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Titre: La recherche clinique en pédiatrie ambulatoire (RCPA) applications à la nutrition
Année: 2000
Auteurs: - Langue J.
Spécialité: Pédiatrie
Theme: Nutrition

La Recherche Clinique en Pédiatrie Ambulatoire (RCPA)

Applications à la Nutrition

Docteur Jacques LANGUE ( 50 Boulevard des Belges 69006 Lyon)

Les conseils en nutrition constituent l’une des principales activité des pédiatres de ville. Ils répondent à une attente fondamentale des parents mais reposent trop souvent sur des habitudes non validées ou des recommandations sans liens avec la pratique quotidienne. La Recherche Clinique en Pédiatrie Ambulatoire (RCPA) permet-elle de répondre aux besoins de formation des pédiatres et d’information des familles, dans ce domaine et d’autres domaines de prédilection en pratique quotidienne ?

Cette présentation propose de discuter plusieurs aspects de la RCPA :

- ses rapports avec la pratique quotidienne ; 

- son organisation collective en groupes de recherche ;

- ses liens avec d’autres terrains et formes de recherche ;

- les équilibres entre études épidémiologiques et essais thérapeutiques ;

- les aspects propres à la recherche en nutrition.

 

Rapports entre RCPA et exercice quotidien

En quoi la RCPA peut-elle modifier et améliorer la pratique quotidienne ? Existe-t-il un mode d’exercice favorable à la recherche et inversement ?

Tout protocole s’accompagne d’un engagement à respecter des modes, effectifs, délais d’inclusion et de suivi. Cet engagement repose sur une évaluation préalable des disponibilités de chaque investigateur en termes de temps , de capacité à informer et convaincre, et, dans une moindre mesure, sur l’importance et le profil de chaque clientèle. Il impose la prise en compte des aléas de l’agenda de consultation et celle des répercussions attendues sur ce dernier. Tout protocole concernant une pathologie aigue est sujet à des variations d’ordre épidémiologique, difficiles à évaluer à priori : le temps nécessaire à l’information et au consentement éclairé lors de l’inclusion, au recueil des données lors des visites de suivi allonge sensiblement la durée de la consultation et retentit sur les actes suivants. Tout protocole concernant une pathologie chronique ou une attitude préventive conduit à repérer à l’avance les rendez-vous propices aux inclusions et aménager le reste de l’agenda. Ainsi, l’ investissement intellectuel et relationnel imposé par ces visites, la complexité et la précision croissantes des procédures font-ils des visites d’ inclusion et de suivi des actes à part entière, à la fois inséparables des consultations tout-venant et parfois difficilement compatibles avec elles. Il n’est pas rare qu’ une visite d’inclusion ou de suivi soit le point d’orgue d’une journée ou demi-journée de travail au cabinet, surtout en présence d’éléments inattendus tels qu’une décision de retrait ou un événement indésirable.

La RCPA justifie-t-elle pareil investissement ? Ne risque-t-elle pas d’altérer la qualité des actes auxquels elle est attachée? De façon ponctuelle, une question ou demande familiale, aussi importante pour les parents que ne l’est le thème de recherche pour l’investigateur, peut être occultée par manque de disponibilité. De façon plus générale, un protocole particulièrement exigeant peut modifier sensiblement la pratique quotidienne. Tout se passe comme si les visites d’inclusion ou de suivi donnaient une autre dimension aux consultations, conférant au pédiatre un rôle de consultant auprès d’un correspondant en la personne du promoteur et dans une spécialité : la recherche clinique. Comment cette activité spécifique est-elle susceptible de qualifier la pratique quotidienne ?

La réponse appartient aux investigateurs. Les promoteurs réclament des critères de qualité de plus en plus précis : strict respect de Bonnes Pratiques Cliniques (BPC), mais aussi disponibilités de matériels de stockage et d’archivage, de temps de transmission et de communication des données, susceptibles de décentrer un peu plus l’exercice quotidien. Les pédiatres doivent, non seulement répondre aux exigences propres à optimiser la RCPA, mais aussi qualifier leur exercice quotidien à travers elle. Dans cette perspective, la durée des visites d’ inclusion et de suivi, la précision de l’information et du consentement éclairés, l’attention apportée au retour et à l’explication des résultats auprès de parents sont exemplaires en termes de communication et propres à mieux faire comprendre les questions et les attentes parentales. Les informations associées à la présentation des objectifs et critères de jugement ainsi qu’à celle des résultats participent à la Formation Médicale Continue (FMC). Enfin l’organisation de groupes de recherche est un relais avec les autres associations ou sociétés pédiatriques.

