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Titre: Vaccin pneumococcique
Année: 2002
Auteurs: - Cohen R.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Vaccins

Le vaccin pneumococcique

Robert Cohen

Service de Microbiologie, CHI Créteil

Jusqu'à une période récente le seul vaccin disponible contre le pneumocoque, était un vaccin polysacharidique 23 valences. Ce vaccin s'il avait un intérêt pour les drépanocytaires, aspléniques et autres sujets à risque présentait un défaut majeur : il était inefficace avant l'âge de 2 ans, âge ou les infections pneumococciques sont les plus fréquentes. Un vaccin pneumococcique conjugué comportant 7 valences, efficace dès les premiers mois de vie, est disponible dans les pharmacies depuis quelques mois. Ce vaccin, coûteux, non remboursé pour l'instant, est indiscutablement efficace et a un impact majeur sur l'incidence, l'épidémiologie de la plupart des maladies infectieuses pédiatriques et doit inviter à redéfinir les attitudes thérapeutiques dans nombre de ces infections.

Rôle du pneumocoque en pathologie infectieuse pédiatrique

Streptococcus pneumoniae est la principale bactérie responsable d'infections en pédiatrie. C'est le premier agent des pneumonies, bactériémies et septicémies. Pour les otites moyennes aiguës et les méningites, selon les années et selon les études, le pneumocoque apparaît comme la première ou la deuxième bactérie en cause ; enfin, ce germe est impliqué dans de nombreuses infections plus ou moins sévères et plus ou moins fréquentes, allant des sinusites à la péritonite primitive en passant par les cellulites, les mastoïdites ou les ostéo-arthrites [1].
L'ensemble des enfants de moins de 3 ans ont environ dix fois plus de risque, par rapport à leurs aînés, de présenter des infections pneumococciques systémiques. De plus, les enfants gardés en crèche ou ayant des antécédents d'otites ou d'antibiothérapies récentes ont un risque un peu plus important, multiplié par 2 ou 3 [2]. Enfin, certains enfants sont plus à risque d'infections pneumococciques systémiques, au premier rang desquels se trouvent les drépanocytaires et les aspléniques, mais aussi toute une série de situations pathologiques comme les cancers, transplantations médullaires ou d'organes solides, atteintes cardio-pulmonaires chroniques, les sujets infectés par le VIH, les syndromes nephrotiques, les prématurés, les déficits [3]. Il faut souligner que l'existence d'une pathologie sous jacente n'est fréquemment retrouvée que chez les enfants plus âgés en particulier après l'âge de 5 ans. S'il n'existe pas d'étude démontrant l'efficacité clinique des vaccins pneumococciques conjugués chez ces différents groupes de patients, plusieurs études montrent que la réponse sérologique suivant l'administration de PrevenarÒ chez les drépanocytaires, est comparable à celle des enfants sans pathologie sous-jacente [4]. Quand on connaît la gravité des infections pneumococciques chez les drépanocytaires et aspléniques, ces enfants représentent une cible privilégiée pour la vaccination.
Le pneumocoque a une autre particularité : c'est, en France, la bactérie qui pose le plus de problème de résistance aux antibiotiques, touchant toutes les familles d'anti-infectieux d'usage courant (beta-lactamines, macrolides, sulfamides…) [5].

Sérotypes et sérogroupes de pneumocoque

Plus de 90 sérotypes de pneumocoques (reconnus par des anticorps différents) ont été décrits. Certains d'entre eux sont très proches et sont regroupés en sérogroupes. Ainsi, il n'y a qu'un seul sérotype 14 mais le sérogroupe 6 comporte 2 sérotypes, 6A et 6B. L'immunisation contre l'un des deux sérotypes induit une certaine protection contre l'autre. Les souches les plus virulentes, celles qui étaient responsables des infections les plus fréquentes et les plus graves chez l'adulte et le grand enfant, ont été les premières à être identifiées et donc les premières à être numérotées (1,2,3…), elles sont rarement retrouvées en portage. Par contre, chez le nourrisson dans les pays industrialisées, ce sont des sérogroupes peu immunogènes (6,9,14,19,23) qui sont fréquemment retrouvées en portage et dans les infections ORL ou systémiques.
De plus, depuis que la résistance aux antibiotiques est devenue un problème, l'immense majorité des souches résistantes appartiennent à ces 5 sérogroupes. En effet, si certains sérotypes sont le plus souvent résistants aux antibiotiques, pour d'autres, la résistance est un phénomène mineur voire absent. Le tableau 1 donne schématiquement, d'après les données du centre de référence, la probabilité d'être en présence d'une souche intermédiaire ou hautement résistante à la pénicilline [5].
Le vaccin comporte les sérotypes 6B, 9V, 14, 19F, 23 F, plus les sérogroupes 4 et 18C. Le vaccin est donc bien adapté en terme de sérotype à la situation épidémiologique française : plus de 80 % des souches impliquées avant 3 ans et 90 % des souches résistantes aux antibiotiques [5].

