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Titre: L'accouchement du siege à terme Les arguments pour la césarienne de prinicipe
Année: 1999
Auteurs: - Raudrant D.
Spécialité: Obstétrique
Theme: Présentation par le siége

L’ACCOUCHEMENT DU SIEGE A TERME
 PLACE DE LA CESARIENNE SYSTEMATIQUE

D. RAUDRANT*, F. VAUDOYER*, F. GOLFIER*, F. CHAMPION*

Service de Gynécologie-Obstétrique, Hôpital Hotel Dieu, 61 quai Jules Courmont,

69288 Lyon Cédex 02 .

Les résultats d'une étude de cohorte historique de 1116 cas et revue de la littérature

HISTORIQUE

RAPPELS OBSTETRICAUX

MATERIEL ET METHODES

- les résultats maternels

- les résultats foetaux

LA POPULATION ETUDIEE

- comparaison des deux groupes

- les caractéristiques du groupe césariennes prophylactiques

- les caractéristiques du groupe voies basses acceptées.

LES RESULTATS FOETAUX

LES RESULTATS MATERNELS

L'ANALYSE DES FACTEURS DE RISQUES

- le groupe voie basse acceptée

1 - le rôle de la présentation dans le groupe voie basse acceptée
2 - le rôle de la parité
3 - le rôle de la durée de l'expulsion
4 - La rétention de tête dernière

- le groupe césariennes prophylactiques

- le moment de la décision de la césarienne

- le mode d'anesthésie

DISCUSSION

CONCLUSION

REMERCIEMENTS

BIBILIOGRAPHIE

La présentation du siège a toujours déclenché des débats passionnés quant à sa prise en charge .

L'accouchement en présentation du siège a toujours la réputation de s'accompagner d'une mortalité et d'une morbidité 4 à 6 fois plus élevée qu'en présentation céphalique.

La maxime " il n'est pas bon d'entrer dans la vie à reculons" date du XIXème siècle.

Dès 1956, HALL et KOHL puis en 1959 , WRIGHT, proposent la césarienne systématique en cas de présentation du siège.

En 1993, la FIGO a préconisé à l'issue d’une conférence de consensus un emploi large de la césarienne en cas de présentation du siège dans les pays développés. Elle ne condamne pas explicitement l'accouchement par voie basse, mais les conditions de réalisation de cet accouchement sont draconiennes.

En France, la césarienne systématique en cas de présentation du siège n'est pratiquement pas préconisée. Pourtant, le taux de césariennes prophylactiques ou au cours du travail augmente régulièrement sans que l'on puisse apprécier clairement les éventuels bénéfices pour l'enfant et la morbidité pour la mère.

L'idéal serait de pouvoir disposer d'analyses prospectives randomisées comparant les deux intentions de traiter : la césarienne prophylactique et l'acceptation de la voie basse, que l'issue en soit la voie basse ou la césarienne en cours de travail.

Malheureusement les études randomisées sont très rares et l'échantillonnage est faible.

Pour de nombreuses raisons, (éthique, inexpérience de la voie basse) il est très probable qu'il n'y aura pas dans le monde de grand essai randomisé et qu'il faudra se baser sur les résultats des méta analyses, comparant la césarienne prophylactique et la tentative de voie basse quelle qu'en soit l'issue.

RAPPELS OBSTETRICAUX

Les auteurs anglo-saxons ont simplifié la terminologie en individualisant le siège décomplété mode des fesses ou frank breech .Toutes les autres présentations sont regroupées et intitulées non frank breech. Elles correspondent pour la plupart au siège complet.

Cette tendance à la simplification existe également en France puisque l'analyse des dossiers ou des publications montrent que seuls les termes siège décomplété ou de siège complet sont employés.

Deux variétés de présentations pourtant bien individualisables anatomiquement sont rarement décrites: il s'agit de la présentation décomplétée mode des pieds (footling breech) et la présentation décomplétée mode des genoux.

Dans ces deux présentations, les jambes plus ou moins "dépliées" sous le siège se présentent en premier au détroit supérieur.

Ces présentations ont la réputation de s'accompagner d'un taux plus élevé de complications (procidence du cordon). Lorsqu'elles ne sont pas reconnues ou individualisées, elles sont regroupées avec les sièges complets.