 

Place des groupes d’investigateurs

L’organisation de groupes de recherche permet-elle de mieux répondre aux besoins déjà exprimés ? Doit-elle répondre à des critères précis, à l’image de ceux que développent les associations de FMC : formation, professionnalisation, voire contractualisation des formateurs ?

Dans le cadre des études épidémiologiques, le premier groupe européen de RCPA a été créé en Suisse par le professeur Pierre Girardet: le Groupe Romand d’Etudes en Pédiatrie Ambulatoire (GREPA/1974) est à l’origine de la Société Européenne de Recherche en Pédiatrie Ambulatoire (SERPA/1988) dont le premier secrétaire fut Henri Romeu. En France, plusieurs groupes régionaux, dont le Groupe Lyonnais de Recherche en Pédiatrie Ambulatoire (GLyRPA/1990), ont été fédérés par l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA/1990). Ils ont réalisé de nombreuses études comportementales, évaluations des pratiques médicales et validations de tests diagnostiques, certaines limitées à une dizaine d’investigateurs et d’autres régionales ou nationales, souvent avec l’aide de pédiatres hospitaliers, toutes publiées ou en voie de publication. Ils ont développé un sentiment d’appartenance et de solidarité entre pédiatres de villes, régions, voire pays différents, leur ont permis de se former aux aspects théoriques de la recherche et d’en assimiler certaines règles. Force est de constater certains manques : cette forme de RCPA reste confidentielle parmi les pédiatres de ville ou ne les mobilise que de façon ponctuelle. Elle est descriptive, insuffisamment orientée vers une évolution des pratiques. Elle s’appuie sur des supports institutionnels ou médiatiques limités. Aussi certains groupes cherchent-ils à élargir leurs objectifs et leur audience : la SERPA s’est récemment transformée en Société Européenne de Pédiatrie Ambulatoire (SEPA/1998) et le GLyRPA en Fédération Rhône-Alpes de Pédiatrie Ambulatoire (FRAPA/1999), associant RCPA et FMC.

Dans le cadre des essais thérapeutiques, l’initiative reste à l’industrie : les responsables de développement des sociétés pharmaceutiques ou diététiques constituent et renouvellent les portefeuilles d’investigateurs potentiels en fonction du volume d’activité de chacun (indiquant les potentiels présumés d’inclusion), de son implantation géographique (conditionnant en partie le monitorage) et de ses qualités de travail lors d’études antérieures. Selon ce schéma, le promoteur ou la société de recherche clinique en charge du protocole, recrutent chaque investigateur et attribuent parfois à l’un d’eux le titre d’investigateur principal : coordonnateur ou simple représentant des autres investigateurs ; elles gardent le contrôle des données et la propriété des résultats. Certains groupes souhaitent participer à la coordination et au contrôle de qualité des essais : leurs propositions sont contestées par les branches développement des sociétés industrielles et supplantées par celles des sociétés professionnelles de recherche. Aussi quelques groupes, telle l’Association Clinique et Thérapeutique Infantile du Val de Marne (ACTIV), se sont-ils constitués en société professionnelle et commerciale, capable de proposer, rédiger et coordonner les protocoles, d’en recueillir et d’en exploiter les données avant de les présenter ou de les publier. Cette organisation a pour avantages de mieux connaître et répondre aux besoins et aux capacités des pédiatres de ville. Elle est mise en place par d’autres associations, en particulier la FRAPA. Elle peut concerner les domaines de prédilection de la Pédiatrie Ambulatoire : l’infectiologie, investie par l’ACTIV, mais aussi la vaccinologie et la nutrition.

Ainsi les groupes de recherche sont-ils des relais nécessaires mais souvent insuffisants pour les pédiatres de ville. Ils doivent probablement s’ouvrir à d’autres secteurs de la RCPA , à la recherche en services d’accueil et de consultation hospitaliers, à la recherche en pédiatrie de santé publique, et aux réseaux de recherche ambulatoire en médecine générale. Ils peuvent élargir leurs compétences mais doivent en indiquer clairement les limites. Ils ont enfin à désigner et investir des domaines spécifiques.

 

Liens entre RCPA et recherche hospitalière

La recherche développée au sein des groupes de Pédiatrie Ambulatoire est peu confrontée aux autres formes de RCPA ainsi qu’à la recherche hospitalière et universitaire. Comment ces deux formes de recherche peuvent-elles être associées ? La première est-elle dépendante de la seconde ? Existe-t-il des possibilités d’échanges et de collaboration ?