Schéma vaccinal

Avant 6 mois, 3 injections à un mois d'écart minimum sont nécessaires, avec un rappel dans la deuxième année. De 6 à 12 mois, le nombre d'injection peut être réduit à 2, suivi d'un rappel dans la deuxième année. Enfin, si la vaccination a débuté après un an, une injection suivie d'un rappel sont suffisants.
Outre son efficacité dès la première année de vie, le fait que ce vaccin soit " conjugué " permet d'induire une mémoire immunitaire prolongée et le rappel effectué par un vaccin polysaccharidique classique suscite des taux d'anticorps comparables au vaccin conjugué, laissant entrevoir une diminution du coût de l'ensemble du schéma vaccinal [6]. Il faut d'ailleurs souligné que la réponse au vaccin polysaccharidique classique n'était mauvaise chez le nourrisson, que pour certains sérogroupes contenu dans le vaccin conjugué (6,14,23). Le rappel avec un vaccin polysaccharidique aurait l'avantage d'augmenter le nombre de sérogroupes pour lequel l'enfant serait protégé.

Efficacité du Prevenar®

Deux larges études ont démontré la tolérance et l'efficacité clinique de ce vaccin et précisé aussi ses limites.
La première étude, réalisée en Californie, a inclus près de 40.000 enfants, a comparé, en double insu, un groupe d'enfants vaccinés par le Prevenar® et un groupe contrôle recevant un vaccin méningoccique conjugué sérogroupe C [7]. Le tableau 2 donne les pourcentages d'efficacité du vaccin par rapport au groupe témoin. Sur une période de surveillance de 4 ans, six infections systémiques à pneumocoque sont survenues dans le groupe vacciné versus 55 dans le groupe témoin.
Il apparaît donc très efficace (>90 %) en ce qui concerne les infections systémiques, efficace dans les pneumonies (30 à 70 %), modestement efficace (moins de 10 %) dans la réduction du nombre d'otites.
La deuxième étude, réalisée en Finlande, s'est intéressée plus particulièrement aux OMA [8]. Elle a inclus plus de 1600 enfants et a comparé en double insu un groupe d'enfants vaccinés par le Prevenar® et un groupe contrôle recevant un vaccin hépatite B. Chaque épisode d'OMA a été contrôlé par une paracentèse afin d'en déterminer l'origine. Le tableau 3 donne les principaux résultats de l'étude.
L'efficacité du vaccin est nettement moins bonne sur les OMA que sur les autres infections pneumococciques. Pour le sérotype 19 F elle est même nettement inférieure (moins de 25%), bien que le vaccin suscite un taux d'anticorps élevé contre ce sérotype.
D'autres études ont révélé d'autres intérêts des vaccins pneumococciques conjugués. Dagan, dans une étude comparant un groupe d'enfants vaccinés par un vaccin anti-pneumococcique 9-valent et un groupe recevant un placebo, a montré que l'ensemble des infections respiratoires hautes et basses étaient moins fréquentes chez les enfants vaccinés et qu'ils recevaient moins souvent des antibiotiques (Tableau 4) [9]. La diminution directe des prescriptions antibiotiques induite directement par le vaccin (par diminution de la pathologie) est modeste. Par contre, associé à une campagne sur un usage plus prudent des antibiotiques, ce vaccin pourrait contribuer à diminuer la résistance du pneumocoque. Le même auteur a montré, dans une autre étude, que le portage des pneumocoques résistants à la pénicilline était significativement diminué dans la fratrie d'enfants gardés en crèche et vaccinés par un vaccin pneumococcique conjugué [10]. Plusieurs études ont montré la bonne immunogénicité du Prevenar® chez des patients ayant présenté des otites récidivantes et n'ayant pas répondu au vaccin pneumococcique polysaccharidique [11]. Quand on connaît, depuis l'abandon des antibiothérapies prophylactiques au long court du fait de la pression de sélection induite, l'absence total de traitement médical ayant démontré une efficacité dans cette situation, cette vaccination pourrait rendre des services à de nombreux patients.

