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1998 > Néonatologie > prématurité  Telecharger le PDF

Devenir néonatal des grands prématurés en fonction de l'étiologie de la prématurité

V Zupan et M. Dehan

La grande prématurité est devenue au fil des ans une source importante de préoccupations pour les obstétriciens, les néonatologistes, sans oublier bien évidemment les parents qui, bien souvent au travers des médias, sont persuadés que la médecine peut sauver de plus en plus souvent, des enfants de plus en plus petits.

Certes, les progrès médicaux ont été à l'origine de résultats favorables en terme de survie, et ceci sans augmenter les taux de handicaps chez les survivants. Ceci aboutit, in fine, à une augmentation du nombre d'enfants survivants handicapés (cf.3).

Les études de la littérature, nombreuses, ont analysé les facteurs de succès et les facteurs de risque. Parmi les premiers, ont été identifiés comme éléments déterminants du pronostic,

- l'organisation des soins en cas de menace d'accouchement très prématuré favorisant les transferts in utero vers des centres périnatals de niveau III (cf.2),

-l'effet très bénéfique d'une corticothérapie anténatale (cf.3), et

- les progrès réalisés dans les techniques de prise en charge après la naissance.

Parmi les seconds, ont été notés comme étant des éléments de mauvais pronostic,

la souffrance anoxique périnatale,

la gravité de la morbidité néonatale (notamment respiratoire, hémodynamique et infectieuse),

la mauvaise nutrition au cours des premières semaines de vie, et bien sûr,

les pathologies neurologiques intracrâniennes (hémorragies et leucomalacies).

Il est cependant très étonnant de remarquer que très peu d'études ont tenté de cerner l'impact de l'étiologie même de la grande prématurité sur le devenir des enfants : on retrouve seulement des études consacrées au retard de croissance intra-utérin d'origine vasculaire (4, 8), et quelques études évoquant spécifiquement les chorioamniotites (1, 5, 9), mais nous n'avons retrouvé qu'une seule étude d'une série de 112 prématurés pesant entre 500 et 800g, centrée sur la corrélation entre étiologie et devenir (6).

De même, en 1997, l'INSERM a réalisé, à la demande de la Direction Générale de la Santé, une expertise collective sur la grande prématurité, dont les conclusions ont été récemment publiées (3). Dans ce travail, essentiellement consacré au dépistage et à la prévention du risque de grande prématurité, les experts ont identifié 3 causes principales

(les grossesses multiples, les infections, les facteurs socio-économiques), mais n'ont pas cherché à établir de lien entre ces causes et le devenir des enfants.

Pourtant, dans la pratique quotidienne, les causes d'un accouchement très prématuré peuvent être assez aisément identifiées, et classées schématiquement en 5 grandes catégories :

les grossesses multiples,

les ruptures prolongées des membranes et les chorioamniotites,

les extractions pour pathologie vasculaire placentaire (pré-éclampsies, retards de croissance intra-utérins), les accidents hémorragiques (placenta praevia hémorragique, hématome rétro-placentaire), et une dernière catégorie regroupant tous les accouchements très prématurés sans cause évidente, notamment infectieuse.

Le but de ce travail a été de comparer la morbidité néonatale des grands prématurés en fonction de ces causes d'accouchement. Cependant, seules les grossesses uniques ont été retenues pour cette étude, afin de faciliter l'identification du retentissement que chaque étiologie peut, éventuellement, imprimer de façon spécifique sur le devenir des enfants pendant leur hospitalisation.

Population et methodes

L'étude a porté sur 255 grands prématurés de moins de 33 semaines d'âge gestationnel, issus de grossesses uniques, hospitalisés dans le service de réanimation de l'hôpital Antoine Béclère entre 1994 et 1995. Ces enfants provenaient soit directement de la maternité située dans le même hôpital ("in born"), cette maternité ayant dès cette époque, organisé un réseau régional favorisant le transfert in utero en cas de menace d'accouchement très prématuré, et des enfants nés dans les cliniques et hôpitaux des environs, transportés par un SMUR pédiatrique spécialisé implanté à l'hôpital Béclère ("out born") (cf.2).

