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Titre: Préparations lactées et prévention de l’allergie
Année: 2002
Auteurs: - Sarles J.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Nutrition

Préparations lactées et prévention de l'allergie

Pr J. SARLES

Marseille

Que ce soit un fait réel ou une apparence liée à l'amélioration des moyens diagnostiques et à la diminution d'un grand nombre de pathologies infantiles, l'allergie est devenue une des grandes causes de morbidité de l'enfance. Sa prévalence est assez diversement appréciée selon les critères diagnostiques retenus, mais on peut considérer que globalement elle concerne 12 à 30% des enfants, l'allergie alimentaire concernant 3 à 5% selon les études les plus rigoureuses.
Il y a plusieurs raisons pour s'interroger sur le rôle de l'alimentation du nourrisson dans l'apparition ultérieure de troubles de nature allergique. Le tube digestif est, plus encore que la peau et les voies aériennes, un lieu de contact privilégié avec les antigènes du milieu extérieur, et le lait de vache, substitut le plus utilisé de l'allaitement maternel, contient certaines protéines qui passent pour les antigènes les plus puissants de notre alimentation. De plus, le début de la vie semble être, sur le plan de la réponse immunitaire, une période tout à fait particulière au cours de laquelle peut s'installer vis à vis d'un antigène étranger un état de tolérance ou au contraire d'hypersensibilité selon le moment du premier contact par rapport à la naissance et selon l'importance de la charge antigénique. Enfin il apparaît de plus en plus clairement que l'écologie bactérienne de la période néonatale, en influant sur la colonisation initiale du tube digestif conditionne en partie le risque de développer des allergies secondaires.
Les preuves des avantages nutritionnels, anti-infectieux et psychologiques de l'allaitement maternel s'accumulent de jour en jour, mais la démonstration que le lait maternel soit la meilleure prévention de l'allergie d'origine alimentaire manque toujours pour des raisons de difficultés méthodologiques. L'absence d'antigénicité des protéines du lait de femme est cependant un fort argument pour admettre cette hypothèse, même si de rares sensibilisations à des protéines étrangères via le lait maternel sont parfois décrites. L'axiome selon lequel l'allaitement maternel doit être préféré à toute autre forme d'alimentation du nourrisson notamment chez ceux à risque d'allergie doit donc être admis jusqu'à nouvel ordre. La question du choix du type d'alimentation d'un enfant à risque ne se pose donc qu'en cas de refus ou d'impossibilité d'un allaitement maternel. Nous examinerons les données obtenues en matière de prévention avec différents produits lactés proposés par l'industrie mais il ne sera pas question des produits destinés au traitement de l'allergie tels que les hydrolysats poussés ou les mélanges d'acides aminés dont le coût et le goût sont peu compatibles avec une utilisation à grande echelle.

" Laits " de soja

Ils constituent certainement l'alternative la plus ancienne au lait de vache chez les enfants allergiques aux protéines du lait. Les protéines du soja ont cependant un pouvoir antigénique non négligeable et le risque d'antigénicité croisée entre ces deux familles de protéines, bien que d'origines très différentes, est certain, même s'il est très diversement apprécié (5 à 25%). Le rôle préventif possible des " laits " de soja chez les enfants à risque est controversé. La qualité méthodologique des études concernées n'est pas suffisante pour trancher définitivement et il est donc impossible aujourd'hui de recommander le recours à ce type d'aliment pour diminuer la survenue d'allergies diverses (1,2).

Préparations hypoallergéniques (HA)

Cette dénomination commerciale n'est pas réglementaire. Elle correspond dans la plupart des cas à des produits identiques aux préparations pour nourrissons à l'exclusion des protéines qui sont également d'origine bovine (caséine ou protéines solubles) mais sont partiellement hydrolysées. Le poids moléculaire (PM) des résidus protéiques de ces préparations s'échelonne entre des valeurs comprises de 500 à 10-15 000 kilodaltons. Le seuiI d'antigénicité d'une protéine se situant aux alentours de 2500 kilodaltons, il est évident que ces produits conservent un certain pouvoir antigénique et ne doivent donc pas être utilisés chez des enfants déjà sensibilisés. Il existe par ailleurs des produits dont les protéines répondent aux même critères d'hydrolyse en terme de PM mais dont l'origine est le collagène de porc et le soja. Bien que seulement partiellement hydrolysés ces produits peuvent en théorie être aussi bien utilisés dans la prévention de l'allergie en général que dans le traitement de l'allergie aux protéines du lait de vache. Si l'on devait faire une classification des préparations hydrolysées, ils se situeraient en position intermédiaire entre les préparations hypoallergéniques et les hydrolysats poussés.
Plusieurs études ont montré durant la période d'administration de préparations une réduction significative des manifestations réputées allergiques (eczéma, bronchites obstructives, troubles digestifs divers) chez les enfants recevant une formule hypoallergénique, comparés à ceux recevant une formule à base de protéines entières (3-5). A distance de cette utilisation, on note encore une diminution de l'incidence de l'eczéma mais pas des autres manifestations allergiques. L'étude de Chandra montre que l'utilisation de formules hypoallergéniques, associée à un programme d'introduction progressif et tardif des aliments réduit l'incidence de l'asthme et de l'eczéma à l'âge de 5 ans (6). Cet effet est comparable à celui obtenu avec l'allaitement maternel ou les hydrolysats de protéines.
Au total les formules hypoallergéniques ont un effet certain sur la survenue de manifestations allergiques. Il n'est par contre pas encore clairement établi si ces formules ont un réel effet préventif (diminution vraie de l'incidence) ou seulement un effet suspensif (effet retardant sur la date de survenue).

