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Titre: Transmission des allergenes alimentaires de la mère a l'enfant
Année: 2000
Auteurs: - Olives J.-P.
Spécialité: Pédiatrie
Theme: Allergies

TRANSMISSION DES ALLERGENES ALIMENTAIRES
DE LA MERE A L'ENFANT

JP. OLIVES - Gastroentérologie et Nutrition

Département de Pédiatrie - Hôpital des Enfants 31026 TOULOUSE Cédex


L'observation clinique et les recherches expérimentales chez l'animal suggèrent que l'âge au moment de la première rencontre avec l'allergène est un facteur déterminant du risque de survenue de manifestations d'allergies et ce plus particulièrement chez les enfants atopiques (1,2).

Cette première exposition peut avoir lieu très tôt à partir de deux modes de sensibilisation qui font de l'organisme maternel le vecteur de ces allergènes : la transmission materno-fœtale ou sensibilisation in-utero et la transmission au cours de l'allaitement ou sensibilisation par le lait maternel.

INFLUENCE DE L'AGE :

Le fœtus est capable d'une réactivité spécifique vis à vis d'un allergène dès la 22ème semaine de gestation (3). Les réponses immunitaires à cet âge de la vie intra utérine sont orientées vers le type TH2. Pendant cette période ce sont de petites doses d'allergènes qui vont induire une sensibilisation, alors que des doses importantes peuvent entraîner un état de tolérance (2, 4).
Chez le nouveau-né sans antécédent atopique, si des stimulations antigéniques sont répétées, elles ne conduiront qu'à une sensibilisation transitoire sous tendue par une réponse immunitaire de type TH1. Au contraire, après la naissance chez le nouveau-né puis chez le nourrisson prédisposé génétiquement à l'atopie la réaction à l'allergène alimentaire va se traduire par une réponse immunitaire de type TH2 qui expliquerait la pérénisation et l'aggravation future des sensibilisations et des manifestations d'allergie (4).

PROTEINES ALIMENTAIRES ET ALLERGENICITE :

Un aliment peut contenir jusqu'à 40 allergènes différents. La digestion et l'absorption des protéines par le tube digestif maternel ainsi que les phénomènes de perméabilité intestinale (par passage à travers les jonctions inter-entérocytaires et les cellules M de la muqueuse intestinale) permettent à des protéines intactes ou à des protéines possédant des capacités antigéniques de se retrouver dans le plasma de la mère et secondairement de traverser la barrière foeto-placentaire ou d'être excrétés dans le lait maternel (1).
Les allergènes alimentaires sont essentiellement des glycoprotéines dont le poids moléculaire se situe entre 15 et 50 Kdaltons. Les déterminants antigéniques ou épitopes sont des séquences d'acides aminés qui se lient directement et spécifiquement aux anticorps et entraînent les réactions immunologiques. L'action d'un épitope peut être due soit à une structure séquentielle c'est-à-dire que sa spécificité est liés à la nature et à l'ordre des acides aminés, soit l'action peut être due à une structure conformationnelle : ce qui signifie que l'ordre des acides aminés est la conséquence d'une recombinaison spatiale de ces derniers secondaire au chauffage et au pliage de la structure moléculaire.

