bilan de la première conférence de consensus européen sur la
ménopause
Montreux (Suisse) 8-10 septembre 1995
Rapport de H. ROZENBAUM
1 150 participants venus de tous les pays d'Europe, y compris les pays de l'Est, et 49
orateurs de niveau international ont assuré le succès de la première conférence de
consensus Européen sur la Ménopause, organisée par l'European Menopause Society à
Montreux, du 8 au 10 septembre 1995.
Déroulement et organisation de la conférence
La conférence de consensus s'est déroulée de la façon suivante : pour chaque sujet
traité, un orateur a été choisi pour sa notoriété et ses compétences dans ce
domaine. A la suite de son exposé, un observateur, répondant aux mêmes critères de
sélection, disposait de quelques minutes pour commenter, critiquer ou compléter
l'exposé de l'orateur.
L'observateur animait ensuite la discussion avec les participants.
A l'issue de chaque session, chacune portant sur un thème spécifique : os et
articulations, risque cardio-vasculaire, cancers hormono-dépendants, qualité de vie,
etc. un rapporteur désigné par le Conseil d'Administration de l'European Menopause
Society (EMS) se réunissait avec les différents observateurs pour rédiger les
propositions de consensus. Celles-ci, groupées par thème, ont été ensuite discutées
par le Conseil d'Administration de l'EMS, puis présentées aux auditeurs par le
rapporteur pour discussion le dernier jour.
Le document final reflète donc l'opinion des 49 orateurs et des 1 150 participants.
Os et définition
Définition
L'ostéoporose est une affection systémique du squelette caractérisée par une masse
osseuse basse et une détérioration de la micro-architecture du tissu osseux, avec pour
conséquence une augmentation de la fragilité de l'os et de son risque de fracture.
L'ostéoporose chez la femme est définie par l'O.M.S. en fonction de la masse
minérale osseuse ou de sa densité :
- os normal : densité osseuse égale ou supérieure à - 1 DS d'une population de
femmes non ménopausées bien portantes ;
- ostéopénie : densité osseuse comprise entre - 1 et - 2,5 DS d'une population de
femmes non ménopausées bien portantes ;
- ostéoporose : densité osseuse inférieure à - 2,5 DS d'une population de femmes
non ménopausées bien portantes ;
- ostéoporose sévère : ostéoporose compliquée par une ou plusieurs fractures.
Diagnostic
Les mesures de densité osseuse pouvant être utilisées pour prévoir le risque de
fracture, constituent un élément prédictif nettement plus fort que le taux plasmatique
du cholestérol pour la prévention des affections cardio-vasculaires. Dans le but de
diagnostiquer l'ostéoporose, il est donc indispensable de mesurer la masse osseuse. Tous
les sites de mesure sont fiables, c'est-à-dire poignet, vertèbre et hanche.
Pronostic
Les mesures de densité osseuse peuvent être également utilisées pour prévoir le
risque de fracture. Des mesures régulières (espacées au minimum d'un an) peuvent
également déterminer la vitesse de la perte osseuse, facteur influençant le pronostic.
La perte osseuse peut également être estimée par l'utilisation de marqueurs
biochimiques.
A un âge avancé, des fractures pré-existantes, le risque de chutes et d'autres
facteurs peuvent significativement influencer le pronostic de l'affection et devraient
être inclus dans les évaluations du diagnostic ou du pronostic.
La mesure de la densité osseuse peut également être utilisée pour surveiller le
traitement de l'ostéoporose.
Prévention et traitement
Les estrogènes constituent la médication de choix pour la prévention de
l'ostéoporose post-ménopausique.Si la dose est adéquate, la voie d'administration n'est
pas importante. Les progestatifs de synthèse devront être ajoutés aux femmes ayant un
utérus intact.
Les estrogènes sont également efficaces chez les femmes âgées ostéoporotiques.Il y
a peu de raisons de penser que les estrogènes aient un quelconque effet bénéfique chez
les patientes atteintes d'ostéo-arthrite.
Les alternatives à l'H.S. jouent un rôle important dans la prévention et le
traitement de l'ostéoporose. Certains agents peuvent diminuer le remodelage osseux et/ou
augmenter la masse osseuse. Les plus efficaces sont ceux qui diminuent le remodelage
osseux. Les meilleures stratégies thérapeutiques non hormonales seront fonction de
l'âge et du statut nutritionnel, et les femmes devraient avoir un apport adéquat en
calcium et vitamine D à tout âge.