MATERIEL ET METHODES

Nous avons réalisé une étude de cohorte historique concernant tous les accouchements de foetus uniques en présentation du siège à terme dans les quatre maternités des Hospices Civils de Lyon , (HCL) ,du 1er Janvier 1991 au 31 Décembre 1995.

Ces quatre maternités sont localisées dans quatre sites différents de la Communauté Urbaine de Lyon : l'hôpital de la Croix-Rousse, l'hôpital Edouard Herriot, l'hôpital de l'Hotel Dieu et le Centre Hospitalier Lyon Sud.

Du 1er Janvier 1991 au 31 Décembre 1995, les quatre maternités des HCL ont réalisé 46382 accouchements, ce qui représente une moyenne de 9276 accouchements par an.

Le problème de l'accouchement du siège prématuré est pratiquement résolu pour tous et nous n'avons voulu étudier que l'accouchement en présentation du siège à terme entre 37 et 42 semaines révolues. Nous avons également éliminé les grossesses multiples : 1135 présentations du siège ont été individualisées du 1er Janvier 1991 au 21 Décembre 1995.

L'identification des cas a été possible grâce au système informatique GEMA V2 des HCL.

Pour ne prendre en compte que le rôle de l'accouchement sur l'état du foetus, nous avons exclu tous les dossiers où il existait une pathologie maternelle ou foetale risquant d'interférer sur l'état de la mère ou de son enfant à la naissance.

Nous avons ainsi exclu 19 dossiers : 6 pour raisons maternelles : 4 diabètes, 1 hypertension sévère, 1 traumatisme maternel ; 12 pour raisons foetales : 5 syndromes malformatifs, 6 retards de croissance intra utérin constaté après la naissance (poids< 2000 g), 1 infection toxoplasmique sévère. 1116 présentations du siège ont donc pu être analysées.

Le but de l'étude était de comparer les effets sur la mère et son enfant de deux "intentions de traiter" c'est à dire :

1 - la césarienne prophylactique en cas de présentation du siège ;

2 - l'acceptation de tentative d'accouchement par voie basse, que l'issue soit réellement un accouchement par voie basse ou une césarienne.

Tous les dossiers obstétricaux ont été revus afin d'être classés dans le groupe césarienne prophylactique ou acceptation de voie basse, l'issue des accouchements n'étant pas encore analysée.

Nous avons réalisé ainsi une étude de cohorte historique.

La décision de césarienne prophylactique était prise soit à la consultation du 9ème mois, soit lors de consultations supplémentaires au voisinage du terme soit à l'entrée en salle de travail, l'accoucheur de garde refusant la tentative d'accouchement par voie basse.

L'acceptation de voie basse était prise de la même façon, soit à l'occasion des consultations du 9ème mois ou du voisinage du terme. Elle est de toute façon confirmée par l'accoucheur de garde, à l'entrée en salle de travail.

Dans ce groupe, les patientes accouchent soit par voie basse, soit par césarienne réalisée en urgence. Les critères de jugements ont été les suivants :

Les résultats maternels :

- La mortalité maternelle a été étudiée selon les définitions de l'O.M.S

- La morbidité maternelle :

L'énumération des différents complications pouvant survenir rend toute comparaison impossible. Ces complications ont été regroupées en trois groupes :

  • les complications mineures : hyperthermie isolée, cystites,
  • les complications moyennes : pyélonéphrites, endométrites, complications de paroi, traumatismes modérés liés aux manoeuvres obstétricales ou chirurgicales.
  • les complications sévères : transfusions, thromboses veineuse profondes, troubles de la coagulation, les plaies digestives ou autres traumatismes graves.

- Les résultats foetaux :

- La mortalité :

Nous avons regroupé la mortalité per partum et néonatale.

- La morbidité :

Nous avons étudié les paramètres suivants :

• L'acidose

ph < 7,20

• Les détresses respiratoires :

- initiales : APGAR < 7 à 1 minutes

- persistantes : APGAR < 7 à 5 minutes

• La réanimation en salle de travail :

Intubation et massages externes ont été retenus.

• Les traumatismes obstétricaux.