L'étude, rétrospective, a été menée à partir d'un codage réalisé au décours de chaque hospitalisation par une seule personne (V. Zupan), qui a retenu les définitions suivantes pour catégoriser l'étiologie des accouchements prématurés :

- rupture prolongée des membranes (RPM) de plus de 24 heures et /ou chorioamniotite. Le diagnostic de chorioamniotite a été porté devant des signes pésents en pré ou perpartum : menace d'accouchement prématuré associée à un des éléments suivants : fièvre maternelle, syndrome inflammatoire maternel franc (CRP > 40 mg/l), liquide amniotique teinté ou fétide, bactériologie positive dans le liquide amniotique prélevé par amniocentèse. Les éléments postnatals évoquant une chorioamniotite n'ont pas été pris en compte afin d'avoir une vision "obstétricale" du problème.

- accouchement hémorragique : placenta praevia hémorragique, hématome rétroplacentaire ou décollement placentaire.

- pathologie vasculaire placentaire : extraction très prématurée effectuée dans un contexte de toxémie grave ou de retard de croissance intra-utérine sévère.

- menace d'accouchement prématuré isolée, sans pathologie hémorragique, sans RPM et sans signes prénatals de chorioamniotite.

Tests statistiques.

Les comparaisons des données sur les tableaux de contingence ont été effectués avec le test du Chi 2 ou du Chi 2 corrigé en fonction des effectifs.

Résultats

En 1994 et 1995, ont été admis 702 nouveau-nés âgés de moins de 24 heures, dont 379 étaient d'un âge gestationnel inférieur à 33 semaines d'aménorrhée. Pour cette étude, n'ont été retenus que les 255 grands prématurés issus de grossesses uniques. Le tableau 1 indique la répartition des grands prématurés en fonction de leur âge gestationnel, et de la cause de leur prématurité.

Le tableau 2 étudie un certain nombre de marqueurs de morbidité néonatale, notamment respiratoire, infectieuse et neurologique, ainsi que la mortalité. Sur ce tableau 2, on constate que les enfants nés dans un contexte de RPM/chorioamniotite ont un âge gestationnel moyen plus faible, développent moins souvent une maladie des membranes hyalines, mais ne sont pas préservés de la survenue d'une dysplasie broncho-pulmonaire (diagnostic établi à 36 semaines d'âge corrigé sur la persistance d'une détresse respiratoire nécessitant une supplémentation en oxygène et/ou un support ventilatoire), ont plus fréquemment une infection materno-foetale souvent associée à un collapsus, et sont à risque important d'hémorragie intracrânienne, mais surtout de leucomalacie périventriculaire.

Les enfants nés dans un contexte hémorragique ont un âge gestationnel moyen plus élevé que pour les catégories précédentes, développent 3 fois sur 4 une maladie des membranes hyalines qui, d'ailleurs, ne se complique pas de dysplasie broncho-pulmonaire, sont peu à risque d'hémorragie intracrânienne, mais ont un risque élevé de leucomalacie périventriculaire. Les enfants nés dans un contexte de pathologie vasculaire placentaire développent 1 fois sur 2 une maladie des membranes hyalines, rarement compliquée d'une dysplasie broncho-pulmonaire sévère, et s'ils ont un risque encore élevé de survenue d'une hémorragie intracrânienne, ils ont par contre un risque faible de leucomalacie périventriculaire.

Enfin, les autres catégories de grands prématurés, ont un risque important de maladie des membranes hyalines et d'infection materno-foetale (malgré l'absence de contexte infectieux chez la mère), et ont également un risque élevé d'hémorragie intraventriculaire et de leucomalacie périventriculaire, identique au risque observé dans le groupe chorioamniotite. L

es taux de mortalité dans les 4 groupes ne sont pas statistiquement différents mais les circonstances de décès ne sont pas identiques : les décès des enfants nés dans un contexte de pathologie vasculaire placentaire surviennent le plus souvent par défaillance respiratoire ou hémodynamique tandis que ceux des enfants nés dans un contexte de RPM/chorioamniotite ou MAP isolée sont en majorité des arrêts de réanimation pour complication neurologique grave (LMPV étendue ou HIV grade IV)

Le tableau 3 étudie l'influence du lieu de naissance sur la morbidité et la mortalité, en fonction de l'étiologie des accouchements très prématurés : les "in born" reçoivent globalement plus fréquemment des corticoïdes que les "out born", ce qui ne les protègent pas complètement de la survenue d'une maladie des membranes hyalines ou d'une dysplasie broncho-pulmonaire ; ils sont soumis plus fréquemment que les "out born" au risque d'hémorragie intracrânienne, mais moins souvent au risque de leucomalacie périventriculaire ; leur taux de mortalité est moindre : tous ces résultats sont semblables quelle que soit l'étiologie de la prématurité.