L’organisation d’études épidémiologiques en ville et la participation des pédiatres libéraux à des essais thérapeutiques sont issues d’une réaction vis à vis d’une recherche clinique encadrée et coordonnée par les pédiatres hospitaliers. A l’inverse, les pédiatres hospitaliers chargés de recherche ont ignoré les débuts de la RCPA : en 1995, les Assises de la Médecine de l’ Enfant (Assises de Pédiatrie), ouvertes aux pédiatres libéraux dans plusieurs domaines, ne mentionnent pas la RCPA. Depuis cinq ans, grâce à l’action des pédiatres de l’ ACTIV et celle de plusieurs médecins responsables de branches développement dans l’industrie, les pédiatres libéraux sont associés au conseil scientifique et à la coordination de nombreuses études. Ils sont choisis d’après la spécificité de leur exercice et leur représentativité au sein des associations de Pédiatrie Ambulatoire : l’AFPA sur le plan national, le GLyRPA et d’autres associations régionales, en particulier le Groupe d’Etudes et de Recherche en Pédiatrie Ambulatoire du Nord de la France (GREPA-Nord), le Groupe de Recherche des Pédiatres d’Aquitaine et le Groupe d’Etudes en Pédiatrie Pratique (GEPP) de Marseille. Par ailleurs, la plupart des études ambulatoires sont conseillées et évaluées par des experts appartenant à des unités de recherche au sein de l’Université, d’unités INSERM ou du CNRS : pédiatres hospitaliers, autres spécialistes et scientifiques non médicaux.

Les échanges entre pédiatres libéraux d’une part, hospitaliers et universitaires d’autre part sont favorisés par la réflexion menée depuis les Assises de Pédiatrie au sein des associations de Pédiatrie Ambulatoire, de la Société Française de Pédiatrie (SFP) et des Clubs de Spécialités appartenant à la SFP. Les instances de la SFP et de ses Réunions Régionales, celles de la Fédération Nationale des Pédiatres Néonatologues (FNPN) et du Club de Pédiatrie Générale (CPG) sont, depuis 1998, composées pour un tiers de pédiatres libéraux, un tiers de pédiatres hospitaliers des hôpitaux généraux, et un tiers de pédiatres hospitaliers et universitaires. Cette organisation implique la participation des pédiatres libéraux aux différentes commissions de recherche, en particulier celles de la FNPN et du CPG. Dans le même esprit, le Conseil Scientifique de la SFP a classé en 1999 comme première demande de subvention auprès de la Fondation pour la Recherche Médicale le projet de validation du ERTLA6 (Epreuve de Repérage des Troubles du Langage et des Apprentissages chez l’enfant de 6 ans), conçu par des orthophonistes et des pédiatres libéraux. Par ailleurs, certains groupes de pédiatres libéraux se sont rapprochés de façon plus informelle et amicale de Sociétés ou Clubs de Spécialités de la SFP, en particulier le Groupe consacré aux Difficultés Scolaires au sein de l’AFPA et la Société Française de Neurologie Pédiatrique qui organisent leur réunion annuelle de façon conjointe depuis deux ans et partagent des projets de validation de tests diagnostiques concernant les troubles des apprentissages.

Les liens entre la RCPA et la recherche hospitalière sont encore trop récents et ponctuels pour être systématisés. Ils reposent sur des contacts et des échanges directs entre responsables de projets ou investigateurs libéraux et hospitaliers, entre les Groupes de Pédiatrie Ambulatoire et les Clubs ou Sociétés de Spécialités pédiatriques de la SFP. La création récente d’un Groupe de Nutrition et de Gastro-enterologie Pédiatrique au sein de l’AFPA devrait permettre de les développer.

 

Equilibres entre études épidémiologiques et essais thérapeutiques

La RCPA est-elle réservée à des propositions et à l’organisation d’études épidémiologiques concernant la pratique quotidienne ? Comment peut-elle participer aux essais thérapeutiques ?

Les fondateurs du GREPA et de la SERPA ont souhaité limiter le champ de la RCPA aux seules études épidémiologiques, orientation fondée sur le désir de promouvoir la Pédiatrie Ambulatoire et de préserver son indépendance vis à vis de l’industrie pharmaceutique. Les responsables de l’AFPA et ses groupes régionaux ont à l’inverse associé les deux formes d’études cliniques : études épidémiologiques et essais thérapeutiques. L’orientation initiale s’est accompagnée d’une certaine désaffection des pédiatres libéraux vis à vis de la SERPA avant son évolution actuelle. La seconde, qui associe l’évaluation des choix thérapeutiques à la pratique quotidienne, a permis de recruter plusieurs centaines d’investigateurs en France, de les former aux BPC et de les initier aux règles de développement des produits pharmaceutiques. Elle a favorisé le financement ou le sponsoring d’études épidémiologiques sans bénéfices directs pour les patients. Elle paraît aujourd’hui indissociable du fonctionnement des groupes de RCPA en France.