• Les mutations en service de soins intensifs ou de réanimation néonatale

• Les troubles neurologiques mineurs ou sévères.

 

Parmi les 1116 patients retenues, 628 étaient des primipares, 488 des multipares.

- 782 foetus étaient en présentation du siège décomplété, les 334 autres étaient en présentation du siège complet (315) ou complet atypique (19).

la population étudiée

Les présentations du type mode des pieds ou mode des genoux ne sont pas individualisées dans les dossiers et sont regroupées avec les sièges complets.

La version par manoeuvre externe est habituellement proposée à Lyon, mais les contre-indications à la tentative semblent nombreuses.

Sur les 1116 présentations du siège à terme, la VME avait été contre indiquée dans 466 cas. Le nombre d'échec de VME était de 446 , le nombre de réversion de 10.

Dans les autres cas, la VME n'avait pas été proposée soit par oubli, (54) soit par méconnaissance de la présentation ( 140).

Le groupe des césariennes prophylactiques représente 702 patientes, (62,9 % des cas).

Le groupe acceptation de voie basse représente 414 patientes.

Parmi ces 414 patientes, 342 ont accouché par voie basse ( 82,6%), 72 ont accouché par césarienne, en urgence ( 17,4%).

Le groupe voie basse acceptée comptait :

- 287 foetus en présentation du siège décomplété

- 127 foetus en présentation du siège complet.

Comparaison des deux groupes.

L'âge moyen est le même dans les deux groupes : 29 ans.

Le taux de primipare est légèrement plus élevé dans le groupe césarienne prophylactique, 68 % contre 54 % dans le groupe voie basse acceptée et la différence est à la limite de la significativité ( p = 0,05).

Le taux de siège décomplété est de 70,5% dans le groupe césarienne prophylactique et de 69,3 % dans le groupe voie basse acceptée.

Le poids moyen des enfants est comparable dans les deux groupes, mais le pourcentage d'enfant de poids > 4000 g est trois fois supérieur dans le groupe césarienne prophylactique

Tableau I : Poids des enfants

poids

cesarienne prophylactique

voie basse acceptee

moyen

3206

3164

maximum

4460

4800

 

Les caractéristiques du groupe césariennes prophylactiques ( 702 patientes)

Le taux de césariennes prophylactiques est élevé, 62, 9 % . Les indications sont souvent multiples et pas toujours argumentées. Nous avons retenu l’indication principale.

On peut distinguer :

- les indications maternelles : 521 cas dont 58 % de bassin rétréci et 23 % d'utérus cicatriciels

- et les indications foetales : 161 cas dont 76 % de suspicion de macrosomie.

L'anesthésie : il s'agissait d'une anesthésie locorégionale péridurale ou rachianesthésie dans 76, 5 % des cas, d'une anesthésie générale dans 23,5 % des cas.

L'issue de la grossesse : paradoxalement, 7 patientes ont accouché par voie basse dans ce groupe. Il s'agit de patiente dont la césarienne était programmée. Elles se sont présentées en salle de travail avec une présentation du siège à la vulve et ont accouché avant d'être installées au bloc opératoire. Logiquement, ces 7 accouchements " accidentels " doivent être comptabilisés dans le groupe césarienne prophylactique. Ils alimenteront le chapitre discussion.

Les caractéristiques du groupe voie basse acceptée ( 414 patientes )

Parmi les 342 patientes qui ont accouché par voie basse, le taux d'anesthésie péridurale a été de 46 % .

Le taux d'épisiotomie est de 83 %.

Le nombre d'efforts expulsifs est connu dans 107 dossiers seulement : 1 seul effort expulsif est mentionné dans 29 cas, soit 27 % des cas.

Le mode d’accouchement du groupe voie basse acceptée :

- Il y a eu 42 accouchements spontanés sans aucune manoeuvre .

- 266 manoeuvres comportent une simple assistance au dégagement de la tête ( BRACHT) ou des épaules ( manoeuvres de DEVENTER- MÜLLER ou de LOVSET) .

- Il y a eu 40 manoeuvres plus complexes dont des manoeuvres de MAURICEAU ou de VIEGAND- MARTIN ou des forceps sur tête dernière (22), des manoeuvres de réduction de relèvement des bras ou des grandes extractions du siège ( 5).