Inconvénients potentiels du Prevenar®

Si l'efficacité de ce vaccin ainsi que son intérêt dans la situation épidémiologique française paraissent évidents, des inconvénients potentiels peuvent déjà être appréhendés.
Le premier est certainement la pression de sélection exercée par le vaccin sur les pneumocoques du rhinopharynx ; la diminution du portage des sérotypes vaccinaux s'accompagne d'une augmentation quasi équivalente du portage de sérotypes non contenus dans le vaccin. Ceci est parfaitement démontré dans de nombreuses études. Quelles en sont les conséquences envisageables ?
Sur la pathologie, des conséquences sont démontrées sur les OMA mais pas sur les infections systémiques pour l'instant.
Sur la résistance : pour le moment, les sérotypes de remplacement sont, dans l'immense majorité des cas, sensibles aux antibiotiques. Qu'en sera-t-il si les antibiotiques continuent à être utilisés de façon aussi massive qu'ils le sont actuellement ?
La deuxième inquiétude est la compliance en pratique courante. Ce vaccin ne pouvant être " combiné " (dans la même seringue) avec les autres vaccins pédiatriques, il va imposer 4 nouvelles injections dans un programme vaccinal déjà chargé.
Le troisième point est le bénéfice, en apparence modeste, en terme de mortalité et de séquelles graves. En effet, si le pneumocoque est un pathogène majeur en pédiatrie, grâce aux soins apportés aux malades (antibiothérapies, hospitalisations), en terme de mortalité et de séquelles graves cela représente relativement peu de patients (quelques dizaines à une centaine). Ces chiffres sont comparables voire supérieurs à ceux induits par Haemophilus influenzae sérotype b avant la généralisation de la vaccination.
Enfin, le dernier point soulevé est la tolérance à large échelle de cette vaccination. Dans les études ayant conduit à l'AMM européenne, plusieurs dizaines de milliers de malades avaient été inclus. La tolérance du vaccin avait été celle attendue pour des vaccins conjugués : fièvre, réactions locales, beaucoup plus rarement allergie. Ce type d'étude ne met cependant pas en évidence des événements indésirables exceptionnels et inattendus. Des réponses vont rapidement être apportées car le Prevenar® est déjà commercialisé aux Etats-Unis depuis un an et demi et plus de 15.000.000 doses ont été semble-t-il administrées. Ce pays a déjà fait preuve, à l'occasion de la mise à disposition du vaccin anti-rotavirus, d'une vaccino-vigilance remarquable qui a conduit au retrait de ce vaccin après quelques mois d'utilisation à large échelle.

Quelles stratégies de vaccination pour le Prevenar®

La situation actuelle paraît incompréhensible. En effet, voici un vaccin dont l'efficacité et la tolérance ont été reconnue par une AMM européenne récente, n'est pas remboursé dans le pays où les enfants entrent en crèche le plus tôt et où la résistance aux antibiotiques pour cette bactérie est la plus élevée…
En attendant un remboursement éventuel, 3 stratégies pourraient être proposées :
- Vaccination de tous les nourrissons ayant la chance de naître dans une famille aisée,
- Vaccination exclusive des enfants à plus haut risque d'infections sévères comme les drépanocytaires et aspléniques,
- Vaccination des enfants à " risque moindre " mais plus nombreux : crèche, otites récidivantes…