SENSIBILISATION IN UTERO

Pendant la période intra-utérine deux voies de transmission sont possibles :
1 - par le passage transplacentaire par l'intermédiaire des IgG maternelles
2 - par la présence des allergènes dans le liquide amniotique qui peuvent pénétrer le fœtus soit à travers la peau, soit par déglutition du liquide amniotique puis passage de la barrière intestinale et enfin par aspiration dans les futures voies aériennes par les mouvements " respiratoires ".
Les résultats de plusieurs études cliniques démontrent la réalité de ce phénomène de transmission in-utero. Dans une étude japonaise les auteurs rapportent les cas de nourrissons de famille atopique, nourris au sein et dont les manifestations (eczéma), apparues durant les premières semaines de vie, cèdent lorsque les mères arrêtent de prendre l'antigène en cause (lait, poisson, œufs) et réapparaissent lorsqu'elles l'ingèrent à nouveau ou qu'il est directement donné à l'enfant (5).
C'est la présence d'hémagglutinines spécifiques dans le liquide amniotique qui permet d'écarter une possible sensibilisation par le lait maternel.
Il est classiquement convenu que les IgE maternelles ne passent pas la barrière placentaire. Le fœtus synthétisant ses propres IgE dès la 11ème semaine de vie, la présence d'IgE spécifiques dans le sang du cordon témoignerait de façon indiscutable d'une sensibilisation in-utero (1). La présence de telles IgE antiprotéines du lait de vache ou de l'œuf n'a cependant été mise en évidence qu'exceptionnellement. Dans 7 études, citées par J. Schmitz (1) totalisant 820 enfants, des IgE spécifiques antiprotéines alimentaires n'ont été retrouvées que 6 fois. Un protocole étudiant 165 femmes enceintes souffrant d'allergie respiratoire et réparties en 4 groupes selon les quantités d'œufs (0 à 1/jour) et de lait de vache (0 à 1 l/jour) ingérées durant les 3 derniers mois de leur grossesse, n'a pas montré de différence significative entre les taux au cordon d'IgE totales ou spécifiques anti-ovalbumine, ovomucoïde ou b-lactoglobuline des différents groupes. Les taux d'anticorps spécifiques de type IgG n'étaient pas affectés non plus par l'alimentation des mères (1).
Certaines de ces données sont éclairées d'une façon différente compte tenu de publications récentes qui ont permis de montrer la présence d'une IgE maternelle dans le liquide amniotique et dont le taux serait comparable au taux plasmatique de la mère (6). Le rôle des IgG maternelles serait lui prépondérant dans la modulation de la réponse du fœtus. Leurs concentrations circulantes chez la mère seraient directement liées à la durée d'exposition ; des taux élevés secondaires à l'exposition à l'œuf ou à un antigène d'origine féline (FEL D1) protégeraient le fœtus contre une sensibilisation.

SENSIBILISATION PAR LE LAIT MATERNEL :