Les césariennes au cours du travail sont au nombre de 72. Elles sont motivées par une suspicion de souffrance foetale dans 34 cas, dont 15 pour procidence du cordon .

Les échecs de la dilatation représentent 33 cas, les échecs des efforts expulsifs représentent 5 cas.

La présentation du siège complet conduit à la césarienne en cours de travail une fois et demi plus souvent que la présentation en siège décomplété essentiellement à cause des procidences du cordon.

LES RESULTATS FOETAUX

Ils sont mentionnés dans le tableau II :

Tableau II : Résultats foetaux

 

voie basse acceptée en %

césarienne prophylactique en %

p

Mortalité

APGAR < 7 à 1minute

APGAR< 7 à 5 minutes

Intubation

Massage cardiaque

externe

Acidose (pH < 7,20 )

Troubles neurologiques

mineurs

sévères

Traumatismes obstétricaux

Mutations néonatalogie

n = 1

16,2

2,2

3,14

 

3,41

17

 

1,7

0,5

 

3,6

5,1

n = 0

8,1

0,7

0,43

 

1

10,4

 

0

0

 

0,8

1,6

 

 

0,01

0,03

 

 

 

0,01

0,01

 

 

 

 

 

0,01

0,02

 

 

Tous les paramètres pris en compte sont en défaveur du groupe voie basse acceptée.

- Le seul décès est survenu en période néonatale, dans le groupe voie basse acceptée, à la

suite d'une procidence du cordon sur siège complet qui a été césarisé en urgence ou au cours du travail.

- Les coefficients d'APGAR < à 7 à 1 minute se rencontrent deux fois plus souvent dans le groupe voie basse acceptée. Ce n’est pas un paramètre suffisant pour affirmer la souffrance foetale.

Les APGAR < à 7 à 5 minutes correspondent aux détresses respiratoires vraies. Ils se rencontrent trois fois plus souvent dans le groupe voie basse acceptée.

- Parallèlement, la presque totalité des intubations se retrouvent dans ce groupe (13 fois) alors que 3 enfants seulement ont été intubés dans le groupe césarienne prophylactique.

- Le pH n'a pu être mesuré que dans 679 observations, mais le ratio des acidoses est de 1,7 pour le groupe voie basse acceptée.

- Les troubles neurologiques, mineurs ou sévères ne se sont rencontrés que dans le groupe voie basse acceptée. Ils correspondent à des troubles persistants du tonus pour les troubles mineurs, à des crises convulsives pour les troubles sévères. Nous ne disposons que des renseignements concernant l'évolution à cours terme. Elle a été favorable dans tous les cas, mais nous n'avons pas le suivi à long terme des enfants.

Une paralysie du plexus brachial est survenue une fois dans chaque groupe. Elles ont été comptabilisées dans les traumatismes obstétricaux. Dans les deux cas cette paralysie a été spontanément résolutive.

Les traumatismes foetaux surviennent beaucoup plus volontiers par voie basse mais la césarienne ne met pas le foetus complètement à l'abri, (plaie due au bistouri, extraction difficile).

Les résultats maternels

Ils sont résumés dans le tableau III

Tableau III : Résultats maternels

Complications

Voie basse acceptée en %

Césarienne prophylactique en %

p

Mineures

Moyennes

Sévères

2,4

4,1

1,7

6,7

5,1

0,9

0,01

0,45

0,13

 

La répartition globale des complications est en défaveur de la césarienne prophylactique, 12,7% contre 8,2 % pour le groupe voie basse acceptée (p = 0,02) mais l'analyse de ces complications montrent qu'elles sont surtout représentées par les complications mineures : hyperthermie isolée ou infection urinaire.

Les complications les plus sévères se rencontrent plus souvent dans le groupe voie basse acceptée essentiellement dans le sous groupe césarienne en urgence : 6 complications moyennes et deux complications sévères parmi ces 72 césariennes.

l'analyse des facteurs de risques

- Le groupe voie basse acceptée

Nous avons analysé dans ce groupe, quatre paramètres pouvant influencer le pronostic foetal.