Enfin ont été explorés les risques neurologiques en fonction des voies d'accouchement et de l'étiologie de la prématurité (tableau 4) : la césarienne apparaît comme être un élément protecteur vis à vis de la survenue des leucomalacies.

Discussion

Cette étude, comme toutes les études rétrospectives, souffre d'un certain nombre de biais méthodologiques : les items n'ayant été sélectionnés qu'a posteriori, il n'est pas certain que les populations soient entièrement homogènes, bien que les données aient été codées par un seul examinateur ; les différents pourcentages relatifs aux taux de morbidité ou mortalité en fonction des différentes causes, ne reflètent probablement pas le devenir de tous les prémarurés, dans la mesure où la population est très sélectionnées : parmi les "out born" sont transférés les prématurissimes (< 27 semaines), les moins malades (les autres décèdents avant transport) et inversement les moins prématurés et les plus malades (puisque dans les centres de niveau II , les moins malades sont pris en charge sur place) ; presque tous les enfants né "in born" sont pris en compte mais les transferts in utero sélectionnent une population à haut risque (pathologie obstétricale très sévère ou transferts réalisés "in extremis").

Malgré ces critiques, on peut tenter à partir de cette étude, de décrire un profil évolutif propre à chaque catégorie étiologique de la grande prématurité :

En cas de naissance très prématurée dans un contexte de RPM/chorioamniotite, le risque majeur est celui de la leucomalacie périventriculaire, responsable d'ailleurs de la majorité des décès. L'infection est depuis longtemps reconnue comme étant un facteur primordial d'accouchement prématuré, même dans le cadre de la grande prématurité (cf.3). Depuis plusieurs années, le contexte infectieux est une des hypothèses physiopathologiques pouvant expliquer la survenue des leucomalacies, et nombre de travaux lui ont été consacrés (1, 3, 5, 9).

Le problème pratique est que l'infection n'est pas toujours évidente en cas de menace d'accouchement très prématuré, et que l'on manque de marqueurs spécifiques pour ce diagnostic, ce qui conduit soit à préconiser des traitements antibiotiques systématiques donc parfois inutiles ou dangereux (par la sélection de germes antibio-résistants), soit au risque de passer à côté d'une thérapeutique qui pourrait être efficace pour prévenir les complications des chorioamniotites.

En dehors de ce problème de diagnostic, on s'attache actuellement, dans ce contexte infectieux, à trouver des moyens de prévenir la survenue des leucomalacies : une étude récente (1) tendrait à montrer qu'une extraction par césarienne protégerait l'enfant du risque, et l'on retrouve d'ailleurs l'influence bénéfique de cette voie d'extraction dans l'étude actuelle (cf. tableau 4) ; d'autres moyens de prévention sont en cours d'étude, notamment par la perfusion de sulfate de magnésium, agent neuro-protecteur qui fait l'objet de plusieurs essais internationaux multicentriques dont un français (7).

Compte tenu de la fréquence de l'infection dans l'étiologie de la grande prématurité, et des moyens potentiels d'intervention, il est clair que ce domaine devrait évoluer rapidement au cours des prochaines années, modifiant progressivement les attitudes obstétricales en cas de menace d'accouchement prématuré dans ce contexte.

Le problème se pose différemment lorsque l'accouchement prématuré est en rapport avec un accident hémorragique, l'extraction étant une obligation pour sauver et la mère et l'enfant. Dans ces situations d'urgence, il n'est pas évident d'avoir la possibilité de réaliser une corticothérapie qui a pu cependant être effectuée dans 50% des enfants nés "in born" dans ce contexte. Cette corticothérapie s'avère peu efficace sur la maladie des membranes hyalines, mais peut protéger l'enfant d'accidents hémorragiques intracrâniens comme l'ont montré les méta-analyses portant sur la corticothérapie anténatale (cf.3).