De nombreux travaux font état de la survenue, chez des enfants de famille atopique, nourris exclusivement au sein, de manifestations d'allergie (eczéma, urticaire, rhinite, angioedème, vomissements) lors du premier contact avec l'antigène, à l'âge de 2 à 12 mois (1). Dans ces études, la sensibilisation par l'antigène suspecté (œuf, lait de vache, blé, cacahuète) est prouvée par la positivité d'un prick test à l'antigène en question. Deux séries d'arguments plaident en faveur de la réalité de cette voie de sensibilisation.
Un premier groupe d'arguments indirects provient des observations et des études cliniques dans lesquelles est mise en évidence une relation entre la présence dans l'alimentation de la mère, ou la suppression de celle-ci, de certains aliments et l'apparition ou la disparition de symptômes chez le nourrisson au sein. Ainsi, un choc anaphylactique chez un enfant au sein préalablement sensibilisé aux protéines du lait de vache peut être déclenché par l'ingestion de lait de vache par sa mère (7).
De même, l'exclusion des laitages, puis, lors d'une 2ème poussée, du soja, de l'alimentation maternelle a-t-elle entraîné la guérison rapide d'une colite hémorragique et de l'eczéma que présentait depuis quelques jours un nourrisson de 3 semaines jusque là exclusivement nourri au sein (8). Des études croisées en double aveugle ont montré d'autre part le lien existant entre la présence dans l'alimentation maternelle de lait et d'œufs pendant quelques semaines et l'eczéma (1) ou la présence de laitages et les coliques infantiles (9) comme entre la disparition de ces symptômes et l'exclusion, pendant une durée analogue, de ces aliments des régimes maternels. Cependant, dans les 2 cas, une partie seulement des enfants étudiés tirait bénéfice des mesures diététiques prises par leurs mères (6 nourrissons sur 19 atteints d'eczéma et 22 sur 60 souffrant de coliques (9)) et l'effet bénéfique de l'exclusion des laitages sur les coliques du nourrisson n'est pas reconnu par tous les auteurs (10).
Plus concluante encore est la preuve apportée de la présence de protéines ingérées par la mère dans le lait qu'elle donne à son enfant. Des quantités mesurables (5-800 µg/l) de b-lactoglobuline ont été mises en évidence par dosage radio-immunologique dans le lait de 19/25 mères suédoises étudiées au cours de la lactation et dans 40 p. 100 (93/232) des échantillons étudiés. Les concentrations de b-lactoglobuline variaient énormément d'une mère à l'autre (5-800 µg/l) et d'un échantillon à l'autre chez une même mère (13-800 µg/l). Aucune corrélation entre les quantités de lait bues par les mères et les concentrations de b-lactoglobuline dans leur lait n'a été retrouvée. Par contre, la présence de symptômes susceptibles de témoigner d'allergie (diarrhée, vomissements, coliques, exanthèmes) était significativement corrélée (p<0,05) à la concentration de b-lactoglobuline dans le lait maternel (11). Des résultats identiques ont été rapportés chez 20 mères dont 10 étaient allergiques : la b-lactoglobuline (0,9-150 µg/l mesurée par méthode ELISA) était présente chez toutes les mères sauf une (atopique) sans qu'une relation entre la nature du lait ingéré par la mère (homogénéisé ou non) et les quantités de b-lactoglobuline dans le lait maternel puisse être mise en évidence. La concentration la plus élevée de b-lactoglobuline était retrouvée 4 à 8 h ou 16 à 24 h après l'ingestion du lait. De considérables variations de concentration d'un échantillon à l'autre et d'une mère à l'autre étaient aussi notées (1).
L'ovalbumine et l'ovomucoïde ont également été retrouvées en quantités mesurables (0,1-6,4 µg/l) par méthode radio-immunologique chez 13 mères sur 22 et 7 sur 9 respectivement (12). Récemment la présence d'IgG bovines a pu aussi être mise en évidence dans le lait de 88 femmes sur 97 étudiées, à des concentrations cependant notablement supérieures (0,1-5 mg/l) à celles des antigènes mesurés jusqu'ici, en fait du même ordre de grandeur que les concentrations d'IgG dans les laits industriels (0,6-6,4 mg/l). De plus, la médiane des concentrations d'IgG bovines était plus élevée (0,42 mg/l) chez les mères d'enfants souffrant de coliques que chez les mères d'enfants sains (0,32 mg/l) (13).
Enfin, après l'ingestion de 20 g de gluten, des concentrations significatives de la gliadine ont été détectées (5-95 µg/l) dans 54/80 échantillons de laits prélevés chez 53 femmes, la concentration maximale étant notée 2 à 4 heures après la prise (14).

Des manifestations d'allergie alimentaire ont également été rapportées chez des enfants nourris au sein en rapport avec des protéines présentes dans l'alimentation de la mère telles que le poisson, le chocolat, le porc, la pomme, le soja et la banane (15, 16).

CONCLUSIONS :

Il est certain que le nourrisson allaité entre en contact dès les premiers jours de sa vie avec de petites quantités d'antigènes alimentaires présentes dans le lait maternel. Certains travaux laissent penser que ces très faibles quantités pourraient être particulièrement pathogènes. A l'inverse des études menées chez le lapin montrent que le lapereau devient spécifiquement tolérant aux protéines contenues dans l'alimentation de sa mère (17, 18).
Plus tôt, pendant la vie intra-utérine, les mêmes types de modulation de la réponse allergique semblent pouvoir agir. En fait, la mère pourrait, en fonction du patrimoine génétique de l'enfant (risque atopique ou pas), en fonction de la quantité d'antigène transmise à l'enfant, en fonction de l'âge du bébé (fœtus, nouveau-né, nourrisson), en fonction de facteurs environnementaux, avoir un rôle protecteur en induisant une tolérance ou au contraire un rôle favorisant déclenchant une sensibilisation (19).