1 - Le rôle de la présentation dans le groupe voie basse acceptée.

Il y avait 287 foetus en présentation du siège décomplété et 127 foetus en présentation du siège complet. Les résultats sont mentionnés dans le tableau IV

Pour simplifier la présentation, nous avons intitulé " détresse respiratoire à 5 minutes " les APGAR< 7 à 5 minutes et / ou les manoeuvres de réanimation:intubation, massage cardiaque externe.

Tableau IV : Le rôle de la présentation

Voie basse acceptée

Siège décomplété

Siège complet

p

APGAR < 7 à 1 minute

Détresse à 5 minutes*

14, 3

3, 1

20, 8

6, 3

0.01

0.05

 

*APGAR < 7 à 5 minutes et/ou réanimation

La détresse foetale vraie à 5 minutes se rencontre deux fois plus souvent en cas de siège complet.

Elle est essentiellement le fait des procidences du cordon. 17 des 18 procidences du cordon sont survenues en cas de présentation du siège complet.

La procidence complique 7,7 % des accouchements en présentation du siège complet et seulement O,7 % des accouchements en présentation du siège décomplété.

Elle est responsable de 40 % des souffrances foetales pendant le travail.

2 - Le rôle de la parité .

Il y avait 222 primipares et 192 multipares dans le groupe voie basse acceptée.

Les résultats foetaux sont mentionnés dans le tableau V.

Tableau V : Le rôle de la parité

Voie basse acceptée

primipares

en %

multipares

en %

p

APGAR < 7 à 1 minute

Détresse à 5 minutes*

19, 4

3, 6

12,5

5,2

ns

ns

 

 

*APGAR < 7 à 5 minutes et/ou réanimation

Aucune différence n'est significative. Les détresses foetales vraies à 5 minutes ont tendance à se rencontrer plus souvent chez les multipares du fait des procidences du cordon.

Lorsque l'accouchement est accepté par voie basse, la primiparité n'apparaît pas être un facteur de mauvais pronostic.

3 - Le rôle de la durée de l'expulsion.

Elle est connue avec précision dans 257 dossiers parmi les 342 accouchements par voie basse .

Tableau VI : La durée de l’expulsion

Voie basse acceptée

Expulsion < 15 minutes

Expulsion > 15 minutes

p

APGAR < 7

à 1 minutes

14,7

43,6

 

0,01

 

Détresse à 5 minutes*

 

3,2

 

15,4

 

0,01

*APGAR < 7 à 5 minutes et/ou réanimation

Une expulsion longue augmente très sensiblement le risque foetal . Cette augmentation du risque peut être expliquée par la durée de la phase d'expulsion elle-même mais aussi par les manoeuvres obstétricales qui vont devoir être pratiquées.

4 - La rétention de tête dernière :

31 cas sont comptabilisés. Cette complication survient dans 7,5 % des cas, quand la voie basse est acceptée. Elle est par contre responsable de 5,6 % des détresses à 5 minutes . Les facteurs de risques sont :

- la primiparité, 10,3 %, contre 4,4 % pour les multipares (p = 0,05).

- Le poids de naissance : le risque est accru s’il est supérieur à 3500 g.

Le groupe césarienne prophylactique :

Nous avons analysé un paramètre pouvant influencer le pronostic foetal : le mode d'anesthésie.

Tableau VIII : Le mode d’anesthésie

Césarienne prophylactique

Anesthésie locorégionale

en %

Anesthésie générale

en %

p

APGAR<7 à 1 minutes

Détresse à 5 minutes*

2,25

 

0

 

 

11,7

 

1,3

0,01

*APGAR < 7 à 5 minutes et/ou réanimation

Les avantages de l'anesthésie loco-régionale pour l’état des enfants sont admis par tous. Un coefficient d'APGAR bas en cas d'anesthésie générale correspond à la plupart du temps à des nouveaux nés endormis mais qui vont de ce fait nécessiter des gestes de réanimation.

DISCUSSION

Si nous avions de 1991 à 1995 eu une politique de césarienne systématique en cas de présentation du siège, il y aurait eu 342 césariennes supplémentaires. Le pourcentage des césariennes au HCL se serait élevé par contre de 0,73 %.

