ci en est rendue nettement plus complexe, posant des problèmes moraux, parfois très lourds à gérer.

Ces deux éléments militent pour un dépistage systématique par frottis dès qu'existe un désir de grossesse ou au minimum au cours de la première consultation.

BIBLIOGRAPHIE

[1] Van der Vange N., Weverling G.J., Ketting B.W., Ankum .W.M., Samlal R., Lammes FB : The prognosis of cervical cancer associated with pregnancy : a matched cohort study. Obstet Gynecol. 1995 Jun. 85 (6). P 1022-6.

[2] Ferenczy A., Choukroun D., Falcone T., Franco E. : The effect of cervical loop electrosurgical excision on subsequent pregnancy outcome : North American experience. Am J Obstet Gynecol. 1995 Apr. 172. P 1246-50.

[3] Hopkins M.P., Morley G.W. : The prognosis and management of cervical cancer associated with pregnancy. Obstet Gynecol. 1992 Jul. 80 1). P 9-13.

[4] Duggan B., Muderspach L.I., Roman L.D., Curtin J.P., D'Ablaing G.,Morrow P. : Cervical cancer in pregnancy : reporting on planned delay in therapy. Obstet Gynecol. 1993 Oct. 82(4). P 598-602

[5] Cliby W.A., Dodson M.K., Podratz K.C. : Cervical cancer complicated by pregnancy : episiotomy site recurrences following vaginal delivery. Obstet Gynecol. 1994 Aug. 84 (2). P 179-182.

 : JOURNÉES DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 11 - 18 janvier 1996