Formules avec probiotiques

La sensibilisation à des antigènes alimentaires résulte en partie d'une rupture de la " barrière " physiologique que constitue la muqueuse intestinale vis à vis de ces antigènes. La flore intestinale, et singulièrement la flore néonatale initiale, joue un rôle certain dans le fonctionnement de cette barrière en modulant les phénomènes de régulation de l'inflammation de la muqueuse et de la sous-muqueuse et en stimulant les mécanismes de réponse immunitaire humorale et cellulaire. En pratique clinique, on sait aujourd'hui que le simple fait qu'un nouveau-né soit mis à l'écart de sa mère les premières heures suivant sa naissance augmente le risque de rhume des foins des années plus tard (7). De même la naissance par césarienne augmente le risque d'allergie ultérieure. Parallélement la relation inverse démontrée entre la fréquence des infections au début de la vie et la survenue d'allergies illustre bien l'hypothèse de Strachan selon laquelle l'amélioration de l'hygiène a plutôt un effet négatif sur l'incidence de l'atopie (8). De ces notions a résulté l'idée d'intervenir sur le risque allergique en modifiant la flore intestinale. Cette approche a essentiellement été développée par l'équipe d'E. Isolauri d'abord dans un but thérapeutique puis à visée préventive. Très récemment cette équipe a publié une étude randomisée contre placebo dans la quelle Lactobacillus GG était administré chez la mère 2 à 4 semaines avant la naissance puis chez le nouveau-né pendant 6 mois, dans des familles à risque d'allergie (9). A deux ans les manifestations d'allergie étaient deux fois moins fréquentes dans le groupe traité que dans le placebo. Ce travail ouvre donc une piste très intéressante de prévention de l'allergie par une méthode simple. Avant un passage à la pratique il ne faut cependant pas négliger le fait que l'innocuité des probiotiques n'est peut-être pas totale notamment chez le nouveau-né (10)

Mots clés : Allergie - Prévention - Probiotiques

Références

1/ Businco L, Bruno G, Giampetro PG, Cantani A. Allergenicity and nutritional adequacy of soy protein formulas. J Pediatr 1992 ; 121 : S21-8.
2/ Commitee on Nutrition - American Academy of Pediatrics. Soy Protein-based formulas : recommendations for use in infant feeding. Pediatrics 1998 ; 101 : 148-53.
3/ Ragno V, Giampetro PG, Bruno G, Businco L. Allergenicity of milk protein hydrolysate formulae in children with cow's milk allergy. Eur J Pediatr 1993 ; 15 : 760-2
4/ Vandenplas Y, Hauses B, Van den Borre C. The long term effect of à partial whey hydrolysate formula on the prophylaxis of atopic disease. Eur J Pediatr 1995 ; 154 : 488-94
5/ Marini A, Agosti M, Motta G, Mosca F. Effescts of dietary and environmental prevention programm on the incidence of allergic symptoms in high risk atopic infants : three years follow-up. Acta Paediatrica 1996 ; 85 Suppl 414 : 1-22
6/ Chandra LK. Five year follow-up of high-risk infants with family history of allergy who were exclusively breast-fed or fed partial whey whey hydrolysate, soy and conventionnal cow's milk formulas. J Pediatr Gastoenterol Nutr 1997 ; 24 : 442-6
7/ Montgomery SM, Wakefield AJ, Morris DL, Pounder RE, Murch SH. The initial care of newborn infants and subsequent hayfever. Allergy 2000 ; 55 : 916-22
8/ Strachan DP. Hay fever, hygiene and household size. BMJ 1989 ; 299 : 1259-60
9/ Kalliomäki M, Salminen S, Arvilommi H, Kero P, Koskinen P, Isolauri E. Probiotics in primary prevention of atopic disease : a randomised placebo-controlled trial. Lancet 2001 ; 357 : 1076-9
10/ Murch SH. Toll of allergy reduced by probiotics. Lancet 2001 ; 357 : 1057-9