Dans ce cas, on peut penser que les 414 patientes du groupe voie basse acceptée auraient eu les résultats foetaux du groupe césarienne prophylactique.

Un décès néonatal aurait été évité de même que 12 détresses respiratoires avec APGAR < 7 à 5 minutes , 11 intubations, 9 troubles neurologiques plus ou moins sévères, 14 mutations en réanimation néonatale.

Il faut reconnaître que la césarienne prophylactique n'assure pas une sécurité foetale à 100 % : un certain nombre de procidences du cordon surviennent sur rupture prématurée des membranes et présentation du siège avant la date prévue pour la césarienne : la 39ème semaine pour la plupart.

Dans notre série, 1 procidence est survenue avant 39 semaines sur une patiente non en travail.

Il y aura toujours un certain nombre d'accouchements "accidentels" en présentation du siège avant la date prévue de la césarienne, (7 cas dans notre série).

Il s'agit en général d'accouchements rapides, mais cela suppose le maintient des connaissances de la mécanique obstétricale en cas de présentation du siège.

Nous n'avons pas analysé les études de coûts. Elles sont peu nombreuses. Il est certain que l'hospitalisation maternelle est un peu plus longue dans le groupe césarienne prophylactique, mais l'acceptation de voie basse s'accompagne d'un nombre supplémentaire de journée en réanimation néonatale. Elle génère l'occupation 24 H 00 / 24 H 00 d'équipes de garde complexes avec sage-femme, obstétricien, anesthésiste réanimateur et néonatologue dont les effectifs peuvent être allégés en cas de pratique plus large de la césarienne.

Nous avons comparé nos résultats aux études de la littérature. Seules deux études prospectives randomisées sont disponibles [3] , [5]. Les auteurs concluent qu'un accouchement en présentation du siège peut être raisonnablement tenté chez des patientes sélectionnées, mais le nombre des patientes qui ont accouché par voie basse est tellement faible ( 55 pour COLLEA, 31 pour GIMOVSKY), qu'il est impossible d'en déduire des conclusions valables.

De nombreuses études rétrospectives comparent l'accouchement en présentation du siège à la césarienne. Ces études sont difficilement exploitables car les césariennes en urgence pour échec de la tentative de voie basse pénalisent le groupe césarienne prophylactique.

Il existe par contre plusieurs études rétrospectives ou des méta - analyses comparant la césarienne prophylactique à l'acceptation de voie basse quelle qu'en soit l'issue.

Les populations étudiées ne sont certes pas toujours homogènes : des accouchements prématurés sont inclus dans certaines études, dans d'autres la voie basse n'est acceptée que pour les sièges décomplétés. Dans d'autres études, la voie basse est acceptée pour les sièges complets et décomplétés mais les sièges décomplétés mode des pieds ( footling breech) sont exclus.

L'attitude des auteurs est également variable lors de l'accouchement, un petit nombre d'auteurs ayant une pratique très large de la grande extraction du siège.

La méta-analyse de M. CHENG et de M. HANNAH [ 2 ] en 1993 est à ce jour l'étude de référence. Elles ont retenu 24 publications irréprochables sur le plan méthodologique, (et de langue anglaise ...) : 12 278 accouchements par le siège sont analysés dont 4198 césariennes prophylactiques et 8080 acceptations de voie basse.

Les résultats de cette étude sont présentés dans le tableau IX.

Tableau IX : La méta-analyse de M. CHENG [ 2 ]

 

 

Méta-analyse de CHENG

odds ratio intervalle de confiance

Notre étude

ratio

 


Mortalité périnatale corrigée


APGAR<7à 5 minutes


Traumatismes néonataux


Morbidité néonatale à court terme

Morbidité infantile à long terme

Morbidité et mortalité maternelle


3,86 2,22 - 6,69 p = 0,0



1,95 1,45 - 2,61 p = 0,05


3,96 2,76 - 5,67 p = 0,05

 

2,54 1,74 - 3,71 p = 0,05


2,88 1,04 - 7,97 p = 0,05


0,61 0,47 - 0,80 p = 0,05





3,14

 

4,5

 

6

non
étudiée


0,65

 

Les résultats foetaux sont comme les nôtres, tous en défaveur de l'acceptation de voie basse. Le devenir des enfants à long terme a pu être analysé dans ce travail : il faut reconnaître que les études sont peu nombreuses (n = 3), discutables sur le plan méthodologique, mais toutes sont en défaveur de l'acceptation de la voie basse.