Chez les femmes âgées, les stratégies pouvant prévenir les chutes ou les
conséquences des chutes méritent considération.
Style et qualité de vie
La qualité de vie est améliorée par l'H.S.
La sécurité et l'efficacité de l'H.S. sont bonnes et ont été améliorées ces
dernières années. Cependant l'acceptabilité n'est pas suffisante pour assurer un effet
préventif à long terme de l'H.S., particulièrement chez les femmes asymptomatiques.
Un mode de vie sain et une amélioration de la qualité de vie sont essentiels, le
premier pour l'acceptabilité initiale et la deuxième essentiellement pour l'observance
à long terme.
Aussi devons-nous encore améliorer la sécurité, l'efficacité et l'acceptabilité
des préparations pharmacologiques en même temps que le style et la qualité de vie des
femmes. L'adhérence à long terme au traitement pourrait être encouragée si un style de
vie sain et une qualité de vie ont été obtenus.
Nous avons besoin de plus de définitions adaptées d'indicateurs de style et de
qualité de vie, et de les réévaluer pour vérifier le rôle des caractéristiques
individuelles, sociales, culturelles et régionales. Cependant il est indispensable de se
souvenir que la perception individuelle de la qualité de vie ne doit pas être
négligée.
D'autres objectifs dans ce domaine sont :
- meilleure éducation et information ;
- pouvoir disposer de groupes de support pour femmes ménopausées ;
- des conseils médicaux plus spécifiques ;
- l'amélioration de centres de ménopause (destinés à répondre aux besoins
individuels, spécialement chez les femmes de niveau socio-économique bas) ;
- standardiser la terminologie.
Peau et hormonothérapie substitutive
Chez les femmes post-ménopausées la synthèse du collagène diminue et la peau
devient progressivement plus fine et ridée. L'H.S. induit un effet positif sur le contenu
en collagène et l'épaisseur de la peau (effets démontrés par des méthodes
expérimentales) et peut retarder le processus d'apparition des rides.
L'effet de l'H.S. sur la peau peut améliorer l'image corporelle et l'estime de soi
d'une femme et améliorer sa qualité de vie.
Des études à long terme manquent actuellement.Aspects mentaux et sexuels
Les récepteurs des estrogènes et de la progestérone sont largement répartis dans le
cerveau, servant d'intermédiaire à un effet génomique. De plus, estrogène et
progestérone induisent des effets non génomiques.
Les estrogènes stimulent la croissance des processus neuronaux et des connections
synaptiques avec des effets positifs sur la dimension des neurones, leurs nombre,
connection, volume et plasticité.
Les désordres mentaux tels que les troubles de l'affectivité et l'anxiété ne sont
pas primitivement causés par une déficience des hormones sexuelles, aussi celles-ci ne
sauraient être utilisées comme traitement étiologique initial des désordres mentaux.
D'autres facteurs psycho-sociaux ou liés à l'environnement peuvent contribuer à la
pathogénie des désordres psychologiques des femmes ménopausées.
La ménopause est associée à une réduction du contenu et de l'activité de certains
neuro-transmetteurs et neuropeptides, qui est améliorée par l'estrogénothérapie.
Les divers progestatifs de synthèse possèdent des effets différents sur les
modifications induites par les estrogènes.Il y a des raisons d'estimer que l'H.S.
influence positivement la vigilance, les fonctions cognitives, le comportement affectif et
sexuel, la mémoire, l'activité motrice, la perception de la douleur et la sensation de
bien-être.
La démence de type Alzheimer est devenue un problème de santé majeur. Des études
épidémiologiques ont montré une réduction de l'incidence de cette affection chez les
femmes ménopausées sous H.S.
Affections cardio-vasculaires et ménopause
Les affections coronariennes constituent la cause majeure de décès des femmes dans
plusieurs pays européens.
Tandis que la mortalité diminue, la morbidité et le coût des soins augmentent.
A un âge plus jeune, les affections coronariennes sont beaucoup plus importantes chez
l'homme.
Après la ménopause, le risque d'affection coronarienne des femmes ménopausées se
rapproche de celui de l'homme.
