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Titre: Cancer du sein et THS: étude critique de la littérature disponible
Année: 1999
Auteurs: - Jamin Ch.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Cancer du sein

Cancer du sein et THS: étude critique de la littérature disponible

C. Jamin

Service de Gynécologie Obstétrique du Pr Madelenat

Hôpital Bichat, Paris

Correspondance: 169 Boulevard Haussmann 75008 Paris

Bien qu'arrivant très loin derrière la mortalité par maladies cardiovasculaires, la mortalité par cancer du sein représente une crainte majeure dans la population alors même qu'il existe une sous-estimation du risque cardiovasculaire. Ce ressenti de la population féminine est responsable du refus de prendre un traitement substitutif (THS) de 15% au moins des femmes ménopausées et de 15% des arrêts de ce même THS.

Pour interpréter les études épidémiologiques portant sur les rapports entre THS et K du sein, plusieurs notions doivent impérativement être présentes à l'esprit (6):

- 10 à 15 ans sont nécessaires pour qu'un cancer du sein soit cliniquement parlant

- l'incidence du cancer du sein augmente avec l'âge jusqu'à plus de 75 ans

- le cancer du sein est une maladie polyclonale. Les cellules sensibles aux estrogènes sont les plus différenciées, celles qui métastasent et qui entraînent la mort sont les moins différenciées.

- seules des études prospectives randomisées permettraient de répondre à la question d'une relation entre cancer du sein et THS. Les études à notre disposition contiennent des biais tels que pour qu'une suspicion de causalité soit envisageable le risque relatif (RR) devrait au minimum atteindre 4 à 5.

Quelques notions théoriques simples:

- nécessité d'une randomisation pour éviter les biais d'inclusion

Le risque de cancer du sein est corellé à de nombreux facteurs socio-culturels et personnels. Les femmes à qui sont proposés les THS et les femmes qui acceptent de le prendre sont très différentes de celles à qui cette proposition n'est pas faite ou de celles qui ne suivent pas la prescription.

A titre d'exemple on peut citer les femmes dont la mère ou la soeur a eu, ou a fortiori est morte des suites d'un cancer du sein, sont celles qui prendront moins volontiers un THS. Ceci sous estimera le risque sous traitement car ces mêmes femmes ont un risque spontanément plus élevé.

A contrario plusieurs études prospectives ont évalué les caractéristiques socio-économico culturelles de femmes non ménopausées et ont corellé ces caractéristiques avec celles de ces mêmes femmes qui, devenant ménopausées, prendraient ou non un THS. Les femmes qui prendront un THS ont certains facteurs de risque connus pour être associés au cancer du sein: vie en ville, niveau d'éducation élevé, hauts revenus, race blanche, classification psychologique A, stress, tabagisme, consommation d'alcool etc, alors qu'en revanche elles ont des régimes plus pauvres en graisse et sont davantage sportives, ce qui les éloigne du risque. Tous ces biais de sélection sont susceptibles de modifier le RR dans des proportions considérables et très probablement la majorité de ces biais nous échappe puisque nous ignorons beaucoup sur la physiopathologie de cette maladie.

- nécessité d'une étude clinique, au mieux versus placebo, pour homogénéiser le suivi.

Les femmes n'ont de suivi gynécologique en général, et mammaire en particulier, qu'au cours de consultations spécialisées. Or elles n'y consultent que pour des besoins contraceptifs, obstétricaux ou pour des pathologies liées au cycle menstruel. Par ailleurs iml semble que leur implication dans la prévention s'émousse avec le temps. Ainsi la fréquentation des cabinets de gynécologie diminue avec l'âge après la ménopause. Nombreuses sont les femmes qui consultent en post ménopause immédiate, rares sont celles qui gardent la même assiduité en vieillissant: or nous l'avons vu l'incidence du cancer du sein augmente avec l'âge.

Le rythme des mammographies suit la même évolution liée à l'âge. De plus pour les mammographies les caractéristiques socio-culturelles accentuent ce phénomène: les femmes d'un haut niveau bénéficient de cet examen plus que les autres. Ces femmes ont un risque plus élevé de cancer du sein et sont précisément celles qui prennent un THS.

Les femmes qui suivent un TSH continuent, elles, à fréquenter les cabinets de gynécologie et à bénéficier de mammographies systématiques et ceci jusqu'à un âge d'autant plus avancé que le suivi sera plus long.

Ainsi la "chance" de découvrir un cancer du sein est beaucoup plus élevée chez les femmes sous THS du fait d'une meilleure détection. Ce phénomène s'accentue avec l'âge alors même que l'incidence spontanée augmente. Les femmes qui ont suivi un THS sur une longue période (plus de 10 ans) sont aussi les plus âgées par définition, ainsi l'augmentation apparente du risque de cancer du sein avec la durée du THS peut largement être expliquée par cette surveillance accentuée chez les femmes plus âgées, à risque plus élevé, alors que la surveillance fléchit considérablement chez les autres.

- Importance du risque attribuable

Un risque relatif représente le rapport entre le risque dans une population exposée au traitement et une population qui ne l'est pas. Un RR à 1,4 de diagnostic représente un excès de risque de 40%, ce qui peut paraître considérable. Si une femme de 50 ans a 10% de risque de développer un cancer du sein dans la population considérée, l'augmentation réelle du risque sera de 4% de la population, ce qui est bien peu et difficile, si ce n'est impossible, à mettre en évidence .