Dans notre étude, il existe cependant une différence importante dans le risque de survenue de leucomalacie entre les "in born" et les "out born", cette différence n'étant pas clairement explicable, sinon peut-être par une rapidité d'intervention et de prise en charge plus facilement mise en oeuvre dans les centres de niveau III. Ce surcroît de risques de leucomalacie explique la surmortalité observée chez les "out born" dans cette catégorie.

-Les extractions très prématurées pour retard de croissance sévère forment une catégorie numériquement très importante. Les mères et leur foetus sont généralement surveillées pendant plusieurs jours ou semaines, pouvant ainsi bénéficier d'une corticothérapie anténatale qui n'empêche pas cependant la survenue d'une maladie des membranes hyalines dans un cas sur 2 : est-ce dû au fait que l'extraction a toujours lieu par césarienne ? En dehors de cette maladie respiratoire aiguë, se développe des dysplasies broncho-pulmonaires témoignant peut-être d'une pathologie respiratoire en rapport avec un hypodéveloppement pulmonaire dû au retard de croissance.

En revanche, les enfants sont très peu à risque de pathologies neurologiques, qu'elles soient hémorragiques ou ischémiques. Leur taux de mortalité est semblable aux autres catégories étiologiques, la moitié des décès étant dus aux pathologies respiratoires, peut-être en rapport avec l'hypoplasie pulmonaire.

Enfin, le groupe des accouchements très prématurés sans cause évidente est probablement un groupe mixte, où il existe sans doute des causes purement mécaniques (béance du col par exemple), mais également des chorioamniotites silencieuses, actuellement non dépistables, comme en témoigne la fréquence des infections materno-foetales. Ces enfants développent fréquemment une maladie des membranes hyalines. Sur le plan neurologique, ils semblent relativement préservés des risques hémorragiques, mais ont un risque de leucomalacie élevé, peut-être également en rapport avec des phénomènes inflammatoires d'origine infectieuse non diagnostiqués. Dans cette population d'enfants, il est difficile actuellement de proposer des attitudes claires sur le plan obstétrical, hormis bien évidemment la pratique la plus large possible de la corticothérapie.

AU TOTAL, nous avons tenté d'établir un lien possible entre l'étiologie d'une grande prématurité et le devenir néonatal des enfants. Ce que l'on peut retenir de façon synthétique est que, quelle que soit l'étiologie, les taux de mortalité sont identiques chez ces enfants grands prématurés, mais que la morbidité est différente. Dans le cas des chorioamniotites, le risque majeur est celui de leucomalacie périventriculaire, source principale des handicaps neuro-moteurs et cognitifs de l'ancien prématuré, risque que l'on retrouve également dans les accouchements prématurés sans cause, probablement parce que l'infection ne peut pas encore être diagnostiquée avec fiabilité.

Dans cette population d'enfants, numériquement importants, l'administration de neuro-protecteurs et l'extraction rapide par césarienne pourraient être des éléments d'amélioration du pronostic. Pour ce qui concerne les grands retards de croissance intra-utérine, le pronostic néonatal est essentiellement lié aux pathologies respiratoires qui associent à la fois une immaturité fonctionnelle et un déficit pulmonaire anatomique.

Cette étude doit être considérée comme préliminaire. Lors du congrès, les chiffres additionnés de 96 et de 97 seront présentés, permettant de renforcer ou rectifier les hypothèses qui ont été discutées. Outre l'intérêt économique et de santé publique, le regroupement des accouchements très prématurés dans des centres obstétrico-pédiatriques de niveau III permet de réaliser des études qui laissent entrevoir des possibilités thérapeutiques insoupçonnables lorsque l'on ne peut pas étudier des grands nombres d'observations.

Bibliographie

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8 - SHAH DM, SHENAI JP, VAUGHN WK. Neonatal outcome of premature infants of mothers with preeclampsia. J Perinatol 1995 ; 15 : 264-7 .

9 - ZUPAN V, GONZALEZ P, LACAZE-MASMONTEIL T, BOITHIAS C, D'ALLEST AM, DEHAN M, GABILAN JC. Periventricular leukomalacia : risk factors revisited. Develop Child Neurol 1996 ; 38 : 1061-7.

Service de Pédiatrie et Réanimation Néonatales Hôpital Antoine Béclère. F.92141 CLAMART