Des interventions destinées à réduire le risque coronarien en corrigeant les
anomalies de facteurs de risque coronarien connus chez les femmes ménopausées sont
nécessaires à la fois en santé publique et à titre individuel.
Il est reconnu que des études d'observation de population peuvent être biaisées à
la fois par la sélection et l'observance vis-à-vis du traitement.
Cependant un nombre important d'études épidémiologiques différentes ont
uniformément suggéré que l'H.S. protégeait vis-à-vis des affections coronariennes à
la fois chez les femmes bien portantes et chez celles ayant déjà un risque coronarien
avéré.
Bien que la nécessité d'études randomisées soit reconnue, il existe actuellement
suffisamment d'évidence épidémiologique pour envisager l'H.S. en prévention primaire
et secondaire des affections coronariennes.
Les perturbations des lipides et des lipoprotéines liées à la carence hormonale sont
actuellement identifiées comme partie d'un ensemble d'anomalies métaboliques au sein
duquel l'insulinorésistance apparaît jouer un rôle majeur.
Les femmes ménopausées ont plusieurs symptômes métaboliques émanant du syndrome
d'insulinorésistance pouvant contribuer à l'élévation du risque d'affection
coronarienne observée chez celles-ci.
L'H.S. peut de façon directe ou indirecte corriger plusieurs de ces anomalies
métaboliques, améliorant ainsi le système cardio-vasculaire.
L'H.S. possède également des effets directs et indirects sur le cur et les
vaisseaux sanguins, en partie grâce à l'amélioration de la fonction endothéliale. Ces
effets bénéfiques de l'H.S. peuvent être attendus aussi bien avec les voies
parentérales qu'avec la voie orale. Bien que l'adjonction de certains progestatifs de
synthèse puisse induire des effets métaboliques non souhaitables, les études
épidémiologiques préliminaires ne laissent pas suggérer que ces progestatifs de
synthèse donnés à faible dose puissent diminuer les effets bénéfiques des
estrogènes.
Gynécologie et urologie
Les estrogènes et l'H.S. influencent positivement plusieurs domaines de la sphère
extra-génitale et peuvent éventuellement prévenir ou atténuer la sécheresse oculaire,
la chute de cheveux, les douleurs articulaires et l'atrophie cutanée.
A doses conventionnelles, les estrogènes semblent soulager l'incontinence d'effort et
d'autres problèmes uro-génitaux liés à l'atrophie.
Les infections récidivantes du bas appareil urinaire peuvent être réduites. Il est
difficile de tirer des conclusions définitives faute de travaux suffisants étant donné
le peu d'études contrôlées contre placebo.
Chez la femme âgée l'utilisation prolongée de faibles doses d'estrogènes atténue
effectivement la pollakiurie nocturne et les vessies trop irritables et réduit la
fréquence des infections du bas appareil urinaire. De faibles doses d'estrogènes
(c'est-à-dire estrogènes locaux ou estriol per os jusqu'à 3 mg/j) sont dénuées
d'effet stimulant vis-à-vis de l'endomètre et peuvent être prescrites de façon
continue sans p.s. Cependant ces faibles doses d'estrogènes n'induisent aucun effet
protecteur c.v. ou osseux.
Chez les femmes âgées, les estrogènes à faible dose peuvent potentialiser les
effets des agonistes adrénergiques dans le traitement de l'incontinence urinaire.
La chirurgie constitue la méthode de choix pour traiter l'incontinence urinaire pure
des femmes non ménopausées.
Les mécanismes par lesquels les estrogènes atténuent les symptômes
uro-gynécologiques sont en grande partie inconnus. Même si la présence de récepteurs
aux estrogènes a été décrite au sein de différentes structures du bas appareil
uro-génital, des effets autocrine et paracrine jouent vraisemblablement un rôle encore
plus important.
Hormonothérapie substitutive : aspects pratiques
Plus de 50 % des femmes aux alentours de la ménopause souffrent de sudations et de
bouffées de chaleur, qui perturbent sévèrement la sensation de bien-être et la
qualité de vie. Ces symptômes disparaissent habituellement en 3 à 5 ans mais peuvent
persister 10 ans ou plus.