- Les transferts de pathologie

Le risque de cancer du sein augmente avec l'âge, de même que la mortalité cardiovasculaire qui représente 50% de la mortalité totale. Si le THS diminue de 50% la mortalité cardiovasculaire comme cela est fortement envisagé, il est évident que ceci entraînera ipso facto une augmentation de l'incidence de découverte du cancer du sein.

- Le devenir des images de découverte fortuite

Nombre de cancers du sein chez les femmes sous THS sont des découvertes mammographiques. Nul ne connaît l'histoire naturelle de ces lésions et rien ne prouve qu'elles auraient eu le temps, avant la mort de la patiente, d'être cliniquement parlantes. Chez les femmes âgées la fréquence des cancers du sein non diagnostiqués mais mis en évidence par nécropsie est considérable. Si la femme n'avait pas bénéficié de ces mammographies elles-mêmes en rapport avec la prise du THS, nombre de ces lésions détectées seraient passées inaperçues.

- Le rôle de la concentration d'estradiol

Il est admis que les estrogènes stimulent la prolifération des cellules mammaires et de certaines formes de cancer du sein. Le rôle des progestatifs est plus discuté. Cet effet prolifératif des estrogènes est lié à leur concentration locale qui n'est pas correllée à leur taux circulant. Cette concentration in situ est plus élevée en post ménopause qu'en préménopause, à l'inverse de ce qui se passe dans le plasma.

L'influence du THS sur ces concentrations locales d'estrogène est mal connu et dépend probablement du type de traitement utilisé et de l'adjonction ou non d'un traitement progestatif, ainsi que de la durée de cette adjonction dans le cycle.

Enfin le risque de cancer du sein augmente en post ménopause alors même que le taux de sécrétion des estrogènes diminue; de plus la corrélation du risque avec le taux des hormones circulantes est discutable (12).

- Quel évènement final faut-il mesurer?

Si l'on admet que les estrogènes augmentent la prolifération des cellules mammaires cancéreuses, cet effet peut:

- faire découvrir plus rapidement des cancers préexistants à développement lent

- promouvoir des cancers estrogénosensibles permettant un diagnostic plus précoce des tumeurs de bon pronostic

- stimuler les clones hormonodépendants de bon pronostic , permettant une découverte précoce avant le développement des clones plus agressifs

Ces hypothèses trouvent leur confirmation dans les publications sur les caractéristiques des cancers découverts sous THS, cancers mieux différenciés et moins agressifs. Ces faits associés à une détection plus précoce par une meilleure surveillance expliquent que sous THS la mortalité par cancer du sein n'est pas augmentée, voire même diminuée, malgré l'augmentation apparente du risque relatif.

Que disent les études publiées?

Depuis 25 ans plus de 50 études ont été publiées sur les relations entre THS et cancer du sein. Six méta-analyses ont colligé ces études pour en augmenter le pouvoir statistique. Une méta-analyse vise à additionner des résultats pour augmenter le nombre de patientes, permettant de rendre les résultats statistiques significatifs. La qualité des études est associée à un coefficient de pondération sensé améliorer la signification des résultats. Rappelons cependant que les méta-analyses concervent les biais des études princeps qui dans le domaine, nous l'avons vu, sont très importants ( les méta-analyses ne devaient en principe être réservées qu'aux études prospectives randomisées). " La méta-analyse est à l'analyse ce que la métaphysique est à la physique".

Les résultats:

- Le fait d'utiliser un THS augmente très faiblement le risque que soit découvert un cancer du sein (RR=1,3) (2,9,4,5,13)

- Ce surrisque de découverte décroît rapidement après l'arrêt du traitement. Ceci va dans le sens d'un biais de dépistage ou éventuellement d'un rôle de promotion mais va contre un rôle d'initiation: en effet le RR devrait rester élevé 10 ou 15 ans (voir ci-dessus).

- Une utilisation brève (moins de 5 ans) ne s'accompagne pas d'une augmentation du RR de découverte. Est-ce lié à une surveillance comparable des femmes de moins de 55 ans, qu'elles soient traitées ou non?

- Une utilisation longue (plus de 10 à 15 ans) s'accompagne d'un RR de découverte de 1,6 (1,3 - 1,8), c'est-à-dire trop faible pour que cela soit concluant, sans que les effets âge-surveillance aient pu être analysés (3,5).

- le rôle des progestatifs n'est pas connu du fait du faible nombre d'études publiées et de la durée moyenne brève (7 à 10 jours) de leur utilisation dans le cycle, alors que la théorie demanderait au minimum 12 à 14 jours (3,7,11,14,15).

- la mortalité par cancer du sein a une nette tendance à la diminution chez les femmes ayant pris un THS, probablement du fait d'une détection plus précoce des tumeurs et de la découverte de formes moins aggressives (1,8,9,10,16).

- Seule une étude randomisée prospective pourrait apporter une réponse mais il faudrait une durée de plus de 10 ans pour affirmer un éventuel effet d'initiation.

Ainsi, si les études sont à peu près concordantes sur le fait que le risque de découverte d'un cancer du sein est légèrement élevé après prise d'un THS pendant plus de 5 ans, et sur le fait que ce risque augmente faiblement avec la durée du traitement, l'analyse critique de la littérature disponible ne permet en aucune façon d'affirmer qu'il existe un lien entre THS et survenue d'un cancer du sein et encore moins un lien de causalité. Pour ce qui est du rapport bénéfice-risque du THS, le fait que les cancers du sein soient mieux différenciés et de meilleur pronostic doit fortement moduler à la baisse les réactions émotionnelles suscitées par les annonces très médiatisées des chiffres publiés.

BIBLIOGRAPHIE

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