REFERENCES :

1 - SCHMITZ J. Mesures diététiques de prévention de l'allergie alimentaire. In Navarro J, Schmitz J eds. Allergies alimentaires. Paris. Doin 1995 ; 237-49
2 - MOLKHOU P. Allergies alimentaires chez l'enfant (1ère partie) Rev Int Pediatr 1999 ; 30 : 5-30
3 - JONES AC, MILES EA, WARNER JO, COLWELL BM, BRYANT TN, WARNER JA. Fetal peripheral blood mononuclear proliferative responses to mitogenic and allergenic stimuli during gestation. Paediatric Allergy and Immunology 1996 ; 7 : 109-16
4 - WARNER JA, JONES CA, JONES AC, MILES EA, FRANCIS T, WARNER JO. Immune response during pregnancy and the development of allergic disease. Pediatr Allergy Immunol 1997 ; 8 : Suppl 10, 5-10
5 - MATSUMURA T, KUROUME T, OGURI M et al. Egg sensitivity and eczematous manifestations in breast-fed newborns with particular reference to intrauterine sensitization. Ann Allergy 1975 ; 35 : 221-229
6 - WARNER JA, JONES CA, WILLIAMS TJ, WARNER JO. Maternal programming in asthma and allergy. Clin Exp Allergy 1998 ; 28 : Suppl 5 : 35-8
7 - LIFSCHITZ CH, HAWKINS HK, GUERRA C, BYRD N. Anaphylactic shock due to cow's milk protein hypersensitivity in a breast-fed infant. J Pediatr Gastroenterol Nutr 1988 : 7 : 141-4
8 - PERISIC VN, FILIPOVIC D, KOKAI G. Allergic colitis with rectal bleeding in an exclusively breast-fed neonate. Acta Paediatr Scand 1988 ; 77 : 163-4
9 - LOTHE I, LINDBERG T, JAKOBSSON I. Cow's milk formula as a cause of infantile colic : a double-blind study. Pedaitrics 1982 ; 70 : 7-10
10 - EVANS RW, FERGUSSON DM, ALLARDYCE RA, TAYLOR B. Maternal diet and infantile colic in breast-fed infants. Lancet 1981 ; 1 : 1340-2
11 - AXELSSON I, JAKOBSSON I, LINDBERG T, BENEDIKTSSON B. Bovine b-lactoglobulin in the human milk. A longitudinal study during the whole lactation period. Acta Paediatr Scand 1986 ; 75 : 702-7
12 - KILSHAW PJ, CANT AJ. The passage of maternal dietary proteins into human breast milk. Int Arch Allergy Appl Immunol 1984 ; 75 : 8-15
13 - CLYNE PS, KULCZYCKI A Jr. Human breast milk contains bovine IgG. Relationship to infant colic ? Pediatrics 1991 : 87 : 439-44
14 - TRONCONE R, SCARCELLA A, DONATIELLO A et al. Passage of gliadin into human breast milk. Acta Paediatr Scand 1987 ; 76 : 453-456
15 - GERRARD JW. Allergy in breast fed babies to ingredients in breast milk. Ann Allergy 1979 ; 42 : 69-72
16 - De BOISSIEU D, BADOUAL J, DUPONT C. Allergie alimentaire multiple chez l'enfant allaité. Journées Parisiennes de Pédiatrie 1996. Flammarion Médecine-Sciences, Paris
17 - JAKOBSSON I. Food antigens in human milk. Eur J Clin Nutr 1991 ; 45 : suppl 1 : 29-33
18 - PATHIRANA C, GOULDING NJ, GIBNEY MJ et al. Immune tolerance produced by pre-and post-natal exposure to dietary antigens. Int Arch Allergy Appl Immunol 1981 ; 66 : 114-8
19 - DUTAU G, OLIVES JP, RANCE F, JUCHET A, BREMONT F, NOUILHAN P. Prévention de l'allergie chez l'enfant. Rev Fr Allergol 1996 ; 36 : 337-46