Ces mêmes groupes ont privilégié au début les essais thérapeutiques de phase II et III avant autorisation de mise sur le marché (AMM) sans doute par souci de légitimité et de reconnaissance. Ils ont participé à de nombreuses études de vaccinologie dont plusieurs études pivot concernant les vaccins Haemophilus b, coqueluche acellulaire, varicelle et différents vaccins combinés ou associés ; à plusieurs études d’antibiothérapie dont l’étude pivot sur laquelle est fondée l’AMM de la ceftriaxone en une injection pour le traitement de certaines formes d’otites moyennes aigües. Certains essais de phase II et III sont particulièrement adaptés à la pédiatrie de ville mais les essais de phase IV, après AMM, doivent être investis pour plusieurs raisons. Ils permettent de répondre à des questions issues d’observation de terrain, concernant la tolérance, les effets secondaires et les interactions des médicaments. Ils permettent de suivre leur efficacité dans le cadre d’une AMM donnée, en particulier celle des antibiotiques face à l’émergence des résistances. Ils sont souvent assez aisés à expliquer et faire accepter dans la mesure ou ils concernent des pathologies courantes traitées par des produits connus. Ils correspondent à une évaluation des pratiques quotidiennes en termes de traitement et répondent aux objectifs de la RCPA.

Les essais thérapeutiques paraissent donc indissociables des études épidémiologiques au sein de la RCPA. Leur intérêt et leur qualité sont indépendantes de la phase de développement des médicaments.

 

Aspects propres à la Recherche en Nutrition

La FMC et la recherche en nutrition sont peu développées par les associations de Pédiatrie Ambulatoire et parfois assimilées à des incitations de prescription par les pédiatres. Les comportements alimentaires et les conseils diététiques peuvent-ils faire l’objet d’études cliniques en ville ? Le champ de la recherche en nutrition est sous-estimée par les pédiatres. Précis, voire perfectionnistes jusqu’à l’âge de un an , ces derniers négligent souvent les conseils diététiques du nourrisson plus grand et de l’enfant, ou les assimilent à quelques règles de bon sens.

Comment améliorer la formation des pédiatres et la recherche clinique dans ce domaine ? La formation des pédiatres repose sur les données de la recherche fondamentale, relayée par des conseils diététiques : sans cette démarche la formation revient à communiquer de simples recettes. Les études épidémiologiques peuvent bénéficier du réservoir de données que contiennent les dossiers informatisés : en France plus de 500 pédiatres libéraux de l’AFPA utilisent le logiciel Infans sur les pages duquel sont notés lors de chaque consultation de suivi les données biométriques et le régime conseillé. Encore convient-il d’orienter et organiser la saisie de ces données en fonction de projets d’étude et non l’inverse. Les essais concernant les aliments de l’enfance, en particulier les laits infantiles (préparations pour nourrissons ou laits premier âge, et laits de suite ou laits deuxième âge) et les aliments à finalité médicale spéciale (ou produits de nutrition clinique) sont encore peu nombreux malgré les recommandations OMS relayées par les directives européennes de 1992 et 1998 modifiant entre autres obligations les règles de composition et de sécurité. Ce faible effectif d’essai tient à l’absence de protection des aliments de l’enfance et des produits de nutrition clinique après enregistrement auprès de l’Agence Française pour la Sécurité des Aliments (AFSA). Ainsi les innovations validées par les essais cliniques peuvent être immédiatement reprises par des sociétés concurrentes. Cependant un essai randomisé de produit de nutrition clinique à propos des diarrhées aigües, a démontré la faisabilité d’un travail conforme aux BPC en pédiatrie de ville (1999, publication en cours) ; un essai du même type étudie l’effet préventif d’un lait infantile sur l’apparition des diarrhées aigües (1999, réalisation en cours). 

La recherche clinique en nutrition ne fait que débuter en Pédiatrie Ambulatoire. Elle doit être associée à la formation des pédiatres aux données de la recherche fondamentale. Elle peut associer études épidémiologiques et essais cliniques dont le développement est à discuter avec les instances officielles, en particulier le Comité de Nutrition de la SFP, et les sociétés membres du Syndicat des Aliments de l’Enfance (Alliance 7).

Lyon, le 28 octobre 1999

 

Ouvrages de référence

- Pierre Girardet. 25 leçons de Pédiatrie Ambulatoire : Genève : Editions Médecine et Hygiène, 1984 : 395

- Pierre Girardet, Pierre Frutiger. La recherche Clinique en Ambulatoire, expériences pédiatriques. Genève : Editions Médecine et Hygiène, 1994 : 207.