REFERENCES

1. ALPERN E, ALESSANDRINI E, BELL L et al. Occult bacteremia from a pediatric emergency department : current prevalence, time to detection and outcome. Pediatrics 2000 ; 106 : 505-11.
2. LEVINE ML et al. Risk factors for invasive pneumococcal disease in children : a population-based case control study in North America. Pediatrics, March 1999 ; 103 :3.
3. SCHEIFELE D, ALPERIN S, PELLETIER L, et al. Invasive pneumococcal infections in Canadian children 1991-1998: Implications for new vaccination strategies. Clin Infect Dis 2000 ;31 :58-64
4. O'BRIEN K, SWIFT A, WINKELSTEIN J et al. Safety and immunogenicity of heptavalent pneumococcal vaccine conjugated to CRM197 among infants with sickle cell disease. Pediatrics 2000 ; 106 : 965-72.
5. GESLIN P. Rapport du centre National de référence du pneumocoque 1997
6. VERNACCHIO L, NEUFELD EJ, MACDONALD K et al. Combined schedule of 7-valent pneumococcal conjugate vaccine followed by 23-valent pneumococcal vaccine in children and young adults with sickle cell disease. J Pediatr 1998 ; 133 : 275-8.
7. BLACK S, SHINEFIELD H, FIREMAN B et al. Efficacy, safety and immunogenicity of heptavalent pneumococcal conjugate vaccine in children. Pediatr Infect Dis J 2000 ; 19 : 187-95.
8. ESKOLA J, KILPI T, PALMU A et al. Efficacy of a pneumococcal conjugate vaccine against acute otitis media. New Engl J Med 2001 ; 344 : 403-9.
9. DAGAN R et al. Reduction of resistant pneumococcal nasopharyngeal colonization in toddlers attending day care centers after vaccination with a 9-valent CRM197 conjugate pneumococcal vaccine. South Africa, 2nd ISPPD 2000.
10. DAGAN R, GIVON-LAVI N, PORAT N et al. Immunization of toddlers attending day care centers (DCCS) with a 9-valent conjugate pneumococcal vaccine (PncCRM9) reduces transmission of Streptococcus pneumoniae (Pnc) and antibiotic resistant S. pneumoniae (R-Pnc) to their young siblings (YS). 40th ICAAC, Toronto, Ontario, Canada 2000 Abst 687.
11. BARNETT E, PELTON S, CABRAL H et al. Immune response to pneumococcal conjugate and polysaccharide vaccines in otitis-prone and otitis-free children. Clin Infect Dis 1999;29:191-5

Tableau 1. Sensibilité à la pénicilline en fonction du sérotype

  Sensibilité à la pénicilline
Sérogroupes S I R
1/3 100% 0% 0%
4* 100%
9* 10% 40% 50%
18* 100%
14* 15% 40% 35%
23* 15% 20% 65%
19* 45% 50% 5%
6* 40% 40% 20%
15 30% 60% 10%
NT 60% 30% 10%
24 65% 30% 5%
17/12/35/21/37 90% 10% 0%

Tableau 2. Efficacité du Prevenar® dans l'étude Kaiser

% d'efficacité IC 95
Infections systémiques    

Sérogroupes contenus dans le vaccin

93,9 80-98

Toutes infections pneumococciques

89,1

74-96

Pneumopathies

Radiologique (toutes anomalies)

33 6-52

Foyer > ou = 2,5 cm

73

36-90

Otites (tous épisodes)
7 4-10
Otites récidivantes
9,5 3-15
Pose d'aérateurs transtympaniques 20 2-35

Tableau 3. Efficacité du Prevenar® sur les OMA dans l'étude finlandaise.

  Témoins Vaccinés % d'efficacité IC 95%
Nombre d'OMA 1345 1251 6 4,16
Nombre d'OMA avec épanchement 1267 1177 7 -5,17
Pneumocoque 414
(33%)
271
(23 %)
34 21,45
sérotypes vaccinaux 250 [60%] 107 [39%]  
sérotypes associés 84 [21%] 39 [15%]  

sérotypes non vaccinaux

80 [19%]

125 [46%]  
H. influenzae
287
(23%)
315
(27%)
   
B. catarrhalis 381
(30%)
379
(32 %)
   

Tableau 4. Diminution des infections respiratoires et de l'utilisation des antibiotiques chez les enfants vaccinés et gardés en crèche.

Vaccinés
%
Témoins
%
P
Infections respiratoires basses 12, 7 16,5 0,015
Infections respiratoires hautes 18,7 22,5 0,036
OMA 7,5 9,5 0,07
Nombre de jours d'antibiothérapie (% d'enfants/j) 4,9 6,1 0,001