Une deuxième méta - analyse est parue récemment [4] n'utilisant que des publications postérieures à 1980. Seules les publications présentant une méthodologie correcte de l'accouchement par voie basse ont été retenues. 8 publications sur 9 n'acceptent pas la voie basse en cas de déflexion de la tête, 4/9 en cas de siège complet. Les résultats sont les suivants.

Tableau X : La méta-analyse de GIFFORD [ 4 ]

 

Voie basse acceptée

en %

Césarienne prophylactique

en %

Mortalité

 

Atteintes foetales *

1

 

0,3

0,09

 

0,09

 

* Atteintes foetales : Hémorragie intra crânienne, paralysie du plexus brachial, fracture de la clavicule, paralysie faciale, lacération.

Les résultats maternels ne sont pas présentés dans cette méta-analyse. L'analyse des résultats de la littérature la plus récente donne toujours des résultats semblables.

A. LINDQVIST [ 8 ] analyse 6542 accouchements par le siège du registre Suédois des naissances. La mortalité dans les deux groupes est très faibles, 0,09% pour les accouchements du siège par voie basse et 0,05 % pour les accouchements du siège par césarienne.

Il parait difficile d'accepter les conclusions de l'auteur sur l'innocuité de la voie basse car si tous les décès des accouchements par voie basse semblent liés à l'accouchement, les deux décès du groupe césarienne correspond l'un à une listériose l'autre à une souffrance foetale en dehors du travail lié à une post-maturité de 12 jours.

Il semble qu'un essai randomisé international soit en train de se mettre en place au Canada, coordonné à Toronto [7]. 130 centres auraient déjà accepté de participer. La réalisation d'un essai randomisé très large permettrait de conclure, mais il ne semble pas certain que cet essai voit le jour.

Il n'est actuellement pas possible de préconiser une conduite à tenir dans l'accouchement du siège sans tenir compte des recommandation de la FIGO (committee on perinatal death).

Elles ont été établies au congrès de Rome en 1993 sous la présidence de V. KUNZEL.

Tout en reconnaissant le manque d'étude randomisées, elle signale un recours large à la césarienne prophylactique dans les pays industrialisés allant jusqu'à 90 % des cas.

Elle ne condamne pas formellement l'accouchement par voie basse mais les conditions de sa réalisation sont draconiennes.

- La version par manoeuvres externes doit être tentée pour la FIGO car elle permet de

diminuer la fréquence de la présentation du siège. Elle signale la nécessité d'avoir à faire

une césarienne en urgence lors de la réalisation de la manoeuvre dans 1 à 2 % des cas.

- L'appréciation du bassin osseux peut être clinique ou radiologique.

- Le poids foetal doit être estimé et une césarienne prophylactique doit être effectuée si ce poids est estimé > 3500 - 4000 g.

- La déflexion de la tête et le siège décomplété mode des pieds (footling) sont des contre-indications à la voie basse.

- Un siège haut, des conditions locales défavorables en début de travail sont des indications de césariennes.

- Lors de l'accouchement il doit être possible de réunir un obstétricien expérimenté, un anesthésiste, un néonatologue.

- Le monitoring foetal doit être continu pendant tous le travail.

- La rupture artificielle des membranes doit être la plus tardive possible.

- Les ocytociques doivent être utilisés pendant la phase d'expulsion.

- La pratique de l'épisiotomie est obligatoire.

- Il faut obtenir l'accouchement si possible en un seul effort expulsif.

- La grande extraction du siège est formellement contre indiquée.

Les experts de la FIGO reconnaissent qu'une généralisation de la césarienne en cas de présentation du siège s'accompagnera d'une perte des connaissances de la mécanique obstétricale. Ils conseillent un entraînement sur mannequin - il s'agit d'un voeu pieux quand on connaît la qualité des "trainers" disponibles -.

Les auteurs insistent sur l'information nécessaire des patientes et sur la nécessité de prendre en compte leurs préférences après information.