L'H.S. atténue efficacement et rapidement ces symptômes et leur efficacité
vis-à-vis de la sensation de bien-être et de la qualité de vie est démontrée. De plus
les troubles de l'humeur et les dysfonctions sexuelles peuvent bénéficier de l'H.S. Pour
obtenir un effet préventif maximum de la perte osseuse et des affections c.v. tout type
d'estrogène peut être adminitré à condition que la posologie soit suffisante,
c'est-à-dire 1 à 2 mg/jour pour l'E2 per os, 50 mcg pour l'E2 transdermique ou 0,625
mg/j d'estrogènes conjugués.
Pour éviter l'hyperplasie de l'endomètre et éventuellement le développement
ultérieur d'un cancer de l'endomètre, un p.s. doit être prescrit chez les femmes non
hystérectomisées. L'addition mensuelle pendant 10 jours ou plus d'un p.s. à une
posologie adéquate assure une protection de l'endomètre. Un certain nombre de p.s. sont
disponibles. Les dérivés de la 19 nortestostérone peuvent induire des effets
métaboliques non souhaitables. Les dérivés prégnanes et norprégnanes sont moins
susceptibles d'induire de tels effets. Cependant des études épidémiologiques
préliminaires n'ont pas permis de suggérer que les p.s. androgéniques puissent
atténuer les effets c.v. des estrogènes. Ainsi aucun p.s. spécifique ne peut être
désigné comme le p.s. de choix. Des différences individuelles d'une femme à l'autre
peuvent faire préférer un composé plutôt qu'un autre.
Les effets secondaires des p.s. ne sont pas rares. Ils comprennent tension mammaire,
syndrome de type prémenstruel et perte de libido. Aussi la posologie des p.s.
devra-t-elle être aussi réduite que possible.
La protection de l'endomètre est le seul effet bénéfique démontré des p.s. Les
travaux actuellement disponibles ne permettent pas d'estimer que les p.s. puissent
atténuer l'effet protecteur vis-à-vis de l'os ou du système c.v. des estrogènes. Le
traitement cyclique aboutit à une hémorragie de privation mensuelle. Avec les
traitements combinés continus d'estrogènes + p.s. il est possible d'obtenir la
suppression des règles chez 75 % des femmes ménopausées depuis au moins un an.
La fréquence des aménorrhées persistantes augmente avec le temps écoulé depuis la
ménopause.
Les traitements cycliques avec adjonction de p.s. plus espacée que tous les mois
peuvent être utilisés chez les femmes ne supportant pas les p.s. Les femmes ne recevant
pas d'H.S. prennent plus de poids que celles traitées à condition qu'une dose adéquate
d'estrogènes et de p.s. soit utilisée. L'utilisation prolongée d'estrogènes,
c'est-à-dire plus de 5 à 10 ans, peut faire augmenter le nombre de cancers du sein
diagnostiqués et on doit conseiller aux femmes recevant une H.S. de subir une
mammographie au début du traitement, puis à intervalles réguliers pendant celui-ci. Un
premier examen clinique de contrôle devrait être effectué 3 à 4 mois après le début
du traitement afin de pouvoir individualiser le schéma thérapeutique.
Les contre-indications de l'H.S. ont été historiquement transposées à partir de
notices des contraceptifs oraux. L'évidence désormais acquise permet de supposer que
ceci n'est pas approprié. Par exemple les femmes à risque coronarien tireront profit
d'une H.S. Les notices concernant l'H.S. prêtent à confusion et sont trompeuses ; elles
devraient être révisées.
Les contre-indications actuelles de l'H.S. sont : saignements vaginaux d'origine
inconnue ou présence d'un cancer estrogéno-dépendant.
Des précautions particulières devront être prises chez les femmes ayant des
antécédents d'épisodes thrombo-emboliques spontanés récidivants, de cancer du sein,
d'endométrioses ou de lupus érythémateux ; l'H.S. ne devra alors être envisagée
qu'après une analyse individuelle de la balance risque/bénéfice. Une information
adéquate fournie par le médecin aux patientes est indispensable pour assurer
l'observance de l'H.S. Une présentation commode des deux hormones au sein d'un seul
système thérapeutique (comme pour les contraceptifs oraux) peut aider les femmes à
suivre le traitement lorsqu'elles avancent en âge. La clairance hépatique et rénale des
stéroïdes décroît avec l'âge ; aussi la posologie des estrogènes et des p.s. devra
être généralement diminuée en fonction de l'âge.
: JOURNÉES DE TECHNIQUES
AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 11 - 18
janvier 1996
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