Un des facteurs limitants de la césarienne dans la présentation du siège est l'accroissement classique de la mortalité et de la morbidité maternelle liées à la césarienne.

La FIGO retient des taux de mortalité de 1/1500 césariennes. Le risque est donc multiplié par 3 par rapport à un accouchement par voie basse. Cette notion doit être pondérée, dans l’accouchement du siège car il existe une surmortalité des césariennes en urgence comparée au césariennes programmées.

Lorsque la voie basse est acceptée en cas de présentation du siège, dans toutes les séries le taux d'échec est élevé. Il est de 17,4 % dans notre série et atteint 57 % dans des publications de la méta-analyses de CHENG. Le bénéfice en terme de mortalité maternelle liée à l'acceptation de voie basse disparaît lorsque le taux d'échec des tentatives de voie basse augmente et donc qu'augmente parallèlement le taux des césariennes en urgence.

La morbidité maternelle est accrue du fait de la césarienne dans toutes les séries.

Cette augmentation de la morbidité se fait exclusivement aux dépens des complications mineures : hyperthermie isolée, infection urinaire. Les complications plus graves sont identiques dans les 2 groupes, les césariennes en urgence pénalisant le groupe acceptation de la voie basse.

CONCLUSION

A l'issue d'une étude de cohorte historique de 1116 accouchements en présentation du siège nous pouvons conclure que l'acceptation de voie basse en cas de présentation du siège

s'accompagne d'une élévation des risques pour le foetus, tant pour les détresses respiratoires que les traumatismes obstétricaux, les troubles neurologiques centraux, et les mutations en réanimation néonatale. Il ne semble pas qu’une politique de césarienne prophylactique systématique en cas de présentation du siège accroisse la mortalité et la morbidité maternelle car elle ferait disparaître la césarienne en urgence.

Ces pourcentages restent cependant faibles et surviennent avec une fréquence acceptable si l'on exclut l'accouchement en présentation du siège complet.

Toutes les études récentes de la littérature donnent des résultats foetaux semblables à celle de notre étude.

Nous reprenons à notre compte beaucoup des recommandations de la FIGO et nos conclusions sont les suivantes :

1 - on ne peut pas reprocher à un obstétricien de refuser une tentative d’accouchement du siège par voie basse et de préférer réaliser une césarienne prophylactique.

2 - Les conditions de l'acceptation de la voie basse doivent être très strictes: la patiente doit être informée des avantages et des risques liées à l'accouchement par voie basse et accepter ou demander un accouchement par les voies naturelles.

3 - La primiparité n’est pas une contre indication à l’acceptation de la voie basse.

4 - Le siège décomplété mode des pieds ( footling breech) doit pouvoir être individualisé du siège complet par l'obstétricien. S'il ne l'est pas, la césarienne prophylactique est recommandée en cas de présentation du siège complet.

5 - L'obstétricien ne peut tenter un accouchement par voie basse que si le bassin est cliniquement ou radiologiquement normal.

6 - La limite supérieure de l'estimation du poids foetal nous parait de 4000g avec les difficultés que l'on sait dans l'estimation du poids des macrosomes.

7 -Une tête défléchie, des conditions locales défavorables en début de travail doivent conduire à la césarienne.

8 - Pendant le travail, le monitoring doit être continu et la rupture artificielle des membranes la plus tardive possible.

9 - La pratique de l'épisiotomie doit être très large.

10 - La grande extraction du siège doit être proscrite.

Il est certain que si l'on applique de telles recommandations, la part laissée à l'accouchement par voie basse en cas de présentation du siège va se restreindre. Les résultats foetaux devraient en être améliorés, sans aggravation notable de la morbidité maternelle grave.

REMERCIEMENTS

Tous nos remerciements aux Chefs de service des trois autres maternités des Hospices Civils de Lyon qui ont permis l'analyse de leurs dossiers et la réalisation de ce travail :

- Le Docteur Ph. AUDRA que le sujet a toujours passionné

- Le Professeur M. BERLAND

- Le Professeur G. MELLIER

- Le Professeur R-C. RUDIGOZ

- Le Professeur J-M. THOULON

BIBLIOGRAPHIE

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